III. AGIR MAINTENANT POUR LIMITER L'IMPACT DE LA QUATRIÈME VAGUE

A. UN RISQUE ÉLEVÉ DE RETOUR DE MESURES RESTRICTIVES DÈS CET AUTOMNE

Des résultats de l'étude exposés ci-dessus, il ressort clairement que le risque d'une quatrième vague dès cet automne avec impacts importants sur le système hospitalier est suffisamment élevé pour que les pouvoirs publics agissent sans plus attendre.

Quelles que soient les limites inhérentes à toute étude modélisatrice, les hypothèses et les résultats du premier volet de l'étude apparaissent suffisamment robustes pour conclure au pronostic suivant : sans une couverture vaccinale étendue des personnes âgées de moins de 60 ans, il sera rigoureusement impossible d'endiguer la quatrième vague sans recourir à des mesures de restrictions .

Or, les taux actuels de couverture vaccinale sont, toujours d'après les hypothèses de l'étude, nettement insuffisants pour qu'un scénario d'une quatrième vague sans mesure restrictive de type couvre-feu soit vraisemblablement envisagé. À titre d'exemple, le 26 juin 2021, seuls 17,3 % des personnes âgées de 18 à 24 ans sont complètement vaccinées (cette proportion s'élevant toutefois à 55,7 % pour ceux ayant reçu une première dose) ; ces chiffres s'élèvent respectivement à 21,5 % et 49,1 % pour les personnes âgées de 25 à 49 ans.

À ce stade, le constat d'un écart important entre la proportion de personnes ayant reçu une première dose et celles entièrement vaccinées, que l'on constate pour les tranches 18-24 ans et 50-65 ans, ne doit pas inquiéter outre-mesure, en raison de la probabilité élevée d'un achèvement de la couverture vaccinale individuelle une fois celle-ci entamée. Plus préoccupants sont les chiffres de la tranche 25-49 ans qui, autant pour les primo-vaccinés que pour les vaccinés intégraux, accuse un retard par rapport aux autres tranches d'âge .

Taux d'administration
de la première dose

Taux de vaccination complète

18-24 ans

55,7 %

17,3 %

25-49 ans

49,1 %

21,5 %

50-65 ans

70,4 %

30,1 %

65 ans et plus

82,2 %

71,8 %

Source : data.gouv.fr, données relatives aux personnes vaccinées contre la covid-19 et INSEE

Le Gouvernement doit donc très rapidement prendre la pleine mesure du risque auquel seront exposés nos concitoyens dès la rentrée et engager plusieurs mesures à rebours de sa stratégie actuelle .

B. AGIR VITE POUR TRANSFORMER LA VAGUE EN VAGUELETTE

Cinq grands chantiers doivent être urgemment lancés pour limiter l'impact de la quatrième vague.

Consciente de l'extrême sensibilité de la question de l' obligation vaccinale , la mission constate que la progression actuelle de la couverture vaccinale des différentes classes d'âge indique clairement que la simple incitation ne suffira pas à atteindre les taux requis pour éviter de mettre en place des mesures de restriction à l'automne prochain.

Compte tenu des chiffres encourageants concernant le nombre de personnes de moins de 24 ans et âgées entre 50 et 65 ans ayant déjà reçu une première dose de vaccin (55,7 %), dont on peut espérer qu'ils se reporteront sur la couverture vaccinale complète de ces classes d'âge d'ici les prochaines semaines, il pourrait être souhaitable de concentrer l'obligation vaccinale, dans un premier temps, vers les tranches d'âge de plus de 65 ans - dont il ne restera cet été que 20 % non vaccinés - et, dans un second temps, vers les seules classes d'âge intermédiaires, c'est-à-dire celles de plus de 24 ans.

L'obligation vaccinale : un débat épineux

La question de l'obligation vaccinale s'est posée dès le début de la campagne vaccinale en décembre 2020, ne visant alors que les professionnels de santé . Comme l'indiquait le professeur Alain Fischer lors de son audition par la commission des affaires sociales le 10 mars 2021, « il reste encore de la place pour plus de pédagogie et de concertation avec tous les professionnels de santé afin de développer cette vaccination, [mais] si ce travail s'avère insuffisant d'ici quinze jours, [...] la notion d'obligation vaccinale se discute . Les professionnels de santé font déjà l'objet d'une obligation de vaccination contre l'hépatite B, il y a donc bien un précédent. Le sujet pourra être évoqué pour que les soignants se protègent eux-mêmes et entre eux, évitent au maximum les infections nosocomiales et se montrent exemplaires à l'égard de la population ».

L'obligation vaccinale a déjà fait l'objet de mesures législatives. Aux termes de l'article L. 3111-2 du code de la santé publique, largement réécrit depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 12 ( * ) , onze vaccinations sont obligatoires , dans des conditions d'âge déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Haute Autorité de santé et sauf contre-indication médicale reconnue.

Contesté devant le Conseil constitutionnel au titre de sa méconnaissance du droit à la santé garanti par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et des risques que ces vaccins peuvent comporter, le principe de l'obligation vaccinale a été déclaré conforme à la Constitution , au nom du droit reconnu au législateur de « définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective » 13 ( * ) .

Si plusieurs voix s'élèvent justement pour rappeler le caractère indispensable du libre consentement de la personne à toute expérimentation médicale, l'application d'un pareil prédicat à la vaccination anti-covid peut être contestée. Les quatre vaccins distribués en Union européenne ont tous fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée au moins depuis le 13 mars 2021 et l'aplatissement de la courbe d'infection milite incontestablement en faveur de leur efficacité.

Cette recommandation de la mission d'information d'élargir progressivement le public concerné est justifiée par deux enjeux :

- achever de vacciner les personnes les plus vulnérables - et dont les plus à même d'être hospitalisées plus les formes les plus graves de la maladie - c'est-à-dire celles de 60 ans et plus 14 ( * ) ;

- concentrer la stratégie vaccinale des autres publics sur les personnes de plus de 24 ans. L'institut Pasteur a clairement identifié les personnes âgées de moins de 59 ans comme principaux infecteurs ; compte tenu de la dynamique spécifique de la tranche des 18-24 ans, il parait possible de se limiter pour l'instant à des mesures incitatives en ce qui les concerne.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement doit entrer dans une phase plus volontariste de la politique vaccinale . Dès son audition du 16 décembre 2020 par la commission des affaires sociales, la présidente de la HAS avait préconisé, concernant les « populations vulnérables en ville » ou les « publics précaires », la constitution d' équipes mobiles de vaccination, selon une politique d'« aller vers ». Cette suggestion judicieuse devrait être amplement appliquée au cours de la période estivale qui s'annonce.

Par ailleurs, en cohérence avec les résultats donnés par l'étude de l'Inserm, le Gouvernement doit dès à présent organiser les moyens de dépistage itératif en milieu scolaire , afin d'écarter le risque réel de formation de nombreux foyers de contamination en classe dès la rentrée prochaine. Il va de soi qu'une telle action ne peut être engagée sans investir massivement et immédiatement dans les moyens dédiés à la médecine scolaire .

En outre, la stratégie du « tester-tracer-isoler », initiée lors de la première vague et fondée sur une triple action de dépistage généralisé , de remontée de chaînes de contamination et d' isolement prophylactique des cas contaminés doit être véritablement amplifiée, dans un contexte où la diminution du nombre de cas positifs la rend à nouveau possible. Aux termes du rapport Pittet, l'estompement progressif de cette politique s'explique par l'émergence de nouveaux variants, qui « a mis en évidence l'insuffisante organisation des capacités de séquençage génomique limitant les possibilités de suivi en temps réel de la diffusion des différentes souches ». Aussi, il apparaît indispensable que des mesures d'investissement soient rapidement prises pour amplifier les capacités de séquençage et limiter, en complément des mesures vaccinales, dès la rentrée prochaine les éventuels effets de la quatrième vague.

Enfin, soucieuse de ne pas reproduire les mêmes erreurs de communication et, plus généralement, les limitations de la démocratie sanitaire, constatées depuis la première vague, la mission d'information a saisi en urgence le Haut Conseil de la santé publique et la Conférence nationale de santé , afin que l'avis de ces deux organismes compétents en matière de santé publique puisse asseoir la légitimité des décisions à venir.

PRÉCONISATIONS DE LA MISSION POUR SE PRÉPARER À LA QUATRIÈME VAGUE

v Poser franchement le débat de l'obligation vaccinale et, éventuellement, privilégier un ciblage sur les classes d'âge intermédiaires (24-59 ans) ;

v Ne plus se contenter d'ouvrir des centres de vaccination mais mettre en oeuvre sans tarder une politique vaccinale d'« aller vers » ;

v Lancer dès la rentrée une stratégie ambitieuse de dépistage en milieu scolaire ;

v Relancer la stratégie « tester-tracer-isoler » permettant véritablement de remonter et de remonter les chaînes de transmission ;

v Saisir les différents organismes consultatifs compétents en matière de santé publique et de démocratie sanitaire afin de sortir des atermoiements actuels.


* 12 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 49.

* 13 Décision n° 2015-458 QPC du 20 mars 2015.

* 14 L'écart de cinq ans comme limite basse de la tranche d'âge la plus élevée, au sein des statistiques relatives à la vaccination et celles prises en compte par l'institut Pasteur (respectivement 65 et 60 ans), ne modifie pas véritablement le raisonnement : une fois les personnes les plus à risque vaccinées, c'est bien sur la catégorie des adultes qui devra constituer la cible prioritaire, plutôt que celle des jeunes adultes (18-24 ans).

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