TROISIÈME PARTIE
UNE RÉGULATION PLUS EFFICACE
MAIS ENCORE DES LACUNES

La gestion des concessions autoroutières est encadrée par la loi et, surtout, par les contrats de concession conclus par l'État concédant avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA).

L'État contrôle l'exécution de ces contrats et le respect de leurs obligations par les SCA . Il assure le suivi des évolutions tarifaires et négocie avec les SCA les avenants aux contrats de concession et les contrats de plan .

Dans les années qui ont suivi la privatisation des SCA « historiques », la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence ont constaté un fort déséquilibre dans les relations entre l'État et ces sociétés principalement dû au fait que les contrats de concession n'avaient pas été suffisamment adaptés pour tenir compte du transfert au secteur privé de ces sociétés.

La Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence ont notamment alerté sur la rentabilité excessive dont bénéficiaient les SCA en raison de cette situation, ainsi que sur les risques concurrentiels de l'attribution sans mise en concurrence de marchés de travaux à des entreprises liées aux groupes auxquels elles appartiennent. En conséquence, elles ont appelé de leurs voeux un renforcement de la régulation du secteur .

Les services de l'État chargés du contrôle des SCA, c'est-à-dire la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports, à titre principal, mais également la direction générale du Trésor (DGT) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère chargé de l'économie et des finances, ont progressivement perfectionné les outils à leur disposition pour exercer cette mission.

Parallèlement, la loi « Macron », adoptée après la signature du protocole de 2015, a doté le secteur autoroutier concédé d'une autorité de régulation indépendante - l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), devenue Autorité de régulation des transports (ART) en 2019.

I. DES RELATIONS FORTEMENT DÉSÉQUILIBRÉES JUSQU'EN 2015

Le contrôle exercé par l'État sur les sociétés concessionnaire d'autoroutes (SCA) comporte plusieurs dimensions.

Le concédant doit en effet s'assurer de la qualité des travaux réalisés sur le réseau concédé et de l'état des infrastructures. Il doit également vérifier et valider le montant et les modalités des augmentations tarifaires annuelles. De manière générale, il peut être considéré que l'exercice de ces missions s'est amélioré au cours des années récentes.

Le concédant, qui est dans une relation contractuelle avec les sociétés concessionnaires, doit également être en mesure de s'assurer du respect des contrats de concession, de faire jouer les clauses qui défendent ses intérêts et de négocier des améliorations dans le cadre des contrats de plan et des avenants. Or, s'agissant des concessions « historiques », le concédant reste prisonnier de contrats très anciens, qui n'ont été aménagés tardivement qu'à la marge.

A. UN DÉSÉQUILIBRE DÉNONCÉ PAR LA COUR DES COMPTES ET L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Les contrats de concession fixent le cadre juridique des obligations respectives des parties et déterminent les relations entre celles-ci pour la durée de la concession. Leur négociation initiale est un enjeu d'autant plus crucial que la durée des concessions est particulièrement longue.

Or, les contrats des concessions historiques ont été établis entre les années 50 et 70 et n'ont pas été revus avant la privatisation. Le cadre qu'ils ont défini est marqué par un déséquilibre structurel de la relation entre l'État concédant et les SCA, ce qui ne soulevait pas de difficulté lorsque les sociétés étaient exclusivement à capitaux publics, mais n'est pas adapté à la régulation de concessions devenues privées.

1. Des contrats de concession qui n'ont pas été révisés préalablement à la privatisation

Ainsi qu'on l'a rappelé dans la première partie, le cadre juridique, fiscal et comptable des concessions historiques a été aménagé au début des années 2000, conformément aux exigences de la Commission européenne, pour le mettre en conformité avec le droit commun et le droit européen avant l'ouverture minoritaire du capital des SEMCA.

Pour autant, l'équilibre contractuel de la relation entre l'État-concédant et les concessionnaires n'a pas fait l'objet d'un réexamen en profondeur avant que ce processus d'ouverture minoritaire du capital ne soit engagé, ni même en 2006, préalablement à la privatisation .

Alors qu'il s'agit de concessions dont l'échéance est lointaine, ces contrats ne comportaient, jusqu'en 2015, ni clauses de rendez-vous, ni clauses de révision ou encore de plafonnement de la rentabilité. Il a en effet fallu attendre la négociation du Plan de relance autoroutier (PRA) en 2014-2015 209 ( * ) pour que l'État tente, avec difficultés, de rééquilibrer ces contrats dans le cadre de la négociation du protocole d'accord avec les SCA historiques.

Lors de son audition par la commission d'enquête, Dominique de Villepin , qui a décidé la privatisation des SCA historiques en 2006, a indiqué à cet égard : « Peut-être aurait-il fallu revoir alors le cahier des charges et les contrats eux-mêmes. », avant d'ajouter « Lorsque nous héritons de la situation, en 2005-2006, il est presque trop tard : les sociétés ont toutes des actionnaires minoritaires . Le dispositif qui régissait les conventions réglementées et le dispositif d'obligation, pour les représentants de ces sociétés, en tant que mandataires sociaux, de respecter l'intérêt de l'entreprise » faisaient que « nous n'étions donc pas totalement libres de nos choix à l'époque, compte tenu du droit des sociétés et du contexte dans lequel nous agissions . »

Le fait que les relations entre le concédant et les concessionnaires n'aient pas fait l'objet d'un rééquilibrage lors du lancement de ces opérations a ensuite fortement limité la capacité de négociation de l'État . Toute tentative de modification des contrats eux-mêmes de nature à impacter les résultats des SCA s'est en effet systématiquement heurtée à des objections tirées de la force obligatoire du contrat pour les parties , y compris lorsque la modification intervenait par voie unilatérale (par exemple en matière fiscale) au motif qu'elle modifiait l'équilibre du contrat .

S'étant lui-même placé dans une position de faiblesse, l'État n'a pas véritablement pu mettre à profit la négociation ultérieure d'avenants portant sur de nouveaux travaux, alors même que ceux-ci prévoyaient un allongement de la durée de la concession, assorti ou non d'une majoration temporaire des tarifs.

Lors de son audition par la commission d'enquête la ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne , qui était directrice du cabinet de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, a évoqué « le péché originel de contrats trop anciens et passés initialement avec des sociétés publiques ».

Elle observe à cet égard qu'« on peut s'étonner que cette évolution n'ait pas été précédée d'une révision des contrats. Contrairement à ce que l'on observe généralement dans les actifs régulés, ces contrats ne font en effet pas l'objet d'un recalage périodique de la rentabilité entre le concédant et les sociétés concessionnaires. Ils ont été conclus entre les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA) et l'État, mais régissent aujourd'hui des relations avec des groupes privés cotés dont la logique est différente. Cela explique les questions récurrentes sur le déséquilibre entre concédant et concessionnaire . » 210 ( * )

2. Des sociétés concessionnaires peu encadrées par le concédant

Comme on l'a rappelé dans la première partie, la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence, saisies par la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont mis l'accent sur le déséquilibre des relations entre l'État et les sociétés d'autoroutes.

a) La Cour des comptes estime que l'État est en position de faiblesse
(1) Un rapport qui fait suite à de premières alertes

Dès avant la privatisation des sociétés historiques, la Cour déplorait dans son rapport annuel de 2003 que la durée des concessions « contribue à rigidifier pour très longtemps l'organisation du système autoroutier et rend difficiles des réformes qui pourraient encore être nécessaires.». Elle invitait en conséquence à « une réflexion sur la durée des concessions » avant de prochaines attributions 211 ( * ) .

Au vu de la durée des nouvelles concessions attribuées depuis 2003, qui est en moyenne de 65 ans, et de la politique d'allongement des concessions existantes qui a été poursuivie en 2009 et 2015, force est de constater que la Cour n'a pas été entendue sur ce point.

Deux ans plus tard , dans le cadre du suivi de son rapport de 2003, la Cour des comptes formulait une autre recommandation quant à la nécessité que l'État fasse montre de « la plus grande rigueur dans l'établissement des documents contractuels » au vu du « développement des concessions autoroutières avec des sociétés à capitaux privés sur le modèle de Cofiroute . » 212 ( * )

(2) L'État n'est pas assez exigeant

Dans sa communication de 2013 213 ( * ) , la Cour note en premier lieu que l'État apparait en position de faiblesse dans les négociations avec les SCA . Le concédant n'est véritablement représenté que par un seul service, la sous-direction de la gestion du réseau autoroutier concédé de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports. Cette sous-direction négocie en effet quasiment seule avec les sociétés concessionnaires et dans un cadre peu formalisé . La Cour regrette de plus que le ministère de l'économie et des finances soit relativement peu impliqué, alors que de véritables mandats de négociation interministériels auraient été nécessaires lors de la conclusion des contrats afin de revenir à un équilibre des forces entre concessionnaires et concédant.

Ce rapport de forces est d'autant plus déséquilibré que, selon la Cour, les autres instances alors chargées de représenter l'État ou les usagers - le comité des usagers du réseau routier national et la commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes et d'ouvrages d'art - n'ont pas pu suffisamment joué leur rôle .

Évoquant les contrats de plan signés au cours de cette période, la Cour note qu'ils ont donné lieu à 1,2 milliard d'euros d'investissements supplémentaires par les SCA, compensés par des hausses de tarifs, mais que les opérations concernées n'étaient cependant pas toujours utiles, voire relevaient des obligations normales des SCA .

Les hypothèses économiques et les taux de rentabilité utilisés lors des négociations lui paraissent en outre très favorables aux SCA. Le modèle économique est en effet construit de telle sorte que tout investissement est compensé par une hausse de tarifs et que les bénéfices n'ont pas à être réinvestis , ce qui ne peut que conduire à une hausse constante et continue des tarifs et à un taux de rentabilité élevé.

Enfin, principal regret de la Cour des comptes, l'État ne se montre pas assez exigeant en cas de non-respect de leurs obligations par les concessionnaires . La Cour déplore à cet égard l'utilisation limitée que le concédant a pu faire des instruments prévus dans les contrats de concession, en particulier les pénalités et les sanctions qu'il peut infliger. Elle suggère que l'État subordonne désormais la négociation des contrats de plan au respect par les concessionnaires de leurs obligations contractuelles initiales.

(3) Les réponses peu convaincantes des SCA

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes, interrogées dans le cadre d'une procédure contradictoire par la Cour des comptes, ont réagi à la publication du rapport par le biais d'un communiqué de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) . Celui-ci ne procède pas à une réfutation des points essentiels ni de la méthode du rapport . Les concessionnaires se contentent en effet de regretter « que le rapport de la Cour des Comptes, par ses conclusions négatives, jette le discrédit sur un système qui a toujours satisfait à ses engagements, et porte en lui des atouts pour le futur » 214 ( * ) .

Plus particulièrement, l'ASFA revient sur l'existence d'un risque trafic , en précisant que les conséquences de la crise économique de 2008-2009 se font toujours sentir en 2013. Elle souligne que le niveau du trafic des poids-lourds, qui est le plus sensible à la contraction de l'activité économique du fait de sa forte élasticité aux échanges, est alors au même niveau qu'en 2002, avant de conclure que « rien n'est moins fondé que de diffuser l'idée suivant laquelle, depuis la privatisation, les rapports entre l'État et ses concessionnaires se sont déséquilibrés, comme on pourrait le comprendre au vu du rapport présenté par la Cour des comptes ».

b) L'Autorité de la concurrence dénonce une rentabilité excessive

Le Conseil de la concurrence avait rendu un premier avis sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes en 2005 215 ( * ) , centré sur les opérations de privatisation en cours à l'époque. Il y précisait « qu'il n'a naturellement pas pour rôle d'effectuer la synthèse de tous les intérêts publics concernés par l'opération de privatisation envisagée ».

Dans son avis du 17 septembre 2014 216 ( * ) , l'Autorité de la concurrence, qui lui a succédé, aborde la question de la régulation des concessions autoroutières par l'État.

(1) Le constat d'une « rente autoroutière »

L'Autorité de la concurrence analyse les lacunes de la régulation des concessions autoroutières par l'État et constate que celles-ci ont permis une rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires, qui n'est justifiée ni par le niveau de risque auquel celles-ci sont exposées, ni par le montant de leur dette.

L'Autorité considère que la privatisation est intervenue au moment où la rentabilité était assurée, ce qui a permis aux SCA de verser 14,9 milliards d'euros de dividendes entre 2006 et 2013 , soit un montant supérieur au prix d'achat des concessions (hors reprise de la dette qui s'élève à vingt milliard d'euros). Le chiffre d'affaires a progressé sur cette période plus vite que les charges (les charges externes et de la dette ont baissé tandis que les charges de personnel ont faiblement augmenté), ce qui a conduit les SCA à bénéficier d'une marge nette comprise entre 20 et 24 % .

L'Autorité souligne également que les sociétés sont le plus souvent en situation de monopole à l'égard des usagers, et que le risque lié à l'évolution du trafic est limité . Compte tenu de la maturité du réseau, elle estime que les SCA ne devraient pas faire face à l'avenir à des charges exceptionnelles ou imprévisibles.

L'Autorité relève également plusieurs lacunes dans l'attribution des marchés par les sociétés concessionnaires. En effet, si celles-ci semblent globalement respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence, les marchés de travaux en particulier sont attribués pour une large part à des entreprises liées. Sur la période 2006-2013, 35 % en moyenne des marchés de travaux ont ainsi été attribués à une entreprise liée.

L'Autorité de la concurrence souligne à cet égard que certaines techniques de pondération du critère du prix dans l'attribution des marchés sont susceptibles de conférer une importance déterminante au critère subjectif de la valeur technique de l'offre. Elle observe toutefois que, bien que susceptibles de présenter des risques concurrentiels, ces pratiques sont largement dénuées d'effet sur le tarif des péages, dont l'évolution est fixée sur la base d'une estimation ex ante du coût des investissements prévus par les contrats de plan, et non sur leur coût réel.

L'Autorité de la concurrence formule plusieurs recommandations afin d'améliorer la régulation du secteur. Elle propose en particulier la création d'une autorité indépendante qui formulerait un avis sur l'opportunité de signer des avenants et sur leur contenu.

Elle propose, par ailleurs, de modifier les modalités de fixation du tarif des péages, en élaborant une nouvelle formule d'indexation qui prendrait davantage en compte l'activité des SCA et notamment l'évolution du trafic.

Concernant la passation des marchés de travaux, elle estime que les obligations imposées aux concessionnaires devraient être renforcées , notamment en abaissant à 500 000 euros HT le seuil de mise en concurrence. L'Autorité recommande en outre de privilégier l'appel d'offres ouvert pour les marchés de travaux techniquement simples, et d'instituer des procédures tendant à prévenir les échanges d'informations entre les filiales autoroutières et les celles de travaux publics .

Plus particulièrement, elle recommande de modifier le cahier des charges de Cofiroute afin que la société soit soumise aux mêmes obligations de publicité et de mise en concurrence que les autres SCA.

L'Autorité de la concurrence préconise enfin d'instituer une obligation de réinvestissement partiel des bénéfices dans l'infrastructure autoroutière et d'introduire une clause de partage des résultats si le chiffre d'affaires s'avère supérieur à un certain seuil.

Synthèse des recommandations de l'Autorité de la concurrence

Source : Autorité de la concurrence

(2) Une méthodologie inadaptée au calcul de la rentabilité

Le rapport de l'Autorité de la concurrence a fait l'objet de sévères critiques.

Bruno Angles, qui représentait les SCA historiques lors de la négociation du protocole de 2015, a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, qu'un membre de l'exécutif, qu'il n'a pas nommé, aurait qualifié ce rapport de « mélange d'incompétence et de malveillance » 217 ( * ) . Il a également affirmé que l'Autorité de la concurrence aurait été mise « en très grande difficulté » pour justifier les affirmations énoncées dans son rapport.

Les reproches adressés au rapport de l'Autorité de la concurrence par les sociétés concessionnaires d'autoroutes lors de sa réception portent essentiellement sur l ' analyse économique de la rentabilité des concessions .

Pour la déterminer, l'Autorité s'est concentrée sur les marges nettes annuelles des SCA. Or si celles-ci se situent bien entre 20 et 24 % entre 2006 et 2013, encore faudrait-il qu'elles correspondent à la rentabilité nette des SCA. Les concessionnaires estiment que la marge nette n'est pas un indicateur adapté, et mettent en avant le fait que la rentabilité d'une concession ne peut être pleinement mesurée qu'à la fin de celle-ci en établissant le taux de rentabilité interne (TRI) sur l'ensemble de sa durée. Pour les concessionnaires, l'Autorité de la concurrence a donc commis une erreur de méthode qui fausse l'analyse des données chiffrées du rapport et résulte d'une mauvaise compréhension du système de la concession.

Le constat du décalage entre ces deux conceptions persiste plus de six ans après la parution de l'avis de l'Autorité de la concurrence.

Son rapporteur général adjoint, Umberto Berkani, qui fut le co-rédacteur du rapport, a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, que l'Autorité s'est contentée de répondre à la question posée par la commission des finances de l'Assemblée nationale , en particulier afin de déterminer si l'évolution des tarifs autoroutiers respectait bien les règles tarifaires et si elle était proportionnée aux risques encourus par les sociétés d'autoroutes.

Quant au calcul des TRI , il précise qu'il a volontairement été écarté , la mission confiée ne nécessitant pas de s'intéresser à cet indicateur - sauf à vouloir se prononcer sur la privatisation, ce qui ne relevait pas de son mandat : « nous avons retenu le bon indicateur pour répondre à la question qui nous était posée et qui était centrée sur l'activité des SCA, les risques qui lui sont liées ainsi que les modalités de tarification et de régulation des tarifs et des marchés passés par les SCA » 218 ( * ) .

Une seconde critique majeure adressée au rapport par les sociétés concessionnaires est l'absence de contradictoire .

Lors de son audition par la commission d'enquête, Bruno Angles, négociateur désigné par les sociétés d'autoroutes, a indiqué avoir rencontré des difficultés pour obtenir une réunion contradictoire avec l'Autorité de la concurrence . À la demande du ministre de l'économie, Emmanuel Macron, une réunion s'est tenue finalement le 18 décembre 2014, soit trois mois après la publication du rapport, sous l'égide de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). M. Angles a déclaré qu'il « est alors apparu au cours de cette réunion, de façon assez flagrante, que l'Autorité de la concurrence s'était trompée ».

Cette affirmation est fermement écartée par l'Autorité de la concurrence, qui rappelle tout d'abord que le contradictoire est nécessaire dans le cadre des procédures contentieuses, mais non lorsqu'elle est saisie pour avis . L'Autorité assure par ailleurs avoir interrogé les SCA sur un certain nombre d'éléments factuels et d'éléments d'appréciation , ainsi que sur l'indicateur à retenir pour apprécier les résultats de leur activité . L'avis mentionne d'ailleurs que les sociétés concessionnaires ont collaboré en fournissant les informations qui leur étaient demandées.

L'Autorité de la concurrence rappelle par ailleurs que la procédure a été déterminée par les limites de son champ de compétences . Selon son rapporteur général adjoint, elle ne s'est pas placée dans une démarche quasi-contentieuse d'analyse globale de la rentabilité des concessions , ce qui aurait impliqué d'empiéter sur les pouvoirs d'autres institutions administratives ou politiques.

Les travaux de l'Autorité de la concurrence ne sont pas exempts de défauts et certaines des limites soulignées par les SCA ne peuvent être contestées . Les analystes financiers s'accordent en effet sur la nécessité, dans le cadre du modèle concessif, d' appréhender le TRI des concessions comme principal indicateur de leur rentabilité , et non les marges annuelles ou le chiffre d'affaires .

Ce rapport a cependant eu le mérite de mettre en avant la faiblesse de la régulation des concessions historiques par l'État en 2013-2014 et de servir de support de discussion pour l'établissement d'une nouvelle relation entre les sociétés concessionnaires et le concédant.


* 209 Voir infra .

* 210 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, directrice du cabinet de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, le 24 juin 2020.

* 211 Rapport public annuel 2003 , La réforme de la politique autoroutière , p. 335.

* 212 Rapport public annuel 2005 , L'exécution des contrats de concession passés entre l'État et la Compagnie financière et industrielle des autoroutes (Cofiroute ), p. 302.

* 213 Communication de novembre 2013, Les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes .

* 214 Réaction des sociétés concessionnaires au rapport de la Cour des comptes sur les concessions autoroutières du 24 juillet 2013.

* 215 Avis 05-A-22 du 2 décembre 2005, relatif à une demande d'avis de l'AMCRA sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation annoncée des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes.

* 216 Avis n° 14-A-13 du 17 septembre 2014 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires.

* 217 Audition de M. Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015, le 11 mars 2020.

* 218 Audition de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence, le 16 juin 2020.

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