Rapport d'information n° 427 (2020-2021) de M. Jean-François RAPIN , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 4 mars 2021

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N° 427

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mars 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le suivi des résolutions européennes , des a vis motivés et des avis politiques ,

Par M. Jean-François RAPIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Henri Cabanel, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Catherine Fournier , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Jérémy Bacchi, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Philippe Bonnecarrère, Pierre Cuypers, Gilbert-Luc Devinaz, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Véronique Guillotin, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mme Elsa Schalck, M. Richard Yung .

L'ESSENTIEL

Ce rapport présente le bilan du suivi des positions européennes du Sénat (résolutions européennes, avis motivés sur le respect du principe de subsidiarité et avis politiques), adoptées entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020.

Le suivi des résolutions européennes, adressées au Gouvernement sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, est facilité par la transmission d'une fiche établie par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui présente à la fois l'état des négociations du ou des texte(s) européen(s) concerné(s) par la résolution, et la façon dont les positions sénatoriales ont été prises en compte au cours des négociations à Bruxelles. Il donne également lieu à l'audition annuelle, par la commission des affaires européennes, du secrétaire d'État chargé des affaires européennes 1 ( * ) , qui constitue un moment important du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale en matière européenne.

Sur la période couverte par ce rapport, la commission des affaires européennes a été saisie de 852 textes européens au titre de l'article 88-4 et en a examiné directement 202, soit en procédure écrite, soit directement lors de ses réunions. 17 résolutions européennes ont été adoptées par le Sénat.

Ces dernières ont porté sur des thèmes relativement divers :

- thèmes institutionnels et juridiques : enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais, mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni, programme de travail de la Commission européenne pour 2020 ;

- thèmes économiques : garantie du système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050, préservation de la pérennité des compagnies aériennes et garantie des droits des passagers, renforcement des mesures exceptionnelles de la politique agricole commune (PAC) pour faire face à la pandémie de Covid-19 et affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de la concurrence, modernisation de la politique européenne de concurrence, adaptation du régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne, préservation de la souveraineté européenne dans le domaine énergétique (extraterritorialité des sanctions) ;

- thèmes budgétaires et financiers : cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l'Union européenne, Fonds européen de la défense, lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage ;

- thèmes sociaux : lutte contre la fraude sociale transfrontalière, mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne, évaluation des technologies de santé ;

- thèmes numériques : lutte contre la cybercriminalité.

Dans environ 83 % des cas, les positions exprimées par le Sénat dans ces résolutions européennes ont été prises en compte. Cinq résolutions européennes ont été prises en compte en totalité ou en quasi-totalité au cours des négociations à Bruxelles et/ou dans le texte définitif (règlement ou directive). Il s'agit des résolutions portant sur : le mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni ; l'amélioration de la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage ; l'évaluation des technologies de santé ; la lutte contre la cybercriminalité ; la préservation de la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique (extraterritorialité des sanctions). Et neuf résolutions européennes ont été suivies partiellement, en général en raison de divisions au Conseil ayant conduit à des compromis éloignés des positions sénatoriales. Il s'agit des résolutions portant sur : la garantie du système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050 ; les enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais ; le cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l'Union européenne, et sa révision ; le Fonds européen de la défense ; la lutte contre la fraude sociale transfrontalière et l'amélioration de la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales ; le programme de travail de la Commission européenne pour 2020 ; la modernisation de la politique européenne de concurrence ; la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne.

Dans seulement trois cas, sur la résolution relative à la préservation de la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union tout en garantissant les droits des passagers aériens, sur la résolution concernant le renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence et sur la résolution visant à adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne, le Sénat n'a pas du tout obtenu gain de cause.

Les avis politiques, adoptés par la commission des affaires européennes et transmis à la Commission européenne au titre du dialogue politique que celle-ci a directement noué avec les parlements nationaux, doivent faire l'objet d'une réponse de la Commission dans un délai de trois mois, le respect de ce délai s'étant fortement amélioré cette année : il s'est établi à 80 %, après 47,4 % l'année précédente.

La commission des affaires européennes a adopté 15 avis politiques , au cours de l'année parlementaire 2019-2020, période couverte par ce rapport. Selon des informations de la Commission européenne, sur l'année civile 2019, le Sénat, avec 12 avis politiques, figure parmi les dix assemblées parlementaires de l'Union européenne, sur 39, les plus actives dans leurs relations avec la Commission.

Enfin, le contrôle de subsidiarité a atteint son étiage en 2019 puisque la Commission européenne n'a reçu aucun avis motivé relatif au respect de ce principe de la part des parlements nationaux cette année-là, contre 37 l'année précédente. La forte diminution de l'activité législative de la Commission durant l'année de transition entre deux mandats, l'application par la Commission d'un programme renforcé d'amélioration de la réglementation et son engagement à intégrer les principes de subsidiarité et de proportionnalité à tous les stades de l'élaboration des politiques pourraient expliquer ce phénomène. Cependant, le Sénat a adopté un avis motivé en 2020 sur le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant la loi européenne sur le climat (règlement (UE) 2018/1999).

I. SUIVI STATISTIQUE DES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES ET DES AVIS POLITIQUES DU SÉNAT

Les développements qui suivent présentent, d'un point de vue statistique et procédural, les suites données à la fois aux résolutions européennes adoptées par le Sénat et aux avis politiques émis par sa commission des affaires européennes, entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020 2 ( * ) .

1. Les résolutions européennes

Du 1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020, le Sénat a adopté 17 résolutions européennes , contre 15 sur la même période l'année dernière :

Texte

Rapporteur(s) de la commission
des affaires européennes

Garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050 3 ( * )

Mme Gisèle Jourda

Enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais 4 ( * )

Mme Véronique Guillotin

Cadre financier pluriannuel 2021-2027

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Fonds européen de la défense

Mme Gisèle Jourda et M. Cyril Pellevat

Mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni 5 ( * )

M. Jean Bizet

Lutte contre la fraude sociale transfrontalière et amélioration de la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales 6 ( * )

Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey

Lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage 7 ( * )

M. André Reichardt

Programme de travail de la Commission européenne pour 2020

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne, tout en garantissant les droits des passagers aériens

M. Jean Bizet

Renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence

M. Jean Bizet

Cadre financier pluriannuel 2021-2027 révisé et plan de relance

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Modernisation de la politique européenne de concurrence

M. Olivier Henno ( dans le cadre du groupe de suivi commun à la commission des affaires européennes et à la commission des affaires économiques sur la stratégie industrielle de l'Union européenne )

Mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne

M. Pierre Médevielle

Évaluation des technologies de santé

Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey

Lutte contre la cybercriminalité

Mme Sophie Joissains et M. Jacques Bigot ( rapport d'information commun à la commission des affaires européennes et à la commission des lois )

Adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne 8 ( * )

M. Cyril Pellevat

Préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique

MM. Claude Kern et Michel Raison

Sur ces 17 textes :

- 10 sont issus d'une proposition de résolution de la commission des affaires européennes (cadre financier pluriannuel 2021-2027, Fonds européen de la défense, programme de travail de la Commission européenne pour 2020, préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne tout en garantissant le droits des passagers aériens, renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence, cadre financier pluriannuel 2021-2027 révisé et plan de relance, mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne, évaluation des technologies de santé, lutte contre la cybercriminalité, et préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique) et 6 trouvent leur origine dans l'initiative d'un ou plusieurs sénateurs (garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050, enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais, mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne - Royaume-Uni, lutte contre la fraude sociale transfrontalière et amélioration de la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales, lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage, et adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne), tandis qu'une a été déposée par plusieurs de nos collègues membres d'un groupe de suivi commun à la commission des affaires européennes et à celle des affaires économiques (modernisation de la politique européenne de concurrence) ;

- 6 ont donné lieu à un rapport d'information de la commission des affaires européennes (garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050, enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais, mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne - Royaume-Uni, lutte contre la fraude sociale transfrontalière et amélioration de la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales, lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage et adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne) et 5 à un rapport d'une commission permanente (cadre financier pluriannuel 2021-2027, au nom de la commission des finances, Fonds européen de la défense, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne - Royaume-Uni, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, cadre financier pluriannuel 2021-2027 révisé et plan de relance, au nom de la commission des finances, et modernisation de la politique européenne de concurrence, au nom de la commission des affaires économiques), tandis que deux rapports d'information ont été déposés sous le timbre de deux commissions (celui de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques pour la modernisation de la politique européenne de concurrencepolitique européenne de concurrence, et celui de la commission des affaires européennes et de la commission des lois pour la lutte contre la cybercriminalité) ;

- 13 ont également fait l'objet d'un avis politique que la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique (enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais, cadre financier pluriannuel 2021-2027, mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne - Royaume-Uni, lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage, programme de travail de la Commission européenne pour 2020, préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne tout en garantissant le droits des passagers aériens, renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence, modernisation de la politique européenne de concurrence, mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne, évaluation des technologies de santé, lutte contre la cybercriminalité, adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne, et préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique).

Ces chiffres illustrent l' origine variée du traitement des questions européennes au Sénat , et le fait qu'il s'adresse tant au Gouvernement, grâce aux résolutions, qu'à la Commission européenne avec les avis politiques. Ils attestent aussi que ces questions sont débattues, non seulement au sein de la commission des affaires européennes, mais aussi dans les commissions permanentes .

2. Les fiches de suivi du SGAE

De manière à formaliser le suivi des positions exprimées par le Sénat, le SGAE établit une « fiche de suivi de résolution » qu'il adresse à la commission des affaires européennes .

Ainsi le SGAE a-t-il transmis cinq fiches en 2013, treize fiches en 2014, deux fiches en 2015, 18 fiches en 2016, 14 fiches en 2017, 18 fiches en 2018, 14 fiches en 2019 et 16 fiches pour la période couverte par le présent rapport .

Ces 16 fiches de suivi ont concerné les résolutions européennes suivantes :

- une fiche de suivi a été transmise le 22 décembre 2020, sur la résolution n° 103 du 19 juin 2020 tendant à préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union, tout en garantissant les droits des passagers aériens ;

- une fiche de suivi a été transmise le 4 janvier 2021, sur la résolution n° 49 du 24 janvier 2020 sur les enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais ;

- une fiche de suivi a été transmise le 5 janvier 2021, sur la résolution n° 80 du 30 mars 2020 visant à lutter contre la fraude sociale transfrontalière et améliorer la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales ;

- quatre fiches de suivi ont été transmises le 6 janvier 2021, sur : à la fois la résolution n° 60 du 11 février 2020 sur le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne 2021-2027 et la résolution n° 105 rect . du 22 juin 2020 relative à la proposition révisée de cadre financier pluriannuel 2021-2027 et à la proposition de mise en place d'un instrument de relance pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 ; la résolution n° 75 du 6 mars 2020 sur le mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni ; la résolution n° 81 du 10 avril 2020 visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage ; la résolution n° 25 du 8 novembre 2019 tendant à garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050 ;

- une fiche de suivi a été transmise le 7 janvier 2021, sur la résolution n° 61 du 17 février 2020 sur le Fonds européen de la défense ;

- deux fiches de suivi ont été transmises le 8 janvier 2021, sur : la résolution n° 122 du 20 juillet 2020 sur la modernisation de la politique européenne de concurrence ; la résolution n° 138 du 14 août 2020 sur la lutte contre la cybercriminalité ;

- trois fiches de suivi ont été transmises le 11 janvier 2021, sur : la résolution n° 104 du 19 juin 2020 demandant le renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence ; la résolution n° 137 du 31 juillet 2020 sur l'évaluation des technologies de santé ; la résolution n° 140 du 21 août 2020 tendant à préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique ;

- une fiche de suivi a été transmise le 12 janvier 2021, sur la résolution n° 136 du 31 juillet 2020 sur la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne ;

- une fiche de suivi a été transmise le 13 janvier 2021, sur la résolution n° 139 du 21 août 2020 visant à adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne ;

- une fiche de suivi a été transmise le 22 janvier 2021, sur la résolution n° 82 du 10 avril 2020 sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2020.

Le rapporteur, comme l'année dernière, se félicite de la très grande qualité des informations contenues dans ces fiches de suivi, mais continue de regretter l'absence d'une transmission régulière tout au long de l'année , sans lien avec l'avancée des négociations sur un texte européen . Il est dommage que ces fiches ne soient transmises que sur demande expresse auprès du SGAE, quelques semaines avant l'examen du présent rapport, même si, votre rapporteur tient à le souligner, celui-ci se montre coopératif dans sa collecte d'informations précieuses.

Enfin, la commission des affaires européennes est extrêmement satisfaite d'avoir pu entendre M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, lors d'une audition spécialement consacrée au suivi des résolutions européennes du Sénat, le 11 février dernier, sous la forme d'un débat interactif. Elle considère qu' une telle audition, qui permet un dialogue politique avec le Gouvernement sur de nombreux dossiers, est devenue un rendez-vous important du contrôle de l'action gouvernementale en matière européenne .

3. Les avis politiques

Durant la période qui s'était ouverte à la suite de la victoire du « non » aux référendums sur le traité instituant une Constitution pour l'Europe en France et aux Pays-Bas, en 2005, le président de la Commission européenne de l'époque, M. José Manuel Barroso, avait pris une initiative en faveur d'un dialogue direct avec les parlements nationaux , centré sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Toutefois, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009, qui met en place un mécanisme spécifique aux questions de subsidiarité, le dialogue direct avec la Commission s'est recentré sur les questions concernant le contenu des documents adressés aux parlements nationaux et a pris, pour cette raison, le nom de « dialogue politique » .

La commission des affaires européennes établit des avis politiques , en principe dans un délai de deux mois , en réaction aux documents qui lui sont adressés par la Commission. Celle-ci doit en principe y répondre dans les trois mois .

Dans son rapport annuel 2019 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité et sur les relations entre la Commission européenne et les parlements nationaux 9 ( * ) , la Commission indique que les parlements nationaux lui ont adressé 159 avis en 2019, soit une baisse, importante, de plus de 70 % par rapport à 2018, après une hausse de 1,5 %. Le rapport note que ce nombre, « nettement inférieur à celui des années précédentes », l'est aussi à celui de l'année de transition précédente (342, soit un recul de 53,5 %). Les dix assemblées parlementaires les plus actives dans l'Union européenne ont rendu 73 % de ces avis, contre 83 % l'année précédente, le Sénat tchèque arrivant en tête, avec 21 avis, et le Sénat figurant parmi elles, avec 12 avis. Dix-sept assemblées parlementaires, après dix en 2018, n'ont émis aucun avis. Les sujets ayant donné lieu au plus grand nombre d'avis sont l'élargissement du vote à la majorité qualifiée, l'amélioration de la réglementation, l'État de droit, la façon d'atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies à l'horizon 2030 et la lutte contre la désinformation en ligne.

Les relations entre la Commission et les parlements nationaux prennent également la forme de contacts bilatéraux et de visites incluant les auditions de commissaires européens 10 ( * ) - le rapport de la Commission note que « la Présidente von der Leyen a demandé que chaque commissaire effectue des visites dans tous les États membres au cours des deux premières années du mandat et rencontre régulièrement les parlements nationaux » -, déplacements de délégations à Bruxelles et réunions plus techniques avec des fonctionnaires de la Commission. Elles se concrétisent aussi au travers de conférences interparlementaires, en particulier la COSAC 11 ( * ) , la Conférence des présidents de parlements de l'Union européenne, la Semaine parlementaire européenne, la Conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance et les conférences interparlementaires sur la politique étrangère et de sécurité commune et sur la politique de sécurité et de défense commune, ainsi que le groupe de contrôle parlementaire conjoint d'Europol, auxquels participent le plus souvent des membres de la Commission.

Du 1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020 , la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne 15 avis politiques , contre 19 sur la même période 2018-2019, sur les sujets suivants :

Texte

Rapporteur(s) de la commission
des affaires européennes

Enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais

Mme Véronique Guillotin

Cadre financier pluriannuel 2021-2027

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Usage de la langue française dans les institutions européennes

M. Jean Bizet

Mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni

M. Jean Bizet

Lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage

M. André Reichardt

Programme de travail de la Commission européenne pour 2020

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne, tout en garantissant les droits des passagers aériens

M. Jean Bizet

Suivi du respect de l'État de droit en Europe dans le contexte de la pandémie de Covid-19

M. Philippe Bonnecarrère

Renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence

M. Jean Bizet

Modernisation de la politique européenne de concurrence

M. Olivier Henno

Mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne

M. Pierre Médevielle

Évaluation des technologies de santé

Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey

Lutte contre la cybercriminalité

Mme Sophie Joissains et M. Jacques Bigot

Adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne

M. Cyril Pellevat

Préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique

MM. Claude Kern et Michel Raison

La Commission européenne a apporté une réponse à chacun de ces 15 avis politiques.

Le respect du délai de trois mois dont dispose la Commission pour répondre s'est sensiblement amélioré sur la période couverte par le présent rapport. En effet, parmi les 15 réponses reçues, 12 ont été envoyées dans le délai de trois mois (9 sur 19 l'année dernière), dont 7 dans un délai inférieur. Sur les 3 réponses adressées après le délai de trois mois, le retard était très limité, parfois seulement quelques jours.

Le rapporteur se félicite de cette réelle amélioration. Désormais, le taux de réponse dans le délai de trois mois s'établit à 80 % , contre 47,4 % l'année dernière.

II. DES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES INFLUENCÉES PAR LES POSITIONS SÉNATORIALES

1. Rappel sur les propositions de résolution européenne

L' article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union.

À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil de l'Union. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union » , par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.

La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'acte de l'Union soumis au Sénat par le Gouvernement afin de déterminer ceux d'entre eux qui ont un enjeu important et soulèvent d'éventuelles difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors soumise à l'approbation de la commission compétente au fond, ou de la séance plénière du Sénat.

LA RÉSERVE D'EXAMEN PARLEMENTAIRE

Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées , des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire » .

Ce mécanisme assure au Sénat (comme à l'Assemblée nationale) un délai de huit semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, doit proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte.

À titre d'illustration, sur la période allant du 1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020, la commission des affaires européennes a été saisie de 852 textes européens et en a traité 795. Parmi ceux-ci, 402 (50,6 %) relèvent d'une procédure de levée automatique de la réserve parlementaire 12 ( * ) , sauf décision de la commission de les examiner dans un délai de 72 heures. Par ailleurs, 393 textes (49,4 %) se situent en dehors de cette procédure, dont 202 textes (25,4 % du total) ont été soit examinés en commission, soit traités en procédure écrite.

Ces différents chiffres sont récapitulés dans le tableau ci-après :

Textes traités sur la session 2019-2020

795

Procédure 72 h

Nominations

132

PESC

227

Virements

27

TVA

13

Fonds européen d'ajustement à la mondialisation

3

402

Levée tacite hors PESC

191

Procédures écrites/textes examinés en commission

202

393

Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement , en lui indiquant des objectifs à poursuivre pour la négociation au sein du Conseil.

Mais que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?

Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations conduisant à l'élaboration de la législation européenne, qui, du fait de l'applicabilité directe des règlements et de la transposition des directives, a des incidences évidentes sur la législation française.

2. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat

Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues , dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.

Surtout, les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.

Enfin, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus général, par exemple lorsqu'il s'agit de se positionner dans un débat public. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.

D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.

a) Le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans près de 30 % des cas

Sur les dix-sept résolutions européennes analysées dans le présent rapport, cinq, soit plus de 29 % , c'est-à-dire dix-sept points de moins que l'année dernière, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.

• Les positions défendues par le Sénat dans sa résolution européenne tendant à garantir, au sein de la politique agricole commune (PAC), le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050 ont été soutenues par les autorités françaises, qui les portent dans les négociations sur la réforme de la PAC, mais n'ont pas encore complètement prospéré.

Le 19 décembre 2019, la France a pris l'initiative d'une déclaration conjointe avec les ministres de l'agriculture d'Allemagne et d'Espagne sur les objectifs et les ambitions de la future PAC. Ce texte a notamment demandé la prolongation du régime des autorisations de plantation au-delà de 2030 de façon à offrir une perspective de long terme aux agriculteurs dans leurs choix d'investissements. Lors des négociations au Conseil, la France a obtenu que le système d'autorisation préalable de plantation viticole soit prolongé jusqu'au 31 décembre 2045. Elle en a d'ailleurs fait une ligne rouge dans la toute dernière phase des négociations et ce résultat peut être considéré comme un compromis, concédé par la présidence allemande du Conseil, avec les positions de l'Italie et de la Commission, qui étaient réticentes à une prolongation jusqu'en 2050. Le Parlement européen soutient, pour sa part, une extension jusqu'en 2050. Le premier trilogue sur le règlement « Omnibus » s'est tenu le 2 décembre 2020, mais un accord reste encore à trouver sur les autorisations de plantation, bien qu'il semble y avoir une convergence de vues entre le Conseil et le Parlement européen, la Commission demeurant encore réticente. Les discussions portent également sur l'évaluation à mi-parcours du dispositif, prévue pour 2023.

• La résolution du Sénat sur le mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni peut être considérée, compte tenu de la difficulté de ces négociations ayant abouti à l'accord du 24 décembre 2020 et de la sensibilité politique du Brexit, comme ayant globalement été suivie d'effet.

L'accord de commerce et de partenariat permet la mise en place d'une zone de libre-échange entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, garantissant l'absence de quotas et de droits de douane. En contrepartie, le Royaume-Uni s'engage à ce que l'octroi des aides États soit encadré par des principes communs, et à ce que le niveau de protection règlementaire applicable dans l'Union européenne avant la fin de la période de transition soit garanti en matière de normes sociales et environnementales. L'accord contient également une clause sur le prix du carbone et la mise en place par le Royaume-Uni d'un système de taxation du carbone équivalent à celui qui prévaut dans l'Union. Les autorités françaises, conformément à la position du Sénat, ont appelé l'Union à prévoir un mécanisme de mesures compensatoires efficaces et dissuasives. En matière de règles d'origine, la France a demandé à l'Union d'exclure toute demande de cumul étendu ou diagonal, qui assouplirait de façon transversale ces règles d'origine, et de s'en tenir au principe du cumul bilatéral. Ainsi, ce chapitre de l'accord apporte une protection contre le risque de voir le Royaume-Uni devenir une plateforme de réexportation. Les dispositions sur les contrôles sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce sont conformes à la pratique européenne des accords commerciaux.

Comme le demandait le Sénat, le volet relatif à la pêche a été intégré à l'accord de commerce et de coopération. Il prévoit une période de cinq ans et demi pendant laquelle la continuité des accès aux eaux britanniques est garantie, avec une diminution progressive des quotas européens de 25 %. Après le 30 juin 2026, l'accès aux eaux et aux ressources reposera sur un régime de négociation annuel. En cas de remise en question des accès à l'issue de cette période, les parties peuvent adopter des mesures compensatoires. L'accord prévoit une clause de réexamen : si l'une des parties estime que l'accord ne permet pas un juste équilibre des droits et obligations, elle pourra engager une révision de l'accord, si nécessaire en menaçant de dénoncer son volet commercial. Au-delà de l'accès quantitatif relatif aux eaux et aux ressources, trois points ont été défendus : la prévisibilité dans la fixation des volumes de captures, sur la base de stratégies de long terme ; un socle de normes techniques communes dans la durée ; une gouvernance crédible et performante. Le maintien d'une répartition des futures possibilités de pêche selon le principe de la stabilité relative, et non de l'attachement zonal, défendu par le Royaume-Uni, a également été porté par la France.

Concernant les relations en matière de services financiers, l'Union européenne conserve son autonomie pour attribuer les décisions d'équivalence. La stabilité financière de l'Union a guidé les négociations, justifiant l'octroi de deux décisions d'équivalence avant la fin des négociations (sur les chambres de compensation et sur les dépositaires centraux de titres), soutenues par la France. En revanche, aucune décision d'équivalence n'a été octroyée en matière de trading , témoignant de la volonté de rééquilibrage du paysage financier européen au profit du continent, défendue par le Sénat. Un protocole d'accord sur la coopération en matière de services financiers est prévu pour être négocié d'ici fin mars 2021.

En matière de propriété intellectuelle, la France a défendu la protection des indications géographiques futures, mais ce sujet ne figure pas dans l'accord. Par conséquent, si la protection des indications géographiques existantes au 31 décembre 2020 est couverte par l'accord de commerce et de coopération, les futures indications géographiques protégées par l'UE ne seront pas reconnues par le Royaume-Uni.

La poursuite des échanges de données personnelles avec le Royaume-Uni pourra faire l'objet de deux décisions d'adéquation, l'une au titre du règlement général sur la protection des données (RGPD), et l'autre au titre de la directive police-justice, qui sanctionneront l'existence au Royaume-Uni d'un niveau de protection équivalent aux exigences du droit européen en matière de protection des données à caractère personnel.

Sur le changement climatique et l'environnement, la France a défendu l'inscription dans l'accord du principe de non-régression en matière environnementale. Le respect de l'accord de Paris et sa mention parmi les clauses essentielles ont également fait partie des objectifs de négociation français.

Pour ce qui concerne les transports, la clarification du positionnement des holdings susceptibles de contrôler à la fois un transporteur extérieur à l'Union européenne et un ou plusieurs transporteurs faisant partie de l'Union n'a pas figuré parmi les priorités défendues par les autorités françaises. En matière de transport routier de marchandises, l'accord autorise les opérations bilatérales, le transit et les retours à vide liés à ces opérations, permettant de maintenir l'efficacité des liaisons passant à la frontière Nord de la France. La question des zones franches ne faisaient pas partie des négociations européennes. Le statut du tunnel sous la Manche fait l'objet d'une négociation ad hoc , au cours de laquelle les autorités françaises défendent le maintien d'un régime unifié de sécurité afin de garantir la fluidité de la circulation. Le chapitre relatif à la sécurité aérienne prévoit des échanges d'informations entre l'agence européenne et son homologue britannique.

Sur la sécurité intérieure et la coopération judiciaire, l'accord crée un cadre inédit de coopération entre l'Union européenne et un pays tiers ; et met en place un partenariat approfondi avec Europol, allant jusqu'à la possibilité d'envisager un arrangement administratif permettant l'échange de données personnelles, et avec Eurojust. Le Royaume-Uni ne disposera cependant plus d'un accès direct et en temps réel aux bases de données de l'Union. La mention de la convention européenne des droits de l'Homme comme illustration de l'attachement des parties aux droits fondamentaux était une ligne rouge de la France, défendue avec succès. Bien que défendues par la France, les dispositions en matière d'asile et de migration n'ont pas été intégrées au mandat de négociation, ni à l'accord.

La France était favorable à l'intégration d'un volet relatif à la politique étrangère, de sécurité et de défense, sous réserve qu'il préserve l'autonomie de décision de l'Union européenne et de ses États membres. Cependant, l'accord ne prévoit aucun partenariat de la sorte. Les modalités de coopération en cette matière entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ne sont par conséquent pas définies, et ce sujet pourra éventuellement faire l'objet de coopérations bilatérales entre la France et le Royaume-Uni.

L'accord prévoit un mécanisme général de règlement des différends, proche de celui de l'accord de retrait, qui offre la possibilité de conduire une procédure donnant lieu à l'arbitrage d'un panel dans des délais relativement brefs. Ce mécanisme a vocation à s'appliquer à l'ensemble de l'accord de partenariat, ainsi qu'aux accords additionnels. Plusieurs pans de l'accord échappent toutefois à l'application de ce mécanisme : le partenariat en matière de coopération policière et judiciaire, qui comprend un mécanisme de règlement des litiges spécifique, les différentes dispositions du level playing field , la coopération thématique (par exemple, la santé et la cybersécurité) ou encore les dispositions institutionnelles fondamentales. Les parties peuvent également adopter des mesures autonomes unilatérales dans certains domaines ( level playing field et pêche) pour compenser dans les meilleurs délais le non-respect, par l'une des parties, de ses obligations. Enfin, conformément à la ligne rouge britannique, l'accord ne fait aucune mention de la Cour de justice de l'Union européenne. En conséquence, et afin de préserver la compétence de la CJUE sur l'interprétation du droit de l'Union, toutes les références à cette dernière ont été supprimées de l'accord.

Concernant le suivi de l'accord de retrait, la France a participé à toutes les réunions du comité mixte, instance principale de suivi et de décision de l'accord de retrait. La communication en direction des ressortissants britanniques qui résident en France a été renforcée au moment de l'ouverture de la plateforme numérique de demande des titres et en prévision de la fin de la période de transition.

• Les objectifs poursuivis par la résolution visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage ont été soutenus par les autorités françaises et ont progressé dans les négociations.

Rappelons que, le 23 mai 2018, la Commission a présenté une proposition visant à modifier le règlement du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), avec deux objectifs principaux : d'une part, permettre à l'OLAF d'adapter son travail à la création du Parquet européen, et, d'autre part, renforcer l'efficacité des enquêtes de l'OLAF. Le Conseil a adopté sa position sur ce texte le 4 décembre 2020, et le Parlement européen l'a adopté le 17 décembre suivant. Les dispositions relatives aux relations avec le Parquet européen s'appliqueront à partir de la date à laquelle le Parquet européen débutera ses enquêtes et poursuites, soit en principe au début de cette année. Pour ce qui concerne le nouvel instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale (IVDCI), les négociations entre le Parlement européen et le Conseil devraient aboutir au cours du premier semestre 2021.

Au cours des négociations sur la révision du règlement OLAF, la France a appuyé la mise en place de nouvelles règles définissant la manière dont l'OLAF et le Parquet européen travailleront ensemble. Celles-ci comprennent notamment :

- des dispositions permettant à l'OLAF de rendre compte au Parquet européen de tous les cas qu'il considère comme relevant de la compétence de celui-ci, tandis que le Parquet informera l'OLAF des cas concernant des activités illégales portant préjudice au budget de l'Union européenne qui ne relèvent pas de son mandat ;

- une définition claire des rôles complémentaires des deux organes : l'OLAF se concentrera sur les mesures à prendre pour recouvrer les fonds détournés et sur les mesures administratives visant à protéger le budget contre la fraude, tandis que le Parquet européen se concentrera sur la conduite d'enquêtes visant à établir la responsabilité pénale.

Les autorités françaises ont également soutenu l'introduction de dispositions permettant de renforcer la manière dont l'OLAF peut mener ses propres enquêtes :

- des règles simplifiées pour les contrôles et inspections sur place afin de lui permettre d'exercer ses pouvoirs d'enquête de manière plus efficace et cohérente dans tous les États membres ;

- un accès aux informations relatives aux comptes bancaires par l'intermédiaire des autorités nationales compétentes ;

- le renforcement de la coopération entre l'OLAF et les autorités nationales compétentes avant, pendant et après une enquête.

Dans le cadre des négociations sur le règlement IVDCI, les autorités françaises soutiennent les dispositions visant à renforcer le contrôle de l'Union européenne sur les financements alloués dans le cadre de la politique extérieure de l'Union européenne, y compris sur les fonds alloués aux pays bénéficiaires de la politique européenne de voisinage. Par ailleurs, les autorités françaises se montrent vigilantes sur la place et le rôle de la comitologie et des États membres dans la gouvernance de cet Instrument.

• De nombreuses positions exprimées dans la résolution sur l'évaluation des technologies de santé ont connu des avancées au cours des négociations.

Dès le début des discussions, la France avait exprimé de fortes réserves sur la proposition de la Commission, qui avait d'ailleurs suscité des avis motivés au titre du contrôle de subsidiarité de la part de plusieurs parlements nationaux, dont les parlements allemand et français. Plusieurs dispositions importantes nécessitaient en effet des ajustements : le caractère obligatoire de la participation et de la reprise des travaux d'évaluation, la répartition des compétences, la base juridique, la gouvernance, le rôle de l'industrie et la nécessité de disposer de données robustes. Les autorités françaises ont souligné le lien étroit entre l'évaluation des produits de santé et les décisions de prise en charge des produits, ainsi que la négociation des prix, sujets relevant de la compétence nationale. À cet égard, les principes de reprise obligatoire des rapports conjoints d'évaluation clinique et de leur non-reproduction ont constitué des points particulièrement critiques pour la France tout au long des négociations.

De longues négociations sous présidence finlandaise du Conseil, aboutissant à un texte très éloigné des positions initiales de la Commission et du Parlement européen, notamment sur l'obligation des États membres d'utiliser les évaluations communes et sur le rôle de la Commission, ont permis de réduire les divergences au sein du Conseil. Les négociations se sont poursuivies sous les présidences croate puis allemande, sur plusieurs sujets : le caractère contraignant des évaluations, le rôle de la Commission, le champ des produits couverts, le cadre méthodologique et la base juridique. La présidence allemande a présenté une nouvelle rédaction du règlement fin décembre 2020. Les négociations continueront sous présidence portugaise.

Dans sa résolution, le Sénat a souhaité que le règlement précise que les États membres « utilisent » et non « appliquent » les évaluations cliniques communes et qu'ils soient autorisés à effectuer une évaluation clinique complémentaire s'ils estiment que certaines études objectives et fiables n'ont pas été prises en compte ou que les études prises en compte n'ont pas été faites dans les conditions de transparence et d'indépendance prévues. Il s'agirait également que les résultats des évaluations cliniques communes ne puissent préjuger du résultat de l'évaluation globale faite par un État membre. Les autorités françaises ont défendu ces positions et obtenu satisfaction afin que le cadre méthodologique défini au niveau européen ne s'impose pas aux États membres, ni aux évaluations nationales. De surcroît, elles souhaitent que, pour plus de clarté, soit précisé dans le texte que les résultats des évaluations cliniques communes ne sauraient préjuger du résultat de l'évaluation globale faite par un État membre.

Par ailleurs, le Sénat a demandé que le règlement soit pris, non seulement sur le fondement de l'article 114 du TFUE, relatif au marché intérieur, mais aussi de l'article 168, portant sur la santé publique ; que le champ des technologies à évaluer en commun soit, dans un premier temps, limité pour permettre la mise en place de pratiques garantissant la qualité des évaluations ; et que les technologies de santé émergentes à un stade peu avancé de leur développement et pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients soient bien prises en compte.

Au cours des négociations, les autorités françaises ont soutenu l'introduction d'une double base légale, avec l'ajout d'une référence à l'article 168 qui permet de rappeler les compétences nationales. En particulier, l'article 168, paragraphe 7, prévoit que « l'action de l'Union doit être menée dans le respect des compétences des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Ces compétences incluent l'allocation des ressources notamment financières affectées aux soins ». La base juridique du texte pourrait effectivement être finalement élargie à l'article 168, même si le service juridique du Conseil est plutôt favorable à une seule base juridique, à savoir l'article 114.

Pour ce qui concerne le champ des évaluations, les autorités françaises ont proposé de le réduire dans un premier temps aux nouveaux médicaments anti-cancer, en excluant les extensions d'indication, tout en introduisant une certaine flexibilité, en fonction notamment de la charge de travail des agences d'évaluation. Ces questions restent en cours de négociation, mais le champ des produits couverts devrait être fixé par aire thérapeutique et être adapté en fonction de la charge de travail du groupe de coordination et de l'arrivée sur le marché de produits particulièrement innovants.

À ce stade, des avancées ont donc été obtenues, qui vont sans le sens de la résolution sénatoriale. Le caractère non-contraignant des évaluations pourrait faire l'objet d'un relatif consensus au Conseil. Le rôle de la Commission a été réduit au profit d'un groupe de coordination réunissant les agences des États membres.

Au cours de son audition, le secrétaire d'État l'a confirmé : « Pour l'instant, un consensus se dégage au Conseil sur le refus d'une évaluation trop contraignante et sur le maintien de la subsidiarité nécessaire, pour que nos politiques de remboursement ne soient pas remises en cause et pour que nous puissions continuer de les déterminer au niveau national ». Il a ajouté : « Quant à la nécessité de produire un texte législatif suffisamment précis pour ne pas laisser trop de marges de manoeuvre à la Commission sur de tels enjeux, nous y sommes favorables. La confiance n'exclut en effet pas le contrôle. Je crois à l'Europe de la santé, mais cela ne signifie pas qu'il faut européaniser toutes les politiques de santé. Concentrons-nous sur quelques actions structurantes comme l'acquisition de vaccins et de matériel médical, ou bien encore l'harmonisation de certaines données. Initialement, l'Allemagne, l'Espagne et la France ne savaient pas recenser les cas de Covid de manière harmonisée, ce qui nuisait aux comparaisons qu'il fallait établir ».

Les négociations restent ouvertes sur : les modalités de publication du rapport d'évaluation et ses conséquences juridiques, la formalisation de la contribution de la Commission au titre de son rôle de vérification des procédures, les modalités de vote au sein du groupe de coordination, la répartition entre législation primaire et législation secondaire, et la gestion et la prévention des conflits d'intérêt. Les autorités françaises sont notamment favorables à un nombre limité d'actes de mise en oeuvre et à ce que la description des éléments méthodologiques soit limitée à des principes généraux, plusieurs dispositions du règlement étant de nature méthodologique et évolutives, par conséquent appelées à être actualisées par le groupe de coordination.

• La résolution du Sénat sur la lutte contre la cybercriminalité , qui couvrait de nombreux sujets, a connu des développements très positifs.

Sur les ressources financières nécessaires à la lutte contre la cybercriminalité, la proposition de règlement établissant le Fonds pour la sécurité intérieure, présentée par la Commission au titre du cadre financier pluriannuel 2021-2027, couvre plusieurs aspects de la sécurité tels que la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, la criminalité organisée, la cybercriminalité ou encore la protection des victimes. Les autorités françaises sont restées vigilantes, au cours des négociations, sur la prise en compte des enjeux de lutte contre la cybercriminalité et sur la nécessité de disposer d'un fonds souple et facilement mobilisable permettant de financer des équipements innovants.

Pour ce qui concerne le retrait des contenus terroristes en ligne, un accord a été trouvé, le 10 décembre dernier, entre le Parlement européen et le Conseil. Ce texte de compromis préserve les points de vigilance des autorités françaises : la suppression effective des contenus à caractère terroriste dans le délai d'une heure après leur publication, l'effet exécutoire et transfrontière des injonctions de retrait, le libre choix, par les États membres, de l'autorité compétente pour émettre les injonctions de retrait, et l'existence de mesures préventives imposées aux plateformes.

Sans avancée concrète depuis 2017, les débats sur les défis posés par le chiffrement ont repris récemment à la faveur des travaux du coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, M. Gilles de Kerchove, et des DG HOME et JUST de la Commission. Ce travail a abouti à une résolution du Conseil sur le chiffrement. Un consensus s'est dessiné pour préserver les capacités d'investigation des services répressifs malgré cette technologie, tout en garantissant une approche respectueuse des droits fondamentaux. Cette réflexion pourrait ouvrir la voie à des travaux législatifs à venir sur ce sujet.

Le rôle d'Europol dans la lutte contre la cybercriminalité devrait être renforcé par la récente proposition de révision de son mandat. L'objectif est de mieux prendre en compte les menaces émergentes et de renforcer les moyens de l'agence pour y faire face, par exemple en améliorant la coopération avec les pays tiers. De même, les autorités françaises soutiennent le développement de l'EU IRU 13 ( * ) . Par ailleurs, la France soutient également le projet de Laboratoire d'innovation au sein d'Europol, porté par le Conseil. Ce laboratoire aurait pour mission de surveiller les développements technologiques et de conduire l'innovation dans le domaine de la sécurité intérieure, contribuant ainsi à renforcer la coordination des acteurs de ce domaine et éviter de doublonner les structures existantes. Il convient désormais de rendre ce Laboratoire opérationnel. Le centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3), interne à Europol, serait un partenaire majeur du Laboratoire. Enfin, la révision du mandat d'Europol devrait également donner lieu à un assouplissement du régime d'échange de données avec les parties privées. Il est en effet primordial d'assurer un bon niveau de coopération avec les grandes plateformes pour mieux prévenir, détecter et lutter contre les contenus illicites.

Sur la coopération judiciaire et pénale, l'Union européenne, dans les négociations sur le deuxième protocole à la convention de Budapest du Conseil de l'Europe relatif à l'accès à la preuve électronique, cherche à harmoniser les pratiques et à garantir la compatibilité avec son droit interne et la protection des droits fondamentaux. Un projet complet devait être finalisé en février 2021 pour consultations puis, après la procédure interne au Conseil de l'Europe, le texte devrait être ouvert à la signature en novembre prochain, à l'occasion du 20 e anniversaire de la convention de Budapest.

Pour ce qui concerne la collecte des données, les propositions de règlement et de directive sur l'accès transfrontière aux preuves électroniques permettraient d'instaurer un pouvoir direct de réquisition judiciaire transfrontière à destination des fournisseurs de services Internet, ce qui présenterait un intérêt opérationnel majeur compte tenu de l'importance prise par l'accès aux éléments de preuve électronique dans le cadre des enquêtes transnationales. Selon M. Clément Beaune, « ce règlement évitera des délais de prescription ou d'ajournement de l'enquête. Il est un élément très puissant d'intégration des pouvoirs d'enquête à l'échelle européenne. Éric Dupont-Moretti est très engagé sur ce point et souhaite avancer au plus vite sur la question de la preuve électronique, tout en respectant la protection des données et l'indépendance de l'autorité judiciaire dans chaque État. J'espère que le règlement aboutira rapidement, avant même le début de la présidence française ».

L'enjeu est de finaliser les négociations sur ces textes qui constitueraient un dispositif supplémentaire de lutte contre le terrorisme, dans les meilleurs délais, en veillant à préserver leur efficacité opérationnelle. Sur la conservation des données, il convient de rappeler que les décisions de la CJUE rendues à la suite de l'arrêt Tele2 ont sensiblement affecté les capacités opérationnelles des services judiciaires et d'investigation des États membres. Or, la conservation des données est essentielle dans la prévention et la répression des infractions, notamment de terrorisme. Les autorités françaises disent explorer les voies juridiques permettant de préserver les capacités opérationnelles des services, en lien avec les États membres.

L'extension au terrorisme du champ de compétences du Parquet européen, institué sous la forme d'une coopération renforcée réunissant 22 États membres, a été envisagée dans une communication de la Commission du 12 septembre 2018, avec pour perspective 2025. À moyen terme, l'enjeu est naturellement de tout mettre en oeuvre pour que le Parquet européen débute ses activités dans les délais prévus et monte en puissance de façon à devenir pleinement opérationnel et à démontrer sa valeur ajoutée en matière de protection des intérêts financiers de l'Union. La démonstration de son efficacité apparaît comme la condition du passage à une nouvelle étape de son développement, permettant éventuellement l'extension de son champ de compétence à la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité, perspective que la France appelle de ses voeux. En l'état, la centralisation au Parquet européen des affaires transfrontalières de cybercriminalité n'a pas été évoquée.

Enfin, sur les relations en ce domaine avec le Royaume-Uni, le secrétaire d'État a indiqué que « l'accord post-Brexit du 24 décembre prévoit un dialogue régulier en matière de cybersécurité et un engagement à poursuivre la coopération euro-britannique dans les enceintes internationales. Nous devons continuer de travailler à établir une coopération digne de ce nom avec le Royaume-Uni, en matière de sécurité et de défense, dans le respect des règles. Nous y oeuvrons ».

b) Le Sénat a été partiellement suivi dans plus de la moitié des cas

Sur les dix-sept résolutions européennes devenues définitives entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020, neuf, soit 53 %, n'ont été que partiellement prises en compte , soit parce que le Gouvernement n'a pas nécessairement partagé les positions du Sénat, soit, le plus souvent, parce que des divisions au Conseil ont conduit à des compromis éloignés des résolutions sénatoriales.

• Les positions exprimées par le Sénat dans sa résolution sur les enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais n'ont été que partiellement reprises.

La question avait retenu l'attention internationale en 2019 après que la Chancelière Angela Merkel, le Président Emmanuel Macron et le Président du Conseil italien Giuseppe Conte se furent entretenus sur cette question douloureuse avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe. À l'occasion de sa première visite officielle au Japon, les 26 et 27 juin 2019, le Président de la République a évoqué avec le Premier ministre japonais les « situations inacceptables » vécues par des enfants binationaux et leurs parents français.

Plusieurs actions ont été menées, qui vont dans le sens de la résolution européenne du Sénat.

Le 31 janvier 2020, lors de la deuxième réunion du comité mixte institué par l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Japon de 2018, l'Union a invité le Japon à améliorer son cadre juridique et l'application effective de celui-ci afin de garantir le respect des décisions judiciaires et de ses engagements internationaux, en particulier la convention relative aux droits de l'enfant et la convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, dite convention de La Haye, auxquelles le pays est partie. L'Union a également insisté sur la nécessité de garantir l'intérêt supérieur de l'enfant et de respecter les droits de visite accordés aux parents.

Une plainte a également été déposée en 2020 auprès du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies par des parents lésés, arguant que le Japon violait ces deux conventions.

Le 8 juillet 2020, le Parlement européen a adopté une résolution sur l'enlèvement parental international et national d'enfants de l'Union européenne au Japon afin d'alerter sur la recrudescence de cas d'enlèvements d'enfants par l'un des deux parents au Japon, appeler les autorités japonaises à mettre en oeuvre les règles internationales en matière de protection des enfants et à faire évoluer la législation japonaise afin de reconnaître la garde partagée.

En revanche, plusieurs points de la résolution européenne du Sénat n'ont pas été pris en compte, tels que l'établissement d'une liste européenne de pays ne se conformant pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye ou l'amélioration de l'accès des ressortissants européens et japonais à une information claire, transparente et objective en matière de droit de la famille.

• Le Sénat a également été en partie suivi sur ses deux résolutions relatives au cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 de l'Union européenne et au plan de relance .

On rappellera que le plan de relance européen a fait l'objet d'un accord lors du Conseil européen extraordinaire du 17 au 21 juillet 2020. Il se compose : d'une part, d'un instrument européen de relance, Next Generation EU , doté de 750 milliards d'euros (390 milliards de dotations et provisionnement de garanties et 360 milliards de prêts), destiné à rehausser pendant trois ans les programmes européens et financé par un emprunt européen permis par un rehaussement du plafond de ressources propres de l'Union ; d'autre part, du CFP 2021-2027 d'un montant de 1 074 milliards d'euros.

La résolution du Sénat avait approuvé l'économie générale de la proposition de plan de relance européen, qui reprenait les propositions de l'initiative franco-allemande du 18 mai 2020. Selon le SGAE, dont la fiche de suivi est plutôt succincte sur ce sujet pourtant important, les autorités françaises se sont attachées à défendre ce plan au cours des négociations et se félicitent de l'accord, qualifié d' « historique », conclu le 21 juillet 2020.

Pour la période 2021-2027, l'enveloppe de la PAC s'inscrirait en augmentation de 1,5 % en valeur par rapport à la période 2014-2020 : 291,1 milliards d'euros seront alloués au premier pilier et 95,7 milliards au second pilier, dont 8,2 milliards au titre de Next Generation EU (soit au total 386,8 milliards d'euros). Cette présentation mérite néanmoins d'être nuancée, car tout dépend de la base de référence choisie, alors que plusieurs propositions de budget de la future PAC se sont succédé depuis juin 2018. Au surplus, ces estimations ont été réalisées en euros courants, sans prendre en compte l'impact de l'inflation. Le think tank Farm Europe met en avant, pour sa part, une diminution des moyens de la PAC 2021/2027 à hauteur de 10,2 %, en euros constants par rapport à la période 2014/2020, en dépit de l'amélioration intervenue in fine grâce à l'accord du 21 juillet 2020 entre les chefs d'État ou de gouvernement sur le plan de relance et le CFP 2021/2027.

Les autorités françaises se sont également attachées à défendre les montants initialement proposés par la Commission pour le Fonds européen de défense et le programme spatial. L'objectif a été atteint pour le programme spatial, qui bénéficie de 13,2 milliards d'euros et connaît une hausse de 1,9 milliard d'euros par rapport au précédent CFP, en euros constants. En revanche, le résultat est décevant pour le Fonds européen de la défense. Le nouveau CFP lui affecte 8 milliards d'euros, en euros courants. C'est certes une première étape importante pour développer et renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne, dans un domaine qui était auparavant essentiellement intergouvernemental, mais le montant obtenu est très en-deçà des 13 milliards d'euros initialement proposés par la Commission européenne et défendus par la France.

Par ailleurs, la suppression des rabais, qui figurait parmi les objectifs tant des autorités françaises que du Sénat, n'a pas abouti au cours des négociations.

Au cours de son audition, le secrétaire d'État a précisé que « le plan de relance doit être déboursé au cours des trois prochaines années, soit pendant la première partie du cadre budgétaire. Sur ces trois années, le cumul de ses crédits et de ceux du CFP représente un doublement du budget ordinaire de l'Union européenne par rapport à la période précédente en niveau annuel. Cet effort européen était nécessaire face à la crise que nous traversons. Je n'en souligne pas moins son caractère très ambitieux et significatif. Je crois que cela correspond aux priorités que vous exprimiez ».

En revanche, il a reconnu l'échec par rapport à l'objectif de réduire les rabais dont bénéficient certains États membres : « L'accord européen n'a pas permis de réaliser l'ambition commune du Sénat et du Gouvernement de baisser le taux de perception des droits de douane qui sont une forme - disons-le - de rabais pour certains pays, notamment la Belgique et les Pays-Bas. [...] Nous n'avons pas non plus réussi à mettre un terme au rabais, tout court, pour cinq pays. Je le regrette. Nous avons mené ensemble un combat gagnant, essentiel, qui, j'en suis convaincu, marquera l'Europe durablement, au-delà de cette crise : celui de la dette commune et de la capacité de relance européenne. Comme si c'était une forme de contrepartie, le maintien des rabais n'a pas été le combat gagnant de cette fois-ci - mais je crois qu'il peut l'être la prochaine fois ! Le débat sur les ressources propres sera aussi une occasion de remettre en cause l'ensemble du système de financement, et de ses aberrations, dont font partie les rabais. Cela prendrait effet après 2027, mais se prépare très en amont, dès aujourd'hui ».

Sur le plan de relance, M. Clément Beaune a indiqué que « nous finalisons notre plan de relance national, qui doit aussi être notifié formellement au niveau européen. Nous associons à ce travail, via le SGAE et en lien avec la ministre Jacqueline Gourault, les collectivités territoriales qui sont autorités de gestion des fonds européens, pour définir précisément les lignes directrices de ce plan. J'espère que, concrètement, de manière sonnante et trébuchante, les fonds européens du plan de relance arriveront dès le mois de mai en France et dans les autres pays européens. Ce n'est pas encore acquis, car nous devons nous assurer que les 39 parlements nationaux concernés dans les 27 États membres ratifient la décision sur les ressources propres. Ce processus, qui dure en période ordinaire deux ans, doit être mené en cinq mois. C'est long, et c'est très court par rapport à l'habitude ! [...] Les 13 % [des fonds du plan de relance] correspondent au préfinancement qui a l'avantage de pouvoir être décaissé dès que la ratification par les 27 est faite. La Commission a évidemment besoin, pour aller sur les marchés emprunter l'argent nécessaire au plan de relance, que les 27 aient achevé cette ratification. En attendant, elle se prépare en temps masqué, en quelque sorte. Mais le financement lui-même ne peut se faire qu'après cette ratification, qu'on espère au mois de mai ou début juin. Dès la ratification acquise, même si tous les plans de relance nationaux n'ont pas été validés, la Commission peut assurer le préfinancement, c'est-à-dire décaisser ces fameux 13 % de l'enveloppe totale de 750 milliards d'euros, et notamment des 390 milliards d'euros de subventions. Pour la France, cela représente un montant d'environ 5 milliards d'euros. Cet argent, la Commission ne l'affecte pas. Elle le verse aux autorités nationales en fonction des enveloppes auxquelles elles ont droit. Nous avons démarré le plan de relance avant ce versement, celui-ci vient, d'une certaine façon, en remboursement. Nous avons déjà dépensé 11 milliards d'euros... ». Le secrétaire d'État a expliqué que ces 5 milliards d'euros « sont défalqués des quelque 45 milliards d'euros que la France touchera [...]. En principe, en 2021, nous toucherons plus d'un tiers de l'enveloppe totale. Nous discutons avec Jacqueline Gourault pour que, dans la partie du plan de relance national de 100 milliards d'euros qui est territorialisée et, parfois, contractualisée avec les régions, on indique à ces dernières - c'est une exigence de leur part comme de l'Union européenne - ce qui relève du financement européen et du financement national. Certes, c'est une question de présentation - du point de vue économique, l'important est que nous recevions les 40 milliards d'euros d'argent européen. Cela permettra aux régions de savoir ce qui provient de l'Europe, en complément des fonds de cohésion, à travers le plan de relance européen ».

• Le Sénat a n'a été que partiellement suivi sur sa résolution sur le Fonds européen de la défense , si l'on en croit la fiche de suivi du SGAE, ici aussi incomplète faute de développements sur les dispositions de la résolution relatives aux objectifs du Fonds et sur les enjeux de sa gestion opérationnelle.

Après un accord partiel en avril 2019, qui, à ce stade, n'incluait pas les points sur les dispositions budgétaires et sur l'association d'États tiers, le mandat de négociation du Conseil sur le règlement instituant le Fonds européen de défense a été validé en COREPER, le 30 septembre 2020. Un accord avec le Parlement européen a été trouvé en trilogue, le 14 décembre suivant, puis adopté au COREPER du 18 décembre. Cet accord valide le montant négocié lors du Conseil européen de juillet 2020 et l'ouverture à la participation aux programmes du Fonds pour les États membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE), qui sont également membres de l'Espace économique européen (EEE).

Au cours des négociations sur le règlement de ce Fonds, la France a soutenu les préconisations formulées dans la résolution européenne du Sénat, en particulier celles sur l'objectif général et sur les objectifs spécifiques. Après l'accord partiel de 2019, la France a veillé à ce que les points sur lesquels un accord avait été trouvé ne soient pas rouverts et que les négociations se concentrent sur les points ouverts sans introduire de nouvelles dispositions.

Pour ce qui concerne les moyens, la France a soutenu une enveloppe conséquente dédiée à ce Fonds. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, les chefs d'État ou de gouvernement se sont accordés, lors du Conseil européen de juillet 2020, sur un montant bien inférieur, à hauteur de 8 milliards d'euros courants pour la période 2021-2027, confirmé par l'accord du 10 novembre 2020 sur le CFP entre le Conseil et le Parlement européen. Sur cette question, M. Clément Beaune a indiqué : « Nous visions un peu plus de 10 milliards d'euros, jusqu'à 13 milliards d'euros même, et nous avons fini à 8 milliards en euros courants. C'est moins que ce que nous aurions souhaité, mais il faut le prendre comme une étape essentielle. Pour avoir assisté à la négociation budgétaire en détail, je peux vous dire que peu d'États en faisaient une priorité - mais aucun État n'en contestait le principe. Il faudra faire vivre ce fonds pour montrer son utilité. Il témoigne en tous cas, en matière d'Europe de la défense, d'une avancée absolument cruciale, depuis quatre ou cinq ans, dans un domaine longtemps tabou ». Il a rappelé le contexte de ces négociations : « Je ne crois pas que nos principaux partenaires, et notamment l'Allemagne, manquent d'ambition sur ce sujet. Simplement, nous n'avons pas le même rapport à l'Europe de la défense et à l'autonomie stratégique, ni à nos armées. Cela dit, l'engagement allemand à l'extérieur, y compris au Sahel, a progressé, même si ce n'est pas sur les mêmes missions que nous. Même remarque pour des pays qu'on aurait pu estimer extrêmement loin de nos préoccupations de sécurité et d'engagement militaire, comme l'Estonie, la Suède ou la République tchèque, qui ont rejoint la force Takuba. Il y a un vrai mouvement européen en termes de prise de responsabilités et d'engagement financier. Je ne dis pas que c'est suffisant, ni qu'on doit s'arrêter là, mais nous avons là une sorte de boîte à outils budgétaire et stratégique très importante. Le contexte est marqué par la nouvelle administration américaine, le Brexit et la transition politique en Allemagne. Ces trois facteurs créent quelques turbulences, et nous aurons un Conseil européen, les 25 et 26 février prochains, où, à notre demande, la question de la défense sera abordée de nouveau. L'enjeu central sera de réaffirmer le concept d'autonomie stratégique, qui a fait l'objet d'un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, co-présidé par le Président de la République et la chancelière Angela Merkel, vendredi dernier ».

La France a défendu le maintien du ratio entre les crédits alloués à la recherche (un tiers du budget total) et ceux alloués au développement capacitaire (deux tiers). Cette répartition a été actée, de telle sorte que 2,651 milliards d'euros sont consacrés à la recherche, et 5,302 milliards au développement. Au cours de son audition, le secrétaire d'État a rappelé que certains projets en faveur de la défense européenne depuis 2017 « ne sont pas tous conçus à 27 et il y a des projets industriels franco-allemands, dont vous connaissez les difficultés. Les Allemands avaient l'habitude de coopérations, en matière de défense, entre industries allemandes, tandis que les Français avaient une habitude de coopération avec les Britanniques. Nous avons fait le pari, historique, de prendre un virage stratégique absolument nécessaire, alors que le Brexit se profilait, en construisant des coopérations industrielles militaires avec l'Allemagne. C'est difficile, long. Il y aura des tensions, des blocages... Il y en a eu, mais on les a toujours levés. [...] Il ne s'agit pas de saper la capacité d'engagement de l'armée française, mais de renforcer, par l'Europe, la capacité à acheter européen, à développer du matériel militaire européen. Nous ne pouvons le faire que si nous lançons une coopération qui sera longue et difficile, mais qui est indispensable avec l'Allemagne ». Il a précisé : « Le FEDef pourra financer, typiquement, des projets bilatéraux tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) ou le char du futur. D'ailleurs, ces projets associent déjà certains autres pays européens, l'Espagne notamment, pour l'avion du futur. L'appel à projets sera lancé courant 2021, la sélection et les premiers décaissements sont prévus au cours du premier semestre 2022 - sous présidence française de l'Union européenne, donc. Au-delà de ces coopérations spécifiques avec l'Allemagne, il nous appartient de présenter d'autres projets. La France est bien placée pour ce faire puisque nous avons des projets en cours, capacitaires et de recherche. Le FEDef fait donc partie des nouveaux outils européens sur lesquels nous aurons les meilleurs taux de retour, d'un point de vue budgétaire ».

Sur l'association d'États tiers, il est prévu que les États membres de l'AELE qui sont également membres de l'EEE, à savoir l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège, pourront participer au programme dans les mêmes conditions que les États membres. Sur la discussion avec le Royaume-Uni, le secrétaire d'État a considéré que « ce pays n'a pas souhaité que nous l'ayons dans le cadre de la négociation de l'accord post-Brexit, mais c'est un sujet qui est devant nous. Nous pourrons avoir des coopérations spécifiques avec lui, mais, s'il souhaite bénéficier d'outils budgétaires européens, cela ne pourra se faire qu'en échange de contributions et en respectant nos règles de décision. Il ne s'agit pas de faire du cherry picking ou de l'Europe à la carte et de profiter des avantages sans subir les contraintes ».

Enfin, au sujet de la gestion opérationnelle, en s'appuyant sur le retour d'expérience du Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, la France a défendu l'importance du rôle des États membres dans la gouvernance, ainsi que les conditions d'association d'États tiers.

• Les positions exprimées par le Sénat dans sa résolution visant à lutter contre la fraude sociale transfrontalière et améliorer la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales ont été, en majorité, prises en compte au cours des négociations.

Les négociations sur la révision des règlements de coordination de sécurité sociale ont été nombreuses sous présidence allemande, au second semestre 2020. Elles se sont concentrées sur plusieurs sujets, dont la législation applicable qui comprend la question de la notification préalable du détachement auprès de l'organisme de sécurité sociale de l'État d'envoi. M. Clément Beaune a estimé, au cours de son audition, que « l'exigence de notification préalable de production d'un certificat doit être la plus stricte possible et les quelques cas de dérogation doivent rester limités. C'est sur ce dernier point que la négociation achoppe. Les États membres du centre et de l'est de l'Europe souhaitent, en effet, que les dérogations s'appliquent à l'ensemble des voyages d'affaires et pour une durée allant jusqu'à trente jours, ce qui nous paraît « fraudogène » au plus haut degré ». Les négociations ont amené à évoquer la question de la numérisation des procédures entre organismes de l'État d'envoi et ceux de l'État d'accueil. La Commission a évoqué la mise en place du système d'échange électronique d'informations sur la sécurité sociale (EESSI) par les États membres. La France défend le principe de procédures strictes de manière à lutter contre la fraude au travail détaché en matière de protection sociale et considère que la numérisation des procédures peut aider en ce sens. Elle a rappelé que la numérisation de la procédure de notification préalable apparaît comme une voie de sortie aux discussions et doit être envisagée dès lors que les exigences posées par les règlements peuvent ainsi être vérifiées à travers la notification faite par l'employeur (ou le travailleur indépendant). Elle soutient donc la dématérialisation des démarches et se satisfait de la gouvernance déjà mise en place, qui ne justifie pas de confier davantage de pouvoirs à la Commission sur ce point. La solution numérique soulève néanmoins de nombreuses questions techniques quant à sa faisabilité et à son coût, ainsi que celle du régime applicable pendant la période de transition avant que la numérisation ne soit opérationnelle. La France a appelé à une mise en place opérationnelle de l'EESSI et souligné l'apport et les attentes envers l'Autorité européenne du travail (AET) pour garantir un marché concurrentiel et limiter les risques de fraudes au détachement. L'élaboration d'un accord de coopération entre l'AET et la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale est inscrite au programme de travail de l'Agence pour 2021 avec la constitution d'un groupe de travail composé d'experts nationaux en droit du travail et/ou de la sécurité sociale chargés d'élaborer cet accord. L'accord de coopération permettra de clarifier les relations entre les deux instances en cas de demande de médiation relevant à la fois du droit du travail et du droit de la sécurité sociale.

La création d'un numéro de sécurité sociale européen n'ayant pas vocation à remplacer les numéros de sécurité sociale nationaux, qui était au coeur de la résolution européenne sénatoriale, n'a pas été discutée au cours des négociations sur la révision des règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale. Le Gouvernement partage le constat des difficultés posées par l'existence de nombreux numéros de sécurité sociale et mécanismes nationaux (identification et enregistrement), notamment les obstacles rencontrés à la fois par les personnes assurées de prouver leur identité à des fins de sécurité sociale dans des situations transfrontalières et par les organismes de sécurité sociale pour déterminer l'identité des personnes. Le secrétaire d'État s'est dit « favorable » au numéro de sécurité sociale européen « car il offre un symbole fort d'appartenance et qu'il constitue le seul outil sérieux pour conserver une liberté de circulation, pour encadrer le détachement et pour lutter contre la fraude ». En effet, la France soutient un numéro de sécurité sociale européen, en plus du ou des numéros de sécurité sociale nationaux existants, qui faciliterait l'exercice des droits en matière de sécurité sociale en cas d'établissement ou de déplacement dans un autre État membre. Elle y voit plusieurs avantages : une simplification des procédures permettant aux particuliers et travailleurs de prouver leur identité aux fins de la sécurité sociale et une plus grande efficacité des procédures pour les institutions et prestataires de service dans la vérification d'identification à des fins de sécurité sociale, en matière de lutte contre la fraude et les abus et pour améliorer la transparence des prestations et des droits en matière de sécurité sociale. Le numéro de sécurité sociale européen devrait être délivré a minima non seulement à chaque citoyen européen, mais aussi à tout ressortissant hors Union européenne établi de manière légale sur le territoire d'un État membre et donc bénéficiant de la protection sociale de cet État sans forcément disposer de la citoyenneté de celui-ci. Il pourrait prioritairement constituer la preuve de la couverture sociale des travailleurs détachés, actuellement attestée par le formulaire A1 utilisé pour les travailleurs détachés, et couvrir les prestations de maladie, de maternité et paternité, les pensions de vieillesse, le chômage, les prestations familiales, ainsi que les accidents du travail et maladies professionnelles. À plus long terme, le numéro de sécurité sociale européen pourrait être utilisé comme un identifiant commun à l'ensemble des administrations nationales et faciliter les démarches pour de nombreux autres services (questions fiscales et sociales, emploi, éducation, permis de conduire, ouverture de compte en banque, location d'un appartement, etc.), comme cela se fait aux États-Unis par exemple. Toutefois, sa création soulèverait alors des questions en termes de faisabilité et de coûts, notamment informatiques, dans la mesure où cela impliquerait une révision en profondeur des systèmes informatiques existants de la part de nombreux autres services, extérieurs à la sphère de la protection sociale.

En matière de lutte contre la fraude à la prestation sociale transfrontalière, un rapport annuel sur la fraude est présenté à la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. Par ailleurs, la France participe activement au comité de pilotage du Réseau européen pour la lutte contre la fraude sociale transfrontalière, qui promeut l'échange de bonnes pratiques, la préparation de rapports et notes, ainsi qu'une conférence annuelle. Les derniers travaux ont ainsi porté sur l'authentification et la falsification des formulaires A1.

Enfin, le secrétaire d'État a rappelé que le sommet social prévu à Porto, le 8 mai prochain, sous présidence portugaise du Conseil de l'Union « sera l'occasion de fixer les priorités de l'agenda européen en matière sociale. Le risque tient à ce que nous en restions à une déclaration d'intentions. Nous exerçons une pression amicale sur la présidence portugaise pour que ce sommet soit l'occasion de renforcer un certain nombre de droits très concrets, qu'il s'agisse des travailleurs des plateformes, de la réforme du salaire minimum européen ou bien encore de la poursuite de la réforme du détachement ».

• Le SGAE a rédigé une fiche très complète et riche d'informations sur la résolution européenne sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2020 . Cette fiche montre que le Sénat a obtenu partiellement satisfaction sur les nombreuses positions qu'il avait adoptées dans sa résolution qui, sur le premier programme de travail de la Commission von der Leyen, avait une portée programmatique.

Le SGAE rappelle d'abord les différentes initiatives prises tout au long de l'année 2020 pour chacune des six priorités politiques de la Commission - étant entendu que la gestion de la crise sanitaire a sensiblement perturbé l'exécution de son programme de travail initial : un Pacte vert pour l'Europe, une Europe adaptée à l'ère du numérique, une économie au service des personnes, une Europe plus forte sur la scène internationale, une promotion de notre mode de vie européen et un nouvel élan pour la démocratie européenne.

Puis la fiche de suivi aborde la prise en compte, par ces différents textes et les négociations auxquelles ils ont donné lieu, des positions sénatoriales.

Sur le Pacte vert pour l'Europe, les autorités françaises ont cherché à ce que les priorités du Pacte servent de lignes directrices pour les plans de relance des États membres dans le contexte de la crise, la relance économique devant être une opportunité pour faire évoluer les structures économiques et permettre à l'Union européenne d'atteindre ses objectifs au titre de l'accord de Paris. Elles ont également salué l'adoption du nouvel objectif de réduction nette des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030 au niveau européen. L'atteinte de cet objectif nécessitera des mesures cohérentes avec le Pacte vert, telles que le renforcement du marché carbone européen (ETS) avec un prix minimum du carbone, la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne d'ici au 1 er janvier 2023 et l'adaptation de la réglementation des aides d'États aux objectifs climatiques. La France a soutenu ces positions tout au long des négociations au Conseil lors de l'examen du projet de loi européenne sur le climat. Les autorités françaises ont également soutenu les mesures et initiatives liées à l'énergie prévues dans le Pacte. C'est notamment le cas de l'initiative sur les rénovations dans le secteur du bâtiment à des fins d'efficacité énergétique, de la rénovation de bâtiments publics (hôpitaux, parc scolaire, EHPAD, universités, logement social et étudiant), des maisons individuelles et immeubles collectifs, et de l'aide au financement d'une filière professionnelle performante dans ce domaine. La rénovation thermique des bâtiments est d'ailleurs une composante importante du plan de relance français. Pour ce qui concerne les mesures sur l'intégration du système énergétique, par exemple la transformation d'électricité renouvelable en gaz, les autorités françaises estiment nécessaire de combiner les mesures les plus rentables, dont celles qui permettent une consommation efficace de l'énergie, telles que l'électrification directe des usages (mobilité individuelle, électrification des procédés industriels, chaleur dans les bâtiments), la promotion de l'économie circulaire et de la valorisation de la chaleur fatale, le développement des énergies renouvelables thermiques et le développement du biogaz. Les autorités françaises considèrent que le développement de l'hydrogène doit tenir compte de l'efficacité énergétique des usages et de la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre, la production d'hydrogène devant, dans la mesure du possible, intervenir à proximité du lieu de consommation par électrolyse de l'eau à partir d'une électricité issue d'énergie renouvelable ou décarbonée. Cette position a été réaffirmée dans les conclusions du Conseil du 14 décembre 2020 sur le potentiel de l'hydrogène. Par ailleurs, la France considère que l'éolien offshore constitue une source d'énergie essentielle, grâce à une coopération régionale entre les États membres, notamment dans le cadre de la coopération sur l'éolien en mer du Nord. La France est également attentive à ce que l'Union européenne accentue ses efforts pour réduire son empreinte environnementale, en particulier sur les questions de déforestation importée, ainsi que pour préserver et restaurer la biodiversité. L'économie circulaire, les substances chimiques, et plus particulièrement les micro-plastiques, les perturbateurs endocriniens et les nanomatériaux devront faire l'objet de mesures ambitieuses pour un environnement non-toxique. L'économie bleue et la bio-économie, qui incluent la préservation des écosystèmes, sont des voies de relance et développement durable en particulier pour les régions ultrapériphériques, et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) y sont particulièrement sensibles. Les autorités françaises sont globalement satisfaites des stratégies européennes pour la biodiversité à l'horizon 2030 et « De la ferme à la table » et soutiennent les objectifs qui leur sont assignés. Elles regrettent toutefois que certains objectifs portés par la France n'aient pas été repris, par exemple sur l'étiquetage nutritionnel sur le modèle du Nutriscore, la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et des risques associés, ainsi que la réduction de l'utilisation des antibiotiques en élevage.

Sur la réforme de la PAC, la France défend l'idée que cette politique doit participer à faire de l'Union européenne une des principales puissances agricoles mondiales, assurant un approvisionnement sûr et répondant à de hauts standards sanitaires et environnementaux, tout en maintenant des coûts raisonnables et compétitifs, et qu'elle doit participer également à la vitalité des zones rurales, y compris dans les régions ultrapériphériques, et à l'intégration européenne. Bien que ce compromis ne prenne pas en compte l'ensemble des demandes françaises, les autorités se disent satisfaites de l'équilibre trouvé au Conseil agriculture et pêche d'octobre 2020, qui constitue à leurs yeux une bonne base de discussion pour les trilogues. Les autorités françaises soutiennent plusieurs amendements du Parlement européen, en particulier sur des outils de gestion des marchés.

Enfin, la France a défendu un financement accru pour la transition écologique et salue le renforcement de l'objectif de dépenses à 30 % pour le climat et l'ajout d'un objectif pour la préservation de la biodiversité dans le CFP 2021-2027. Elle porte également l'inclusion du respect de l'accord de Paris dans les éléments essentiels des futurs accords commerciaux et en cours de négociations.

Pour ce qui concerne une Europe adaptée à l'ère numérique, les autorités françaises, attachées à l'objectif d'autonomie stratégique de l'Union européenne, ont soutenu les conclusions du Conseil sur la cybersécurité, ainsi que, sur la base de l'Acte de cybersécurité de 2019, la création d'un cadre européen de certification de cybersécurité. Elles ont également soutenu les objectifs du centre cyber de maintenir et développer en Europe les capacités technologiques et industrielles en matière de cybersécurité. Pour aller vers plus de transparence de l'intelligence artificielle, les autorités françaises se sont positionnées pour assurer un level playing field éthique, en l'inscrivant dans des modèles de gouvernance démocratiques. L'évaluation des applications d'intelligence artificielle doit également veiller à ce qu'elles ne portent pas atteinte aux droits des individus (protection de leurs données personnelles, non-discrimination, fiabilité, etc.). La France poursuit l'objectif de mieux réguler les plateformes dans le respect de la liberté d'expression, avec une attention à la lutte contre les contenus à caractère terroriste et propageant la haine en ligne. Elle salue la publication récente des propositions de Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), présentées par la Commission en décembre 2020, qui sont globalement alignées avec les priorités françaises sur le renforcement de la responsabilité des plateformes dans la diffusion de contenus et produits illégaux ou encore la régulation ex ante , en vue d'une régulation des plateformes numériques structurantes. Pour autant, les autorités françaises se disent mobilisées pour améliorer le DSA sur de nombreux points, notamment pour aller au-delà du sujet des contenus illégaux. En effet, la plus grande partie de l'activité de modération des plateformes repose sur leurs conditions générales d'utilisation (CGU) ; or, les CGU peuvent prohiber la diffusion de contenus qui ne sont pas nécessairement illicites, par exemple sur la désinformation, éventuellement au mépris de la liberté d'expression. Dès lors, les autorités françaises souhaiteraient que le texte appréhende l'ensemble de la fonction de modération, sans se limiter aux seuls contenus illicites. Ensuite, le texte traite les places de marché numériques comme toutes les autres plateformes avec la mise en place d'obligations asymétriques, alors que les autorités françaises considèrent que ces acteurs devraient être soumis, quelle que soit leur taille, à des obligations spécifiques au regard des problèmes qu'ils soulèvent comme la vente de produits dangereux, la contrefaçon ou encore le manque d'information et d'effectivité des droits des consommateurs. Dans ces domaines, elles souhaiteraient que les places de marché électroniques prévoient des mécanismes préventifs adéquats et puissent être tenues responsables en cas de détection de produits dangereux ou de défaillance grave des vendeurs qu'elles accueillent. Enfin, le contrôle prévu par le DSA reste très centralisé dans le pays où la plateforme a son siège, alors que les autorités françaises souhaiteraient un aménagement de ce principe afin que le régulateur de l'État de l'utilisateur dispose de davantage de prérogatives et de marges d'intervention, ne serait-ce qu'en raison des spécificités de langue ou d'appréciation de la teneur des contenus. Cet aménagement du principe du pays d'origine assurerait une implication appropriée des autorités compétentes du pays de destination pour viser une efficacité opérationnelle maximale.

Les autorités françaises sont favorables au contenu des discussions sur la 5G, sans altérer les compétences des États membres en matière de sécurité et de défense nationale ni les capacités des services répressifs et de renseignements nationaux. Elles disent veiller à la préservation des capacités d'interception légales des services répressifs dans le contexte de la mise en place de la 5G. La France note que la stratégie européenne des données reste muette sur les enjeux de protection des données sensibles détenues par les entreprises, par exemple sur la loi de blocage à l'échelle européenne, l'hébergement des données sensibles, la transparence sur la localisation des données et leur exposition potentielle aux législations extraterritoriales. Or, la faiblesse de l'offre européenne en matière de cloud pousse les entreprises et administrations à se tourner vers des offres extra-européennes, avec un risque de soumission des données européennes à des juridictions de pays tiers. C'est pourquoi les autorités françaises soutiennent le développement d'infrastructures cloud à l'échelle européenne. Elles développent avec l'Allemagne le projet Gaia-X qui ambitionne de devenir une place de marché fédérant à la fois des offreurs cloud et des utilisateurs souhaitant partager leurs données dans un cadre sécurisé, transparent et ouvert. Ce projet est complémentaire à la stratégie nationale de cloud souverain : il vise à créer une place de marché pour l'ensemble des données des utilisateurs et débloquer ainsi un potentiel de marché inexploité dans des conditions de concurrence équitables entre offreurs. L'offre souveraine, prévue uniquement pour les données sensibles et hors du cadre de la coopération judiciaire, pourra s'y insérer et viser ainsi un marché plus large, au-delà des frontières nationales, en s'inscrivant dans un futur projet important d'intérêt européen commun (PIIEC).

Enfin, les autorités françaises soutiennent la dérogation à la directive ePrivacy et en souhaite une adoption rapide afin de permettre la prévention et la détection des abus pédosexuels en ligne. Une telle dérogation serait de nature à répondre temporairement, sur ce sujet particulier, à la demande du Sénat de trouver des solutions aux défaillances persistantes concernant l'accès aux métadonnées et les modalités de recueil du consentement, dans l'attente d'une législation pérenne.

Sur une économie au service des personnes, la France a fait de l'introduction d'une référence à la recommandation du Conseil pour la zone euro l'une de ses priorités dans les négociations sur la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) afin que les plans nationaux de relance puissent contribuer à renforcer la convergence des économies des 19 États membres. La France a également salué la proposition de la Commission d'introduire les Objectifs de développement durable dans le Semestre européen afin de renforcer sa dimension environnementale, mais rappelle qu'il s'agit d'abord d'un instrument de coordination des politiques économiques et que le processus ne doit pas être alourdi. Son programme national de réforme pour 2020 permet d'assurer le suivi de neuf de ces dix-sept objectifs, ciblant spécifiquement ceux présentant un lien avec la coordination des politiques économiques. Le plan national de relance français, en cours de préparation, devrait répondre à l'ensemble des critères d'éligibilité prévus par le règlement portant création de la FRR.

Pour ce qui concerne la fiscalité, la France considère essentiel le développement par l'Union européenne d'une politique fiscale favorable à la compétitivité de l'économie européenne et préservant les recettes publiques. À ce titre, les autorités françaises défendent l'adoption d'un régime définitif en matière de TVA, même si elles restent très réservées sur la proposition concernant les taux et ont rappelé leur soutien au principe d'un allongement de la liste positive existante de biens et services pouvant bénéficier de taux réduits, par rapport à une liste négative énumérant uniquement ceux qui en seraient exclus. La France, qui soutient la poursuite des travaux pour la réforme des règles de la fiscalité internationale au sein de l'OCDE, a oeuvré pour que la Commission entame au plus tôt les travaux relatifs à la taxation des activités numériques. Par ailleurs, les autorités françaises considèrent que les travaux à venir relatifs à la directive ACIS devront tenir compte des règles issues des travaux de l'OCDE sur l'imposition minimale. Toutefois, elles ont rappelé que les objectifs étant différents - l'OCDE est favorable à l'introduction d'une imposition minimale effective des multinationales, et l'ACIS vise l'harmonisation des règles de l'assiette de l'impôt -, les travaux de mise en oeuvre par le droit européen des résultats issus des négociations à l'OCDE devront faire l'objet d'une directive distincte de la directive ACIS. Les autorités françaises se sont ralliées au compromis trouvé sur le champ et les modalités des échanges automatiques d'informations appliqués aux plateformes numériques. Enfin, sur le report de l'entrée en vigueur du paquet TVA sur le commerce électronique, la France a rappelé l'enjeu politique et financier que représente ce sujet dans le renforcement du recouvrement de la TVA et la lutte contre la fraude en matière de commerce électronique.

Pour ce qui concerne une Europe plus forte sur la scène internationale, plusieurs sujets étaient, là aussi, visés par la résolution du Sénat. La France avait notamment présenté, en novembre 2019, un non paper sur l'élargissement, qui avait inspiré la communication de la Commission du 5 février suivant. Ce document repose sur quatre principes : association graduelle et incitative, conditions rigoureuses, bénéfices concrets aux populations et réversibilité, accompagnés d'une gouvernance spécifique dans laquelle le Conseil aurait un rôle renforcé. Lors des discussions sur les cadres de négociations pour l'Albanie et la Macédoine du Nord, la France a cherché à ce que cette nouvelle méthodologie soit intégrée aux documents, dont la dernière version reprend l'essentiel des objectifs français de négociation. Par ailleurs, la France soutient la perspective européenne des Balkans occidentaux, mais estime que la relation entre l'Union européenne et cette région ne doit pas se limiter à l'élargissement, mais aussi porter sur des coopérations concrètes déjà prévues.

À l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la France soutient la poursuite d'un triple objectif : rendre efficace la fonction de négociation, améliorer le fonctionnement de l'institution et mettre à jour les règles multilatérales permettant de mieux appréhender les enjeux actuels, du développement durable à la lutte contre les pratiques distordantes. La modernisation des règles de l'OMC devra comprendre une nouvelle approche du traitement spécial et différencié, un encadrement des questions d'égalité des conditions de concurrence et la prise en compte du développement durable.

Sur les questions de voisinage, de développement et de coopération, les autorités françaises, dans les négociations sur le règlement IDVCI soutiennent le maintien, comme le demandait le Sénat, d'un équilibre financier adéquat entre les voisinages Sud et Est, ainsi que des objectifs ambitieux en matière de migrations et de protection du climat et de la biodiversité. Par ailleurs, elles promeuvent la mise en oeuvre d'un partenariat renforcé avec le voisinage Sud, qui contribuerait aux exercices lancés dans le cadre du Sommet des deux rives en Méditerranée occidentale et permettrait d'affermir l'Union pour la Méditerranée, en alimentant un agenda axé sur le développement de coopérations concrètes sur des problématiques d'intérêt commun (réformes, gouvernance démocratique, climat et environnement, migrations, biodiversité, numérique, culture et patrimoine, etc.), avec une attention particulière portée à l'espace sahélo-saharien dans la lutte contre le terrorisme et les trafics. De surcroît, les autorités françaises soutiennent le Partenariat oriental en tant qu'enceinte de dialogue politique et d'approfondissement des liens économiques et culturels entre l'Union européenne et ses partenaires. Dans le cadre de réflexions sur l'avenir du Partenariat oriental, la France a défini, au titre de domaines prioritaires de coopération, l'action climatique, la jeunesse, la lutte contre les inégalités, en particulier les inégalités entre les femmes et les hommes, et la connectivité. Sur la gouvernance de la politique extérieure de l'Union européenne prévue dans le règlement IDVCI, les autorités françaises estiment que le rôle des États membres dans le pilotage doit être préservé, voire renforcé. L'Union doit être en mesure de réagir rapidement et de façon souple aux crises extérieures. Les positions sénatoriales en la matière ont été globalement satisfaites. Dans le cadre des négociations post-Cotonou, les accords d'association existants avec les pays d'Afrique du Nord ne seront pas remis en cause par des négociations, distinctes, sur des coopérations thématiques panafricaines, les migrations par exemple.

S'agissant de la promotion de notre mode de vie européen, la France accueille favorablement et soutient la nouvelle stratégie de sécurité intérieure pour l'Union, présentée par la Commission en juillet dernier, ainsi que les trois plans d'actions (lutte contre les trafics d'armes, contre les abus sexuels sur les enfants et contre les trafics de drogues). Les autorités françaises ont néanmoins fait savoir que certaines thématiques, notamment la lutte contre la criminalité environnementale et les atteintes à la santé publique, auraient mérité d'apparaître plus explicitement dans la stratégie. Par ailleurs, la France est favorable à une harmonisation des conditions d'application des normes les plus importantes de lutte contre le financement du terrorisme, par la transformation des directives existantes en règlement. Ces objectifs sont en ligne avec les conclusions de la conférence No money for terror , organisée, à Paris, les 25 et 26 avril 2018, qui avait réuni 70 pays et 20 organisations internationales, au cours de laquelle le Président de la République avait appelé à la constitution d'une « coalition de Paris » capable de lutter contre le financement du terrorisme. Il avait mis l'accent sur cinq priorités : l'instauration d'un cadre légal et opérationnel en vue du recueil et du partage d'informations financières, la lutte contre l'anonymat par le renforcement de la transparence des flux financiers et leur traçabilité, la maîtrise des risques liés aux innovations technologiques financières, le soutien technique aux États vulnérables et la sanction des États récalcitrants dans le cadre de la coopération internationale, et le renforcement de la légitimité, de l'autorité et des moyens du Groupe d'action financière (GAFI). Sur les combattants terroristes étrangers (CTE), un protocole a été mis en place pour les intégrer dans le système d'information Schengen (SIS). Pour autant, les récentes propositions de la Commission visant à conférer à Europol un rôle en matière d'insertion des CTE dans le SIS ne sont pas partagées par les autorités françaises pour diverses raisons (absence de plus-value, difficultés de respect de la règle du tiers service, charge de travail supplémentaire liée au contrôle de la qualité des données). En vue de la mise en oeuvre de l'interopérabilité des systèmes d'information européens, un comité stratégique de haut niveau de suivi de ces systèmes d'information a été mis en place en France, au sein du ministère de l'intérieur, auquel participent les directions générales parties prenantes à l'application des nouvelles réglementations européennes en la matière. La fin de l'année 2023 est toujours considérée comme la date d'entrée en opération de l'interopérabilité, mais reste tributaire de l'entrée en service des bases de données nouvelles, notamment du système entrée/sortie (SES) et d'ETIAS, dans l'ensemble de États membres. La pandémie a parfois retardé les travaux dans certains États membres, et la Commission a repoussé de deux mois l'échéance pour le SES (mi-mai 2022), mais maintenu la mise en opération d'ETIAS à fin 2022. La France, à ce stade, respecte les échéances. Concernant le pacte sur la migration et l'asile, il est important de maintenir une dynamique de négociation vers une réforme ambitieuse et globale de la politique européenne d'asile et de migration fondée sur un juste équilibre entre solidarité, responsabilité, coopération renforcée avec les pays tiers. La France, depuis plusieurs années déjà, appelle à une réforme d'ampleur de l'espace Schengen, l'absence de contrôle aux frontières intérieures ne pouvant exister que si la protection des frontières extérieures de l'Union est assurée de manière efficace. Les autorités françaises militent donc pour des mécanismes d'évaluation Schengen renforcés, assortis de sanctions en cas de défaillance grave, des procédures frontalières permettant une gestion fluide et efficace des flux migratoires et une politique européenne de retour effective et durable. Le rôle et le pilotage de Frontex doivent être considérablement renforcés.

Enfin, en vue d'un nouvel élan pour la démocratie européenne, l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme demeure un objectif pour les autorités françaises. Plusieurs États membres les ont soutenues sur la définition des règles internes avant la reprise des négociations avec le Conseil de l'Europe. Les autorités françaises ont sollicité et oeuvré pour une meilleure coordination des États membres en vue des négociations avec les pays non membres. Elles disent demeurer vigilantes de manière à ce que les négociations permettent de préserver l'autonomie du droit de l'Union européenne et la compétence exclusive de la Cour de justice de l'Union européenne pour l'interpréter, ainsi que pour contrôler les actes de la politique étrangère et de sécurité commune. Sur la conférence sur l'avenir de l'Europe, le mandat du Conseil adopté en juin 2020, avec le soutien de la France, a inscrit parmi ses principes directeurs l'importance du rôle des parlements nationaux et aussi prévu leur participation à l'organisation de cette conférence, comme le réclame la résolution du Sénat. En revanche, aucune information n'est apportée sur les suites à donner au premier rapport annuel de la Commission sur l'État de droit, sur la lutte contre les différentes formes de discriminations, sur le nouvel « agenda du consommateur » ni sur la mise en place d'un « carton vert ».

• Le Sénat a partiellement obtenu satisfaction sur sa résolution sur la modernisation de la politique européenne de concurrence , qui, il est vrai, intervenait très en amont, certains textes législatifs venant seulement d'être proposés par la Commission ou devant encore l'être.

Le SGAE, dans sa fiche de suivi, indique que, « à titre liminaire, les enjeux liés à l'amélioration des textes européens de concurrence, que la résolution du Sénat appelle de ses voeux, ont été discutés avec la Commission à plusieurs reprises en 2020 ». Les autorités françaises, avec l'Allemagne, la Pologne et l'Italie, ont appelé en 2020 à une modernisation du droit de la concurrence pour accompagner les objectifs de politique industrielle face aux défis de la mondialisation et mettre en place une régulation ciblée des plateformes numériques structurantes face aux enjeux liés à l'essor de l'économie numérique. Aussi la France soutient-elle les initiatives prises par la Commission, à savoir : la révision de sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence de 1997 (marché pertinent), la publication du Livre blanc sur les subventions étrangères et le projet de règlement dit DMA ( Digital Markets Act ).

La France a indiqué à la Commission que ses propositions de réforme du droit européen de la concurrence, qu'elle lui a adressées en avril 2020, pourraient conduire à l'amélioration des outils existants, par des modifications ciblées des textes, notamment des règlements n° 1/2003 (antitrust) et n° 139/2004 (concentrations). Les autorités françaises ont notamment appelé l'attention de la Commission sur la nécessité de se doter d'un dispositif de contrôle des opérations de concentration sous les seuils actuels, lorsque ces opérations sont susceptibles de porter atteinte à la concurrence. Par ailleurs, les autorités françaises ont signalé à la Commission leur souhait d'une meilleure prise en compte, dans le cadre du contrôle des concentrations, de la concurrence internationale, en particulier si elle est exercée par des acteurs subventionnés par des États tiers qui disposent de capacités importantes de pénétrer rapidement les marchés européens. Enfin, la demande des autorités françaises d'une meilleure intégration des enjeux industriels dans l'appréciation d'une opération de concentration, ne fait pas, aujourd'hui, l'objet de propositions de la Commission, alors même qu'un recours accru aux engagements comportementaux, qui sont des remèdes réversibles, est susceptible de préserver la valeur des actifs en tenant compte d'éventuelles évolutions de marché défavorables. Quant au renforcement de la coopération entre la DG Concurrence et les DG sectorielles de la Commission, recommandé par les autorités françaises, il reste insuffisant même si des mesures sont en cours pour le numérique alors que le recours à une instance consultative indépendante au cours de l'instruction ne paraît pas envisagé.

À ce jour, le DMA est la seule proposition législative présentée par la Commission et concerne les pratiques déloyales dans le secteur numérique. Toutefois, plusieurs propositions relatives au droit européen de la concurrence ont été annoncées pour le premier semestre 2021, en particulier des lignes directrices sur l'utilisation de l'article 22 du règlement 139/2004 (renvoi par les autorités nationales de concurrence à la Commission des opérations de concentration inférieures aux seuils de contrôle mais qui paraissent susceptibles de porter atteinte à la concurrence), un règlement relatif au contrôle des subventions étrangères créant des distorsions de concurrence et une communication sur la délimitation des marchés pertinents.

Sur ce dernier point, le secrétaire d'État a précisé que « le Gouvernement a ainsi soutenu, dans l'esprit de votre résolution, [...] un projet de révision de la définition du marché pertinent, qui date de 1997. C'était l'un des points clefs de votre résolution. La définition n'était plus adaptée à la concurrence internationale, notamment chinoise, que nous vivons aujourd'hui ». Il a ajouté : « Le Sénat demandait l'actualisation de la définition du marché et la prise en compte de la concurrence potentielle future. Derrière ce terme se cache l'essentiel de l'enjeu. Nous l'avons vu sur le marché du ferroviaire, par exemple : si l'on regarde le marché actuel, ou des prévisions raisonnables sur 5, 7 ou 10 ans, la concurrence étrangère est assez faible. Mais, comme nous l'avons vécu pour les panneaux photovoltaïques, en quelques années, une concurrence non anticipée d'acteurs chinois ou autres peut balayer un marché européen. Il faut donc prendre en compte la dimension mondiale de la concurrence actuelle, et pas seulement le marché européen ou national. Nous continuons à porter avec vous cette exigence auprès de la Commission ».

Le projet de règlement DMA, publié le 15 décembre 2020, est discuté au sein du groupe concurrence du Conseil depuis le 14 janvier 2021. Ce texte prend partiellement en compte les positions exposées dans la résolution sénatoriale :

- sur la nécessité de disposer d'analyses sectorielles systématiques de l'état de la concurrence : le projet de règlement prévoit la possibilité pour la Commission de réaliser des enquêtes sectorielles dans les marchés numériques afin d'identifier les entreprises susceptibles d'être qualifiées de « contrôleur d'accès au marché » (gatekeeper) et d'examiner les nouvelles pratiques susceptibles d'être encadrées. Dans la mesure où la Commission prévoit d'associer les équipes de la DG COMP (concurrence), de la DG GROW (marché intérieur) et de la DG CONNECT (réseaux de communication, contenu et technologie), le texte répond au souhait d'intervention coordonnée de différentes directions générales pour de telles enquêtes. Il répond également à la demande d'identifier des acteurs systémiques ou quasi-monopolistiques et de lutter contre les acquisitions prédatrices. En revanche, il ne répond pas à la demande de réalisation de cartographies ex ante , régulièrement actualisées, de l'état de la concurrence sur le marché intérieur, à partir d'analyses sectorielles généralisées avant la fin de l'année 2020 ;

- sur l'indispensable enrichissement de la notion-clef de bien-être du consommateur : la base légale de la proposition de règlement, à savoir l'article 114 du TFUE, ne permet pas de prendre ou de modifier la règlementation existante en matière de concurrence ;

- sur l'allongement de l'horizon temporel afin de prendre en compte la concurrence potentielle future et sur l'urgence d'une actualisation de la définition du marché pertinent : pour les mêmes raisons juridiques, le projet de règlement ne couvre pas cette demande, mais celle-ci pourrait toutefois trouver satisfaction dans le projet de révision de la communication relative à la délimitation des marchés pertinents, qui débutera à la fin du premier semestre 2021 ;

- sur la nécessité de doter la Commission d'outils lui permettant de lutter efficacement contre les pratiques abusives d'entreprises extra-européennes : cette demande sera traitée avec la publication d'une proposition de règlement pour lutter contre les subventions étrangères provoquant des distorsions de concurrence, annoncée pour la fin du premier semestre 2021 ;

- sur le nécessaire renforcement de la flexibilité dans l'application du droit européen de la concurrence : si la proposition de règlement DMA prévoit la possibilité pour la Commission d'adopter des mesures conservatoires, comme demandé par le Sénat, mais la soumet à des exigences de preuve trop lourdes, elle n'apporte pas de réponse satisfaisante à la demande d'un recours accru aux engagements comportementaux ;

- sur l'intégration de nouveaux concepts d'analyse adaptés au numérique afin d'assurer un suivi préventif des comportements des acteurs : le projet de règlement répond à cette demande en permettant à la Commission d'analyser le pouvoir de marché et les pratiques des gatekeepers après les avoir définis à partir de critères précis. Il vise notamment à prévenir les acquisitions prédatrices ( killer acquisitions ) ;

- sur la nécessité d'une évaluation a posteriori et transparente des décisions prises en matière de concurrence : le projet de règlement n'apporte pas de réponse adéquate.

Au total, le projet de règlement répond favorablement aux attentes des autorités françaises d'une régulation asymétrique ex ante des plateformes. Les autorités françaises se disent attentives à ce que les négociations qui s'engagent confortent les positions contenues dans la résolution du Sénat auxquelles le projet de règlement apporte une réponse :

- la régulation devra cibler exclusivement un nombre restreint des plus grandes plateformes incontournables ;

- la Commission devra disposer de larges prérogatives : des pouvoirs d'enquête, y compris l'accès aux données et l'audit des algorithmes, la faculté d'adopter des mesures conservatoires et des décisions avec engagements ainsi que d'imposer des remèdes comportementaux et structurels.

Dans les négociations à venir, les autorités françaises porteront une attention particulière à ce que ce nouveau mécanisme soit suffisamment souple d'usage pour permettre à la régulation de s'adapter au rythme d'évolution très rapide des acteurs visés et de leurs pratiques et d'agir vite, dans le cadre d'une approche de remédiation sur mesure. Les autorités françaises veilleront enfin à la bonne articulation du règlement avec les autres branches du droit économique aux plans européen et national.

Comme l'a indiqué le secrétaire d'État lors de son audition par la commission des affaires européennes, le DMA poursuit l'objectif de « garantir que les marchés numériques restent innovants et ouverts à la concurrence et, surtout, que les relations commerciales avec les grands acteurs numériques, que chacun connaît, soient équitables », ajoutant : « Pour mémoire, en Europe, Google détient 97 % du marché du moteur de recherche : c'est un quasi-monopole ».

• Plusieurs des points d'attention du Sénat exprimés dans sa résolution sur la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne sont partagés par les autorités françaises, mais les avancées sont réduites.

La finalité de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles est de faciliter la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises dans un autre État membre pour permettre la libre circulation des professionnels exerçant des professions dont les conditions d'accès ou d'exercice sont réglementées. Les diplômes délivrés par les établissements des différents États membres sont listés à l'annexe V de la directive après que la Commission a vérifié que les conditions minimales de formation étaient bien remplies. Cette annexe est révisée régulièrement par le biais d'actes délégués, après consultation et sollicitation des État membres. Ceux-ci sont en contact permanent avec les représentants des professions visées, et le ministère de l'enseignement supérieur est également sollicité.

Pour les professions de santé, dont l'activité repose sur la relation avec le patient, la maîtrise de la langue du pays d'accueil est indispensable. Aucune autorisation d'exercer ne peut être délivrée sans maîtrise de la langue. Cependant, le contrôle de la maîtrise de la langue française n'intervient que s'il est nécessaire et doit être distingué de la reconnaissance des qualifications professionnelles. Ainsi, les qualifications professionnelles d'un candidat peuvent être reconnues comme telles par l'État dans lequel il souhaite travailler, mais ce candidat ne devrait pas pouvoir accéder à l'exercice effectif de la profession si sa maîtrise de la langue française est insuffisante.

La demande du Sénat d'une plus grande harmonisation des actes autorisés à la pratique pour chaque profession et d'une plus grande concordance entre les spécialités nationales et celles mentionnées à l'annexe V de la directive 2005/36/CE est partagée par les autorités françaises afin d'intégrer les évolutions des pratiques résultant de l'accroissement des connaissances et de l'évolution des techniques. Ainsi, la réforme des études du troisième cycle de médecine en France a conduit à la création de plusieurs spécialités, dont les diplômes ne sont, pour l'instant, pas inscrits à l'annexe V ; elles ne peuvent donc relever du dispositif de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles. En l'état actuel de la législation européenne, seules les professions dont les diplômes sont mentionnés à l'annexe V font l'objet d'une harmonisation au titre des conditions minimales de formation, à savoir les professions de médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste, sage-femme et infirmier. Des démarches pourraient être engagées en ce sens, sur proposition des autorités françaises délivrant ces diplômes, mais nécessitent l'approbation d'un nombre suffisant d'États membres pour aboutir. Les dispositions de reconnaissance des qualifications professionnelles sont en évolution permanente. Dans ce cadre, la Commission mène des études sur certaines professions, par exemple les infirmiers de soins généraux et les pharmaciens, consistant à élaborer une cartographie des conditions de formation et d'exercice dans l'ensemble des États membres en vue de valoriser les bonnes pratiques et d'envisager les évolutions réglementaires.

La directive (UE) 2018/958 du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions a pour objectif de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Dans ce cadre, les réglementations nationales organisant l'accès aux professions réglementées ne doivent pas constituer un obstacle injustifié ou disproportionné à l'exercice de la libre circulation des travailleurs, de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services. Les obligations en la matière ne sont pas nouvelles puisque des examens de proportionnalité étaient déjà requis, mais cette directive établit un cadre harmonisé de règles communes pour procéder à l'examen de proportionnalité des nouvelles mesures. Applicable depuis le 30 juillet 2020, ce nouveau cadre d'évaluation doit garantir la qualité du contrôle de la proportionnalité, renforcer les échanges avec les parties prenantes et les ordres professionnels et faire l'objet d'une information du public. Les nouvelles réglementations de professions seront envisagées en étroite coopération avec les ordres professionnels. En tout état de cause, elles devront toujours être destinées à protéger la sécurité des patients et à leur apporter des soins de qualité, en prenant en compte l'évolution des techniques et des connaissances.

La mise en oeuvre du mécanisme d'alerte prévu à l'article 56 bis de la directive 2005/36/CE telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 a nécessité le développement de circuits sécurisés de transmission de l'information. Ce dispositif est désormais opérationnel. Des réunions ont déjà eu lieu avec les ordres professionnels concernés pour le présenter et répondre à leurs préoccupations, cet accompagnement pouvant se poursuivre en cas de besoin.

Quant à la carte professionnelle, introduite par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur (« règlement IMI »), elle constitue une autorisation d'exercice dématérialisée et, en tant que telle, établit que les qualifications professionnelles obtenues permettent d'exercer la profession dans l'État membre d'origine afin d'autoriser l'exercice de cette profession en France. Tirant les enseignements de l'expérience acquise en la matière, la Commission a proposé, au cours de la période 2019-2020, une évolution du règlement d'exécution 2015/983 afin que la carte professionnelle européenne, une fois validée par l'État membre d'accueil, puisse faire l'objet d'une prolongation par l'État membre d'origine pour simplifier les démarches.

• La position sénatoriale exprimée dans la résolution européenne tendant à préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique a été soutenue par les autorités françaises à Bruxelles.

Si, en matière de sanctions internationales, la France a toujours cherché à se coordonner avec ses partenaires, en particulier au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, force est de constater un désalignement de plus en plus marqué avec les États-Unis. Le récent durcissement du régime de sanctions applicables au projet de gazoduc Nord Stream 2, visé par la résolution du Sénat, en est une manifestation.

Le recours croissant par les États-Unis à des mesures de portée extraterritoriale est préjudiciable aux opérateurs français et européens, par leurs effets tant directs qu'indirects. Il est donc urgent de renforcer le cadre juridique et les outils européens pour construire une réponse économique crédible et concrète aux conséquences des diverses mesures extraterritoriales et autres mesures économiques coercitives prises par les États-Unis ou par d'autres États tiers.

Les autorités françaises disent avoir travaillé à élargir, avec leurs partenaires européens, le champ d'application du règlement dit « de blocage » de 1996 pour y ajouter le régime de sanctions américain à l'encontre de l'Iran. Elles sont également engagées dans la création d'INSTEX, avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et plusieurs autres États, dont la Belgique et, prochainement, le Danemark ou encore la Norvège. Par ailleurs, elles maintiennent un dialogue exigeant avec l'administration américaine et l' Office of Foreign Assets Control (OFAC) américain, pour demander des précisions et lignes directrices, afin de lever les incertitudes pour les opérateurs économiques.

Les autorités françaises poursuivront ces efforts dans les mois à venir avec les États membres et les institutions européennes. Elles poursuivront leurs efforts dans le but de restaurer le dialogue politique avec les nouvelles autorités américaines sur l'extraterritorialité, grâce à une meilleure coordination sur les sanctions. Elles continueront également de travailler avec la Commission à la présentation de propositions concrètes pour renforcer les outils européens existants ou élaborer de nouveaux instruments juridiques, notamment un règlement visant à dissuader et contrer les actions coercitives des pays tiers, annoncé par la Commission pour 2021. Enfin, elles s'emploieront à mettre en place des moyens permettant de pallier l'absence de canaux financiers avec certaines juridictions frappées par des sanctions extraterritoriales, afin d'assurer le commerce et le soutien humanitaire. La mise en place d'INSTEX constitue une première réalisation concrète, qu'il conviendra d'approfondir, tout en poursuivant le renforcement du rôle international de l'euro.

c) Le nombre limité, quoiqu'en hausse, de résolutions européennes n'ayant reçu aucune suite ou presque

Dans trois cas , contre un seul sur la période couverte par le précédent rapport, une résolution européenne du Sénat n'a, au moins jusqu'à présent, connu aucune suite effective ou quasiment aucune.

• Le Sénat n'a pas obtenu satisfaction sur sa résolution européenne tendant à préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne, tout en garantissant les droits des passagers aériens , alors que sa résolution européenne et le Gouvernement poursuivaient le même objectif.

La propagation de la pandémie de Covid-19 s'est traduite par l'arrêt quasi-total et simultané du trafic aérien dans le monde. Nombre de passagers de ces vols annulés ne se sont pas vu proposer par les transporteurs aériens, confrontés à cette situation sans précédent, le choix entre un réacheminement vers leur destination finale ou le remboursement intégral du billet non utilisé, comme le prévoit le règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant les règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard important d'un vol. Selon ce règlement, en cas de remboursement, celui-ci est effectué en espèces, par virement bancaire électronique, par virement bancaire ou par chèque, ou, avec l'accord signé du passager, sous forme de bons de voyage et/ou d'autres services, mais le transporteur ne peut imposer une solution au passager.

Le 18 mars 2020, la Commission a publié des orientations interprétatives dont l'objet était de préciser comment certaines dispositions de la législation européenne relative aux droits des passagers s'appliquent dans le contexte de la crise sanitaire, notamment pour ce qui concerne les annulations et les retards. Toutefois, ces orientations interprétatives ne détaillaient pas la possibilité de procéder à des remboursements sous forme d'avoirs, se limitant à rappeler le principe selon lequel, « si le transporteur propose un bon, cette offre ne peut pas affecter le droit du passager d'opter plutôt pour un remboursement ». Les dispositions du règlement de 2004 ne couvrant pas les circonstances de cette crise sanitaire, leur mise en oeuvre pour le remboursement - dû sous sept jours en numéraire - des vols annulés du fait de la pandémie a rapidement posé un problème majeur de liquidités aux compagnies aériennes. Au cours de longues discussions avec la Commission, la France a contribué à une déclaration de 12 États membres sur ce sujet, lors de la réunion des ministres européens des transports du 29 avril 2020. Par cette déclaration, la France appelait la Commission à faire une proposition d'amendement temporaire du règlement de 2004 afin d'ouvrir la possibilité d'un remboursement des vols annulés par les compagnies aériennes sous la forme d'avoirs, remboursables à l'issue de la période de leur validité si ceux-ci n'étaient pas été utilisés par le passager.

Néanmoins, dans sa recommandation (UE) 2020/648 du 13 mai 2020 concernant des bons à valoir destinés aux passagers et voyageurs à titre d'alternative au remboursement des voyages à forfait et des services de transport annulés dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la Commission a refusé de donner suite à une telle révision du règlement de 2004. Cette recommandation reconnaissait certes la possibilité pour les compagnies de proposer des avoirs, valables un an minimum, mais indiquait que cette faculté ne devait pas remettre en cause le droit du passager au remboursement selon le mode de son choix. La Commission recommandait que ces avoirs soient dès lors attractifs pour le passager, en respectant un certain nombre de critères, dont une grande flexibilité d'utilisation, et, surtout, qu'ils soient garantis contre le risque de faillite de la compagnie émettrice.

Il n'en demeure pas moins que cette crise sanitaire a démontré les limites du règlement de 2004. Il conviendra d'en tirer les conséquences lors de la révision de ce dernier, dont l'amorce remonte désormais à 2013.

• La résolution du Sénat demandant le renforcement des mesures exceptionnelles de la politique agricole commune (PAC), pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence n'a pas été prise en compte, ou quasiment pas.

Cette résolution comporte trois grands axes : les conséquences de la pandémie de Covid-19, l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de la concurrence et le rappel des positions sénatoriales antérieures, exprimées dans trois résolutions européennes, sur les réformes en cours de la PAC.

Sur les mesures prises pour faire face à la crise liée à la pandémie de Covid-19, les dispositions prises par la Commission en faveur du secteur agricole et agroalimentaire se sont limitées à une enveloppe de 88,5 millions d'euros, portant sur un nombre réduit de secteurs, notamment certaines filières : la viande, les produits laitiers, les pommes de terre de transformation et l'horticulture. Pour la filière viticole, les mesures de confinement dans les principaux pays d'exportation sont venues s'ajouter aux effets des rétorsions américaines. Dans ces circonstances, début octobre 2020, la France, avec douze autres États membres, a demandé à la Commission la prolongation jusqu'au 15 octobre 2021 des mesures de crise dans le secteur viticole. La Commission a préparé un projet de texte à cet effet, qui devrait être adopté début 2021. La France a également demandé des assouplissements des contrôles PAC et invité la Commission à suivre attentivement la situation des marchés et à se tenir prête à envisager de nouvelles mesures de gestion des marchés et des crises en cas de besoin.

Pour ce qui concerne la phase finale des négociations sur la future PAC, les travaux en trilogues ont débuté en novembre 2020 et se poursuivront sous présidence portugaise du Conseil de l'Union européenne, avec l'objectif de dégager un accord entre les colégislateurs. Comme l'a dit le secrétaire d'État pendant son audition, « le chantier de fond n'est pas achevé. Il s'agit de l'adaptation des règles de concurrence à la politique agricole et aux négociations commerciales dans le secteur agricole ». Mais « notre conviction est que cette politique reste centrale ».

Les discussions se concentreront plus particulièrement sur :

- l'architecture environnementale (définition de l'éco-régime et seuil minimum de dépenses associé, le Parlement européen ayant retenu un seuil à 30 %, tandis que le Conseil a pris position pour 20 % avec une phase pilote de deux ans, et exigences en matière de conditionnalité des aides, en particulier à la diversité des cultures et aux infrastructures agro-écologiques) ;

- les définitions (prairie permanente et agriculteur véritable, en particulier) ;

- le plafonnement des aides directes et le paiement redistributif ;

- la définition et la gestion des aides couplées en lien avec les règles de l'OMC ;

- le cadre de performance sur la base d'indicateurs, le Parlement européen ayant rejeté l'apurement de performance fondé sur les réalisations ;

- les adaptations réglementaires prévues dans le règlement « Omnibus » (mesures de gestion des marchés, encadrement du secteur vitivinicole, indications géographiques, etc.).

Compte tenu du retard pris dans la négociation et du temps requis pour que les États membres établissent leurs plans stratégiques, qui doivent ensuite être approuvés par la Commission, deux années de transition sont prévues en 2021 et 2022, durant lesquelles les règles de la PAC actuelle continueront de s'appliquer.

La France fait valoir, au cours de ces négociations, que la PAC doit participer à faire de l'Union européenne une des principales puissances agricoles mondiales, assurant un approvisionnement sûr et répondant à de hauts standards sanitaires et environnementaux, tout en maintenant des coûts raisonnables et compétitifs. La PAC doit participer également à la vitalité des zones rurales, y compris dans les régions ultrapériphériques, et à l'intégration européenne. Bien qu'il ne prenne pas en compte l'ensemble des demandes françaises, les autorités françaises se disent satisfaites de l'équilibre trouvé au Conseil Agriculture et pêche d'octobre 2020. Dans les trilogues, les autorités françaises plaident pour que les négociations aboutissent rapidement afin de pouvoir préparer la mise en oeuvre de la future PAC au 1 er janvier 2023. Elles veillent à ce que les discussions ne dégradent pas les avancées obtenues et plaident pour que le compromis final tienne compte de leurs préoccupations, notamment en matière d'architecture environnementale (renforcement des règles de la conditionnalité, éco-régimes incitatifs, seuils minimaux de dépenses environnementales). La simplification de la mise en oeuvre, les souplesses de gestion financière et l'introduction d'un droit à l'erreur font également partie des priorités françaises, tout comme les dispositions relatives aux aides couplées en lien avec le développement des surfaces de protéines végétales, ainsi que celles relatives aux aides aux zones avec handicap naturel. Les autorités françaises se disent également vigilantes au maintien du budget du programme POSEI bénéficiant aux outre-mer et à la prolongation du système d'autorisations de plantations pour le secteur viticole. Le secrétaire d'État a d'ailleurs indiqué devant la commission que « notre mobilisation, appuyée par de nombreux parlementaires nationaux et européens, nous a permis d'obtenir, à la fin de l'année 2020, dans la dernière ligne droite des négociations avec le Parlement européen, le maintien du budget du [POSEI], si important pour l'agriculture de nos outre-mer, et qui a été remis en cause jusqu'à la fin de l'année dernière ».

Pour ce qui concerne la stratégie « De la ferme à la table » relevant du Pacte vert pour l'Europe, la France la soutient, de même que l'ambition environnementale qui y est associée. Elle plaide pour le renforcement de l'ambition économique qui doit compléter la stratégie et la mise en cohérence des différentes politiques européennes, notamment la politique commerciale, grâce à des objectifs affichés dans la stratégie. Les demandes françaises d'amélioration portent également sur le fait d'assurer des conditions de productions plus équitables entre les producteurs européens et ceux des pays tiers.

En matière de commerce international, sujet qui n'est pas directement traité dans le cadre de la réforme de la PAC, les autorités françaises partagent les préoccupations du Sénat. Elles insistent sur la nécessité de promouvoir une relation commerciale équilibrée et mutuellement bénéficiaire avec les principaux partenaires de l'Union européenne afin de favoriser les exportations françaises, tout en garantissant des règles de concurrence équitables, notamment en protégeant nos indications géographiques, et en promouvant nos normes sanitaires et phytosanitaires et nos standards environnementaux.

Si les accords commerciaux de l'Union européenne peuvent apporter une contribution à l'objectif d'une plus grande diversification des approvisionnements de l'Union et à la sécurisation juridique de ses relations commerciales, ce constat ne doit cependant pas nécessairement conduire l'Union à poursuivre la conclusion d'accords bilatéraux au même rythme que ces dernières années. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il accorder la priorité au suivi et à la mise en oeuvre des accords commerciaux existants. Cette orientation s'est traduite par la création, en juillet 2020, du poste de directeur général adjoint chargé de l'application des règles au sein de la DG Commerce. La conclusion de nouveaux accords bilatéraux doit par ailleurs être cohérente avec les objectifs européens en matière de développement durable, notamment en faisant de la ratification et du respect des obligations juridiquement contraignantes de l'Accord de Paris un élément essentiel, en renforçant le caractère incitatif et contraignant des engagements des parties en matière de développement durable et en inscrivant le respect du principe de précaution. La France encourage également la mise en place de mesures dites « miroir » de façon à appliquer aux produits importés en provenance d'États tiers certains standards environnementaux et sanitaires européens de production. Enfin, les autorités françaises partagent la demande du Sénat d'améliorer la transparence sur les filières agricoles sensibles. Il est également nécessaire d'améliorer la transparence et la communication sur les concessions consenties par l'Union européenne dans le cadre de ses accords commerciaux et à l'OMC, et d'en faire un suivi global. Cela implique notamment une transparence accrue par catégorie de produits, sur la gestion et l'utilisation des contingents, y compris sur les produits des RUP. Ce meilleur suivi doit fournir une base pour les études d'impact ex ante et ex post sur les effets des accords commerciaux, avec des chiffrages sectoriels et régionaux fins.

Sur cette question des accords commerciaux, M. Clément Beaune a indiqué que « nous devons être aussi vigilants que possible. Nous devons être offensifs, car conquérir des marchés internationaux est aussi une condition de vie, ou de survie, de notre agriculture nationale, mais sans accepter des accords commerciaux qui ne respecteraient pas nos standards de qualité environnementale, alimentaire, de production, que ce soit dans le secteur agricole ou industriel. Sur l'accord le plus connu, avec le Mercosur, qui est sur la table de l'Union européenne depuis un peu plus d'un an, la position de la France est claire et elle n'a pas changé : l'accord existant n'est pas acceptable. Il faudrait le modifier sur la biodiversité et le respect de l'accord de Paris et de nos standards environnementaux, sanitaires et alimentaires ».

Pour autant, en dépit de ces assurances fournies par les pouvoirs publics français, l'écart avec les positions exprimées par les résolutions du Sénat porte sur l'économie générale même de la réforme de la PAC. Ce point est rappelé dans la dernière résolution. Plus précisément, le nouveau mode de mise en oeuvre entraîne un risque de renationalisation de la PAC, sur fond de distorsions de concurrence supplémentaires et de dumping social et environnemental. Or il n'a pas été remis en cause : les inquiétudes du Sénat demeurent entières.

Sur les règles de concurrence, les autorités françaises, au cours des négociations sur la réforme de la PAC, ont porté des évolutions du cadre règlementaire européen permettant de renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur. Elles ont notamment soutenu les propositions visant à :

- rendre possible l'extension d'accords interprofessionnels permettant la constitution de fonds de mutualisation visant à prévenir et gérer les risques pour la santé animale, les risques phytosanitaires et les risques environnementaux et économiques ;

- permettre pour le secteur vitivinicole de demander l'extension d'accords interprofessionnels visant à déroger aux délais de paiements légaux pour les transactions de vins dans le cas de contrats pluriannuels, un tel cadre juridique applicable aux transactions de vins en vrac permettant de garantir le partage du coût de trésorerie entre la production et le négoce, lié à la durée de vinification et d'élevage des vins) ;

- intégrer les coûts de production dans les dispositions relatives au partage de la valeur ;

- renforcer l'encadrement des relations contractuelles dans le secteur du lait.

Mais les réticences de la Commission à changer le cadre juridique applicable demeurent très fortes : la résolution du Sénat plaide en faveur de mesures ambitieuses, seules capables de venir en aide à nos agriculteurs, en consacrant une exception de principe en faveur des organisations agricoles au droit commun de la concurrence, sur le modèle du Capper-Volstead Act américain du 18 février 1922. Or, un tel changement de paradigme n'est manifestement pas à l'ordre du jour.

• La résolution visant à adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne n'a pas connu de suite favorable à Bruxelles.

Le loup est une espèce protégée dans le cadre de la directive « Habitats ». Le déclassement du loup de l'annexe II à l'annexe III de la convention de Berne et de la directive « Habitats » était soutenu par les organisations professionnelles agricoles en France et certains députés européens. Les autorités françaises ont jugé cependant que le déclassement n'apportait pas de solution efficace.

En décembre 2016, la Commission avait décidé de maintenir en l'état les directives dites « Nature », à l'issue de l'évaluation réalisée. Elle avait considéré que la progression démographique du loup avait été rendue possible par la protection prévue par la directive « Habitats ». Selon elle, une modification trop précoce de son statut aurait pu remettre en cause cette amélioration. La France partageait ce point de vue. Toutefois, plusieurs États membres ne connaissent pas de progression de la population du loup. En outre, une modification du statut du loup ne se traduirait pas par une augmentation mécanique du nombre de spécimens susceptibles d'être prélevés annuellement, ce nombre étant fonction de l'état de conservation de l'espèce, et non de son statut de protection (stricte ou non). Ainsi, les marges de prélèvement ne seraient pas plus importantes dans l'hypothèse d'un déclassement du loup : le seuil de prélèvement resterait le même, dans la mesure où l'objectif environnemental visé porterait encore sur le bon état de conservation de l'espèce.

La question du déclassement du loup n'a pas été mise à l'ordre du jour du comité permanent de la convention de Berne depuis sa réunion de l'automne 2018. La proposition avait alors été faite par la Suisse. L'Union européenne, en raison d'une absence de majorité qualifiée, avait annoncé qu'elle n'était pas en mesure de se prononcer en cas de vote, ce qui avait conduit la Suisse à retirer sa proposition. Ni en 2019, ni en 2020, la Commission n'a proposé au Conseil de soutenir une proposition visant au déclassement du loup, ce que demandait la résolution sénatoriale.

Le succès n'a pas été plus grand sur les autres points de cette résolution. La Commission n'a pas manifesté l'intention de développer un processus d'évaluation réactif afin de permettre de modifier le statut de protection d'une espèce dans une région donnée, dès que le niveau de conservation souhaité est atteint, ni celle de procéder à une adaptation des annexes de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, afin de prendre en compte la croissance du nombre de loups dans certains États membres ou certaines régions.

Le directeur général de l'environnement de la Commission a écrit à la Direction de l'eau et de la biodiversité, le 18 décembre 2020, pour rappeler que les tirs destructifs ne devaient avoir lieu qu'en dernier recours pour être conformes avec la directive « Habitats » et pour manifester son inquiétude vis-à-vis du récent relèvement du plafond de loups pouvant être détruits. Il considère que la population de 500 loups ne saurait être considérée comme viable et estime que « la condition de maintien du bon état de conservation de la population de loups ne semble pas remplie ».

En ce qui concerne la nécessité pour les États membres d'accorder les dérogations aux interdictions prévues par l'article 12 de la directive « Habitats », sans exclure a priori aucun territoire du champ de ces dérogations, l'arrêté-cadre du 23 octobre 2020 sur les tirs dérogatoires de loup a maintenu les dispositions relatives tant aux tirs d'effarouchement en son article 9, qu'aux tirs simples et renforcés en son article 12 dans les réserves nationales et les coeurs de parcs.

III. UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE QUI RESTE INÉGAL

Le dialogue politique est complémentaire des résolutions de l'article 88-4 de la Constitution qui s'adressent au Gouvernement qui représente la France dans les négociations au Conseil. Il permet en effet de faire connaître directement la position du Sénat aux institutions européennes, d'abord à la Commission européenne, à laquelle les avis politiques sont adressés, mais aussi au Parlement européen, également destinataire de ces avis.

La Commission dispose en principe d'un délai de trois mois pour répondre aux observations formulées dans l'avis politique de la commission des affaires européennes. Ces réponses sont directement adressées au président de la commission des affaires européennes, avec copie au Président du Sénat. Elles sont généralement signées par M. Maro efèoviè, vice-président de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, et cosignées dans la grande majorité des cas par le commissaire européen en charge du secteur sur lequel porte l'avis politique.

Les 15 avis politiques adoptés par la commission des affaires européennes entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020, ont tous reçu une réponse de la Commission. Le rapporteur se félicite de cette situation qui, comme l'année dernière, illustre le dialogue nourri et régulier instauré avec Bruxelles. Il réitère également son appréciation d'une qualité globalement satisfaisante des réponses apportées par la Commission dans le cadre du dialogue politique, et souhaite que les efforts entrepris soient étendus à l'ensemble de ces réponses et poursuivis par la nouvelle Commission, afin de réduire au maximum le caractère encore sans doute trop formel de cet exercice.

• Dans la majorité des cas, les réponses de la Commission veillent, au moins partiellement, à prendre en compte les différents aspects abordés dans l'avis politique de la commission des affaires européennes.

L'avis politique sur les enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais a reçu une réponse relativement détaillée et informative. La Commission prend le soin de préciser que « la prévention des enlèvements d'enfants est un élément essentiel de la politique de l'Union européenne en matière de protection des droits de l'enfant ». Elle promeut l'adhésion des pays tiers à la convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement international d'enfants et surveille son application, notamment en participant aux commissions spéciales organisées par la conférence de La Haye de droit international privé, même si la Commission fait observer que, « dans le système établi par la convention de La Haye de 1980, il n'y a toutefois pas une autorité supérieure à laquelle les parties peuvent s'adresser en cas de violations présumées de la convention ». La Commission se dit « bien consciente des problèmes liés à la mise en oeuvre de la convention au Japon, dus à l'inexistence dans le système juridique de cet État de la garde conjointe et du droit de visite ». Toutefois, ces difficultés existent non seulement pour les couples mixtes, mais également pour les ressortissants japonais. Il n'en demeure pas moins que « la pratique actuelle et le manque de respect des décisions judiciaires garantissant un droit de visite qui sont constatés au Japon ne semblent pas compatibles avec les engagements internationaux du Japon dans le cadre de la convention des droits de l'enfant ».

Au-delà de ce constat, déjà connu de la commission des affaires européennes, la Commission indique que « plusieurs tentatives ont été diligentées pour sensibiliser les autorités japonaises dans la lignée des nombreuses actions entreprises par la délégation de l'Union européenne au Japon ». Ainsi, une lettre conjointe des ambassadeurs de l'Union européenne avait été envoyée, en mars 2018, à la ministre japonaise de la justice, Mme Yoko Kamikawa. De même, le 2 août 2018, Vìra Jourová, alors commissaire en charge de la justice et des consommateurs dans la précédente Commission, avait également écrit à la ministre. Depuis cette date, la délégation de l'Union européenne a soulevé la question au cours de plusieurs réunions avec les autorités japonaises. Cette délégation a également maintenu un contact régulier avec les organisations représentant les parents, ainsi que les parents eux-mêmes. Dans le cadre de la célébration du 30 e anniversaire de la convention des droits de l'enfant, la délégation de l'Union européenne a soutenu plusieurs initiatives en lien avec des influenceurs japonais et publié un article visant à sensibiliser l'opinion publique japonaise sur cette question et sur ses ramifications internationales. La Commission indique que « les ambassades et consulats des États membres, et plusieurs de nos partenaires internationaux sensibles à la situation de ces familles, sont aussi en mesure de jouer un rôle important pour apporter un appui personnalisé à leurs ressortissants ». Elle est informée du fait que des rencontres bilatérales ont également eu lieu avec certains États membres, y compris la France.

La Commission continue, en collaboration avec le Service européen pour l'action extérieure, de profiter des différentes enceintes pour aborder ce problème, par exemple lors du deuxième comité mixte institué par l'accord de partenariat stratégique Union européenne - Japon, qui a eu lieu à Bruxelles, le 31 janvier 2020. Les prochaines consultations relatives aux droits de l'Homme qui doivent se tenir avec le Japon permettront d'aborder à nouveau la question. La Commission précise que, « en fonction de la réponse des autorités japonaises, une démarche européenne, encourageant le Japon à mieux mettre en oeuvre la convention, menée éventuellement avec les États tiers partageant nos positions, pourrait être envisagée dans le futur ». Pour ce qui concerne la requête de la commission des affaires européennes d'établir une liste européenne concernant les pays tiers qui ne respectent pas les obligations découlant de la convention de La Haye de 1980, la Commission indique que « seulement les États membres, qui appliquent la convention dans la pratique, sont en mesure d'avoir les données nécessaires » et que « l'établissement d'une telle liste et les fonds nécessaires [...] impliquent donc une décision formelle du Conseil, qui devrait être prise par les États membres à l'unanimité ».

La Commission a aussi apporté une réponse détaillée à l'avis politique visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage . Elle dit ainsi partager l'opinion exprimée par la commission des affaires européennes concernant l'importance de la lutte contre la fraude dans le cadre des politiques de voisinage et « veillera à ce que l'Office [européen de lutte antifraude, OLAF] dispose des ressources adéquates pour s'acquitter de son mandat », l'OLAF pouvant mener des enquêtes dans les pays voisins en coopération avec les autorités compétentes du pays concerné. La Commission estime que « la création du Parquet européen [...] renforce le cadre européen de lutte contre la fraude » et fait observer que la législation européenne est en cours de modification pour assurer une étroite collaboration entre l'OLAF et le Parquet européen sur la détection des fraudes dans l'Union européenne.

Pour ce qui concerne précisément la nécessité d'un contrôle plus approfondi des financements alloués à la politique européenne de voisinage, demandé par l'avis politique, la Commission rappelle que ses services gérant des programmes avec des profils de risques similaires travaillent en étroite coopération dans des groupes de travail supervisés par l'OLAF et la Direction générale du Budget (DG BUDG). L'un de ces groupes de travail est chargé du suivi de l'aide extérieure de l'Union, notamment de la politique de voisinage. De plus, la Commission « s'assure constamment que les accords de contribution financière et de garantie conclus par sa Direction générale du voisinage et des négociations d'élargissement (DG NEAR) comportent des dispositions robustes et efficaces de lutte contre la fraude ». S'agissant de la détection et du signalement des cas de fraude, l'OLAF gère la base de données IMS 14 ( * ) de la Commission, qui est utilisée par les États membres, les pays candidats, les candidats potentiels et certains pays tiers afin qu'ils puissent s'acquitter pleinement de leur obligation de rapporter tous les cas de fraude et d'irrégularités. Cette base de données est également utilisée par les autorités de gestion des États membres dans le cadre des programmes de coopération transfrontalière de la politique de voisinage. La Commission indique que « la politique de voisinage constituera par ailleurs un thème important du rapport sur la protection des intérêts financiers qui a été publié à l'été 2020 ». Enfin, répondant directement à cette disposition de l'avis politique, elle fait observer que, « au cours des dernières années, la politique de voisinage a fait l'objet d'un grand nombre de rapports spéciaux de la Cour des comptes [européenne] auxquels la Commission a contribué en répondant aux questions politiques, opérationnelles et financières abordées par ces rapports ».

L'avis politique relatif au programme de travail de la Commission européenne pour 2020 a reçu également une réponse très complète et détaillée.

La Commission note d'abord que « la pandémie de Covid-19 impacte profondément [son] travail » et l'a conduite à adapter son programme de travail annuel, le calendrier de certaines des actions proposées ayant été revu. Même si elle « reste fermement déterminée à mettre en oeuvre ses priorités fixées au début du mandat », son activité a été très largement consacrée à la gestion des conséquences de cette crise sanitaire, l'objectif étant d'élaborer « une réponse européenne globale et coordonnée, en étroite coopération avec le Conseil européen, le Parlement européen, le Conseil, les États membres et de nombreuses autres parties prenantes ». À ce titre, les priorités ont porté sur la santé publique et les incidences socio-économiques de la crise, en particulier le plan de relance.

Puis la Commission renvoie à l'annexe à sa réponse, qui présente ses observations aux positions adoptées par l'avis politique sur chacune des priorités politiques de la Présidente Ursula von der Leyen.

Sur le Pacte vert pour l'Europe, visant la neutralité climatique à l'horizon 2050 et conçu à la fois comme la nouvelle stratégie de croissance européenne et comme la ligne conductrice du programme de travail annuel, la Commission annonce la présentation, faite à l'automne dernier, d'un objectif climatique plus ambitieux allant de 50 % à 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux émissions de 1990. Poursuivant l'ambition de mobiliser les secteurs public et privé, la Commission a proposé, en janvier 2020, un plan visant à débloquer au moins 1 000 milliards d'euros d'investissements durables pour la décennie à venir, dans le cadre duquel elle a notamment prévu un mécanisme pour une transition juste, axé sur les régions et les secteurs les plus touchés par la transition. En lien avec le souhait de la commission des affaires européennes que le Pacte vert porte une attention particulière à la réduction de l'empreinte environnementale et à la préservation et la restauration de la biodiversité, la Commission a adopté, en mars 2020, une nouvelle stratégie en matière de politique industrielle et un nouveau plan d'action en faveur de l'économie circulaire. D'autres stratégies, présentées depuis lors, portent également sur ces sujets, par exemple en faveur de la biodiversité, la stratégie dite « De la ferme à la table », en matière de produits chimiques ou encore pour les forêts. Par ailleurs, la Commission travaille à l'élaboration d'une proposition de mécanisme d'ajustement des émissions de carbone aux frontières de manière à ce que le prix des importations reflète davantage leur teneur en carbone. Elle envisage aussi la révision en 2021 de la directive sur la taxation de l'énergie pour aligner la fiscalité sur les objectifs en matière de climat. En réponse à l'avis politique qui insistait sur la liberté de choix par les États membres de leur mix énergétique pour atteindre les objectifs climatiques européens et nationaux, la Commission indique que « toutes les actions proposées respecteront les dispositions pertinentes du traité ». Enfin, elle évoque le plan de relance européen, Next Generation EU , qui s'inscrit dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, dont l'objectif est de stimuler une reprise permettant de sortir de la crise, en particulier grâce à des investissements dans les transitions verte et numérique.

Pour ce qui concerne l'Europe adaptée à l'ère du numérique, la Commission rappelle qu'en relation avec les modalités de déploiement de la 5G, elle a approuvé, en janvier 2020, la boîte à outils commune de mesures d'atténuation sur laquelle les États membres se sont mis d'accord pour faire face aux risques en matière de sécurité liés au déploiement de la 5G. Elle mentionne également sa communication de février 2020, intitulée « Façonner l'avenir numérique de l'Europe », et sa proposition d'acte sur les services numériques, présentée à la fin de l'année dernière, ainsi que sa stratégie pour les données, qui prévoit notamment la création d'espaces communs des données devant faciliter l'accès et le partage des données, surtout pour les PME, et la mise en place d'un cadre cohérent rassemblant les différentes règles applicables pour les services en cloud . Plus précisément, l'acte sur les services numériques devrait introduire des dispositions visant à renforcer les règles applicables aux services numériques dans l'ensemble de l'Union européenne, en clarifiant le rôle et les responsabilités des plateformes en ligne. Enfin, la communication consacrée à l'intelligence artificielle, présentée en février 2020, a pour objectif d'insister sur les valeurs fondamentales et, par conséquent, d'asseoir la confiance des citoyens en cette technologie.

Sur une économie au service des personnes, la Commission indique que la première étape de la mise en oeuvre du plan d'action sur le socle des droits sociaux a consisté en la présentation, en janvier de l'année dernière, d'une communication sur la modernisation de l'économie sociale de marché, qui a également lancé un processus de dialogue et de consultation sur ce sujet. Deux phases de la consultation des partenaires sociaux sur une proposition relative aux salaires minimums ont alimenté l'initiative législative sur ce sujet, présentée fin 2020. Le programme SURE a été mis en place pour fournir une assistance financière aux régimes de chômage partiel dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la Commission indiquant que cette action « ne préjuge pas de la mise en place d'un instrument permanent ». Par ailleurs, dans le cadre de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la Commission a engagé, en février 2020, un réexamen du cadre de gouvernance économique et lancé le débat sur l'efficacité du cadre actuel de surveillance économique et budgétaire en vue de réformes éventuelles du six-pack et du two-pack . Dans le cadre du plan de relance européen, la Commission a proposé une nouvelle facilité pour la reprise et la résilience : construite sur la proposition de règlement visant à établir un cadre de gouvernance pour l'Instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC) pour la zone euro, cette nouvelle facilité devrait apporter un soutien financier à grande échelle aux réformes et aux investissements réalisés par les États membres, et ainsi atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie et mieux préparer aux défis des transitions écologique et numérique. Elle devrait également aider les États membres à remédier aux difficultés relevées dans le cadre du Semestre européen. Sur le dossier fiscal, la Commission rappelle son engagement à recourir aux dispositions des traités autorisant l'adoption de propositions selon la procédure de codécision et en vertu de décisions prises à la majorité qualifiée au Conseil, cette évolution devant introduire plus d'efficacité et de rapidité à intervenir. Sa communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXI e siècle proposera des pistes pour adapter le système fiscal des entreprises à l'économie moderne, en particulier sa viabilité et son équité. Elle fera également le point sur la réforme du cadre international de l'impôt sur les sociétés et sur le défi de la numérisation, actuellement discutés au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Enfin, sur la politique de cohésion, la Commission présentera sa vision à long terme pour les zones rurales en 2021, qui abordera des sujets tels que l'évolution démographique, la connectivité, le risque de pauvreté ou encore l'accès aux services.

Pour ce qui concerne une Europe plus forte sur la scène internationale, la Commission rappelle qu'elle a proposé une modernisation de la dimension extérieure du budget européen, en fusionnant les instruments existants en un seul instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Les priorités de partenariat et les programmes d'association faisant l'objet d'un réexamen en 2020 devraient se concentrer également sur les priorités européennes en matière de transitions verte et numérique, ainsi que sur les défis liés à la migration. La Commission annonce par ailleurs un plan économique et d'investissement pour les Balkans, axé, là aussi, sur les transitions verte et numérique, mais aussi sur l'État de droit. Elle rappelle sa communication de février 2020 sur le processus d'adhésion et la perspective européenne des Balkans occidentaux, qui expose ses propositions pour renforcer la méthodologie de l'élargissement, approuvées par le Conseil européen du 26 mars 2020. Des objectifs politiques pour le Partenariat oriental au-delà de 2020 ont été présentés en mars de l'année dernière : ces nouvelles priorités politiques se concentreront sur le soutien à la transformation écologique, la transformation numérique, l'intégration régionale et des économies plus performantes. Une attention particulière sera également portée au respect permanent des critères de libéralisation du régime des visas, tandis que l'ouverture de nouveaux dialogues sur ce sujet avec les pays du Partenariat oriental sera conditionnée à des résultats en matière de mobilité. Par ailleurs, la Commission se dit toujours mobilisée pour rétablir le bon fonctionnement de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), aujourd'hui bloqué. En avril dernier, l'Union européenne et quinze autres membres de l'OMC, dont le Brésil, la Chine, le Mexique et l'Australie, ont notifié à l'OMC une mesure provisoire sous la forme d'un accord d'arbitrage intermédiaire multipartite. En réponse à la demande de la commission des affaires européennes de prendre toute mesure permettant de neutraliser les sanctions extraterritoriales prises par des États tiers, la Commission rappelle son « rejet » des effets extraterritoriaux des sanctions des pays tiers, qu'elle estime contraires au droit international. Sa future communication sur le renforcement de la souveraineté économique et financière de l'Europe devrait envisager un mécanisme de sanctions renforcé, garantissant que l'Europe résiste mieux aux sanctions extraterritoriales de pays tiers.

S'agissant de la promotion de notre mode de vie européen, la Commission indique que sa nouvelle stratégie sur l'union de la sécurité, présentée fin juillet dernier, tient compte de l'évolution des menaces, en particulier la montée en puissance des nouvelles technologies et l'émergence de menaces de plus en plus complexes. Le terrorisme, l'extrémisme violent, la cybercriminalité et la criminalité organisée deviennent de plus en plus transnationaux. La Commission rappelle que les colégislateurs ont trouvé un accord provisoire sur le règlement relatif à l'Agence de l'Union européenne pour l'asile. Enfin, le nouveau Pacte sur la migration et l'asile, présenté en septembre dernier, repose sur une approche globale de la gestion des migrations.

Sur un nouvel élan pour la démocratie européenne, la Commission insiste sur la lutte contre les discriminations, la crise sanitaire ayant mis en évidence des inégalités au sein des sociétés européennes et des atteintes aux valeurs fondamentales de l'Union européenne. Elle annonce la présentation, effective fin 2020, de deux stratégies, l'une en faveur de l'égalité des personnes LGBTI et l'autre pour l'égalité et l'inclusion des Roms. La Commission évoque également son intention de renforcer sa coopération avec le Conseil de l'Europe, dans le respect du mandat de chacun, y compris en vue de la préparation du premier rapport annuel de la Commission sur l'État de droit dans l'Union. Pour ce qui concerne la demande de la commission des affaires européennes d'un droit d'initiative des parlements nationaux, la Commission « se félicite du souhait du Sénat de contribuer positivement à l'élaboration de son programme de travail » et dit tenir compte des contributions des parlements nationaux dans la préparation de sa programmation. Elle estime cependant qu' « il appartient aux parlements nationaux, dans ce contexte, soit de demander aux représentants de leur État membre au Conseil de transmettre leur point de vue à la Commission, soit d'écrire directement à la Commission ». Ce faisant, elle écarte toute perspective de « carton vert ». Enfin, elle observe que « les parlements nationaux et régionaux ont aussi un rôle important à jouer au sein de la conférence sur l'avenir de l'Europe et sont encouragés à organiser des manifestations liées à la conférence. Leur participation devrait faire en sorte que la Conférence puisse atteindre chaque partie de l'Union européenne ».

La Commission a par ailleurs apporté une réponse très étayée à l'avis politique demandant le renforcement des mesures exceptionnelles de la politique agricole commune (PAC) pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence . Cette réponse reflète des désaccords, bien connus, entre la commission des affaires européennes et la Commission.

Celle-ci fait observer que « la pandémie de Covid-19 a eu un impact moins important sur l'agriculture européenne, et plus largement sur la chaîne d'approvisionnement alimentaire, que sur d'autres secteurs économiques, totalement à l'arrêt » et que « les flux commerciaux, tant au sein de l'Union sur son marché intérieur, que vers et en provenance des pays tiers, se sont globalement également bien maintenus ». Pour autant, « des complications ont été constatées le long de la chaîne en termes logistiques (transports, manutention) et de travail (accès à la main-d'oeuvre, notamment saisonnière), et les changements soudains de la demande, en particulier la fermeture des établissements de restauration, ont perturbé certains secteurs plus que d'autres (parfois même certains segments au sein d'un même secteur) ».

C'est pourquoi des mesures exceptionnelles ont été adoptées par la Commission sur la base du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, en soutien aux secteurs particulièrement touchés, sur la base de l'article 222 dudit règlement pour le lait cru, les pommes de terre industrielles et le secteur des plantes et fleurs. Par trois règlements d'exécution adoptés fin avril 2020, la Commission a autorisé les agriculteurs, leurs associations et les organisations interbranches de chaque secteur à prendre des mesures collectives de stabilisation du marché, en dérogation aux règles de concurrence, pendant une période de six mois. Pour faire face aux perturbations de marché, la Commission a également adopté des mesures de marché incluant une aide au stockage privé dans les secteurs des produits laitiers et de la viande. En outre, ces mesures de marché ont introduit davantage de flexibilité dans l'application des programmes sectoriels (vin, fruits et légumes, huile d'olive, apiculture et programme scolaire de l'Union finançant la distribution de lait et de fruits et légumes dans les écoles) de manière à réorienter les financements vers les mesures de gestion de crise.

La Commission indique avoir constaté, au cours des dernières années, une sous-utilisation régulière d'environ 110 millions d'euros, soit environ 10 %, des enveloppes allouées aux États membres au titre des programmes nationaux d'aide dans le secteur vitivinicole (PNA). Elle estime que cette sous-consommation de crédits serait « considérable » en 2020 car « les opérateurs ne sont pas en mesure d'achever leurs opérations et ne seraient donc pas éligibles aux paiements » du fait de la pandémie. C'est la raison pour laquelle elle a adopté plusieurs règlements visant à assouplir les règles relatives aux PNA et permettre, sous certaines conditions, le paiement partiel des opérations. Selon elle, deux nouvelles mesures, la distillation de crise et le stockage de crise, vont permettre de compenser la sous-consommation habituelle, ainsi que la sous-consommation supplémentaire provoquée par la pandémie. Elle n'a pas détaillé les règles de mise en oeuvre de ces nouvelles mesures pour laisser aux États membres une grande souplesse d'utilisation.

La Commission indique que l'ensemble de ces mesures devrait être financé par le budget 2020, sans nécessiter le recours à la réserve de crise, cette dernière s'étant « révélée inefficace, principalement en raison de son financement annuel via une ponction sur les paiements directs aux agriculteurs ». Ce constat est partagé par la commission des affaires européennes. La Commission justifie donc ses propositions pour la PAC post-2020, qui prévoient « une réserve agricole flexible et opérationnelle, dont le financement ne se fera plus aux dépens des paiements directs aux agriculteurs ». Elle a proposé une réserve agricole d'au moins 400 millions d'euros - l'avis politique demande son accroissement -, la possibilité étant toutefois prévue d'un montant plus élevé en fonction des prévisions de dépenses pour les mesures de crise. De surcroît, la nouvelle réserve agricole mettrait fin, selon la Commission, à la pratique « fastidieuse » du financement consistant actuellement à ponctionner les paiements directs et à rembourser par la suite les fonds non utilisés.

Des mesures de sauvegarde peuvent être envisagées dans le cas où les importations d'un produit augmentent de façon significative et dans des conditions qui provoquent, ou sont susceptibles de provoquer, de sérieux préjudices aux producteurs concernés au sein de l'Union européenne, à la suite d'une « enquête détaillée » démontrant que les importations causent un déséquilibre notable du marché. Ainsi, la grande volatilité des prix mondiaux du sucre n'a pas eu, à ce jour, un impact significatif sur le prix européen. En outre, les importations de sucre au cours des mois de mars et avril étaient inférieures d'environ 15 % à celles de l'année passée sur la même période. D'après les licences d'importation délivrées, les importations d'éthanol en avril 2020 étaient inférieures de 30 % par rapport à celles de l'année passée. Selon la Commission, il n'y aurait donc pas de perturbation du marché européen du sucre et de l'éthanol due aux importations, ce que contestait l'avis politique. Elle estime que l'intervention publique étant un outil permettant d'anticiper une baisse extrême des prix en cas de forte perturbation du marché, elle ne vise pas à assurer un niveau de revenu minimum aux agriculteurs. D'autres outils de la PAC, tels que les paiements directs ou l'outil de stabilisation des revenus, ont pour objectif de soutenir ces revenus.

La Commission reprend ensuite longuement les arguments qui l'avaient conduite, en juin 2018, à proposer une révision de la PAC post-2020, sur les aspects économiques, environnementaux, climatiques et sociaux. Le Sénat a adopté plusieurs résolutions européennes sur l'avenir de la PAC, dans lesquelles il mettait en évidence d'importantes divergences de vues avec la Commission. Celle-ci, dans sa réponse à l'avis politique, indique toutefois que « la PAC continuera d'être aux côtés des agriculteurs européens avec un large éventail d'outils, y compris des dérogations spécifiques aux règles de concurrence prévues par la législation agricole, pour soutenir le revenu agricole, favoriser la gestion des risques et la compétitivité, et faire face aux éventuelles crises ». De même, « dans le cadre des négociations commerciales, la Commission continuera de reconnaître dûment la sensibilité du secteur agricole, en veillant à obtenir un résultat lui offrant des garanties suffisantes ».

Pour ce qui concerne précisément la concurrence, la Commission relève les particularités du secteur agricole qui bénéficie d'un régime spécifique en la matière, reconnu d'ailleurs par la CJUE qui a admis des dérogations aux règles de la concurrence pour assurer la mise en oeuvre des objectifs de la PAC. La Commission estime que l'action des autorités européennes de concurrence a « aidé les agriculteurs à obtenir de meilleures conditions lors de la vente de leurs produits à des acheteurs de taille importante ou à des coopératives, en mettant fin à des pratiques concertées tendant à faire baisser les prix payés aux producteurs (notamment, en France, les prix payés par les abattoirs aux producteurs de viande porcine) ou en affranchissant les producteurs de clauses d'exclusivité abusives imposées par certaines coopératives en position dominante (notamment, en France, dans le secteur du sucre de betterave) ». En outre, la Commission « souscrit pleinement » au caractère bénéfique des activités collectives menées par les organisations de producteurs dans le cadre du règlement (UE) n° 1308/2013. Elle soutient le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs agricoles ainsi qu'une répartition plus équitable de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Elle indique que ces objectifs l'ont conduite à mettre en oeuvre les recommandations de la task force sur les marchés agricoles, relatives aux organisations de producteurs et organisations interprofessionnelles, à la transparence du marché et aux pratiques commerciales déloyales. Selon la Commission, le règlement (UE) 2017/2393 du 17 décembre 2017, dit « règlement Omnibus », a clarifié les règles de concurrence applicables aux producteurs agricoles qui planifient leur production et vendent leurs produits dans le cadre d`organisations de producteurs reconnues, a facilité l'adoption de mesures de coopération de crise par les agriculteurs et a garanti aux producteurs le droit à des contrats écrits de la part de leurs partenaires commerciaux. Elle estime également que son initiative d'octobre 2019 pour la transparence des marchés contribue à réduire l'asymétrie d'information en fournissant des informations sur les prix et les marchés dans les principaux secteurs agricoles à tous les stades de la chaîne. La directive (UE) 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire, applicable à partir de cette année, protège les fournisseurs de produits agroalimentaires faibles contre les comportements déloyaux de la part des plus gros acheteurs et garantit que les agriculteurs peuvent porter plainte auprès des autorités pour faire cesser ces pratiques et éventuellement infliger des amendes.

La Commission considère que, si « aucune de ces mesures prises isolément ne constitue une panacée, elles contribueront ensemble au renforcement des agriculteurs dans la chaîne », et appelle les filières à se saisir de ces différents outils. Elle se dit « prête à travailler avec les colégislateurs pour améliorer les dispositions qui renforcent la position des agriculteurs dans la chaîne alimentaire ».

La Commission estime que d'autres mesures introduites par le « règlement omnibus » doivent être appliquées avant d'être réexaminées. Tel est le cas, par exemple, du nouvel article 152, paragraphe 1 bis , du règlement (UE) n° 1308/2013, qui permet aux producteurs de vendre leurs produits via une organisation de producteurs et de déterminer un prix de vente commun et unique pour ces quantités. Cette disposition devrait aider les agriculteurs à concentrer leur offre et à améliorer leur poids dans les négociations commerciales. Cependant, eu égard au principe de la liberté entrepreneuriale des agriculteurs, la Commission considère que des restrictions aux ventes individuelles des agriculteurs ne semblent pas nécessaires pour atteindre les objectifs de l'organisation commune de marché, et peuvent même avoir des conséquences négatives pour les producteurs.

Sur la dimension commerciale internationale du secteur agro-alimentaire européen, la Commission rappelle qu'au cours des dernières années, la balance entre les exportations de l'Union européenne et les importations a connu une évolution positive. En 2019, les exportations agro-alimentaires de l'Union ont continué à croître à un taux de 7,6 % par rapport à l'année précédente, la France gagnant des parts importantes de marché avec une valeur annuelle d'exportation de 30 milliards d'euros. La Commission se dit « pleinement consciente » que l'ouverture commerciale pourrait être plus problématique pour certains secteurs, et connaît la sensibilité des produits agricoles dans les négociations commerciales. Pour ce qui concerne plus particulièrement l'annonce de la conclusion des négociations commerciales entre l'Union européenne et le Mexique, qui avait provoqué le « vif étonnement » de la commission des affaires européennes, la Commission précise qu' « il ne s'agit nullement de nouvelles négociations mais uniquement de l'annonce de la fin des négociations portant sur la modernisation du volet commercial de l'accord global entre l'Union européenne et le Mexique, entreprise en 2016 et conclue d'abord par un accord politique de principe en avril 2018. Cependant, le Mexique n'ayant présenté son offre concernant les marchés publics au niveau fédéré que fin 2019, la fin des négociations n'a pu être annoncée que le 28 avril 2020. Cette annonce ne signifie pas que la modernisation de l'accord est en vigueur. La Commission espère présenter l'accord au Conseil et au Parlement européen avant la fin [2020] ».

Selon la Commission, « la modernisation de l'accord présente d'intéressantes opportunités pour le secteur agroalimentaire français et européen, car le Mexique est un acheteur important de produits agricoles, en particulier dans le secteur laitier où l'Union européenne a obtenu des quotas importants, mais aussi dans le secteur du porc et de la volaille qui sont presque libéralisés [...]. Les produits agricoles transformés ont tous été entièrement libéralisés. Cet accord rendra également le commerce avec le Mexique plus facile et plus prévisible grâce à l'ambitieux chapitre sanitaire et phytosanitaire, apportant des solutions concrètes aux exportations de fruits et légumes et de produits animaux ». Elle ajoute : « Grâce à [cette] modernisation, l'industrie viticole et spiritueuse française et européenne bénéficiera de dispositions de facilitation des échanges sur le commerce des vins et spiritueux avec des dispositions claires sur l'étiquetage et les pratiques oenologiques qui apporteront une certitude à long terme ». En outre, « l'accord protégera 36 indications géographiques agroalimentaires françaises et 40 indications géographiques viticoles françaises. Le niveau de protection accordé est le plus élevé possible, équivalent à celui existant actuellement dans l'Union européenne pour ses propres indications géographiques ».

En outre, la Commission a apporté une réponse très détaillée, dans une annexe à sa lettre examinant les différents points soulevés par l'avis politique relatif à la modernisation de la politique européenne de concurrence .

Elle observe d'abord que la commission des affaires européennes soutient les objectifs poursuivis par la politique européenne de concurrence, mais « prend note des doutes qu'elle a exprimés au sujet de sa capacité d'appréhender un environnement économique de plus en plus complexe, mondialisé et numérisé ». Elle prend l'engagement de « veiller à ce que la politique et les règles de concurrence de l'Union restent adaptées à l'économie moderne, vigoureusement appliquées et contribuant à une industrie européenne forte, tant sur le plan interne que sur la scène mondiale » et rappelle qu'elle procède actuellement à l'évaluation et au réexamen de ses règles de concurrence.

Puis la Commission examine les différents éléments de l'avis politique.

Sur les analyses sectorielles systématiques de l'état de la concurrence, proposées par la commission des affaires européennes, l'action de la Commission bénéficie déjà, selon elle, d'échanges permanents entre ses services. La DG Concurrence associe les autres DG concernées à tous ses travaux sur les affaires de concurrence ou sur la politique de concurrence afin de bénéficier à tous les stades du processus de leur connaissance du marché et des secteurs concernés. Par exemple, pour le contrôle des concentrations, les DG concernées reçoivent toutes les notifications d'opérations de concentration et les propositions de mesures correctives, et sont consultées sur les projets de décision dans les premières phases des procédures, ainsi que sur les mesures préliminaires telles que l'adoption d'une communication des griefs. Elles sont également invitées à participer aux auditions et aux réunions du comité consultatif. Il en va de même pour les procédures relatives aux pratiques anticoncurrentielles et aux aides d'État. En outre, la Commission explique que la structure de base de la DG Concurrence, avec des unités chargées des concentrations, des pratiques anticoncurrentielles et des aides d'État, spécialisées par secteur de l'économie, « garantit le regroupement de connaissances sectorielles spécifiques ainsi qu'une coopération étroite avec les collègues des DG sectorielles ». Par ailleurs, la DG Concurrence est compétente pour mener, dans certains secteurs et sur certains marchés, des enquêtes auxquelles d'autres DG sont associées, en particulier des enquêtes par secteur. La Commission précise que neuf enquêtes sectorielles ont été menées, la dernière ayant été ouverte le 16 juillet 2020 dans le secteur de l'Internet des objets en ce qui concerne les produits et services destinés aux consommateurs, après des enquêtes sur le commerce électronique, les produits pharmaceutiques, les services financiers (assurances commerciales et banque de détail), l'énergie, la 3G, les lignes louées ou encore les services d'itinérance. En outre, la DG Concurrence publie aussi des rapports annuels consacrés à la politique de la concurrence.

Pour ce qui concerne la notion de bien-être du consommateur, la Commission partage l'avis de la commission des affaires européennes selon lequel le prix ne saurait être l'unique facteur à prendre en compte dans l'appréciation des atteintes à la concurrence et aux intérêts des consommateurs. Une « multitude de paramètres » doivent être pris en compte, dont l'incidence du comportement examiné sur les prix, la qualité, l'innovation et le choix. La Commission dit d'ailleurs évaluer régulièrement ces autres paramètres. Pour autant, elle estime que, « si la mise en oeuvre effective des règles de concurrence de l'UE peut faciliter la réalisation d'objectifs plus vastes de l'action publique tels que la protection de l'environnement, la justice sociale, le maintien d'une inflation faible et le plein emploi, il existe, pour atteindre lesdits objectifs, d'autres instruments d'action directement conçus à cet effet et adaptés à leur objet ».

S'agissant de l'allongement de l'horizon temporel pour prendre en compte la concurrence potentielle future, la Commission doit, lorsqu'elle contrôle les opérations de concentration, examiner si l'entrée de nouveaux concurrents sera éventuellement assez rapide pour dissuader ou contrecarrer l'exercice d'un pouvoir de marché par l'entité issue de la concentration. Selon ses lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, la Commission constate que l'entrée sur le marché n'est normalement considérée comme intervenant en temps utile que si elle s'effectue dans un délai de deux ans. L'horizon temporel appliqué dépend de chaque affaire et de chaque secteur. La Commission tient compte de l'ensemble des facteurs et des évolutions probables du marché dans la mesure où ceux-ci sont connus ou peuvent être raisonnablement prévus au moment de l'examen de la concentration. Elle va au-delà du délai de deux ans pour les concentrations où les spécificités du secteur le permettent, par exemple parce que les cycles de développement des produits sont longs ou parce que les possibilités de participer à un appel d'offres sont peu fréquentes. Pour la concentration Bayer/Monsanto, la Commission a examiné une possible entrée sur un des marchés en cause dans un délai de huit à dix ans. Dans la concentration Siemens/Alstom, l'entrée potentielle de concurrents chinois sur le marché a été évaluée sur une période pouvant atteindre cinq à dix ans. Pour cette affaire, la Commission précise que, « même en choisissant un horizon à dix ans, l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché ne pouvait être considérée comme suffisamment susceptible d'exercer une pression concurrentielle significative sur l'entité issue de la concentration ». Selon la Commission, allonger de manière générale ou excessive le délai d'évaluation de l'arrivée de nouveaux concurrents et de la concurrence potentielle peut présenter des « inconvénients graves » : accroître le caractère incertain de l'appréciation et donc augmenter le risque que l'entrée prévue ne se produise pas comme envisagé, avec un préjudice pour les clients européens ; avoir des conséquences négatives pour les clients pendant des années avant que l'entrée prévue sur le marché ne se concrétise ; nuire à la bonne application des règles de concurrence sur les marchés numériques en rapide évolution. D'ailleurs, la Commission « n'a pas connaissance d'autres ordres juridiques, y compris les États-Unis, dans lesquels est appliqué un horizon temporel plus long, d'au moins cinq ans, pour évaluer la concurrence potentielle comme élément compensateur dans l'examen des opérations de concentrations ». Plus largement, selon la Commission, assouplir les conditions relatives à l'appréciation des concentrations pour faciliter l'autorisation de certaines concentrations industrielles européennes pourrait entraîner des effets anticoncurrentiels et nuire aux clients industriels et aux consommateurs dans l'Espace économique européen, et restreindre la possibilité pour la Commission d'intervenir contre des opérations clairement anticoncurrentielles réalisées par des entreprises établies en dehors de l'UE ou actives dans des secteurs différents, notamment dans le secteur numérique.

Sur la définition des marchés pertinents aux fins d'application du droit de la concurrence de l'Union européenne, la Commission convient que la communication de 1997 sur la définition du marché en cause pourrait utilement faire l'objet d'une révision. C'est pourquoi elle en a engagé une évaluation, comprenant une consultation publique. Elle entend analyser tous les aspects de la définition du marché de produit et du marché géographique et « s'emploiera, à l'avenir également, à effectuer des appréciations de la définition du marché fondées sur des données économiques solides et conformes aux prescriptions du droit primaire et du droit dérivé de l'Union, ainsi qu'aux orientations contraignantes données par le juge de l'Union ».

Pour ce qui concerne le renforcement de la flexibilité dans l'application du droit européen de la concurrence, la Commission indique qu'elle est en train d'étudier la manière d'exploiter le plein potentiel des outils dont elle dispose, notamment le pouvoir d'imposer des mesures correctives en plus des traditionnelles injonctions de ne pas faire. Le 16 octobre 2019, dix-huit ans après avoir eu recours à cet instrument pour la dernière fois, elle a imposé des mesures provisoires au fournisseur de puces Broadcom . Ce précédent démontre, selon la Commission, qu'elle effectue, au cas par cas, une analyse approfondie de l'opportunité d'imposer des mesures provisoires et n'hésite pas à les prononcer lorsque les critères prévus dans le règlement n° 1/2003 sont remplis. La Commission considère que « ce serait toutefois une erreur de supposer que des modifications du critère juridique donneraient automatiquement lieu à un plus grand nombre de cas d'application utile de mesures provisoires ». Les mesures provisoires sont en effet conçues comme des mesures exceptionnelles qui pourraient ne pas être adaptées à des théories du préjudice nouvelles ou à des affaires complexes dans lesquelles un effet anticoncurrentiel doit être établi. Enfin, une analyse d'impact est également en cours pour explorer la nécessité d'un nouvel outil en matière de concurrence. En fonction du résultat de cette analyse, ce nouvel outil pourrait compléter les règles de concurrence actuelles en autorisant la Commission à s'attaquer à des problèmes de concurrence structurels que les règles existantes ne permettent pas de résoudre. Le groupe de travail du Conseil sur la concurrence a débattu de cette question au cours de sa réunion du 16 juillet 2020. Par ailleurs, en ce qui concerne les mesures correctives dans le domaine du contrôle des concentrations, la Commission privilégie les mesures structurelles, c'est-à-dire les cessions, car tant la pratique que des recherches ex post auraient révélé l'efficacité supérieure des mesures correctives structurelles par rapport aux mesures comportementales, et car les structures de marché concurrentielles sont celles qui permettent d'obtenir les résultats les plus efficients. Une concentration anticoncurrentielle se traduit sur le marché par un changement structurel prolongé qui produit des effets négatifs. Une mesure corrective doit empêcher ce changement structurel et avoir un effet durable. En outre, une cession n'appelle pas de suivi à long terme, avec tous les risques que celui-ci comporte. Les autorités de la concurrence ne sont pas efficaces dans la régulation à long terme des marchés et ne disposent pas des ressources nécessaires. Enfin, la préférence de l'Union pour les mesures correctives structurelles est partagée par d'autres ordres juridiques, par exemple ceux des États-Unis et de l'Allemagne ; elle est aussi reconnue dans les travaux du Réseau international de la concurrence. Malgré cette préférence, la Commission indique recourir à des mesures correctives comportementales ou en matière d'accès dans certaines affaires de concentration, lorsqu'il est établi que des mesures de cette nature sont aussi efficaces que des cessions.

Sur l'intégration de nouveaux concepts d'analyse adaptés au numérique afin d'assurer un suivi préventif des comportements des acteurs, évoquée par l'avis politique, la Commission fait observer qu'elle a lancé, début juin dernier, une consultation publique sur le paquet relatif aux services numériques, qui devrait comporter des dispositions visant à réguler les grandes plateformes en ligne qui exercent un rôle de contrôleur d'accès, et à faire en sorte que l'équité et la concurrence continuent d'exister sur les marchés sur lesquels leur influence se fait sentir - les propositions de la Commission ont été présentées en décembre dernier. Pour la Commission, cette initiative et celle relative au nouvel outil en matière de concurrence sont complémentaires et parallèles. De surcroît, la Commission indique examiner si les seuils du règlement sur les concentrations reposant sur le chiffre d'affaires permettent suffisamment de soumettre au contrôle les opérations qui en relèvent, notamment dans le secteur numérique.

Enfin, pour ce qui concerne la proposition de la commission des affaires européennes d'évaluer a posteriori et de manière transparente les décisions prises en matière de concurrence, la Commission explique qu'elle réalise des évaluations ex post de ses décisions antérieures en matière de concentration et de pratiques anticoncurrentielles, en recourant à diverses méthodes qu'elle applique de préférence de façon combinée (méthodes qualitatives telles que des entretiens structurés, méthodes quantitatives descriptives et méthodes quantitatives plus complexes telles que des analyses d'impact contrefactuelles). Le premier exemple d'évaluation ex post effectuée par la Commission est l'étude de 2005 sur les mesures correctives dans les affaires de concentration, qui a abouti à la conclusion que les mesures correctives structurelles, telles que les cessions, étaient très efficaces. En revanche, l'efficacité des mesures correctives accordant un accès à l'infrastructure ou à la technologie apparaît plus douteuse. La DG Concurrence a aussi piloté ou effectué en interne plusieurs évaluations ex post de décisions individuelles dans des affaires de concentration et de pratiques anticoncurrentielles dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications, ainsi que sur le marché des disques durs. Les études sur les secteurs de l'énergie et des télécommunications ont principalement porté sur les effets sur les prix des interventions au titre des règles de concurrence, tandis que l'évaluation du marché des disques durs visait à définir une méthode pour mesurer les effets des opérations de concentration sur l'innovation. Selon une étude de 2015, les mesures correctives appliquées dans les affaires de concentration avaient largement éliminé les effets anticoncurrentiels des concentrations sur les prix. Par ailleurs, la DG Concurrence a créé un poste de conseiller principal chargé des évaluations économiques ex post de la politique de concurrence. Toutefois, en raison de contraintes budgétaires, le nombre d'évaluations rétrospectives effectuées en interne est limité, la majorité des travaux étant confiée à des consultants externes placés sous la supervision d'un groupe de pilotage coordonné par le conseiller principal et composé de fonctionnaires de la DG Concurrence, mais aussi d'autres directions générales. Selon la Commission, cette méthode présente l'avantage de garantir l'indépendance des évaluations effectuées, tout en tirant parti des connaissances spécialisées et de l'expérience des fonctionnaires ayant travaillé sur les affaires et dans les domaines d'intervention examinés.

La réponse de la Commission à l'avis politique relatif à la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne , quoique divergente sur bien des points avec la position de la commission des affaires européennes, est, elle aussi, argumentée. La Commission assure d'abord que le suivi de la mise en oeuvre des textes relatifs à la mobilité des professionnels de santé, et de la directive 2018/958/UE du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions, « se fera dans le but, entre autres, d'assurer la sécurité des patients ». Elle dit également « prend[re] très au sérieux les préoccupations exprimées dans l'avis du Sénat ».

La réponse apporte des précisions dans une annexe présentée de façon thématique. L'absence de réponse sur l'information que la carte professionnelle européenne pourrait comporter sur les qualifications du professionnel de santé, demandée par l'avis politique, est toutefois regrettable.

Sur le contrôle continu, public, indépendant et transparent des formations relevant de l'annexe V de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dispensées dans les États membres, la Commission estime que le contrôle est assuré actuellement par plusieurs acteurs qui permettent ensemble de garantir les conditions minimales des formations des professions de santé couvertes par l'annexe V dans l'Union européenne. Le suivi et le contrôle des formations se fait d'abord au niveau national au titre des compétences des États membres en matière d'éducation et de santé. Selon la Commission, la notification dans le système informatique du marché intérieur (IMI) par les autorités nationales compétentes représente un garde-fou supplémentaire. Cette notification implique une vérification au niveau de l'État membre des formations encodées. Les formations non notifiées ne font pas parties de l'annexe V et ne peuvent donc prétendre à une reconnaissance automatique. Il y a ensuite une vérification des notifications et de leur contenu, effectuée par la Commission. Après examen des formations soumises, et en cas de doute, la Commission revient vers les autorités nationales compétentes. Enfin, un contrôle a posteriori reste possible après vérification des listes publiées dans l'annexe V ou plaintes adressées à la Commission. Sur ce point, la Commission « ne partage pas la conclusion du Sénat selon laquelle il y aurait absence de contrôle des formations dispensées dans les États membres ».

Pour ce qui concerne l'harmonisation a minima des formations prévues par la directive 2005/36/CE, la Commission précise que cette harmonisation résulte des négociations entre les États membres et le Parlement européen, le texte en vigueur étant un compromis. En outre, la révision de la directive sur les qualifications professionnelles par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 permet, selon une procédure simplifiée, l'adaptation d'une partie des exigences de formation des professions, pour s'aligner sur le progrès scientifique et technique. La Commission indique travailler sur ce plan. Ainsi, pour elle, « les exigences communes de formation, même si elles ne sont pas identiques, répondent néanmoins aux exigences élevées de sécurité du patient ». Pour ce qui concerne la plus grande harmonisation des actes autorisés à la pratique pour chaque profession et une plus grande concordance entre les spécialités nationales, la Commission rappelle que l'article 26 de la directive 2005/36/CE permet à la Commission, par actes délégués, l'inscription de nouvelles spécialisations médicales, communes à au moins 2/5 e des États membres.

S'agissant de la nécessité de permettre un contrôle systématique de la maîtrise suffisante de la langue du pays d'accueil, la Commission fait observer que la directive 2005/36/CE précise que les professionnels bénéficiant de la reconnaissance des qualifications professionnelles doivent avoir les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession dans l'État membre d'accueil. Des contrôles peuvent être imposés par les autorités nationales pour les professions ayant des implications en matière de sécurité des patients. Ces contrôles peuvent être réalisés après la délivrance d'une carte professionnelle européenne ou après la reconnaissance d'une qualification professionnelle. De même, un manque constaté de la maîtrise de la langue, de nature à nuire à l'exercice d'une profession au point d'aller à l'encontre de la sécurité du patient, conduirait à l'échec de la réalisation des mesures de compensation. La Commission précise toutefois que le terme « contrôle » ne signifie pas automatiquement « test » : le contrôle consiste d'abord à vérifier les documents fournis ; en cas d'échec de la vérification, un examen ou une interview orale sera demandé au candidat. Elle rappelle également que le contrôle linguistique doit être proportionné à l'activité à exercer et que le professionnel concerné peut intenter un recours contre ce contrôle en vertu du droit national.

Sur l'application de la directive 2018/958/UE sans préjudice pour la sécurité des patients et la qualité des soins, demandée par l'avis politique, la Commission rappelle que l'application cohérente et constante du principe de proportionnalité permettra d'assurer au mieux une sécurité optimale des patients par une réglementation des professions de santé proportionnée et basée sur le respect des principes d'intérêt généraux inscrits dans les traités, dont celui de la santé publique, afin d'assurer un haut degré de protection de la santé humaine.

L'avis politique sur l' évaluation des technologies de santé a reçu une réponse complète, portant sur chacune des observations sénatoriales, et argumentée, même si la commission des affaires européennes et la Commission ne partagent pas nécessairement les mêmes positions - la proposition de la Commission avait d'ailleurs fait l'objet d'un avis motivé du Sénat, en avril 2018, au titre du contrôle de subsidiarité. La Commission indique d'abord qu'elle « partage le point de vue du Sénat selon lequel la pandémie de Covid-19 a montré les limites de la coopération entre États membres dans le domaine de la santé et que cette coopération devra être renforcée ». Ce renforcement concerne notamment le domaine de l'évaluation des technologies de santé.

Sur le choix de la base juridique, que l'avis motivé contestait, la Commission rappelle que le contenu et les objectifs de sa proposition, eu égard aux problèmes mis en évidence dans l'analyse d'impact, avaient motivé le recours à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Elle prend toutefois note de la position du Parlement européen en première lecture, favorable à l'ajout de l'article 168 paragraphe 4 du TFUE en tant que deuxième base juridique, comme le demandait la commission des affaires européennes.

L'avis politique recommandait de limiter, dans un premier temps, le champ des technologies à évaluer en commun pour permettre la mise en place de pratiques garantissant la qualité des évaluations. La Commission note que sa proposition prévoit une période transitoire de trois ans suivant la date de mise en application du règlement, pendant laquelle le groupe de coordination sélectionnerait un nombre limité de médicaments et dispositifs médicaux pour des évaluations cliniques communes, l'objectif étant de garantir la qualité des évaluations dans un premier temps. Le Parlement européen corrobore cette approche, tout en proposant une prolongation de la période transitoire à quatre ans pour les médicaments et sept ans pour les dispositifs médicaux.

La commission des affaires européennes demandait que les évaluations cliniques communes respectent pleinement les compétences des États membres dans le domaine de l'évaluation des technologies de santé, notamment en ce qui concerne leur utilisation au niveau national, la possibilité pour un État membre d'effectuer une évaluation clinique complémentaire et le lien entre une évaluation clinique commune et une évaluation globale faite par l'État membre. La Commission estime que sa proposition fixe des limites claires aux conclusions des rapports d'évaluation clinique commune afin que ces évaluations n'empiètent pas sur l'évaluation globale faite par l'État membre. En effet, selon elle, les États membres resteraient libres de décider : des détails du processus national d'évaluation des technologies de santé, c'est-à-dire de la réalisation ou non d'une évaluation non clinique et/ou d'un processus d'évaluation pour compléter l'évaluation clinique commune ; des conclusions sur la valeur ajoutée globale des technologies de santé évaluées sur la base du rapport d'évaluation clinique commune ; de la manière dont les résultats du processus global d'évaluation devraient, le cas échéant, être utilisés dans le cadre de décisions en matière de tarification et de remboursement. Néanmoins, la Commission admet que la répartition des compétences pourrait être plus précise sur ce point. En première lecture, le Parlement européen a ainsi introduit la possibilité pour les États membres d'effectuer des analyses cliniques complémentaires.

L'avis politique estimait que le règlement lui-même devrait fixer, d'une manière plus claire et approfondie, les conditions relatives à la qualité, à la transparence et à l'indépendance des évaluations cliniques communes et des consultations scientifiques communes. La Commission se dit « convaincue que l'équilibre entre le contenu de l'acte de base et le recours à la législation tertiaire est approprié ». Elle rappelle que les normes en la matière sont souvent techniques et susceptibles d'évolutions du fait de développements scientifiques, ce qui nécessite de la flexibilité. Elle indique toutefois avoir l'intention de rechercher avec les colégislateurs le bon équilibre entre l'acte de base et la législation tertiaire.

Enfin, l'avis politique appelait l'attention sur l'importance de l'identification précoce des technologies de santé émergentes pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients, notamment en cas de pandémie. La Commission considère que l'identification des technologies de sante émergentes est un pilier essentiel du système d'évaluation des technologies de santé. Selon elle, sa proposition a pour but la mise en place des études qui permettraient au groupe de coordination d'identifier les technologies pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients aussitôt que possible dans leur développement.

Sur l'avis politique visant à adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne , la Commission, bien que sur une position différente de celle exprimée par la commission des affaires européennes, a répondu de façon argumentée.

Elle cite d'abord la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, publiée en mai 2020, qui cherche à remédier aux obstacles et aux lacunes dans la mise en oeuvre de la législation européenne en matière de protection de la nature. Elle « reconna[ît] pleinement le rôle essentiel du pastoralisme et du pâturage extensif pour atteindre un état de conservation favorable des habitats de prairies protégés par la directive Habitats » et indique « encourager[...] également la gestion efficace de toutes les zones protégées dépendantes du pastoralisme, en particulier dans le cadre du réseau Natura 2000 ». Enfin, elle se dit « conscient[e] du fait que le pastoralisme est menacé [...] et que le retour des grands prédateurs dans les zones où ils avaient disparu peut exercer une pression supplémentaire, si aucune mesure de protection adéquate n'est mise en place ».

La Commission fait observer que l'objectif principal de la directive Habitats est la réalisation et le maintien d'un état de conservation favorable pour les habitats et les espèces, y compris le loup. Selon elle, « bien que le loup soit présent dans de nombreuses régions de l'Union européenne, la plupart des populations n'ont pas atteint un état de conservation favorable. La base scientifique pour modifier le statut du loup au titre de la directive Habitats n'est donc pas établie ». Dans le cas de la France, où la population de loups est estimée à 580 individus, elle considère que « les données scientifiques indiquent que cette population est encore loin d'avoir atteint un état de conservation favorable. De plus, il convient de rappeler que même lorsque ce statut est atteint, l'obligation de protection au titre de la directive vise également à garantir le maintien de cet état ».

La Commission indique que son plan d'action de 2017 pour le milieu naturel, la population et l'économie a notamment « renforcé la promotion de la coexistence entre les grands prédateurs et les populations des régions concernées ». Dans ce cadre, elle aide les États membres et les parties prenantes à concevoir et à mettre en place des solutions permettant de concilier la conservation des grands carnivores et les intérêts et les besoins de la population, y compris au travers d'une plateforme européenne dédiée, qui a été déclinée au niveau régional - la Commission soutient ainsi une plateforme régionale consacrée au parc naturel régional du Vercors, qui se concentre sur l'incidence des chiens protégeant les troupeaux d'animaux sur d'autres utilisateurs, les randonneurs par exemple. Par ailleurs, les lignes directrices sur les aides d'État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales pour la période 2014-2020 ont été révisées en novembre 2018. Cette révision a augmenté le montant maximal des aides à l'investissement en faveur des mesures de prévention, qui peuvent désormais atteindre 100 % si l'investissement vise à prévenir les dommages causés par des animaux protégés tels que le loup. L'indemnisation des dommages directs et indirects causés par des animaux protégés peut également être accordée jusqu'à concurrence de 100 %. La Commission note que les programmes français de développement rural au titre de la PAC financent des mesures de protection énumérées dans le plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage. Ces mesures de protection comprennent l'installation de clôtures électrifiées, la formation des bergers quant aux pratiques à adapter dans un environnement peuplé d'animaux sauvages, l'achat de chiens de garde, la construction d'abris pour les bergers vivant à proximité de leurs troupeaux, ainsi que des études visant à tester l'adaptation des méthodes d'élevage extensif en présence de prédateurs. La Commission indique aborder « régulièrement le sujet du loup avec les autorités françaises », par exemple lors du dialogue sur la nature du 12 novembre 2019 au cours duquel ses services ont demandé aux autorités françaises d'accélérer leur évaluation de la mise en oeuvre des mesures de protection afin de maximiser leur efficacité.

La Commission explique qu'elle a finalisé la mise à jour de son document d'orientation sur la protection stricte des espèces animales d'intérêt communautaire au titre de la directive Habitats, qui couvre aussi le loup. Cette mise à jour clarifie les mesures de flexibilité applicables au régime dérogatoire de la directive de manière à permettre le contrôle létal du loup et d'autres espèces protégées. La délivrance de dérogations revient aux autorités françaises. Ainsi, en 2019, la France a utilisé de telles dérogations pour l'abattage de 97 loups, représentant près de 20 % de la population de loups en France.

Enfin, pour ce qui concerne le transfert du loup de l'annexe II vers l'annexe III de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, dite convention de Berne, demandé par l'avis politique, la Commission note que « les États membres n'ont pas soutenu les propositions antérieures de l'une des parties contractantes en ce sens. En outre, toute réflexion visant à modifier le statut du loup en vertu de la convention de Berne devrait être fondée sur des preuves scientifiques solides justifiant un tel changement ».

• Sur plusieurs sujets, en revanche, plus nombreux cette année que l'année dernière, la Commission n'apporte que des réponses trop partielles, voire superficielles aux avis politiques de la commission des affaires européennes. Surtout, ces réponses ne comportent pas d'informations véritablement utiles, celles-ci étant déjà connues.

Alors que, sur le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne 2021-2027 , la commission des affaires européennes avait adopté un avis politique très complet et décliné en différentes rubriques (approche générale des dépenses, politique agricole commune, politique de cohésion, prise en compte des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d'outre-mer, Pacte vert pour l'Europe, gestion des migrations, Fonds européen de la défense et politique spatiale, recherche et stimulation des investissements, Union économique et monétaire, ressources et processus d'adoption du CFP), la Commission ne lui a apporté qu'une réponse trop succincte et, surtout, incomplète. Peut-être sa réserve s'explique-t-elle par le fait que les négociations sur le CFP étaient alors encore en cours.

Ainsi, la Commission « se félicite du soutien exprimé par le Sénat en faveur d'un certain nombre d'éléments importants de ses propositions, tels que le financement de nouvelles priorités, la suppression progressive de tous les rabais et l'introduction d'un panier de nouvelles ressources propres », mais « prend également note des réserves émises par le Sénat, notamment au sujet de la proposition de légère réduction des fonds prévus pour la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion ». Après avoir rappelé que sa proposition de CFP cherche à concilier le retrait du Royaume-Uni et la nécessité de consacrer davantage de ressources aux priorités nouvelles telles que la recherche et l'innovation, l'espace et la défense, la Commission cherche à rassurer en indiquant qu'elle « est résolument en faveur d'une PAC solide et bien financée » et qu'elle « reconnaît l'importance des paiements directs comme forme essentielle de soutien au revenu ». Elle estime que « les réductions proposées sont légères et, associées à une modernisation de la PAC, [...] ne compromettront ni la valeur ajoutée ni les performances de cette dernière. La nouvelle architecture verte de la PAC consistera en éléments communs (tels que les programmes écologiques obligatoires au titre du premier pilier), mais laissera aux États membres une marge de manoeuvre pour répondre aux besoins spécifiques de leurs agriculteurs et de leurs communautés rurales ». De même, la politique de cohésion « restera la principale politique d'investissement de l'Union et un moteur essentiel de la création d'emplois, d'une croissance durable et de l'innovation dans nos régions. Les régions ultrapériphériques se verront allouer des moyens pour développer leurs atouts, tels la croissance bleue, les sciences de l'espace et les énergies renouvelables, et pour renforcer leur intégration dans leur espace régional et intensifier la coopération entre elles ou avec les pays voisins dans le cadre des nouveaux programmes Interreg ». Néanmoins, ces affirmations sont formulées en termes généraux et ne démontrent pas comment les priorités mentionnées par l'avis politique seront bel et bien financées de façon pluriannuelle. La Commission se contente de demander de lui faire confiance... La même observation peut être formulée pour le Fonds pour une transition juste.

Par ailleurs, la Commission « prend acte » de l'appel lancé par la commission des affaires européennes en faveur d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Elle indique avoir « l'intention de proposer un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières dans certains secteurs pour réduire le risque de fuite de carbone, si les écarts entre les niveaux d'ambition climatique à travers le monde devaient persister alors que l'UE relève ses objectifs ». Elle « prend également acte » de la disposition de l'avis politique sur sa proposition visant à protéger le budget de l'Union en cas de défaillance généralisée de l'État de droit et « convient de la nécessité d'élaborer un mécanisme véritablement opérationnel qui ne pénalise pas les bénéficiaires finaux du soutien de l'UE ». Prenant l'exemple de la réaction européenne à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19, la Commission estime que « seul un accord sur le cadre financier post-2020 permettra aux nouveaux programmes de démarrer immédiatement et de contribuer aux efforts de relance d'après-crise ».

Malheureusement, la Commission ne prend pas la peine de répondre aux développements de l'avis politique consacrés aux migrations, au Fonds européen de la défense, à la politique spatiale, à la recherche, etc. Elle esquive également la question de l'association des parlements nationaux aux travaux de la conférence sur l'avenir de l'Europe, se limitant à « se félicite[r] de l'intérêt exprimé par le Sénat » pour cette conférence...

La réponse de la Commission à l'avis politique sur l' usage de la langue française dans les institutions européennes est, ici encore, décevante. En effet, la commission des affaires européennes pointait des éléments très précis, par exemple la rédaction ou la traduction rapide en français des documents officiels et informels d'importance, la traduction en français des sites Internet des institutions, organes et agences de l'Union européenne, l'utilisation plus fréquente du français dans le travail interne des institutions ou encore la rédaction d'emblée en français des modifications des traités européens auxquelles pourrait conduire la prochaine conférence sur l'avenir de l'Europe.

Or, la Commission n'a apporté quasiment aucune réponse concrète à ces interrogations. Dans un premier temps, elle se limite, comme trop souvent, à formuler des remarques générales dénuées de caractère opérationnel. Par exemple, elle se dit « convaincue que les langues parlées dans les États membres font partie intégrante du patrimoine culturel des citoyens européens » et « demeure fondamentalement attachée au principe du multilinguisme et à sa promotion, car elle considère qu'il est indispensable pour la légitimité démocratique et la transparence de l'Union que les citoyens puissent communiquer avec ses institutions et lire la législation de l'Union dans leur langue nationale, et participer au projet européen sans être confrontés à la barrière de la langue ». C'est pourquoi elle « promeut activement l'usage et la connaissance des langues officielles et de travail de l'Union européenne, y compris la langue française ».

Si la Commission « prend très au sérieux les craintes exprimées par le Sénat concernant la disponibilité rapide et en bon français des documents des institutions », sa réponse relève les actions visant à promouvoir l'usage des langues officielles, dont le français, mais ne prend pas en compte les points précis soulevés par l'avis politique. Elle reconnaît d'ailleurs implicitement que la traduction n'est pas sa priorité première : « L'objectif de la Commission est de trouver un équilibre raisonnable entre les nombreuses langues parlées par les citoyens de l'Union et des considérations pratiques telles que le coût des traductions ». Elle précise : « Les sites web des représentations de la Commission dans les États membres où le français est une langue officielle sont publiés en français ». Elle indique aussi que « toutes les campagnes de communication de la Commission ciblant le grand public (citoyens européens) sont diffusées dans les 24 langues officielles de l'UE ou dans les langues des États membres dans lesquels une campagne est en cours ». Ce faisant, elle semble mettre toutes les langues officielles de l'Union sur un pied d'égalité. Or, cela n'est pas exact : d'abord, l'anglais, on le sait, occupe une place majeure et croissante dans les activités de l'Union ; ensuite, le français est l'une des trois langues de travail de la Commission et des COREPER, l'une des deux langues de travail en usage au Conseil et l'unique langue du délibéré au sein du système juridictionnel de l'Union.

Pour ce qui concerne le régime linguistique interne des institutions européennes, tel qu'établi par le règlement 1/1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne, la Commission note que sa compétence « se limite à déterminer les modalités d'application de ce régime linguistique pour ce qui la concerne. Au sein de la Commission, chacun est libre de s'exprimer dans une ou plusieurs des langues officielles et de travail. En particulier, il n'y a pas de restrictions internes à la rédaction des documents en français ».

Enfin, pour la conférence sur l'avenir de l'Europe, la Commission « a proposé une plate-forme multilingue en ligne garantissant la transparence des débats et favorisant une participation étendue à ceux-ci. Le suivi des conclusions et recommandations des différents débats de la conférence se fera conformément au régime linguistique en vigueur dans les institutions concernées. Les « Dialogues avec les citoyens » (dont plus de 110 ont eu lieu en France entre 2015 et 2020) sont toujours organisés dans la langue de l'État membre ciblé, en français là où la langue française est langue officielle. Tous les événements dans le cadre de la conférence sur l'avenir de l'Europe suivront le même principe ou offriront une interprétation dans les langues des participants ».

Cette réponse consiste finalement à retracer les pratiques existantes, mais ne donne aucune perspective sur la façon d'améliorer l'usage de la langue française dans les institutions européennes. Elle constitue une invitation au statu quo .

L'avis politique sur le mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni a reçu également une réponse présentant une faible valeur ajoutée. En effet, la Commission rappelle le contexte et les principes des négociations devant aboutir à un accord, qui ont démarré le 2 mars 2020 et se sont soldées par un accord le 24 décembre dernier. Néanmoins, elle n'apporte pas d'informations utiles sur le contenu de ces négociations ni sur les avancées obtenues, à la date de sa réponse, sur les différentes rubriques mentionnées dans l'avis politique, telles que le partenariat économique, la pêche, les services financiers, la propriété intellectuelle, la protection des consommateurs, le changement climatique et l'environnement, les transports, la sécurité intérieure et la coopération judiciaire, la politique étrangère, de sécurité et de défense, le mécanisme de règlement des différends ou encore l'Irlande du Nord.

Ainsi, la Commission note que « l'Union européenne a continuellement réitéré son souhait de construire un partenariat futur qui soit le plus proche et le plus ambitieux possible avec le Royaume-Uni, pays qui demeure et restera un pays voisin, ami et allié de l'Union. [...] cette relation future devra nécessairement prendre en considération le nouveau statut du Royaume-Uni depuis le 31 janvier 2020, celui d'un pays tiers avec un équilibre de droits et d'obligations qui ne peut être équivalent à celui d'un État membre de l'Union ». Elle rappelle que « les directives de négociation forment un ensemble et visent à un accord unique basé sur trois axes principaux » :

- un partenariat économique allant bien au-delà du commerce, incluant un accord sur le commerce des biens sans tarifs ni quotas, et incluant toute une série de secteurs allant de l'action climatique à la pêche, de l'énergie au transport, de la propriété intellectuelle à la mobilité. Sur les services financiers, « il n'y aura pas de négociations mais des décisions unilatérales de l'Union en matière d'équivalence ». La Commission évoque également, mais sans développer, l'existence de « garanties robustes » visant à « assurer le maintien de nos engagements respectifs dans la durée, notamment s'agissant des normes européennes en matière d'aides d'État, de fiscalité, de droits sociaux, d'environnement, de santé et de changement climatique, et empêcher tout retour en arrière ». Par ailleurs, la Commission assure le Sénat « que le level playing field et la pêche restent des éléments indissociables de notre futur partenariat économique pour permettre la conclusion d'un accord d'ensemble » ;

- un partenariat en matière de sécurité intérieure, fondée sur un équilibre des droits et obligations correspondant au statut du Royaume-Uni en tant que pays tiers en dehors de Schengen, mais en tenant compte des défis de sécurité communs et de la proximité géographique exigeant notamment des engagements en matière de respect des droits fondamentaux. Ce partenariat en matière de sécurité inclut également la coopération en matière de politique étrangère, de défense et de sécurité extérieure. Le Royaume-Uni a d'ores et déjà indiqué qu'il ne souhaitait pas s'engager dans des négociations sur ce sujet à ce stade ;

- un cadre institutionnel et de gouvernance unique, essentiel pour la crédibilité de l'accord. Ce cadre couvre tous les domaines de coopération économique et sécuritaire, incluant des mécanismes de dialogue et consultation politique, ainsi qu'une boîte à outils composée de mécanismes efficaces de règlement des différends et de mise en application.

Tout au plus, cette réponse montre qu'il n'y a pas de divergences de principe entre les positions des négociateurs européens et celles de la commission des affaires européennes.

La Commission indique ensuite que, « au-delà de ces négociations sur l'avenir, nous devons continuer, collectivement, de suivre avec attention la mise en oeuvre de l'accord de retrait, agréé puis ratifié par l'Union et par le Royaume-Uni, dans toutes ses dimensions, et notamment le Protocole sur l'Irlande et l'Irlande du Nord et les dispositions relatives à la protection des droits des citoyens » car il s'agit d'un « test important » de la confiance mutuelle nécessaire dans la négociation sur le futur partenariat.

Enfin, elle évoque la préparation de la sortie effective du Royaume-Uni du marché unique et de l'union douanière, à la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020. Elle estime en effet que, « même avec un accord de libre-échange ambitieux, la situation sera qualitativement différente du commerce sans friction que nous connaissons aujourd'hui ». Elle cite différents exemples à ce titre : l'imposition de contrôles sur tous les produits britanniques entrant dans le marché unique, la perte du passeport financier pour les services financiers britanniques ou encore la fin de la reconnaissance mutuelle, notamment en matière de certification industrielle.

Si la Commission conclut sa réponse sur un engagement de transparence, de dialogue et de poursuite de l'association étroite et régulière des parlements nationaux à ces négociations, force est de constater que les informations qu'elle apporte à cet avis politique sont formulées en termes bien trop généraux.

Alors que, dans son avis politique relatif au suivi du respect de l'État de droit en Europe dans le contexte de la pandémie de Covid-19 , la commission des affaires européennes avait formulé des positions précises sur de nombreux sujets, la réponse de la Commission en reste aussi à des généralités. La Commission indique qu'elle « effectue et continuera d'effectuer jusqu'à leur levée un suivi attentif des mesures d'urgence mises en place dans l'ensemble des États membres et de leur incidence sur les valeurs démocratiques incarnées par l'Union européenne », toute mesure d'urgence devant être limitée à ce qui est nécessaire et strictement proportionné.

La Commission prend également note des préoccupations exprimées par la commission des affaires européennes quant à la nécessité d'encadrer soigneusement l'utilisation des applications numériques de traçage des contacts dans le cadre de la lutte contre la pandémie, notamment sous l'angle de la protection des données à caractère personnel. À cet égard, la Commission rappelle les différents textes qu'elle a adoptés sur ce sujet, en particulier ses recommandations successives (« boîte à outils commune » sur les applications mobiles et protection des données). Elle note que, « sans préjudice des prérogatives de la Commission en tant que gardienne des traités, le suivi et l'application effective de la législation en matière de protection des données incombent au premier chef aux autorités de contrôle et aux juridictions nationales auxquelles il appartient de contrôler la conformité des opérations de traitement des données effectuées durant la crise avec la législation européenne ». D'ailleurs, la réponse de la Commission ne dresse aucun bilan, même succinct, de la mise en place de telles applications dans le contexte de la pandémie, ni des leçons à en tirer (difficultés éventuelles et solutions retenues). Par ailleurs, la Commission indique que son premier rapport annuel sur la situation de l'État de droit dans l'ensemble des États membres, présenté en septembre dernier, présente une évaluation de l'impact de certaines de ces mesures extraordinaires. Toujours est-il que sa réponse à l'avis politique ne donne aucune information en la matière.

Concernant l'avis politique tendant à préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union, tout en garantissant les droits des passagers aériens , la Commission n'a pas vraiment répondu aux difficultés soulevées par la commission des affaires européennes. Elle s'est limitée à rappeler que son objectif « a toujours été de garantir le bon équilibre entre la protection des droits des consommateurs et la pérennité de l'industrie européenne du transport aérien ». Elle énumère également les mesures prises « pour soulager les entreprises concernées » par les conséquences du confinement décidé pour lutter contre la pandémie de Covid-19, en particulier dans les domaines du tourisme et des transports, telles que le nouveau cadre temporaire pour les aides d'État, la levée temporaire de l'obligation d'utiliser des créneaux horaires aéroportuaires, la modification temporaire du règlement (CE) n° 1008/2008 sur les règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté, la communication sur le rétablissement de la liberté de circulation et la suppression des frontières intérieures ou encore des lignes directrices sur le rétablissement progressif des services de transport et de la connectivité dans le prolongement de la feuille de route européenne pour la levée des mesures de confinement liées au coronavirus.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les droits des passagers, la Commission rappelle qu'en vertu du règlement (CE) n° 261/2004, en cas d'annulation de vol, les compagnies aériennes doivent offrir aux passagers le choix entre remboursement ou réacheminement. La Commission précise que, « comme le réacheminement n'est pas une option viable dans la plupart des cas durant la crise du Covid-19, les passagers doivent être remboursés ». Cependant, les compagnies aériennes ont la possibilité d'offrir des bons d'achat au lieu du remboursement en numéraire, mais uniquement avec l'accord explicite des passagers. Pour la Commission, « une révision du règlement (CE) n° 261/2004, fût-elle temporaire, n'a pas été jugée opportune ni praticable, notamment du fait de la complexité juridique inhérente aux effets rétroactifs - le Parlement européen partageant cet avis ». Elle ne justifie pas davantage son refus d'une révision temporaire de ce règlement, pourtant demandée par la commission des affaires européennes comme par le gouvernement français, se limitant à rappeler sa recommandation du 13 mai 2020 sur les bons d'achat.

Les différents aspects de l'avis politique relatif à la lutte contre la cybercriminalité ont certes tous reçu une réponse, mais la Commission est restée excessivement générale dans ses propos, au point qu'aucune information utile n'a été fournie à la commission des affaires européennes.

La Commission note que, selon des enquêtes, « les Européens considèrent [la cybercriminalité] comme un problème majeur pour la sécurité de l'Union européenne et sont de moins en moins confiants quant à leur capacité à préserver leur sécurité en ligne », ajoutant : « Il est probable que la pandémie de Covid-19 a exacerbé la menace que représente la cybercriminalité, les criminels profitant de vulnérabilités accrues ». La Commission rappelle que la sécurité figure en bonne place dans ses orientations politiques pour les années 2019 à 2024, y compris la nécessité d'intensifier la coopération transfrontière pour combler les failles de la lutte menée contre les formes graves de criminalité et le terrorisme. Elle rappelle également ses engagements au titre de sa stratégie pour l'union de la sécurité 2020-2025, présentée fin juillet dernier, notamment pour faire face à la menace de la cybercriminalité, qui évolue sans cesse. Enfin, elle estime que l'Union européenne est désormais dotée d'un cadre complet pour bâtir une cybersécurité solide et lutter efficacement contre la cybercriminalité.

La Commission indique partager la position de la commission des affaires européennes sur la nécessité d'une approche associant toutes les parties prenantes concernées, y compris donc les autorités répressives et judiciaires des États membres, qui ont un rôle à jouer dans la lutte contre la cybercriminalité. Elle souligne aussi le rôle des agences européennes dans ce domaine. Elle considère apporter « un soutien constant à Europol et Eurojust en faisant en sorte qu'ils obtiennent des ressources suffisantes pour être en mesure d'avancer dans la réalisation de leurs objectifs prioritaires » et note que le projet de budget général de l'Union pour 2021 « propose de nouveau une augmentation notable du budget des deux agences », sans toutefois fournir de chiffres. De même, la révision du mandat d'Europol, présentée en décembre dernier, vise notamment à renforcer le rôle de cette agence en matière de recherche et d'innovation.

La Commission rappelle les missions de l'unité de l'Union européenne chargée du signalement des contenus sur Internet (IRU) en vue de l'évaluation et de la suppression de contenus à caractère terroriste et celles du Centre européen de lutte contre le terrorisme d'Europol. Toutefois elle n'apporte aucune information nouvelle sur le sujet, se limitant à faire observer que « la base de données européenne de contenus illicites doit encore être développée » et qu' « Europol a prévu une mise à niveau du système au cours de l'année 2021 », ce que la commission des affaires européennes savait déjà. Elle se contente aussi de « prendre acte » de la suggestion portée par l'avis politique d'étendre la portée des travaux à d'autres types de contenus illicites.

La Commission convient de la nécessité d'améliorer encore le signalement de la cybercriminalité et des infractions telles que la fraude en ligne et de fournir une aide aux victimes. Elle reconnaît que le développement de plateformes facilitant les signalements, comme la plateforme française PHAROS, devrait être encouragé « dans le respect, également, des dispositions particulières des instruments juridiques de l'UE applicables ». La Commission se dit « disposée à soutenir la mise en place ou le renforcement de telles initiatives, y compris transfrontières, par un financement spécifique », sans plus de précisions, notamment chiffrées.

La Commission reconnaît l'importance d'améliorer les activités de formation pour contribuer au développement des connaissances et de l'expertise nécessaires en matière de cybercriminalité au sein des autorités répressives de toute l'Europe, et mentionne son soutien à l'Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL), ainsi qu'à des formations spécialisées au sein du Groupe européen de formation et d'enseignement sur la cybercriminalité.

La Commission dit se réjouir du soutien exprimé par l'avis politique à l'action de l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) en vue d'un cadre européen de certification en matière de cybersécurité. Elle confirme la signature du protocole d'accord de 2018 entre l'ENISA, le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité d'Europol, l'Agence européenne de défense (AED) et CERT-EU. Elle reste toutefois plus qu'évasive sur la manière de renforcer concrètement la coopération entre l'ENISA et d'autres agences compétentes en matière de justice et d'affaires intérieures, se limitant à approuver cet objectif.

Sur le Parquet européen, la Commission « prend acte » des suggestions concernant le rôle possible qu'il pourrait jouer dans la lutte contre la cybercriminalité. Elle estime que la priorité est de veiller à ce que le Parquet européen soit opérationnel d'ici à la fin novembre 2020, mais « reconnaît » que les compétences de ce dernier peuvent, dans les conditions énoncées à l'article 86, paragraphe 4, du TFUE, être étendues à d'autres formes de criminalité grave ayant une dimension transfrontière, ce qui a déjà été évoqué au sujet des infractions terroristes transfrontières, en particulier par la Commission Juncker. La réponse ne permet toutefois pas de savoir si cette position est reprise par la Commission actuelle.

La question, pourtant cruciale, de l'accès aux preuves électroniques pour les enquêtes pénales ne donne lieu à aucune information, la Commission se limitant à « prendre acte » de la demande de la commission des affaires européennes sur l'adoption d'un régime européen de conservation des données. Elle indique que « ce type de régime soulève des questions quant à la protection de la vie privée » et qu' « elle évaluera la marche à suivre en fonction de l'issue des affaires pertinentes actuellement examinées par la Cour de justice de l'Union européenne », ce que l'avis politique avait déjà souligné.

La Commission se contente aussi de reprendre les dispositions de l'avis politique relatives aux perspectives transfrontières de la lutte contre la cybercriminalité, en particulier les négociations en cours visant à compléter la convention de Budapest par un second protocole additionnel et la coopération avec le Conseil de l'Europe. Mais, là encore, la réponse ne comporte aucune information nouvelle.

Enfin, sur les échanges entre l'Union européenne et le Royaume-Uni dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité après le Brexit, la Commission note qu'ils « sont couverts par les négociations en cours sur l'avenir de notre relation, dans le cadre du vaste partenariat de sécurité, complet et équilibré, qui est envisagé », sans donner de détails sur le sens des négociations en la matière.

Si la Commission partage le point de vue exposé dans l'avis politique tendant à préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique , sa réponse demeure évasive, voire incantatoire.

Elle relève que « les États-Unis sont un partenaire important de l'Union européenne dans des domaines clés d'intérêt commun, dont la sécurité énergétique » qui fait d'ailleurs l'objet d'échanges réguliers entre l'Union européenne et les États-Unis. Elle estime néanmoins, à juste titre, que l'Union « seule peut décider des règles qui s'appliquent aux opérateurs économiques européens dans ce domaine ».

C'est pourquoi elle se dit « profondément préoccupé[e] » par le recours unilatéral toujours plus grand aux sanctions par les États-Unis, notamment par la décision du Département d'État américain de mettre à jour les lignes directrices relatives à l'article 232 du Countering America's Adversaries Through Sanctions Act' ( CAATSA ). La position européenne sur les sanctions américaines visant des entreprises européennes qui mènent des activités économiques légitimes et conformes au droit européen « est sans équivoque », d'autant plus que « l'application extraterritoriale de sanctions est contraire au droit international ». De surcroît, la Commission fait observer que, contrairement aux pratiques antérieures, elle n'a pas été consultée par les autorités américaines lors de l'adoption des nouvelles lignes directrices du CAATSA .

La Commission conclut en indiquant que, en collaboration avec le Service européen pour l'action extérieure, elle « continuera à s'engager activement avec le Congrès américain et l'administration américaine pour défendre les intérêts européens ». Elle ne dit cependant rien de la façon dont elle compte s'y prendre pour atteindre cet objectif.

Le dialogue politique avec la Commission européenne reste ainsi trop souvent formel, n'apportant pas toujours à la commission des affaires européennes du Sénat les réponses qu'elle attend.

IV. LE CONTRÔLE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ : PAS D'ÉVOLUTION EN VUE DE LA PART DE LA COMMISSION VON DER LEYEN

Il est utile de rappeler le contexte dans lequel le respect du principe de subsidiarité doit être apprécié. En effet, la Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, avait affiché une volonté claire de réduire le nombre de ses propositions législatives pour recentrer son activité autour de quelques grandes priorités politiques. Cette volonté s'accompagnait de l'objectif de mieux respecter le principe de subsidiarité. La Commission présidée par Ursula von der Leyen n'a pas, jusqu'à présent en tout cas, marqué d'infléchissement sur cette question.

1. Rappel sur le contrôle de subsidiarité : les avis motivés

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009, le Sénat dispose de nouvelles compétences en matière de contrôle de la subsidiarité , visées à l' article 88-6 de la Constitution .

Il doit vérifier que l'Union européenne, en adoptant un projet d'acte législatif, reste bien dans son rôle, qu'elle intervient à bon escient et évite l'excès de réglementation. À cette fin, le Sénat est désormais directement destinataire des projets d'acte législatif européens.

Le Sénat peut adopter un avis motivé prenant la forme d'une résolution s'il estime qu'une proposition législative ne respecte pas le principe de subsidiarité, avis dans lequel il indique les raisons pour lesquelles la proposition ne lui paraît pas conforme. Le délai pour adopter un avis motivé est fixé par les traités à huit semaines à compter de la date à laquelle le Sénat a été saisi du texte 15 ( * ) .

Dans le contexte exceptionnel créé par la pandémie de Covid-19, la Commission a informé les parlements nationaux, par une lettre du vice-président Maro efèoviè, du 8 avril 2020, qu'elle était disposée à faciliter le contrôle parlementaire du principe de subsidiarité , « même si [les] résolutions des parlements nationaux devaient lui parvenir après l'expiration du délai de huit semaines » : « Quand bien même de tels avis tardifs ne pourraient pas être légalement pris en compte en vue d'atteindre les seuils de déclenchement de la procédure du carton jaune ou du carton orange , ils seraient tous portés à l'attention des membres de la Commission concernés et une réponse de fond publiquement accessible y serait apportée comme s'ils avaient été reçus dans le délai applicable, sans préjudice des prérogatives des autres institutions de l'UE ».

UN GROUPE DE VEILLE SUR LA SUBSIDIARITÉ

Un groupe pilote a été constitué au sein de la commission des affaires européennes afin d'effectuer un examen systématique des projets d'actes législatifs au regard du principe de subsidiarité. Le Règlement du Sénat permet, en effet, à la commission des affaires européennes d'adopter un projet d'avis motivé de sa propre initiative.

Ce groupe pilote est présidé par le président de la commission des affaires européennes et comporte un représentant de chaque groupe politique.

Il a été renouvelé à l'occasion des élections sénatoriales du 27 septembre 2020.

Le Règlement du Sénat prévoit que tout sénateur peut déposer une proposition de résolution portant avis motivé. Celle-ci doit d'abord être adoptée par la commission des affaires européennes . Elle est ensuite soumise à l'approbation de la commission compétente au fond. Si celle-ci ne statue pas dans les délais, le texte élaboré par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté. À tout moment de la procédure, le président d'un groupe peut demander un examen en séance publique. Une fois adopté, l'avis motivé est aussitôt transmis aux institutions européennes, la Commission, le Conseil et le Parlement européen.

Conformément au protocole n° 2 annexé aux traités sur l'Union européenne et sur le fonctionnement de l'Union européenne, si un tiers des parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, celle-ci doit être réexaminée par l'institution européenne concernée qui peut décider de la maintenir, de la modifier ou de la retirer. C'est ce que l'on appelle le « carton jaune » . Ce seuil est abaissé à un quart des parlements nationaux pour les projets d'acte législatif intervenant dans le domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale .

TROIS PRÉCÉDENTS EN MATIÈRE DE « CARTON JAUNE »

Les parlements nationaux ont adressé trois « cartons jaunes » à la Commission européenne :

- le premier concernait le paquet « Monti II », un ensemble de textes relatifs au droit de grève. Des assemblées parlementaires de douze États membres 16 ( * ) , représentant 19 voix, ont estimé que ces textes étaient contraires au principe de subsidiarité. La Commission a retiré ce paquet le 26 septembre 2012 ;

- le deuxième « carton jaune » visait la proposition de règlement créant un Parquet européen. Des assemblées de dix États membres 17 ( * ) , représentant 18 voix, se sont exprimées dans le même sens. En revanche, la Commission a informé du maintien de son texte, par lettre du 13 mars 2013 ;

- le troisième « carton jaune » porte sur la proposition de directive visant à réviser la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs. Des assemblées de onze États membres 18 ( * ) , représentant 22 voix, ont considéré que ce texte, en particulier la question de la fixation des salaires, était contraire au principe de subsidiarité. Le 20 juillet 2016, la Commission a cependant maintenu son texte, rappelant que la directive qu'elle propose de réviser date de plus de vingt ans.

En outre, dans le cadre de la procédure législative ordinaire (codécision entre le Parlement européen et le Conseil), si la moitié des parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, la Commission doit réexaminer sa proposition et décider soit de la maintenir, soit de la modifier, soit de la retirer. Si, malgré le nombre important d'avis négatifs, elle choisit de la maintenir, elle doit justifier cette décision en publiant elle-même un avis motivé indiquant les raisons pour lesquelles elle estime que cette proposition est conforme au principe de subsidiarité. De leur côté, le Parlement européen et le Conseil devront vérifier, avant d'achever la première lecture, la conformité du texte au principe de subsidiarité. Si le Parlement européen, à la majorité des suffrages exprimés, ou une majorité de 55 % des membres du Conseil estime qu'il n'est pas conforme, la proposition législative est rejetée et son examen n'est pas poursuivi. C'est ce que l'on appelle le « carton orange » .

Le contrôle de subsidiarité par le Sénat peut également s'effectuer a posteriori . C'est ce que l'on appelle le « carton rouge » . Le Sénat peut ainsi, en application de l'article 88-6 de la Constitution, former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen déjà adopté , dans les deux mois suivant cette adoption, afin de faire constater qu'il ne respecte pas le principe de subsidiarité.

La procédure de décision est la même que pour les avis motivés. Toutefois, la Cour de justice peut également être saisie, sans qu'une décision du Sénat soit nécessaire, dès lors qu'au moins soixante sénateurs en font la demande.

2. Le contrôle de subsidiarité : un moindre intérêt de la part des parlements nationaux ?

Le rapport annuel 2019 de la Commission sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, fusionné depuis l'année dernière avec le rapport sur ses relations avec les parlements nationaux, a été présenté le 30 juin 2020 19 ( * ) .

Dans ce rapport, la Commission fait observer que « l'année 2019 était une année de transition entre deux mandats de la Commission , durant laquelle moins d'initiatives et de propositions législatives ont été présentées par rapport aux années précédentes ». Elle indique ainsi que le comité d'examen de la réglementation « n'a émis un avis que pour une seule analyse d'impact, qui portait sur la refonte de l'Institut européen d'innovation et de technologie et sur l'instauration du programme stratégique d'innovation de l'Institut », le comité ayant conclu au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. En 2019, parmi les 70 évaluations effectuées par la Commission, dont quatre bilans de qualité, le comité en a examiné 18, portant sur l'évaluation de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires et sur le bilan de qualité de la directive-cadre sur l'eau et de la directive « Inondations », au regard de ces deux principes.

En 2019, la Commission n'a reçu aucun avis motivé relatif au respect du principe de subsidiarité de la part des parlements nationaux , contre 37 l'année précédente, après une diminution de 28,8 % entre 2017 et 2018. La Commission note que « cela s'explique largement par la forte diminution de l'activité législative de la Commission durant l'année de transition entre deux mandats ». Elle estime aussi que « cela pourrait être le résultat de l'application par la Commission d'un programme renforcé d'amélioration de la réglementation et de son engagement à intégrer les principes de subsidiarité et de proportionnalité à tous les stades de l'élaboration des politiques, à évaluer les cadres d'action existants avant de présenter des révisions législatives et à ne lancer une action au niveau européen que si sa valeur ajoutée est claire ».

Il convient de rappeler que le Parlement européen veille également au respect du principe de subsidiarité. Sa commission des affaires juridiques désigne un rapporteur pour la subsidiarité pour un mandat de six mois, sur la base d'une rotation entre les groupes politiques. Ce rapporteur suit les avis motivés reçus et a la possibilité de se saisir de questions qu'ils soulèvent pour en débattre en commission et pour adresser d'éventuelles recommandations à la commission compétente sur le texte concerné. La commission des affaires juridiques établit également un rapport sur les rapports annuels de la Commission relatifs aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Le Conseil informe également les États membres des avis motivés reçus des parlements nationaux.

Enfin, le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) doit également être souligné. En 2019, la Cour a rendu un arrêt 20 ( * ) dans une affaire concernant la compatibilité de la législation européenne avec le principe de subsidiarité. Dans cet arrêt, la CJUE a estimé que le législateur de l'Union n'avait pas enfreint le principe de subsidiarité en excluant certains services juridiques du champ d'application de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, étant donné que, ce faisant, il a estimé qu'il revenait aux législateurs nationaux de déterminer si ces services devaient être soumis aux règles de passation de marchés publics.

3. Les avis motivés adoptés par le Sénat

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Sénat a adopté 31 avis motivés au titre du contrôle de subsidiarité, soit :

- 1 en 2011 , sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;

- 10 en 2012 , sur l'accès aux ressources génétiques, la gestion collective des droits d'auteur et licences multiterritoriales de droits portant sur des oeuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne, le contrôle technique périodique des véhicules à moteur, le paquet « Monti II » (qui a atteint le seuil du « carton jaune ») , l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale, la reconnaissance des qualifications professionnelles, le règlement général sur la protection des données, l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports, le développement du réseau transeuropéen de transport et le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires dans les États membres de la zone euro ;

- 4 en 2013 , sur la déclaration de TVA normalisée, les commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte, la création du parquet européen (qui a atteint le seuil du « carton jaune ») et le 4 e paquet ferroviaire ;

- 2 en 2014 , sur des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'Union européenne et le règlement sur les nouveaux aliments ;

- 4 en 2016 21 ( * ) , sur le paquet « déchets », les contrats de fourniture numérique et contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens, le mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie et l'organe des régulateurs européens des communications électroniques ;

- 5 en 2017 , sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la procédure de notification des régimes d'autorisation et des exigences en matière de services, le contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions, l'agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie et le marché intérieur de l'électricité ;

- 4 en 2018 , sur le cadre applicable à la libre circulation des données à caractère non personnel dans l'Union européenne, l'ENISA et la certification des technologies de l'information et des communications en matière de cybersécurité, les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et l'évaluation des technologies de la santé ;

- aucun en 2019 et 1 en 2020 22 ( * ) , sur le sujet suivant :

Texte

Proposition
de résolution portant avis motivé de la commission des affaires européennes

Résolution

Réponse
de la Commission européenne

Cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant la loi européenne sur le climat (règlement (UE) 2018/1999)


COM (2020) 80 final

N° 437 de MM. Benoît Huré et Jean-Yves Leconte déposée le 14/05/2020

N° 88 adoptée le 22/05/2020

Transmise le 20/08/2020

Dans sa résolution portant avis motivé sur ce texte, le Sénat a regretté, une fois encore, que les actes délégués et les actes d'exécution, qui constituent des compléments des actes législatifs, ne soient pas transmis aux parlements nationaux aux fins de contrôle du respect du principe de subsidiarité, rendant ainsi ce contrôle partiel. Sur le fond, il n'a pas contesté que la fixation d'un objectif de neutralité climatique de l'Union européenne à l'horizon 2050 apparaissait justifiée au regard du principe de subsidiarité, tout en faisant observer qu'il était actuellement impossible d'apprécier la proportionnalité de la possible révision de l'objectif spécifique de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. En revanche, la résolution sénatoriale est réservée sur les modalités retenues pour évaluer les mesures prises par l'Union et les États membres pour atteindre l'objectif de neutralité climatique et mesurer les progrès en matière d'adaptation au changement climatique. En effet, cette évaluation accorderait une trop grande place aux actes délégués pris par la Commission, à partir de 2030, pour atteindre la neutralité climatique en 2050, interférant ainsi dans les compétences nationales pour apprécier le respect des objectifs fixés. Le Sénat ne pouvait accepter que la Commission soit autorisée à recourir à des actes délégués pour définir la trajectoire à suivre pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, dès lors que cette trajectoire n'est pas un élément technique ni mécanique, mais revêt au contraire un caractère éminemment politique. Le Sénat, considérant que la fixation de cette trajectoire constitue un élément essentiel de la proposition de règlement soumise à son examen, ce qui interdit le recours envisagé aux actes délégués, a donc estimé que ce texte ne respectait pas le principe de subsidiarité.

La réponse de la Commission, formulée dans des termes généraux, tend, principalement, à réitérer ses positions initiales, comme elle le fait quasiment toujours dans ce type d'exercice, n'apportant de ce fait pas d'informations nouvelles, et, accessoirement, à rassurer. Ainsi rappelle-t-elle que sa « proposition s'inscrit dans le cadre d'un ensemble plus large d'actions ambitieuses annoncées dans la communication [...] sur le pacte vert pour l'Europe », dont l'ambition est de faire de l'Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d'ici à 2050. Elle se félicite d'ailleurs que « le Sénat partage le point de vue selon lequel une action au niveau de l'Union est justifiée pour fixer l'objectif de neutralité climatique de l'Union à l'horizon 2050 dans la législation, parallèlement à une action en matière d'adaptation » et dit « prend[re] acte des préoccupations du Sénat ». La réponse de la Commission précise que « les travaux sont en bonne voie pour présenter, d'ici à septembre 2020, un plan assorti d'une analyse d'impact pour revoir à la hausse les ambitions de l'UE pour 2030 et réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50-55 % par rapport aux niveaux de 1990 ». Pour ce qui concerne la procédure d'évaluation des mesures des États membres, la Commission « tient à préciser que les principes qui s'appliqueraient sont similaires à ceux énoncés dans le règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat », c'est-à-dire que « les États membres devraient tenir dûment compte des recommandations et expliquer comment ils l'ont fait, ou alors fournir une motivation lorsque les recommandations n'ont pas été suivies », mais la Commission rappelle les dispositions de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, selon lesquelles « les recommandations ne lient pas ». Enfin, sur le recours aux actes délégués pour définir une trajectoire au niveau de l'Union visant à atteindre progressivement l'objectif de neutralité climatique de l'Union à l'horizon 2050, la réponse fait observer que « cette trajectoire devra être utilisée par la Commission pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation de l'objectif de neutralité climatique et évaluer l'efficacité des politiques existantes » et que « le point de départ et le point final de la trajectoire, ainsi que les critères à prendre en considération lors de la détermination de cette dernière, sont fixés par les colégislateurs » de telle sorte que, selon la Commission, « la délégation ne comprend aucun élément essentiel » au sens du traité.

S'il est naturellement difficile de tirer des enseignements d'une seule réponse à une résolution portant avis motivé, force est pourtant de constater que, pour ce seul cas, la Commission von der Leyen réitère la méthode de la Commission Juncker : sa réponse est basée sur sa proposition législative initiale. Or, les négociations entre les colégislateurs montrent que la rédaction de plusieurs propositions de la Commission évolue parfois sensiblement. Tel est d'ailleurs le cas pour la loi européenne pour le climat, dont les négociations ont donné satisfaction aux positions sénatoriales sur le point soulevé dans l'avis motivé.

Comme l'écrivait l'année dernière le prédécesseur du rapporteur, « le texte issu des négociations a parfois beaucoup évolué » et « sa nouvelle rédaction tient compte, assez souvent, de tout ou partie des observations du Sénat, y compris sur des dispositions dont celui-ci contestait la conformité au principe de subsidiarité ». Il poursuivait : « Il serait sans doute souhaitable qu'à l'avenir, les réponses de la Commission aux avis motivés s'appuient sur le dernier état du texte afin, précisément, de tenir compte , non pas de sa proposition initiale, qui renseigne certes sur les intentions de la Commission, mais pas vraiment sur les dispositions qui seront applicables, directement ou à l'issue d'une transposition, dans les États membres, mais de la version définitive, ou à tout le moins la plus avancée possible » .

Malheureusement, cette demande n'a pas, à ce stade, reçu de suite favorable de la part de la nouvelle Commission.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le 4 mars 2021 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Jean-François Rapin, président, le débat suivant s'est engagé :

M. Ludovic Haye . - Vous avez indiqué que les remarques du Sénat avaient été prises en compte, ce qui est toujours intéressant.

Même si nous n'avons pas pu tout retenir - les sujets sont nombreux -, les chiffres relatifs à la PAC et à la cybersécurité me semblent très éloquents. Ce sont de belles avancées. Merci à vous et à l'ensemble des sénateurs pour ce travail.

M. Daniel Gremillet . - Après l'accord sur le Brexit et le départ de nos amis britanniques, il serait bon de s'imprégner du travail réalisé par les différents parlements. Cela rapprocherait l'Europe de nos concitoyens et ferait sens.

Comment porter l'espoir que l'on peut avoir dans la construction européenne ? Je me félicite du travail que nous faisons ensemble, mais il y a sûrement un message politique européen à mieux faire passer, en particulier sur les sujets agricoles. L'Europe est une chance, notamment face aux tensions qui peuvent exister en matière de souveraineté alimentaire.

M. Jean-François Rapin , président . - Je suis totalement d'accord. Même si l'on peut se satisfaire des bilans précédents, on doit certainement donner un coup de collier à notre action européenne. Sur le Brexit, nous avons décidé, avec Christian Cambon, de vous proposer une résolution commune rapidement.

Notre commission est considérée par le Gouvernement comme une instance sérieuse. J'ai des échanges très réguliers avec le ministre et je me félicite qu'il vienne échanger avec nous régulièrement.

On doit agir en commun avec l'exécutif, tout en conservant notre autonomie parlementaire. Le Brexit a été un moment particulier. Plus rien ne sera comme avant, je l'ai dit hier.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je souhaitais intervenir au nom de mon groupe pour féliciter et remercier le président pour ce rapport, toujours attendu et nécessaire, qui permet de savoir où nous en sommes secteur par secteur et d'évaluer la manière dont nous progressons.

Daniel Gremillet a évoqué l'agriculture. Je travaille quant à moi davantage sur le numérique, mais on a besoin de ces points d'étape pour donner du sens à notre action en faveur de l'Europe.

Je voulais également vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que le Président Cambon, pour l'organisation du débat d'hier, sur l'accord-cadre entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, qui nous a permis de fixer des perspectives de travail, que vous avez à nouveau énoncées ce matin. L'heure est venue pour les parlements de peser davantage dans la définition de ce que devrait être l'Europe de demain.

Nous avons beaucoup de défis à relever, et j'ai été très sensible à ce qu'a dit Michel Barnier à propos de l'abandon de certaines politiques au cours de ces vingt dernières années, notamment en matière de politique industrielle ou d'ultralibéralisation de l'Europe.

Nos chantiers seront nombreux dans les mois à venir. Merci encore une fois d'en tenir compte et de faire en sorte que nous puissions travailler de manière organisée sur ces sujets.

Mme Marta de Cidrac . - Merci pour ce rapport très prometteur. Il est gratifiant pour la commission des affaires européennes de savoir qu'elle tient une place importante au sein de notre maison et plus largement. Cela motive notre démarche.

Je voudrais revenir sur les propos de Daniel Gremillet, auxquels je souscris pleinement. Je m'interroge toutefois sur l'Union interparlementaire (UIP). Peut-être faudrait-il auditionner cette organisation à propos des thématiques qu'elle aborde ? Certains d'entre nous siègent au sein de l'UIP. C'est mon cas. Or nous n'avons eu qu'une seule réunion depuis le renouvellement sénatorial, et je ne suis pas certaine de savoir précisément à quoi sert l'UIP - pardon de le dire brutalement !

J'aimerais comprendre comment s'articule son fonctionnement avec des commissions comme la nôtre, qui est très proactive et présente dans le paysage politique français et au-delà, puisque nous auditionnons régulièrement des commissaires et des parlementaires européens. Quelle interaction l'UIP a-t-elle avec des instances comme la nôtre ? À ma connaissance, l'Union interparlementaire ne nous a jamais sollicités, et je ne suis pas certaine qu'elle sache précisément ce que fait notre commission, alors que nous menons de vraies missions d'intérêt public.

M. Didier Marie . - Les parlementaires siègent dans beaucoup d'instances internationales, permettant de faire vivre le parlementarisme à ce niveau : UIP, Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE). Ces organisations n'ont pas toutes de lien direct avec le travail de notre commission. Ce serait plutôt à la commission des affaires étrangères de nouer davantage de liens avec l'UIP, dont le périmètre n'est pas exclusivement européen.

La délégation française est composée à la fois de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat. C'est un député qui préside la délégation. Je comprends votre interrogation, mais c'est peut-être la représentation française de l'UIP qu'il faut interroger pour mieux cerner cette assemblée, à laquelle je participe aussi depuis plusieurs années. Son fonctionnement n'est pas facile à appréhender, car il s'agit d'un cénacle regroupant 172 pays, avec des principes de fonctionnement proches de ceux de la diplomatie onusienne et assez éloignés du travail de la commission des affaires européennes.

J'ai personnellement mis deux à trois ans avant de comprendre comment cela fonctionnait. Certains collègues pourraient vous transmettre des éléments à ce sujet.

M. Jean-François Rapin , président . - D'autant que nous n'avons pas été saisis d'une demande particulière. Seule l'AP-OSCE a mené une démarche en ce sens. Pascal Allizard nous présentera d'ailleurs bientôt une communication sur les travaux qui y sont menés.

M. André Gattolin . - Deux organisations interparlementaires relèvent plus ou moins organiquement de la commission des affaires européennes, l'APCE et l'OSCE. L'APCE compte quarante-sept pays, bien plus que l'Union européenne elle-même. L'OSCE, regroupe quant à elle cinquante-sept membres. C'est un périmètre dans lequel on trouve les États-Unis, le Canada et quelques autres pays. Les personnes qui y accompagnent les membres français, comme Pascal Allizard ou moi-même, appartiennent au secrétariat de cette commission.

L'UIP relève davantage de la commission des affaires étrangères, ou de la commission de la culture pour ce qui est de la francophonie. On peut en être membre sans appartenir à la commission des affaires européennes. Ses travaux sont intéressants.

La semaine passée, durant la suspension, avec Pascal Allizard, nous avons échangé tous les jours en visioconférence dans le cadre de l'AP-OSCE. C'est certes un peu lourd : il y a beaucoup de pays, beaucoup d'échanges, et les temps d'intervention sont courts, mais beaucoup de sujets ont été évoqués.

L'UIP mène également beaucoup de travaux. L'une de nos collègues députées travaille actuellement sur les libertés et la protection des parlementaires en Biélorussie. Je m'intéresse également à ce sujet dans le cadre de l'APCE. Je me suis rapproché d'elle pour échanger des informations et voir comment je pouvais les relayer au niveau de l'OSCE.

Il faut découvrir ces institutions, comprendre qui sont les autres membres. Les sénateurs ne sont pas très nombreux dans ces instances. C'est à l'APCE que nous sommes le plus représentés.

Il faut également considérer les ponts et les différents relais que l'on peut y trouver. L'UIP traite en premier lieu de la défense et de la protection des droits des parlementaires à travers le monde.

M. Jean-François Rapin , président . - La communication de Pascal Allizard aura lieu dans deux semaines. Nous verrons ce que nous ferons par la suite.

La commission autorise à l'unanimité la publication du rapport d'information.

ANNEXE 1
TABLEAU D'ENSEMBLE DES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT
ENTRE LE 1ER OCTOBRE 2019 ET LE 30 SEPTEMBRE 2020

Texte européen

Proposition
de résolution européenne

Rapport commission
des affaires européennes

Rapport
commission législative

Résolution européenne

Fiche de suivi SGAE

État de la négociation du texte

Avis politique

Réponse de la Commission européenne

Garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050

COM (2018) 394 final

N° 720 déposée le 11/09/2019 par Mme Gisèle Jourda

N° 17 de Mme Gisèle Jourda, déposé le 03/10/2019

-

N° 25 adoptée le 08/11/2019

Transmise le 06/01/2021

En cours d'adoption

-

-

Enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais

Règlement (CE) n° 2201/2003

N° 147 déposée le 20/11/2019 par MM. Richard Yung, François Patriat, André Gattolin, Claude Haut et les membres du groupe La République en Marche

N° 216 de Mme Véronique Guillotin, déposé le 18/12/2019

-

N° 49 adoptée le 24/01/2020

Transmise le 04/01/2021

Texte en vigueur

18/12/2019

24/03/2020

Cadre financier pluriannuel 2021-2027

COM (2018) 322 final

N° 273 déposée le 23/01/2020 par MM. Jean Bizet et Simon Sutour

-

N° 303 de M. Jean-François Rapin au nom de la commission des finances, déposé le 05/02/2020

N° 60 adoptée le 11/02/2020

Transmise le 06/01/2021

Adopté le 17/12/2020

22/01/2020

06/05/2020

Fonds européen de la défense

COM (2018) 476 final

N° 298 déposée le 04/02/2020 par Mme Gisèle Jourda et M. Cyril Pellevat

-

N° 305 de M. Cédric Perrin au nom de la commission des affaires étrangères, e la défense et des forces armées, déposé le 05/02/2020

N° 61 adoptée le 17/02/2020

Transmise le 07/01/2021

En cours d'adoption

-

-

Mandat de négociation en vue d'un nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni

COM (2020) 35 final

N° 322 déposée le 17/02/2020 par MM. Jean Bizet et Christian Cambon

N° 340 de M. Jean Bizet, déposé le 19/02/2020

N° 351 de M. Ladislas Poniatowski au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 26/02/2020

N° 75 adoptée le 06/03/2020

Transmise le 06/01/2021

Sans objet (recommandation du Conseil)

19/02/2020

22/04/2020

Lutte contre la fraude sociale transfrontalière et amélioration de la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales

Règlement (CE) n° 987/2009

N° 275 déposée le 27/01/2020 par M. André Reichardt

N° 357 de Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, déposé le 26/02/2020

-

N° 80 adoptée le 30/03/2020

Transmise le 05/01/2021

Texte en vigueur

-

-

Lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage

Règlement (UE, Euratom) n° 883/2013

N° 309 déposée le 06/02/2020 par Mme Nathalie Goulet

N° 369 de M. André Reichardt, déposé le 04/03/2020

-

N° 81 adoptée le 10/04/2020

Transmise le 06/01/2021

Texte en vigueur

05/03/2020

06/05/2020

Programme de travail de la Commission européenne pour 2020

COM (2020) 37 final

N° 370 déposée le 04/03/2020 par MM. Jean Bizet et Simon Sutour

-

-

N° 82 adoptée le 10/04/2020

Transmise le 22/01/2021

Sans objet (communication de la Commission européenne)

04/03/2020

17/06/2020

Préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne, tout en garantissant les droits des passagers aériens

C (2020) 1830 final

N° 435 rect. déposée le 14/05/2020 par M. Jean Bizet

-

-

N° 103 adoptée le 19/06/2020

Transmise le 22/12/2020

Sans objet (communication de la Commission européenne)

14/05/2020

13/08/2020

Renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence

Directive 2019/633

N° 436 déposée le 14/05/2020 par M. Jean Bizet

-

-

N° 104 adoptée le 19/06/2020

Transmise le 11/01/2021

Texte en vigueur

14/05/2020

10/07/2020

Cadre financier pluriannuel 2021-2027 révisé et plan de relance

COM (2020) 446 final

N° 497 déposée le 09/06/2020 par MM. Jean Bizet et Simon Sutour

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N° 516 rect. de M. Jean-François Rapin au nom de la commission des finances, déposé le 16/06/2020

N° 105 rect. adoptée le 22/06/2020

Transmise le 06/01/2021

En cours d'adoption

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Modernisation de la politique européenne de concurrence

COM (2020) 102 final

N° 593 déposée le 03/07/2020 par MM. Alain Chatillon et Olivier Henno

N° 606 de M. Olivier Henno, déposé le 08/07/2020

N° 636 de Mme Sophie Primas au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 15/07/2020

N° 122 adoptée le 20/07/2019

Transmise le 08/01/2021

Sans objet (communication de la Commission européenne)

08/07/2020

05/10/2020

Mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne

Directive 2005/36/CE

N° 564 déposée le 25/06/2020 par M. Pierre Médevielle

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N° 136 adoptée le 31/07/2020

Transmise le 12/01/2021

Texte en vigueur

25/06/2020

23/09/2020

Évaluation des technologies de santé

COM (2018) 51 final

N° 565 déposée le 25/06/2020 par Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey

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N° 137 adoptée le 31/07/2020

Transmise le 11/01/2021

En cours d'adoption

25/06/2020

13/08/2020

Lutte contre la cybercriminalité

JOIN (2017) 450 final

N° 619 déposée le 09/07/ 2020 par Mme Sophie Joissains et M. Jacques Bigot

N° 613 de Mme Sophie Joissains et M. Jacques Bigot, déposé le 09/07/2020

N° 138 adoptée le 14/08/2020

Transmise le 08/01/2021

Sans objet (communication de la Commission européenne)

09/07/2020

15/10/2020

Adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne

Directive 92/43/CEE

N° 571 déposée le 25/06/ 2020 par Mmes Sylviane Noël, Frédérique Puissat, MM. Michel Savin, Jean-Pierre Vial, Mme Colette Giudicelli, M. Cyril Pellevat et Mme Martine Berthet

N° 647 de M. Cyril Pellevat, déposé le 16/07/2020

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N° 139 adoptée le 21/08/2020

Transmise le 13/01/2021

Texte en vigueur

16/07/2020

09/10/2020

Préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique

COM (2020) 37 final

N° 650 déposée le 16/07/ 2020 par MM. Claude Kern et Michel Raison

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N° 140 adoptée le 21/08/2020

Transmise le 11/01/2021

Sans objet (communication de la Commission européenne)

16/07/2020

21/10/2020

ANNEXE 2

AUDITION DE M. CLÉMENT BEAUNE,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES EUROPÉENNES,
SUR LE SUIVI DES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT,
LE 11 FÉVRIER 2021

M. Jean-François Rapin , président . - Nous accueillons aujourd'hui le secrétaire d'État chargé des affaires européennes pour un exercice désormais rituel : chaque année, nous sollicitons l'audition du ministre en charge de ce portefeuille assurer un suivi des résolutions européennes adoptées par le Sénat durant l'année parlementaire écoulée. C'est un moment important pour notre commission, qui contribue au contrôle parlementaire sur l'action du Gouvernement en matière européenne. Et cette audition contribuera à alimenter le rapport que je proposerai bientôt à la commission pour présenter publiquement ce bilan.

Comme chaque année, nous nous proposons donc de faire avec vous, Monsieur le Ministre, un point sur le sort qu'ont connu les résolutions européennes qui sont l'instrument prévu à l'article 88-4 de la Constitution pour permettre au Sénat d'indiquer au Gouvernement les orientations qu'il souhaite voir défendues dans les négociations au Conseil sur les projets de texte européens, avant que ces textes ne soient définitivement adoptés.

Ce sont 852 textes européens qui ont été soumis à notre commission des affaires européennes au cours de l'année parlementaire 2019-2020. L'examen de ces textes, qui n'ont pas tous une portée politique, a donné lieu à dix-sept résolutions européennes du Sénat. Le temps nous manquera pour toutes les évoquer aujourd'hui. Aussi, nous nous focaliserons sur une partie d'entre elles. Je vous suis reconnaissant, Monsieur le Ministre, d'avoir accepté d'entrer avec notre commission dans ce dialogue approfondi, déjà en partie alimenté par les fiches de suivi des résolutions, fiches que je remercie le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) d'avoir établies.

Je vous propose de structurer notre échange en deux temps. D'abord, un débat général sur trois résolutions européennes, que je vais commencer par évoquer avant que vous n'apportiez, au nom du Gouvernement, des éléments de réponse sur les sujets qu'elles abordent. Il s'agit du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, de la réforme de la politique agricole commune (PAC) et de la modernisation de la politique européenne de concurrence. Les rapporteurs concernés pourront ensuite vous interroger s'ils souhaitent des compléments. Dans un second temps, nous aurons un débat plus interactif, grâce à des questions et réponses, qui vous permettra, Monsieur le Ministre, de répondre aux rapporteurs qui vous interrogeront sur quatre autres résolutions, respectivement relatives au Fonds européen de défense (FEDef), à la lutte contre la fraude sociale transfrontalière, à l'évaluation des technologies de santé et à la lutte contre la cybercriminalité.

La première résolution que nous souhaitons aborder concerne le texte relatif au CFP 2021-2027. Elle a été présentée par mon prédécesseur Jean Bizet et notre ancien collègue Simon Sutour en juin 2020, juste après la publication par la Commission européenne de sa nouvelle proposition de CFP qui doublait quasiment la mise et proposait un instrument de relance de 750 milliards d'euros, financé par un endettement commun, pour répondre à la pandémie. Le Sénat a ainsi marqué son soutien de principe à cette réponse d'inspiration franco-allemande, tout en s'inquiétant de son financement. Le Conseil européen du 21 juillet 2020 a validé son architecture globale et s'est accordé sur les grandes lignes du budget et du plan de relance. Je ne reviendrai pas sur les inévitables compromis qu'a impliqués la négociation, même si nous regrettons fortement que les rabais n'aient pu être supprimés à la faveur du départ du Royaume-Uni... Mon collègue Patrice Joly, qui est désormais rapporteur avec moi sur ce sujet, vous interrogera certainement. Pour ma part, je souhaite simplement vous demander comment le Gouvernement entend se positionner dans la négociation en cours sur l'attribution des fonds de la réserve d'ajustement Brexit : cette ligne de près de 5 milliards d'euros, dont la répartition est actuellement débattue, est destinée à compenser les effets du Brexit, et nombreux sont ceux qui veulent leur part du gâteau !

La deuxième résolution européenne que nous souhaitons évoquer est relative à la réforme de la PAC. Sur ce sujet, le Sénat a adopté trois résolutions européennes depuis que la Commission a publié, en 2018, sa proposition, la dernière de ces résolutions datant de juin 2020. La négociation a bien avancé depuis : l'enveloppe financière a été arrêtée, les ministres de l'agriculture ont trouvé un accord en octobre 2020 sur les orientations de la prochaine réforme, et le Parlement européen a adopté dans la foulée les trois projets de règlement, largement amendés, ouvrant la voie aux négociations en trilogue. Pourtant nous restons sur notre faim : de nombreuses interrogations et ambiguïtés demeurent à ce stade, en particulier sur l'articulation entre la future PAC 2021-2027 et la transition verte, avec le fameux Green Deal . Nous attendons toujours que la Commission publie les études d'impact des stratégies intitulées « Biodiversité » et « De la ferme à la table ». Nous savons que le ministère américain de l'agriculture estime leur impact à une réduction de 12 % de la production agricole de l'Union européenne à l'horizon 2030. Que deviendrait, dans un tel contexte, l'objectif de souveraineté alimentaire européenne ? Monsieur le Ministre, nos résolutions n'ont-elles pas suffisamment alerté le Gouvernement sur ce point ?

Enfin, je vous propose d'évoquer en première partie la modernisation de la politique européenne de concurrence. Sur ce sujet, le Sénat a adopté une résolution ambitieuse en juillet 2020, fondée sur le rapport d'information très documenté de nos collègues Alain Chatillon et Olivier Henno au nom du groupe de travail sur la stratégie industrielle commun aux commissions des affaires économiques et des affaires européennes. Le Sénat appelait à une réforme d'ampleur de la politique européenne de cette politique. La large consultation ouverte par la Commission sur ce sujet nous avait donné l'espoir qu'une évolution profonde pouvait s'envisager. Depuis, nous assistons à certaines avancées, la révision de lignes directrices et d'interprétations, l'annonce d'assouplissements dans la mise en application des règles européennes de concurrence ainsi que des propositions d'encadrement plus substantielles, mais limitées au seul champ du numérique. Nous craignons toutefois qu'une véritable modernisation d'ensemble de la politique de concurrence, y compris ex ante , n'intervienne finalement jamais : nous savons combien cet exercice est difficile dans la mesure où la modernisation des règles de concurrence exigerait l'unanimité des États membres. Pouvez-vous nous dire si cette réforme est toujours à l'agenda et si la France reste mobilisée en ce sens ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Merci de votre accueil, pour un exercice en effet rituel pour votre commission. Pour moi, c'est la première fois, et je le découvre donc avec vous. Je suis très heureux de revenir à cette occasion de manière plus approfondie sur un certain nombre de sujets qui font l'objet de résultats récents ou de négociations en cours.

Vous avez adopté des résolutions européennes sur le CFP 2021-2027 et sur le plan de relance européen en janvier et en juillet 2020. Je rends hommage au travail du président Bizet et du sénateur Sutour à cet égard.

La nouvelle période budgétaire européenne a commencé le 1 er janvier dernier. Nous nous sommes particulièrement mobilisés, collectivement, pour défendre nos priorités, et ce pendant plus de deux années de négociations, puisque le paquet budgétaire a été présenté par la Commission en mai 2018.

Pour faire face à la pandémie et à ses conséquences, qu'il était impossible d'anticiper au moment de la proposition de la Commission, un plan de relance a été bâti progressivement, par l'initiative franco-allemande du 18 mai 2020, puis par l'accord politique des 27 chefs d'État ou de gouvernement, le 21 juillet dernier. C'est en anticipation du Conseil du 21 juillet que vous aviez souligné les positions du Sénat sur la relance européenne.

À l'issue de ce Conseil, qui a duré plusieurs jours, et de la négociation avec le Parlement européen cet automne, l'Union européenne s'est dotée d'un plan de relance européen et d'un budget européen pour la période 2021-2027 qui représentent ensemble 1 824 milliards d'euros, soit près de 2 % - 1,8 % exactement - du revenu national brut, ou de la richesse produite par l'Union européenne, ce qui est un niveau historique. Le plan de relance doit être déboursé au cours des trois prochaines années, soit pendant la première partie du cadre budgétaire. Sur ces trois années, le cumul de ses crédits et de ceux du CFP représente un doublement du budget ordinaire de l'Union européenne par rapport à la période précédente en niveau annuel. Cet effort européen était nécessaire face à la crise que nous traversons. Je n'en souligne pas moins son caractère très ambitieux et significatif. Je crois que cela correspond aux priorités que vous exprimiez.

Vous aviez à coeur que les nouvelles priorités de l'Union ne remplacent pas les politiques traditionnelles - certains utilisent le mot « traditionnel » pour évacuer ces priorités progressivement, ce n'est pas la position que le Gouvernement français, sous votre impulsion et muni de vos recommandations, a suivie.

La PAC est la première politique de l'Union européenne par son montant, par la chronologie et par son ambition historique, depuis maintenant 58 ans. Cela suffirait à en rappeler toute l'importance. Elle était attaquée en mai 2018 dans la proposition initiale de la Commission, qui prévoyait une baisse d'environ 15 milliards en euros courants, soit un montant très significatif par rapport à la période budgétaire précédente. Pas plus que le Sénat, ni d'ailleurs que l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'a accepté cette proposition. Nous l'avons donc combattue, pour relever le niveau d'ambition et de financement de cette politique.

Les résultats obtenus montrent que notre objectif a été atteint. Au total, nous avons même légèrement augmenté en euros courants l'enveloppe totale consacrée à la PAC sur les sept prochaines années : plus de 385 milliards d'euros, à comparer aux 380 milliards d'euros d'exécution budgétaire sur la période précédente. Si l'on additionne l'effort central du budget pour la période 2021-2027, un complément qui a été négocié sur le deuxième pilier et le plan de relance européen, on aboutit à une stabilisation des revenus des agriculteurs, via les paiements directs, pour les sept prochaines années. C'est un combat central mené par la France tout au long de ces deux années de négociations. Par notre mobilisation, nous avons obtenu un résultat important, nécessaire et satisfaisant, même si la réforme de la PAC ne se résume pas à la question de son enveloppe budgétaire.

D'autres priorités étaient mentionnées dans vos résolutions, notamment sur la politique de cohésion, dont les crédits ont également augmenté pour les régions françaises, notamment outre-mer. Je pense aussi au Fonds européen de défense (FEDef) qui, s'il n'a pas atteint le niveau d'ambition que nous aurions souhaité, a été créé, au moins, et est doté de 8 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Je pense encore au programme ITER, si important pour la recherche sur l'énergie nucléaire d'avenir, dont le montant a augmenté également - pas tout à fait autant que nous l'aurions souhaité, je le reconnais. De plus, un fonds consacré aux questions de santé a été créé, pour un montant total de 5 milliards d'euros. La pandémie montre bien la pertinence de cette idée. Ce fonds permettra de compléter les financements européens d'acquisition des vaccins.

En même temps que ce budget, l'Union a adopté un plan de relance de 750 milliards d'euros, dont 390 milliards d'euros de subventions budgétaires et 360 milliards d'euros de prêts. Sur les 390 milliards de subventions budgétaires, un peu plus de 40 milliards, probablement 45 milliards environ, sont destinés à la France, via l'État ou via les régions, selon les enveloppes. L'instrument central est l'aide à la relance dans les États membres, pour un montant de 672,5 milliards d'euros. S'y ajoutent une augmentation temporaire des fonds de cohésion, pour 47,5 milliards d'euros, un renforcement, dans l'enveloppe totale de la PAC, du deuxième pilier, pour 7,5 milliards, un abondement de 17,5 milliards du fonds de transition juste en matière écologique, dont dix départements français bénéficieront directement, un programme de soutien à l'investissement privé, à la suite de ce qu'on avait appelé le « plan Juncker » et, pour finir, le renforcement de quelques actions devenues clefs en période de crise - le programme de recherche « Horizon Europe » et le programme de protection civile qui complète les actions sanitaires, notamment en permettant l'achat de respirateurs, de masques et d'équipements médicaux, qui forment une réserve d'urgence, répondant à une ancienne proposition de Michel Barnier.

Vos résolutions évoquent aussi les ressources. L'accord européen n'a pas permis de réaliser l'ambition commune du Sénat et du Gouvernement de baisser le taux de perception des droits de douane qui sont une forme - disons-le - de rabais pour certains pays, notamment la Belgique et les Pays-Bas.

M. Jean-François Rapin , président . - Au contraire, il augmente !

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Nous n'avons pas non plus réussi à mettre un terme au rabais, tout court, pour cinq pays. Je le regrette. Nous avons mené ensemble un combat gagnant, essentiel, qui, j'en suis convaincu, marquera l'Europe durablement, au-delà de cette crise : celui de la dette commune et de la capacité de relance européenne. Comme si c'était une forme de contrepartie, le maintien des rabais n'a pas été le combat gagnant de cette fois-ci - mais je crois qu'il peut l'être la prochaine fois ! Le débat sur les ressources propres sera aussi une occasion de remettre en cause l'ensemble du système de financement, et de ses aberrations, dont font partie les rabais. Cela prendrait effet après 2027, mais se prépare très en amont, dès aujourd'hui.

Le CFP et la récente décision sur les ressources propres ont introduit symboliquement une première étape : la contribution sur les emballages plastiques, dès 2021. Nous savons qu'elle n'est pas véritablement une ressource propre, mais plutôt une forme de bonus-malus. Surtout, la feuille de route négociée entre les chefs d'État ou de gouvernement, actée à 27, a été renforcée et précisée par la négociation avec le Parlement européen, avec une obligation, dont la Commission s'acquittera dans les prochaines semaines, de présenter des actes législatifs européens dès le premier semestre 2021 sur deux ressources-clefs sur le plan politique et budgétaire : le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et la taxe sur les services numériques.

Les co-législateurs européens que sont le Conseil et le Parlement européen se sont engagés à aboutir d'ici fin 2022. Il y a urgence, donc, afin que ces deux ressources propres entrent en vigueur dès le 1 er janvier 2023. Est-ce certain ? Pas encore. Possible ? Nous n'avons jamais été aussi proches depuis 40 ans de créer de nouvelles ressources propres, essentielles et justes, parce qu'elles font payer des contributeurs qui, aujourd'hui, n'apportent rien aux politiques publiques européennes alors qu'ils bénéficient largement de notre marché unique. Je pense en particulier à des entreprises non-européennes dans le secteur du numérique, ou à celles qui exportent des produits dans l'Union européenne ne respectant pas encore toutes nos exigences environnementales, de par le prix du carbone dont elles bénéficient. Ces deux ressources sont aussi fondamentales pour le futur remboursement du plan de relance. Je souhaite d'ailleurs vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que l'ensemble de votre commission, pour le large soutien, que je sais exigeant et vigilant, apporté par le Sénat au projet de loi autorisant la ratification de la décision sur les ressources propres. La promulgation a été faite avant-hier et nous avons transmis hier l'instrument de ratification aux autorités européennes pour que la France soit l'un des premiers États membres à assurer la ratification de cette décision.

Nous finalisons notre plan de relance national, qui doit aussi être notifié formellement au niveau européen. Nous associons à ce travail, via le SGAE et en lien avec la ministre Jacqueline Gourault, les collectivités territoriales qui sont autorités de gestion des fonds européens, pour définir précisément les lignes directrices de ce plan. J'espère que, concrètement, de manière sonnante et trébuchante, les fonds européens du plan de relance arriveront dès le mois de mai en France et dans les autres pays européens. Ce n'est pas encore acquis, car nous devons nous assurer que les 39 parlements nationaux concernés dans les 27 États membres ratifient la décision sur les ressources propres. Ce processus, qui dure en période ordinaire deux ans, doit être mené en cinq mois. C'est long, et c'est très court par rapport à l'habitude !

M. Jean-François Rapin , président . - À propos, pour l'arrivée des fonds, le SGAE nous avait parlé du mois de juin. Vous évoquez le mois de mai. Le SGAE nous a annoncé que 13 % de l'enveloppe seraient distribués en prépaiement, mais pour servir à rembourser des avances faites par l'État...

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Les 13 % correspondent au préfinancement qui a l'avantage de pouvoir être décaissé dès que la ratification par les 27 est faite. La Commission a évidemment besoin, pour aller sur les marchés emprunter l'argent nécessaire au plan de relance, que les 27 aient achevé cette ratification. En attendant, elle se prépare en temps masqué, en quelque sorte. Mais le financement lui-même ne peut se faire qu'après cette ratification, qu'on espère au mois de mai ou début juin. Dès la ratification acquise, même si tous les plans de relance nationaux n'ont pas été validés, la Commission peut assurer le préfinancement, c'est-à-dire décaisser ces fameux 13 % de l'enveloppe totale de 750 milliards d'euros, et notamment des 390 milliards d'euros de subventions. Pour la France, cela représente un montant d'environ 5 milliards d'euros.

Cet argent, la Commission ne l'affecte pas. Elle le verse aux autorités nationales en fonction des enveloppes auxquelles elles ont droit. Nous avons démarré le plan de relance avant ce versement, celui-ci vient, d'une certaine façon, en remboursement. Nous avons déjà dépensé 11 milliards d'euros...

M. Jean-François Rapin , président . - Si on utilise ces 5 milliards d'euros pour rembourser une partie des 60 milliards d'euros dépensés au titre du plan de relance français, on perd 5 milliards d'euros sur l'ensemble du plan !

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Ils sont défalqués des quelque 45 milliards d'euros que la France touchera : bien sûr, le préfinancement ne constitue qu'une partie de ce que la France touchera en 2021. En principe, en 2021, nous toucherons plus d'un tiers de l'enveloppe totale. Nous discutons avec Jacqueline Gourault pour que, dans la partie du plan de relance national de 100 milliards d'euros qui est territorialisée et, parfois, contractualisée avec les régions, on indique à ces dernières - c'est une exigence de leur part comme de l'Union européenne - ce qui relève du financement européen et du financement national. Certes, c'est une question de présentation - du point de vue économique, l'important est que nous recevions les 40 milliards d'euros d'argent européen. Cela permettra aux régions de savoir ce qui provient de l'Europe, en complément des fonds de cohésion, à travers le plan de relance européen.

M. Jean-François Rapin , président . - Les 5 milliards d'euros prévus dans l'enveloppe budgétaire européenne pour un fonds d'ajustement au Brexit comportent 300 millions d'euros qui seront versés à la France. S'agit-il aussi de montants contractualisés ? Les dépenses d'ajustement au Brexit ont généralement été effectuées par les régions.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Ce point est en train d'être clarifié dans le règlement du Fonds d'ajustement au Brexit. En principe, une latitude assez grande sera laissée à chaque État membre. Là aussi, la Commission regarde les choses en deux temps. Elle définit, par les critères qu'elle a inscrits dans ce règlement, ce qui revient à chaque secteur et à chaque État, avec une forme d'enveloppe nationale. Ensuite, libre aux États membres, en fonction des secteurs concernés et des investissements qui ont été faits, par exemple, par leurs collectivités, ou par leurs ports, de contractualiser.

M. Jean-François Rapin , président . - En faisant sauter le verrou de juillet 2020 ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Lequel ?

M. Jean-François Rapin , président . - Les dépenses éligibles à ce fonds ne sont prises en compte qu'à partir de cette date. Vous devez l'avancer !

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - En effet. Nous l'avons fait, déjà, pour le plan de relance qui fait commencer au 1 er février 2020 la période d'éligibilité des dépenses.

En l'état, le projet de règlement de ce Fonds n'est pas satisfaisant du point de vue français. Les critères de répartition sectorielle ne sont pas mauvais, qui donnent notamment une priorité importante au secteur de la pêche, ce qui correspond à la priorité que nous avions affichée et répond à la logique même du Fonds d'ajustement au Brexit, qui est d'aider les secteurs et les régions les plus touchés. Mais, du point de vue de l'intérêt français pris dans son ensemble, l'enveloppe dont bénéficierait la France nous paraît trop limitée. Nous travaillons donc sur les critères. Évidemment, comme le montant global est fixe, grossir une tranche du gâteau oblige à en rétrécir une autre !

M. Jean-François Rapin , président . -Cela pourrait compenser en partie la tristesse liée au fait que le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) n'a pas été bien servi.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - En effet : il a été rattrapé mais, par rapport à notre ambition, le résultat n'est pas totalement satisfaisant. Sur la pêche, les enveloppes prévues sont importantes, toutefois.

J'en viens à la résolution adoptée en juin 2020 sur la PAC et les mesures à prendre en temps de crise. Ce texte faisait le constat de la fragilité du secteur agricole européen, français en particulier, en temps de crise, et de la nécessité pour l'Union européenne de lui venir en aide en adaptant ses règles, notamment dans le domaine de la concurrence. Comme le ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, je partage votre conviction. Indépendamment des mesures d'urgence, le chantier de fond n'est pas achevé. Il s'agit de l'adaptation des règles de concurrence à la politique agricole et aux négociations commerciales dans le secteur agricole.

La Commission avait proposé, sous notre impulsion, dès le mois d'avril, une plus grande flexibilité des instruments de la PAC face à la crise, avec la prolongation du délai de dépôt des demandes d'aide ainsi que des avances de paiement plus élevées : on était passé à 70 % au lieu de 50 % pour les paiements directs, et à 85 % au lieu de 75 % pour les paiements liés au développement rural. L'Union a également développé des mesures d'urgence financière, en renforçant le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) au titre du plan de relance, et en se dotant d'un paquet de mesures de marché, que nous avons obtenues après quelques semaines au printemps dernier : une activation des aides au stockage privé, en particulier pour les produits laitiers et la viande, une dérogation aux règles de concurrence face à la crise pour certains secteurs, et de la flexibilité pour la gestion de plusieurs programmes, notamment dans la viticulture, car celle-ci souffrait d'une forme de double crise, combinant les effets de la crise économique et ceux des mesures commerciales américaines. Cette crise a donné lieu à un plan de soutien national, présenté par le Premier ministre et Julien Denormandie cet été, mais aussi à des mesures de soutien européennes.

Nous demandons à la Commission de suivre attentivement ces mesures de marché et d'en envisager de nouvelles si nécessaire. Pour la viticulture, c'est un combat qui n'a pas encore trouvé son aboutissement. Nous devons obtenir des mesures marquant un soutien financier accru au niveau européen, en complément des efforts nationaux que nous portons, même si notre premier combat est évidemment d'obtenir la levée des tarifs imposés par les Américains contre le secteur de la viticulture par une mesure de rétorsion dont nous contestons la légalité et le fair-play dans une relation entre alliés.

Vous avez évoqué les négociations liées à la réforme de la PAC. Notre conviction est que cette politique reste centrale. Elle doit apporter sécurité et qualité alimentaire et défendre nos standards sanitaires et environnementaux, y compris en matière d'accords commerciaux, en maintenant des coûts raisonnables. L'équilibre qui a été trouvé au Conseil en octobre 2020 reprend une large partie des demandes de la France, que le Sénat avait portées. Dans le cadre des trilogues, qui sont encore en cours, entre le Parlement et le Conseil, nous sommes particulièrement vigilants en matière d'architecture environnementale, comme pour les règles de la conditionnalité ou les seuils minimaux de dépenses environnementales. La simplification du modèle de mise en oeuvre, des souplesses de gestion financière et l'introduction d'un droit à l'erreur font également partie des priorités que la France défend, tout comme les aides couplées, en lien avec le développement des surfaces de protéines végétales et la préservation des mécanismes d'aide aux zones en situation de handicap naturel.

Notre mobilisation, appuyée par de nombreux parlementaires nationaux et européens, nous a permis d'obtenir, à la fin de l'année 2020, dans la dernière ligne droite des négociations avec le Parlement européen, le maintien du budget du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), si important pour l'agriculture de nos outre-mer, et qui a été remis en cause jusqu'à la fin de l'année dernière.

En matière de règles de concurrence, notre position, comme la vôtre, est de rendre possible l'extension d'accords interprofessionnels permettant la constitution de fonds de mutualisation pour prévenir différents risques sur la santé animale, sur le plan économique ou sur le plan environnemental. Nous souhaitons également mieux intégrer les coûts de production dans les dispositions relatives au partage de la valeur et renforcer ainsi l'encadrement des relations contractuelles, notamment dans le secteur du lait.

En matière de commerce international et d'accords commerciaux, nous devons être aussi vigilants que possible. Nous devons être offensifs, car conquérir des marchés internationaux est aussi une condition de vie, ou de survie, de notre agriculture nationale, mais sans accepter des accords commerciaux qui ne respecteraient pas nos standards de qualité environnementale, alimentaire, de production, que ce soit dans le secteur agricole ou industriel.

Sur l'accord le plus connu, avec le Mercosur, qui est sur la table de l'Union européenne depuis un peu plus d'un an, la position de la France est claire et elle n'a pas changé : l'accord existant n'est pas acceptable. Il faudrait le modifier sur la biodiversité et le respect de l'accord de Paris et de nos standards environnementaux, sanitaires et alimentaires.

La PAC sera renforcée sur le plan budgétaire, grâce à une légère augmentation de 1,5 % en valeur par rapport au CFP précédent. Pour la France, cela signifie un montant d'aides directes, avant un éventuel transfert, de 51 milliards d'euros, contre 52,9 milliards sur la période précédente. Le deuxième pilier, lui, connaîtrait une forte augmentation, passant de 9,9 à 11,4 milliards d'euros. Le jeu des transferts, qui est une pratique autorisée et habituelle, nous permettra de stabiliser le montant des aides directes.

Vous avez évoqué, enfin, la résolution relative à la modernisation de la politique européenne de concurrence, adoptée en juillet 2020, sur le rapport des sénateurs Chatillon et Henno. La France, l'Allemagne, mais aussi la Pologne et l'Italie, ont appelé, par leurs ministres de l'économie, à une modernisation et une réforme profonde du droit de la concurrence européen, pour l'adapter aux objectifs de notre politique industrielle et à la concurrence internationale. Le Gouvernement a ainsi soutenu, dans l'esprit de votre résolution, trois initiatives essentielles, entre autres, qui ont été portées par la Commission au cours de l'année 2020, notamment par le commissaire Thierry Breton et la vice-présidente Margrethe Vestager.

Il s'agit, d'abord, d'un projet de révision de la définition du marché pertinent, qui date de 1997. C'était l'un des points clefs de votre résolution. La définition n'était plus adaptée à la concurrence internationale, notamment chinoise, que nous vivons aujourd'hui. Puis, il y a eu la publication, en 2020 également, d'un Livre blanc sur les subventions étrangères et leur régulation. Les subventions étrangères sont un élément de distorsion de concurrence très important sur le marché européen, auquel nous devons répondre et qui ne figurait pas jusqu'à présent dans le panorama de nos règles de concurrence. Enfin, vous avez fait allusion, Monsieur le Président, à la proposition de règlement relatif aux marchés équitables et contestables dans le secteur du numérique, qu'on appelle le DMA ( Digital Markets Act ), présentée le 15 décembre dernier, dans un paquet numérique d'ensemble, par Mme Vestager et M. Breton.

Ce texte prévoit la régulation ex ante des grandes plateformes numériques. L'objectif est de garantir que les marchés numériques restent innovants et ouverts à la concurrence et, surtout, que les relations commerciales avec les grands acteurs numériques, que chacun connaît, soient équitables. Il instaure à ce titre un mécanisme de contrôle du respect des règles de concurrence, fondé sur des enquêtes de marché et des obligations supplémentaires pour ces grands acteurs, en fonction de seuils qu'il définit. Nous sommes au début du processus législatif européen, et nous serons très attentifs à ce que les négociations qui s'engagent confortent ces ambitions et, plus précisément, que la Commission puisse bénéficier de très larges pouvoirs d'enquête, adopter des mesures conservatoires et ce qu'on appelle des remèdes comportementaux ou structurels. Concrètement, il s'agit de faire en sorte que la politique de concurrence puisse agir en amont pour imposer des obligations aux plateformes, plutôt qu'en aval. L'activisme de la Commission face à quelques grands acteurs du numérique - Google par exemple - est bienvenu, avec de nombreuses enquêtes de concurrence et, parfois, des amendes très significatives. Mais ces amendes arrivent 5 à 7 ans après la commission des faits. Elles ne réorganisent pas le marché et ne corrigent pas les atteintes à la concurrence. Pour mémoire, en Europe, Google détient 97 % du marché du moteur de recherche : c'est un quasi-monopole.

En ce qui concerne la révision de la communication relative au marché pertinent, le Sénat demandait l'actualisation de la définition du marché et la prise en compte de la concurrence potentielle future. Derrière ce terme se cache l'essentiel de l'enjeu. Nous l'avons vu sur le marché du ferroviaire, par exemple : si l'on regarde le marché actuel, ou des prévisions raisonnables sur 5, 7 ou 10 ans, la concurrence étrangère est assez faible. Mais, comme nous l'avons vécu pour les panneaux photovoltaïques, en quelques années, une concurrence non anticipée d'acteurs chinois ou autres peut balayer un marché européen. Il faut donc prendre en compte la dimension mondiale de la concurrence actuelle, et pas seulement le marché européen ou national. Nous continuons à porter avec vous cette exigence auprès de la Commission.

Le projet de règlement sur les subventions étrangères distortives de concurrence constitue aussi un outil fondamental. Un Livre blanc a été publié par la Commission l'an dernier pour recueillir nos impressions et, dès la fin du premier semestre, un projet de règlement sera soumis au Parlement européen et au Conseil. Si l'on se fonde sur les propositions du Livre blanc, ce règlement pourrait être très ambitieux et permettre, par exemple, d'empêcher l'accès au marché, ou d'imposer des amendes très significatives, à des entreprises non-européennes qui investiraient en Europe et participeraient à des marchés publics européens tout en étant subventionnées par les autorités publiques de leur propre pays. Il y a là un vrai sujet d'équité. On est évidemment plus compétitif quand on est très largement subventionné « à la maison », si l'on peut dire, et qu'on peut casser les prix sur le marché européen. Or, l'Union européenne n'a aucun instrument pour faire face à cette atteinte aux règles de concurrence puisque celles-ci n'ont pas été faites pour cette compétition mondiale, mais pour une compétition intra-européenne.

Mme Pascale Gruny . - En ce qui concerne la PAC, les stratégies de la Commission dans le cadre du Green deal sont fondées sur la décroissance. L'horizon de 2030 n'est qu'à neuf ans. Comment renoncer à 10 % de la surface agricole utile européenne, diminuer de 50 % l'utilisation des pesticides et quadrupler à 25 % les terres converties au bio, sans remettre en cause notre modèle traditionnel d'agriculture et en continuant d'assurer un revenu décent aux agriculteurs ? La renationalisation de la PAC multipliera les distorsions de concurrence et favorisera le dumping social et environnemental, ce qui suscite des inquiétudes.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - Avec le ministère de l'agriculture, nous veillons à ce que le modèle français ne soit pas remis en cause par des objectifs intenables à horizon 2030. Par exemple, nous nous posons la question des pourcentages à appliquer pour développer les éco régimes - entre 20 et 30 % - et nous cherchons à leur donner un caractère obligatoire au niveau européen, sans lequel la compétitivité de la France par rapport à ses partenaires européens risquerait d'être fragilisée. Les règles européennes sont un atout pour préserver notre modèle. C'est aussi l'approche que nous privilégions sur le glyphosate.

Quant à la renationalisation de la PAC, elle n'est pas la meilleure voie pour défendre l'agriculture française. Si nous commencions à détricoter cette politique intégrée, la première lancée en 1962, cela ouvrirait les vannes. Nous perdrions un levier d'harmonisation des normes agricoles et de soutien financier entre pays européens. Nous créerions, en outre, une compétition interne à l'Europe qui viendrait doubler celle qui existe déjà au niveau international. Cette option n'est que le fruit de fantasmes budgétaires.

Mme Pascale Gruny . - Ma question avait pour objet de préciser les moyens d'empêcher justement une renationalisation de la PAC qui favoriserait les distorsions de concurrence.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - Dans l'exécution du nouveau modèle de la PAC, nous devons veiller à ce que la marge de manoeuvre dont disposent les États membres ne soit pas excessive. Certes, elle permet d'éviter les lourdeurs, mais ne cédons pas aux fantasmes budgétaires. La Commission ne doit pas démanteler le caractère intégré de la PAC. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'elle ait choisi cette voie.

M. Patrice Joly . - Je voudrais d'abord évoquer les accords commerciaux, compte tenu des enjeux liés à leur mise en oeuvre dans le domaine agricole. Le traité CETA ( Comprehensive and Economic Trade Agreement ) avec le Canada a bénéficié d'une application provisoire pour certains de ses éléments qui relèvent de la seule compétence de l'Union européenne. En sera-t-il de même pour celui avec le Mercosur ? J'aimerais que vous puissiez préciser ce point.

Au cours des dernières années, la France n'a pas consommé les crédits communautaires qui lui ont été alloués de manière optimale. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour améliorer la situation ? Pouvez-vous nous en dire davantage sur les négociations en cours avec les gestionnaires territoriaux de ces fonds ?

Pour ce qui est des ressources propres, la Commission doit faire des propositions d'ici la fin du semestre sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Au Parlement européen, le président et le rapporteur de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) ont demandé une forte liaison entre ce mécanisme et celui du système d'échange de quotas d'émission, notamment en ce qui concerne les modalités de fixation du prix du carbone. Pascal Canfin a mentionné la règle de l'unanimité qui rend difficile l'aboutissement de la négociation. La taxe carbone pourrait surtout être rejetée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) comme mesure protectionniste. Quelle est votre analyse sur ce sujet ? Enfin, la présidence française du Conseil de l'Union européenne doit débuter au premier semestre de 2022. Comment la France entend-elle aborder ces enjeux ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - Nous avions beaucoup complexifié le dispositif national de versement des aides, « erreur de jeunesse », sans doute. La Commission propose un nouveau modèle de mise en oeuvre de la PAC. Nous devons nous en saisir de manière efficace et profiter des marges de manoeuvre que nous laisse le règlement financier européen pour définir des circuits de financement plus rapides. Les retards de versement valent aussi pour les fonds de cohésion, comme nous l'avons constaté en 2017.

Trois accords commerciaux sont en négociation, si l'on met à part le CETA qui est d'application provisoire. Notre position est très claire sur le Mercosur, dans la mesure où les engagements en matière de biodiversité, de standards alimentaires, sanitaires et environnementaux, et le respect général de l'accord de Paris ne sont pas assurés.

Quant aux projets d'accord avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, il n'y a aucune urgence à les conclure, dès lors qu'ils ouvrent une concurrence potentielle dans les filières du lait et de l'élevage : nous ne les sacrifierons pas à l'aune d'une « religion de l'accord commercial ».

L'accord sur le Brexit a été l'occasion de mettre en place pour la première fois des règles de concurrence équitable, qui prévoient de vérifier le respect de nos standards en matière agricole, environnementale et industrielle, ainsi que pour les aides d'État, ce qui est inédit. Une boîte à outils supplémentaire est désormais à notre disposition, que nous pourrons utiliser dans le cadre d'autres accords commerciaux. Par exemple, nous devons considérer le respect de l'accord de Paris comme une clause essentielle de toute négociation.

Sans fermer la porte à tout accord commercial, nous devons réformer en profondeur le modèle européen, encore trop imprégné de sa logique d'origine, celle de l'ouverture à tout prix et de la baisse des droits de douane la plus rapide possible. Les discussions en cours sur le Mercosur et le Brexit sont l'occasion de relever notre niveau d'exigence.

En ce qui concerne les ressources propres, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières changerait profondément notre modèle commercial, en obligeant tout exportateur vers l'Union européenne à respecter nos standards en matière climatique et environnementale, ou à payer pour se mettre au niveau de nos ambitions.

Cette taxe carbone, qui en réalité n'est pas une taxe, reste cependant difficile à créer sur le plan juridique et technique. Avec le ministère de l'écologie, nous travaillons sur un système en miroir d'échange de quotas, dans lequel les pays exportateurs vers l'Union européenne devront acheter des quotas carbone pour se mettre au même niveau d'exigence que nos propres producteurs. Nous restons convaincus qu'il est possible de rendre ce système juridiquement compatible avec les règles de l'OMC, en raison de sa finalité environnementale. La Commission européenne fera une proposition juridique en ce sens, d'ici la fin du semestre.

De mon point de vue, pour lever les doutes juridiques ou opérationnels qui subsistent, il faudrait commencer par appliquer ce système à quelques secteurs comme le ciment, l'acier, les fertilisants ou l'aluminium, où les processus de production sont suffisamment harmonisés au niveau mondial pour que l'on puisse évaluer facilement le prix du carbone.

Enfin, nous espérons que la présidence française de l'Union européenne servira d'accélérateur et verra l'aboutissement des mécanismes de ressources propres, qu'il s'agisse du carbone ou du numérique. Il s'agit d'une ambition commune que le Parlement et le Conseil de l'Union européenne se sont engagés à faire aboutir avant la fin de 2022.

Mme Gisèle Jourda . - Le secteur viticole a rencontré de nombreuses difficultés pour appliquer certains mécanismes, comme la distillation de crise, qui sont pourtant inscrits dans le fonctionnement européen. Le Posei ne s'applique pas non plus de manière automatique. Comment y remédier ?

M. Claude Kern . - Je constate avec satisfaction que Mme Vestager admet la nécessité de moderniser son action, notamment en matière de concurrence. La détention des données reste un avantage qui est rarement pris en compte. Comment faire face aux nouvelles pratiques de l'économie digitale ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - La Commission a publié le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA) pour tenter de réglementer le partage des données, auxquels il faut ajouter le Data Governance Act (DGA). L'Union européenne est le premier marché sur lequel les fameux Gafam et les géants du numérique captent les données qui nourrissent leur pouvoir. De ce fait, de nombreuses PME françaises transfèrent des données aux États-Unis sans connaître l'utilisation qui en est faite. Il nous faut trouver un cadre de partage des données le plus protecteur possible, pour éviter que ne se renforce le pouvoir de marché des grandes plateformes.

D'autant que, depuis le Brexit, un risque existe que le Royaume-Uni se mette à pratiquer une forme de dumping réglementaire en matière de données, même si la Cour de justice de l'Union européenne reste très vigilante sur ce point.

La seule réponse durable, même si elle ne peut être que progressive, consisterait à relocaliser nos données en Europe. Des opérateurs très efficaces, comme OVHcloud, dans les Hauts-de-France, ont les capacités pour stocker massivement les données européennes.

Effectivement, il faut également prendre en compte, dans les règles de concurrence, le fait que l'accès aux données donne un pouvoir de marché. Google, par exemple, utilise les données des consommateurs pour privilégier ses propres produits. Les trois textes que j'ai cités prennent en compte ce critère. La France pourra porter des amendements législatifs lors de l'examen du DSA et du DMA prévu dans les mois qui viennent, afin que les nouvelles règles de concurrence prennent davantage en compte le critère de la détention des données.

M. André Gattolin . - On a souvent accusé la Commission d'un trop grand rigorisme sur les aides d'État. Depuis la crise du coronavirus, des souplesses ont été introduites. L'Allemagne intervient massivement pour soutenir ses industries. Grâce aux banques des Länder , son taux d'aide publique est supérieur à celui de la France. Ne risque-t-on pas une distorsion de concurrence, notamment avec l'Allemagne ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - Le 13 mars dernier, la Commission a assoupli temporairement les règles d'encadrement des aides d'État. Cette clause de suspension, très importante, bénéficie à tout le monde. L'Allemagne a alors déclaré un montant total d'aides qui représentait 51 % des aides d'État notifiées à la Commission. Dans la mesure où elle représente 25 % du PIB de l'Union européenne, la surreprésentation était conséquente.

Cependant, les premiers éléments dont nous disposons montrent que l'Allemagne n'utilise pas des enveloppes aussi importantes, parce qu'elle a notifié des mécanismes de garantie. Bruno Le Maire rappelait, il y a quelques semaines, que, si la France se classait loin derrière l'Allemagne en matière de plans d'urgence et de relance, elle restait proportionnellement à égalité, voire devant elle, dans l'exécution des dépenses publiques.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Nous travaillons à l'analyse des textes qui concernent la localisation des données, DMA, DSA et DGA. Cependant, l'enjeu est aussi celui du traitement des données. Les problèmes commencent à partir du moment où des données européennes sont transmises à des entreprises qui dépendent d'une législation extra-européenne.

Nous avions mentionné OVHcloud lors d'un débat que nous avions eu au Sénat sur la plateforme de traitement des données de santé : pourquoi avoir fait le choix de Microsoft ? Monsieur le Ministre, allez-vous promouvoir une préférence communautaire afin de créer un écosystème du numérique en Europe ? C'est de cela dont nous avons besoin pour asseoir notre souveraineté en la matière. On constate en effet une certaine complaisance à l'égard des entreprises extra-européennes. Les entreprises françaises se plaignent de ce que leur candidature n'est jamais retenue dans les appels d'offres.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - Le traitement des données est effectivement aussi important que leur localisation. Je vous opposerai un contre-exemple : pour la présidence française de l'Union européenne, nous avons refusé la solution d'hébergement des données que nous proposait le secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, car elle était non-européenne, et nous avons privilégié une solution de stockage et de traitement des données française. Cédric O veille à sensibiliser l'ensemble de nos collègues à ces enjeux. Nous devons faire notre révolution culturelle. Des solutions françaises et européennes existent.

M. Jean-François Rapin , président . - Je voudrais faire trois remarques à l'issue de ce premier temps de nos discussions.

Au regard des différentes conférences des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), la position française sur le Mercosur semble isolée. Nos partenaires sont plutôt favorables à ces accords.

Vous avez mentionné les 5 milliards d'euros prévus au titre du budget de l'Europe de la santé. Celle-ci se concrétise dans les marchés vaccinaux ou bien encore dans la conception des matériels de protection. Nos tentatives d'échanges avec Mme Kyriakides, commissaire européenne à la santé, sont restées vaines. Monsieur le Ministre, nous souhaiterions auditionner la commissaire européenne sur l'Europe de la santé. Pourriez-vous nous soutenir dans cette démarche ?

Quant à l'accord post-Brexit, vous nous avez dit qu'il pourrait être un modèle d'accord commercial. Il faut creuser la question. Sur ce sujet, nous auditionnerons M. Barnier, la semaine prochaine.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Beaucoup de pays européens souhaitent effectivement avancer sur les accords du Mercosur, notamment le Portugal. M. Riester a rappelé très clairement les exigences françaises à nos homologues.

Auparavant, les accords commerciaux étaient ratifiés de manière quasi-automatique par les États-membres. Or, plusieurs de nos partenaires ont exprimé leur inquiétude face au Mercosur, dont le Luxembourg, l'Irlande et l'Autriche, ce qui est inédit. L'agenda commercial européen change et le Mercosur est un accord emblématique.

La Commission européenne a pris l'initiative d'intégrer les critères de l'accord de Paris dans l'accord avec le Royaume-Uni, ce qui va dans le sens de la position française.

L'Europe de la santé n'est pas qu'un slogan vide de contenu. Elle renvoie à des actions concrètes, qu'il s'agisse des vaccins, de la réserve sanitaire de protection civile avec l'acquisition de masques et de respirateurs, ou bien de notre capacité d'investissement dans la recherche et le développement.

M. Jean-François Rapin , président . - Tout cela avec 5 milliards d'euros ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - L'Europe a investi 2,9 milliards d'euros dans les vaccins, prélevés sur le fonds d'urgence. L'Agence européenne de financement de la recherche médicale s'inspirera de la Barda américaine ( Biomedical Advanced Research and Development Authority ). Les 5 milliards d'euros ne sont que la première étape d'une démarche plus profonde qui impliquera de trouver des financements supplémentaires. La Commission européenne est parfaitement consciente des enjeux.

M. Jean-François Rapin , président . - Nous passons à la deuxième séquence de notre réunion. Nous commençons par la résolution relative au FEDef.

Mme Gisèle Jourda . - Monsieur le ministre, c'est une grande satisfaction de vous interroger sur le FEDef. Ce qui semble aller de soi est en réalité un acquis porté depuis 2016, lorsque Yves Pozzo di Borgo et moi-même avions déposé une proposition de résolution européenne sur le sujet. À l'époque, nous avions eu le combat entre les Horaces et les Curiaces ! On nous répondait que le débat n'était pas de saison, alors que Mme Mogherini nous incitait à travailler sur la question. La création du FEDef a été l'occasion pour notre commission de légitimer un combat que nous avions mené difficilement, sous la houlette notamment de Jean Bizet et Simon Sutour à qui je rends hommage.

Le FEDef introduit une part d'action communautaire dans le domaine du soutien à l'industrie de la défense, alors que l'approche intergouvernementale était auparavant la règle.

La résolution européenne que nous avions initiée avec Cyril Pellevat, l'an dernier, soulignait l'importance du Fonds pour renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne. Elle soutenait un financement important pour ce Fonds qui devait servir de levier. L'enveloppe a été ajustée à la baisse lors des négociations sur le CFP : de 13 milliards d'euros, elle est passée à 8 milliards.

Est-ce là un manque d'ambition des États membres dans le domaine de l'Europe de la défense ? Nos partenaires partagent-ils l'ambition d'une autonomie stratégique européenne ?

Notre résolution soulignait que les États membres devraient être associés au processus décisionnel. Les négociations sont-elles satisfaisantes à cet égard ?

Enfin, la France a soutenu le principe d'une répartition un tiers - deux tiers entre les crédits destinés à la recherche et ceux dédiés au développement capacitaire. Cette répartition a-t-elle été actée et quels sont les premiers projets qui seront financés par ce Fonds ?

M. Dominique de Legge . - Je me réjouis aussi de la création du FEDef, même si ses débuts nous inquiètent un peu, puisqu'on est passé de 13 à 8 milliards d'euros... La priorité qu'il constitue mériterait peut-être d'être confirmée, confortée. Pour cela, vous pouvez compter sur le soutien de notre commission des affaires européennes.

Notre résolution avait surtout trait aux modalités de mobilisation de ce fonds. Nous voulions souligner que les destinataires et les sous-traitants participant à une action financièrement soutenue par le FEDef devaient être établis dans l'Union européenne ou dans un pays associé et qu'ils ne devaient pas être soumis au contrôle d'un pays tiers non associé ou d'une entité de pays tiers non associé. En outre, notre résolution affirmait que les infrastructures, installations, biens et ressources de ces destinataires et sous-traitants devraient être situés sur le territoire d'un État membre ou d'un pays associé pendant toute la durée de l'action, de même que leurs structures exécutives de gestion. Des dérogations pourraient s'avérer nécessaires, mais avons souhaité affirmer cela clairement.

Pouvez-vous nous détailler le contenu de l'accord final trouvé le 14 décembre 2020 entre le Conseil et le Parlement européen sur ce point ? Le communiqué du Conseil indique que, « en principe, le FEDef fournira des incitations financières aux entités établies dans l'Union ou dans un pays associé (...) qui ne sont pas contrôlées par un État tiers non associé ou une entité d'un État tiers non associé ». Au-delà de l'aspect technique, il y a la question de notre indépendance et notre souveraineté. À cet égard, les modalités d'emploi du FEDef me paraissent aussi importantes que sa création, même si certains pays pensent différemment, comme notamment l'Estonie, la Pologne, la Suède, les Pays-Bas, la Bulgarie et le Danemark.

Pourrez-vous nous dire un mot de la coopération militaire avec le Royaume-Uni qui n'est plus membre de l'Union, mais dispose tout de même d'une armée comparable à la nôtre ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Nous visions un peu plus de 10 milliards d'euros, jusqu'à 13 milliards d'euros même, et nous avons fini à 8 milliards en euros courants. C'est moins que ce que nous aurions souhaité, mais il faut le prendre comme une étape essentielle. Pour avoir assisté à la négociation budgétaire en détail, je peux vous dire que peu d'États en faisaient une priorité - mais aucun État n'en contestait le principe. Il faudra faire vivre ce fonds pour montrer son utilité. Il témoigne en tous cas, en matière d'Europe de la défense, d'une avancée absolument cruciale, depuis quatre ou cinq ans, dans un domaine longtemps tabou.

En matière de défense européenne, le Président de la République avait mis en avant trois axes dans son discours de la Sorbonne, il y a presque quatre ans : le pilier politique, le pilier stratégique et le pilier budgétaire. Dans chacun de ces domaines, nous disposons désormais d'un premier outil qui fonctionne : la coopération structurée permanente, une initiative européenne d'intervention et, désormais, le FEDef. Bâtissons sur cette première étape pour montrer que cela fonctionne : nous avons mis plus qu'un pied dans la porte ! Nous avons levé le tabou de la défense européenne.

Je ne crois pas que nos principaux partenaires, et notamment l'Allemagne, manquent d'ambition sur ce sujet. Simplement, nous n'avons pas le même rapport à l'Europe de la défense et à l'autonomie stratégique, ni à nos armées. Cela dit, l'engagement allemand à l'extérieur, y compris au Sahel, a progressé, même si ce n'est pas sur les mêmes missions que nous. Même remarque pour des pays qu'on aurait pu estimer extrêmement loin de nos préoccupations de sécurité et d'engagement militaire, comme l'Estonie, la Suède ou la République tchèque, qui ont rejoint la force Takuba. Il y a un vrai mouvement européen en termes de prise de responsabilités et d'engagement financier. Je ne dis pas que c'est suffisant, ni qu'on doit s'arrêter là, mais nous avons là une sorte de boîte à outils budgétaire et stratégique très importante.

Le contexte est marqué par la nouvelle administration américaine, le Brexit et la transition politique en Allemagne. Ces trois facteurs créent quelques turbulences, et nous aurons un Conseil européen, les 25 et 26 février prochains, où, à notre demande, la question de la défense sera abordée de nouveau. L'enjeu central sera de réaffirmer le concept d'autonomie stratégique, qui a fait l'objet d'un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, co-présidé par le Président de la République et la chancelière Angela Merkel, vendredi dernier.

Vous avez évoqué une répartition du FEDef par tiers : c'est celle que nous soutenons et qui figure dans le compromis final du 14 décembre. Certains projets font partie de notre action en faveur de la défense européenne depuis 2017. Ils ne sont pas tous conçus à 27 et il y a des projets industriels franco-allemands, dont vous connaissez les difficultés. Les Allemands avaient l'habitude de coopérations, en matière de défense, entre industries allemandes, tandis que les Français avaient une habitude de coopération avec les Britanniques. Nous avons fait le pari, historique, de prendre un virage stratégique absolument nécessaire, alors que le Brexit se profilait, en construisant des coopérations industrielles militaires avec l'Allemagne. C'est difficile, long. Il y aura des tensions, des blocages... Il y en a eu, mais on les a toujours levés. L'armée allemande, vous le savez, est une armée parlementaire qui n'a pas, pour des raisons historiques évidentes, les mêmes capacités d'engagement, le même consensus politique que nos armées françaises. Il ne s'agit pas de saper la capacité d'engagement de l'armée française, mais de renforcer, par l'Europe, la capacité à acheter européen, à développer du matériel militaire européen. Nous ne pouvons le faire que si nous lançons une coopération qui sera longue et difficile, mais qui est indispensable avec l'Allemagne.

Le FEDef pourra financer, typiquement, des projets bilatéraux tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) ou le char du futur. D'ailleurs, ces projets associent déjà certains autres pays européens, l'Espagne notamment, pour l'avion du futur. L'appel à projets sera lancé courant 2021, la sélection et les premiers décaissements sont prévus au cours du premier semestre 2022 - sous présidence française de l'Union européenne, donc. Au-delà de ces coopérations spécifiques avec l'Allemagne, il nous appartient de présenter d'autres projets. La France est bien placée pour ce faire puisque nous avons des projets en cours, capacitaires et de recherche. Le FEDef fait donc partie des nouveaux outils européens sur lesquels nous aurons les meilleurs taux de retour, d'un point de vue budgétaire.

L'association d'États tiers a été un sujet de difficultés et de négociations entre États membres. La solution, protectrice, a été de réserver les projets à des entités issues de pays membres de l'Union européenne ou à des pays membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE), comme la Norvège - mais pas le Royaume-Uni. Il est normal, à ce stade, que nous n'ayons pas ouvert davantage le financement à des puissances lointaines. Si l'on veut parler d'autonomie stratégique européenne ou de préférence européenne, c'est indispensable.

Nous pourrons avoir une discussion avec le Royaume-Uni. Ce pays n'a pas souhaité que nous l'ayons dans le cadre de la négociation de l'accord post-Brexit, mais c'est un sujet qui est devant nous. Nous pourrons avoir des coopérations spécifiques avec lui, mais, s'il souhaite bénéficier d'outils budgétaires européens, cela ne pourra se faire qu'en échange de contributions et en respectant nos règles de décision. Il ne s'agit pas de faire du cherry picking ou de l'Europe à la carte et de profiter des avantages sans subir les contraintes.

M. Jean-François Rapin , président . - Nous passons à l'évocation de la résolution sur l'évaluation des technologies de santé.

Mme Laurence Harribey . - Vous dites que l'Europe de la santé ne doit pas être un slogan. Certes, et l'on voit actuellement beaucoup de développements, un peu comme en matière de défense, d'ailleurs. Or, l'Union ne dispose que d'une compétence d'appui, non d'une compétence partagée, ce qui peut parfois poser quelques problèmes en ce qui concerne le respect des compétences des États membres.

Nous avons adopté une résolution sur l'évaluation des technologies de la santé. Nous y demandions, notamment, que les conditions relatives à la qualité, à la transparence et à l'indépendance des évaluations cliniques soient définies dans le règlement en préparation. Souvent, en effet, la Commission renvoie à des actes délégués la définition d'éléments pourtant essentiels d'une législation, ce qui ne permet pas d'apprécier le respect des compétences des États membres. De la même manière, les trois règlements en cours d'élaboration, sur l'Agence du médicament, le Centre de prévention du contrôle des maladies et les menaces transfrontalières sur la santé renvoient trop souvent à des actes délégués ou à des actes d'exécution. Où en sont les négociations sur ce point ?

Mme Pascale Gruny . - La définition des modalités de remboursement des technologies de santé relève de la compétence des États membres. Dans sa résolution du 25 juin dernier, le Sénat a demandé que ceux-ci prennent en compte les évaluations communes réalisées à l'échelle de l'Union, et qu'ils soient autorisés à effectuer des évaluations complémentaires s'ils l'estiment nécessaire. En effet, il n'est pas acceptable que les résultats des évaluations cliniques communes soient obligatoirement repris par les États membres : la politique de remboursement de ces technologies de santé doit rester de leur ressort. Où en sont les discussions sur ce point ? Sur les trois propositions de règlement évoquées par Laurence Harribey, nous avons émis des avis motivés exprimant notre inquiétude : en matière de santé et en l'état actuel des traités, la compétence doit rester aux États membres - ce qui n'exclut pas le développement de partenariats et le renforcement de la coordination, bien sûr.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État. - Une discussion législative est en cours au niveau européen. Vous aviez exprimé très en amont la crainte que les procédures d'évaluation ne soient trop contraignantes, alors qu'elles déterminent la politique de remboursement qui relève de chaque État membre. L'Assemblée nationale vous a soutenus, tout comme plusieurs parlements nationaux, allemand et polonais notamment.

Pour l'instant, un consensus se dégage au Conseil sur le refus d'une évaluation trop contraignante et sur le maintien de la subsidiarité nécessaire, pour que nos politiques de remboursement ne soient pas remises en cause et pour que nous puissions continuer de les déterminer au niveau national. Il nous faut rester vigilants sur ce point.

Quant à la nécessité de produire un texte législatif suffisamment précis pour ne pas laisser trop de marges de manoeuvre à la Commission sur de tels enjeux, nous y sommes favorables. La confiance n'exclut en effet pas le contrôle.

Je crois à l'Europe de la santé, mais cela ne signifie pas qu'il faut européaniser toutes les politiques de santé. Concentrons-nous sur quelques actions structurantes comme l'acquisition de vaccins et de matériel médical, ou bien encore l'harmonisation de certaines données. Initialement, l'Allemagne, l'Espagne et la France ne savaient pas recenser les cas de Covid de manière harmonisée, ce qui nuisait aux comparaisons qu'il fallait établir.

M. Jean-François Rapin , président . - Venons-en à la fraude sociale et transfrontalière.

Mme Pascale Gruny . - Où en est-on dans les négociations concernant la révision du règlement de coordination du système de sécurité sociale ? Notre résolution réservait la possibilité pour l'autorité judiciaire de l'État d'accueil du travailleur détaché d'écarter le certificat A1 obtenu de manière irrégulière. Elle permettait également la mise en oeuvre d'un numéro de sécurité sociale européen. Disposez-vous de chiffres recensant le nombre de fraudes constatées et leur montant ?

Mme Laurence Harribey . - Cette proposition de règlement est encore en discussion et n'a pas pu aboutir sous la présidence allemande. Dès lors que la présidence portugaise a fait de la question sociale une priorité, pouvons-nous encore espérer que les points que nous défendions dans la résolution seront pris en compte ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Le Gouvernement et le Parlement ont porté la réforme sur le détachement de manière consensuelle. La directive qui encadre les paramètres du détachement a abouti. La proposition de révision du règlement 883 de 2004 porte sur la lutte contre la fraude, question tout aussi importante, sur laquelle les négociations n'avancent pas assez vite. Nous nourrissons l'espoir que la présidence portugaise relancera la réflexion sur ce sujet. Sans ce volet, la réforme sur le détachement reste incomplète.

Nous soutenons les idées portées dans votre résolution sur l'exigence du certificat et sur les cas où peut s'appliquer une forme de dérogation. L'exigence de notification préalable de production d'un certificat doit être la plus stricte possible et les quelques cas de dérogation doivent rester limités. C'est sur ce dernier point que la négociation achoppe. Les États membres du centre et de l'est de l'Europe souhaitent, en effet, que les dérogations s'appliquent à l'ensemble des voyages d'affaires et pour une durée allant jusqu'à trente jours, ce qui nous paraît « fraudogène » au plus haut degré.

Une des difficultés du règlement tient à ce qu'il mêle deux sujets sur lesquels les coalitions d'États ne sont pas les mêmes, à savoir la réforme des règles de l'indemnisation du chômage et la lutte contre la fraude au détachement. Nous travaillons sur un certain nombre de dérogations sectorielles, courtes et limitées. Une solution pourrait consister à dématérialiser le certificat, ce qui faciliterait les démarches pour les entreprises. Cela nécessite néanmoins une phase de transition car la numérisation ne pourra pas intervenir avant un ou deux ans.

Un sommet social se tiendra à Porto, le 8 mai prochain, qui sera l'occasion de fixer les priorités de l'agenda européen en matière sociale. Le risque tient à ce que nous en restions à une déclaration d'intentions. Nous exerçons une pression amicale sur la présidence portugaise pour que ce sommet soit l'occasion de renforcer un certain nombre de droits très concrets, qu'il s'agisse des travailleurs des plateformes, de la réforme du salaire minimum européen ou bien encore de la poursuite de la réforme du détachement.

Quant au numéro de sécurité sociale européen, il n'est pas discuté dans le cadre du règlement. J'y suis favorable car il offre un symbole fort d'appartenance et qu'il constitue le seul outil sérieux pour conserver une liberté de circulation, pour encadrer le détachement et pour lutter contre la fraude.

M. Jean-François Rapin , président. - Le dernier point à notre ordre du jour porte sur la lutte contre la cybercriminalité.

M. Ludovic Haye . - L'Union européenne a conclu un accord avec le Royaume-Uni, en décembre dernier. Un certain nombre de sujets restent à traiter dans les relations post-Brexit. Les limites en matière de cybersécurité, notamment, sont floues. Le Royaume-Uni reste un allié important dans le domaine des écoutes et du renseignement. Comment développer davantage la coordination avec les autres pays européens, ce qui reste pour l'instant un voeu pieux ?

La cybercriminalité est un sujet transfrontière qui exige de travailler avec l'ensemble des pays européens. La difficulté des enquêtes tient à la récolte des preuves qui se fait sous des modalités différentes selon les pays. Malgré le travail remarquable qu'accomplit l'agence Europol, au vu des moyens dont elle dispose, des obstacles demeurent. Comment pourrait-on faciliter ce travail d'enquête qui doit être mené le plus rapidement possible ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - La Commission a présenté, avec le soutien de la France, un projet de règlement sur l'accès transfrontière aux preuves électroniques. Il constitue un changement de modèle car il crée au sein de l'Union européenne un pouvoir direct de réquisition judiciaire transfrontalier, à destination de fournisseurs de services d'accès à Internet dont le siège n'est pas forcément situé sur le territoire national.

Ce règlement évitera des délais de prescription ou d'ajournement de l'enquête. Il est un élément très puissant d'intégration des pouvoirs d'enquête à l'échelle européenne. Éric Dupont-Moretti est très engagé sur ce point et souhaite avancer au plus vite sur la question de la preuve électronique, tout en respectant la protection des données et l'indépendance de l'autorité judiciaire dans chaque État. J'espère que le règlement aboutira rapidement, avant même le début de la présidence française.

L'accord post-Brexit du 24 décembre prévoit un dialogue régulier en matière de cybersécurité et un engagement à poursuivre la coopération euro-britannique dans les enceintes internationales. Nous devons continuer de travailler à établir une coopération digne de ce nom avec le Royaume-Uni, en matière de sécurité et de défense, dans le respect des règles. Nous y oeuvrons.

M. Jean-François Rapin , président . - Merci pour cet échange fructueux. Le débat relatif au Conseil européen prévu fin mars se tiendra en séance publique, avant celui-ci, selon la nouvelle formule décidée en Conférence des présidents.

M. André Gattolin . - Permettez-moi d'aborder un dernier sujet. Le ministère des armées semble considérer que l'article 4-2 du Traité de l'Union européenne devrait permettre d'éviter l'application à l'armée de la directive 2003/88 sur le temps de travail. Qu'en pensez-vous ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Le sujet est vital. Il est hors de question de remettre en cause la capacité européenne de souveraineté. Les conclusions de l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne restent au milieu du gué. Elles n'excluent pas l'application complète de la directive à l'ensemble des armées, mais avec des dérogations larges pour les armées en général, et pour l'armée française en particulier, compte tenu de la nature de ses engagements.

Sous réserve d'inventaire, nous étudions les propositions de l'avocat général qui devraient être suivies d'une décision de la Cour de justice. Les autorités françaises restent mobilisées pour que cette directive ne soit pas un obstacle pour l'armée française dans l'accomplissement de ses missions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .


* 1 L'audition de M. Cément Beaune, le 11 février 2021, dont le compte rendu est annexé au rapport, comportait deux parties : une première portant sur l'état d'avancement et l'actualité de trois dossiers (cadre financier pluriannuel 2021-2027, réforme de la politique agricole commune et modernisation de la politique européenne de concurrence) et une seconde partie, sous la forme d'un débat interactif, permettant au ministre de répondre aux questions des rapporteurs de la commission des affaires européennes sur des résolutions qu'ils avaient présentées sur des sujets présélectionnés (Fonds européen de défense, lutte contre la fraude sociale transfrontalière, évaluation des technologies de santé et lutte contre la cybercriminalité).

* 2 L'ensemble de ces informations sont présentées de façon synthétique dans le tableau annexé au présent rapport.

* 3 Cette proposition de résolution européenne a été déposée par Mme Gisèle Jourda.

* 4 Cette proposition de résolution européenne a été déposée par MM. Richard Yung, François Patriat, André Gattolin, Claude Haut et les membres du groupe La République En Marche.

* 5 Cette proposition de résolution européenne a été déposée par MM. Jean Bizet et Christian Cambon.

* 6 Cette proposition de résolution européenne a été déposée par M. André Reichardt.

* 7 Cette proposition de résolution européenne a été déposée par Mme Nathalie Goulet.

* 8 Cette proposition de résolution européenne a été déposée par Mmes Sylviane Noël, Frédérique Puissat, MM. Michel Savin, Jean-Pierre Vial, Mme Colette Giudicelli, M. Cyril Pellevat et Mme Martine Berthet.

* 9 Texte COM (2020) 272 final du 30 juin 2020.

* 10 En 2019, année de transition, les membres de la Commission européenne ont participé à 55 visites et réunions avec les parlements nationaux, après 140 en 2018, dont une seule en France (à l'Assemblée nationale), après 24 en 2018. Au total, 915 visites de ce type ont eu lieu au cours du mandat de la Commission Juncker. Par ailleurs, Michel Barnier, le négociateur en chef de l'Union européenne pour le Brexit, a rencontré 13 parlements nationaux.

* 11 Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires.

* 12 Plusieurs catégories de textes spécifiques comme les nominations, les virements ou les textes PESC font l'objet d'une procédure d'accord tacite négociée entre les deux assemblées et le SGAE. Une fois passé un délai de 72 h après leur dépôt, la réserve d'examen des textes relevant de ces catégories est considérée comme levée.

* 13 EU Internet Referral Unit.

* 14 Irregularity Management System.

* 15 Par une lettre du 11 octobre 2019 adressée à M. le Président du Sénat, M. Frans Timmermans, alors premier vice-président de la Commission Juncker, a notifié l'intention de la Commission d'exclure la période comprise entre le 20 décembre d'une année donnée et le 10 janvier de l'année suivante du délai de 8 semaines accordé pour l'examen de la conformité de projets d'actes législatifs avec le principe de subsidiarité.

* 16 Belgique, Danemark, Finlande, France (Sénat), Lettonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède et République tchèque.

* 17 Chypre, France (Sénat), Hongrie, Irlande, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et République tchèque.

* 18 Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et République tchèque.

* 19 Texte COM (2020) 272 final.

* 20 Arrêt (renvoi préjudiciel) P.M. e.a. c/Ministerraad du 6 juin 2019 (affaire C-264/18).

* 21 La faible activité de la nouvelle Commission européenne nommée en 2014 explique l'absence d'avis motivés adoptés en 2015.

* 22 En 2019, comme ce fut le cas en 2015, le Sénat n'a adopté aucun avis motivé, en raison à la fois du contexte général de diminution du nombre d'avis motivés émis par les parlements nationaux et de la moindre activité législative de la Commission liée au renouvellement des institutions, entre les mois de mai et décembre.

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