• CONCLUSION

La France a pris la mesure de l'enjeu de lutte contre l'artificialisation. Depuis près de vingt ans, tant en droit qu'en pratique, les politiques publiques se sont soumises à de nouvelles exigences de responsabilité environnementale. Les documents de planification, les projets d'aménagement et de construction, sont conçus et examinés à l'aune de leur impact sur la consommation d'espace et la biodiversité.

L'effort doit se poursuivre et s'intensifier, car les conséquences de l'extension urbaine sont aujourd'hui plus visibles et mieux connues qu'il y a encore quelques décennies. Elle pèse sur les milieux qui nous environnent, sur le potentiel agricole du pays, mais aussi sur la cohésion des territoires et les modes de vie urbains. Les travaux du groupe de travail s'inscrivent donc pleinement dans l'ambition partagée de construire des projets de territoire plus sobres et plus équilibrés.

Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, présentées en juin 2020 à l'invitation du Gouvernement, prolongent les réflexions lancées depuis des années au niveau tant local que national ou européen. Elles ne s'écrivent pas sur une page blanche , mais trouvent au contraire à s'appuyer sur des outils existants, comme les SCoT et PLU, et surtout sur les collectivités locales, échelon de proximité et d'action, fers de lance de la sobriété foncière.

À rebours de ce constat, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, présenté par le Gouvernement en février 2021, adopte pourtant une approche résolument centralisatrice de la lutte contre l'artificialisation. Elle recourt à des objectifs rigides, uniformes, fixés à une échelle qui apparaît trop lointaine pour être opérationnelle et pertinente. Mettant en avant la cible de « zéro artificialisation nette en 2050 » proposée par le Gouvernement en 2018, le projet gouvernemental néglige largement les sujets pourtant centraux de l'accompagnement des élus, des acteurs économiques et des citoyens dans l'atteinte de ces objectifs. Alors que l'ensemble des auditions menées par le groupe de travail a souligné que l'acceptabilité et l'adhésion seront la clef des efforts de protection des sols à venir, il est à craindre qu'une telle logique, principalement punitive, ne vienne fragiliser les dynamiques déjà largement enclenchées et qui produisent déjà des résultats.

Mettant l'objectif de « zéro artificialisation nette » à l'épreuve des territoires, le groupe de travail propose donc une feuille de route pour concevoir l'effort supplémentaire de sobriété foncière. Elle s'articule autour de trois principes.

Territorialiser d'abord, car ce sont les collectivités qui sont les plus à même de définir les objectifs les plus pertinents au regard de la diversité des réalités locales. Les efforts déjà menés, qui ont permis de fixer des cibles ambitieuses de réduction de la consommation d'espace, en sont le témoin. Respecter ces trajectoires co-construites et le cycle de vie des projets locaux est primordial.

Articuler , ensuite, car les sols se situent au carrefour de l'ensemble des politiques publiques. Ils sont notre socle productif, tant pour l'activité agricole, que l'activité industrielle, commerciale ou de services ; ils sont le support d'une politique de l'habitat qui puisse garantir à chaque Français un logement adapté à sa situation ; ils sont enfin le lien qui unit et relie les territoires dans un esprit de proximité. La politique de sobriété foncière doit intégrer ces objectifs de politique publique, et non y faire obstacle.

Accompagner enfin, car l'urbanisme de demain se traduira par des actions et des projets concrets. L'atteinte de cibles ambitieuses ne sera possible que si le soutien financier et opérationnel aux projets vertueux est amélioré, dans un esprit partenarial entre État et collectivités. Les outils réglementaires et opérationnels des acteurs de l'aménagement, au premier rang desquels les communes et les EPCI, doivent être repensés, voire inventés, pour intégrer de nouveaux concepts et agir de manière plus fine. C'est en associant les acteurs, chacun dans leurs compétences et en pleine responsabilité, qu'une politique durable et équilibrée de sobriété foncière pourra être déployée efficacement.

Alors que le Sénat s'apprête à examiner le projet de loi « Climat et résilience », le groupe de travail propose ces trois principes comme fils conducteurs, dans un esprit d'écoute et de co-construction. Il met en avant une approche alternative à celle, descendante et comptable, défendue par le Gouvernement.

Plutôt que d'opposer climat et décentralisation, les auteurs de ce rapport invitent le Gouvernement à appliquer dès maintenant à la lutte contre l'artificialisation les quatre principes de « différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification » que doit traduire le projet de loi dit « 4D », qui devrait prochainement être soumis au Sénat.

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