B. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE L'APPROCHE DU GENRE AU SEIN DU PROJET DE LOI « DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE » GRÂCE AUX APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Un projet de loi à l'ambition initialement limitée en matière d'égalité femmes-hommes

Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales révise la loi précitée du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Il définit pour les cinq ans à venir le cadre et les objectifs de la politique de développement de la France.

Il comporte un rapport annexé nommé « Cadre de partenariat global » (CPG) qui, selon nos collègues rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, « présente l'intérêt de donner un “narratif” à la politique de développement solidaire, d'en énumérer les grands principes et les parties prenantes et de rappeler les objectifs de concentration sectorielle et géographique de l'aide » 14 ( * ) . Les cinq priorités sectorielles définies par le CICID de 2018 sont ainsi rappelées dans le CPG, parmi lesquelles l'égalité femmes-hommes.

Le projet initial présenté par le Gouvernement avait été mal accueilli par les différentes ONG et associations entendues par la délégation 15 ( * ) , et critiqué par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) qui avait jugé, dans son bulletin Vigilance égalité du 12 février 2021, publié quelques jours avant l'examen du texte par l'Assemblée nationale, que les ambitions du texte du Gouvernement n'étaient pas à la hauteur des engagements forts pris par la France en matière de diplomatie féministe depuis 2018, ni même des efforts engagés depuis plusieurs années en matière de genre et développement.

Si le projet de loi fait de la promotion de l'égalité femmes-hommes un objectif principal et une priorité transversale de la politique de développement, cet objectif ne figurait, dans le texte initial, qu'au sein du cadre de partenariat global (CPG) annexé au projet de loi.

En outre, le projet de loi initial ne fixait pas de nouveaux objectifs d'APD genrée, se contentant de mentionner les objectifs de la Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2022 : d'ici 2022, 100 % des projets et programmes de l'AFD devront être marqués genre et 50 % des volumes annuels d'engagements de l'AFD devront avoir le genre pour objectif principal ou significatif (CAD 1 ou 2). Or, ces objectifs sont d'ores et déjà atteints. De plus, le projet de loi ne comprenait pas d'objectif spécifique pour les projets et programmes concernant à titre principal l'égalité de genre (marqueur CAD 2), objectif figurant pourtant dans la stratégie 2018-2022.

2. Une meilleure prise en compte de l'approche du genre après l'examen du texte par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale les 17, 19 février et 2 mars 2021, nos collègues députés ont inséré au sein du projet de loi un nouvel article 1 er A qui inscrit directement dans la loi les grands objectifs de la politique de développement. Cet article dispose notamment que, dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectif transversal la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cet objectif et son caractère transversal sont donc désormais inscrits dans le corps du projet de loi et non plus seulement dans le cadre de partenariat global annexé.

En outre, le CPG rehausse les objectifs d'APD genrée par rapport à l'actuelle stratégie 2018-2022. Conformément aux recommandations du plan d'action sur l'égalité des genres de l'Union européenne, les députés ont ainsi fixé des objectifs de 85 % de volumes annuels d'engagements de l'APD bilatérale programmable marqués CAD 1 ou 2 et 20 % marqués CAD 2, sans pour autant fixer de date pour la réalisation de ces objectifs. Des objectifs intermédiaires ont été fixés dès l'horizon 2025 : 75 % pour les marqueurs 1 et 2 et 20 % pour le marqueur 2.

Les ONG et associations entendues par la délégation, notamment Coordination Sud , le 22 mars 2021, et Oxfam France , le 26 mars 2021 , estiment toutefois que la fixation de cet objectif intermédiaire à l'horizon 2025, si elle constitue une avancée par rapport au texte initial, relève d'un consensus arbitraire autour d'une valeur inférieure de dix points à l'objectif recommandé s'agissant des marqueurs « CAD 1 et 2 ».

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement de notre collègue députée Laurence Dumont visant à promouvoir l'enregistrement des naissances et à lutter contre le phénomène des « enfants sans identité » .

Dans le monde, selon l'Unicef, auditionné par la délégation le 9 avril 2021, 237 millions d'enfants de moins de cinq ans n'ont pas d'acte de naissance comme preuve officielle d'enregistrement. Les filles seraient davantage concernées. Or l'absence d'enregistrement à l'état civil prive les enfants de leurs droits et les expose à la traite des êtres humains, aux mariages forcés et à l'enrôlement dans les conflits armés. Le CPG prévoit désormais que « la France promeut l'enregistrement des naissances et des faits d'état civil et accompagne la création d'états civils fiables au travers de sa politique d'aide au développement bilatérale, de la mobilisation de son réseau diplomatique, de la coopération décentralisée et de la mobilisation du réseau de la francophonie. Elle s'investit au niveau multilatéral, notamment par un soutien renforcé aux organisations internationales en charge du plaidoyer sur l'état civil et par une participation volontaire au groupe de travail pour l'agenda sur l'identité juridique de l'Organisation des Nations unies (LIA TF). »


* 14 Rapport n° 532 (2020-2021) de MM. Hugues Saury et Rachid Temal, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ( http://www.senat.fr/rap/l20-532/l20-532.html )

* 15 Parmi lesquelles le collectif d'ONG françaises, Coordination Sud entendue le 22 mars 2021, et l'association Oxfam France , auditionnée le 26 mars 2021.

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