B. LES PROGRÈS DE LA PARITÉ AU SEIN DES INSTANCES DIRIGEANTES DES ENTREPRISES ONT AUSSI PROFONDÉMENT TRANSFORMÉ LEUR GOUVERNANCE

Au moment de l'examen parlementaire de la proposition de loi « Copé-Zimmermann », diverses études avaient permis de démontrer l'intérêt économique d'une meilleure représentation des femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises.

Le rapport 6 ( * ) de la commission des lois du Sénat mentionnait alors une dizaine d'études scientifiques et économiques pour « démontrer l'existence d'un lien entre performance économique des entreprises et mixité et diversité du management ». Il évoquait notamment les bienfaits de la mixité en matière de qualité et de pertinence des délibérations et prises de décision, d'adaptation à la diversité des clients, de créativité ou encore de marketing.

De même, le rapport 7 ( * ) de notre délégation du 19 octobre 2010, sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises, faisait valoir que « l'arrivée de femmes dans les instances de pouvoir devrait, par-delà l'amélioration de la diffusion des bonnes pratiques en faveur des femmes et de l'ensemble des salariés de l'entreprise, être un facteur de croissance économique pour l'entreprise » et confirmait « le lien entre le nombre de femmes aux commandes et l'amélioration des performances économiques de l'entreprise considérée ».

La place des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises, et dans l'entreprise en général, est ainsi devenue un enjeu de bonne gouvernance économique et financière pour ces entreprises mais aussi un enjeu pour leurs politiques des ressources humaines, de plus en plus scrutées par les places financières .

Ainsi que le rappelait Marie-Jo Zimmermann lors de la table ronde de la délégation le 21 janvier 2021, la loi de 2011 « a permis d'imposer un changement de mentalité au niveau de la gouvernance des entreprises. Elle a également encouragé un véritable engouement. Beaucoup de femmes s'en sont emparées, ont fait avancer les choses et ont aidé à son application ».

En outre, comme le soulignait Anne-Françoise Bender , maîtresse de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), lors de cette même table ronde : « depuis une vingtaine d'années, la place des femmes dans les entreprises est (...) devenue un enjeu de bonne gouvernance. Les places financières du monde entier scrutent d'ailleurs les politiques de ressources humaines des entreprises et sont attentives au fait que les entreprises cotées soient en capacité de reconnaître les talents féminins dans leurs équipes ».

Même si cet argument ne saurait constituer à lui seul une justification des mesures prises, force est de constater que la féminisation des conseils d'administration et de surveillance des grandes entreprises a donc contribué à la mise en oeuvre de profonds changements dans la pratique de la gouvernance économique des entreprises .

Invitée par la délégation à livrer son témoignage en tant qu'ancienne présidente du MEDEF au moment du vote de la loi de 2011, Laurence Parisot a ainsi déclaré le 21 janvier 2021 : « lors de sa promulgation, je siégeais déjà dans des conseils d'administration. J'ai continué à siéger dans plusieurs d'entre eux au cours de ces dix dernières années, et je voudrais que vous sachiez tous et toutes, y compris celles et ceux qui n'ont pas eu l'occasion de fréquenter des conseils d'administration, combien ils ont changé ! C'est même à peine croyable et difficile à décrire ».

Pour décrire ces changements en profondeur, elle a évoqué plusieurs caractéristiques :

- tout d'abord, le « style » : « Immédiatement, cette mixité a produit un ton différent, un ton plus constructif, un ton apaisé, qui autorise une certaine créativité » ;

- dans un deuxième temps, l'influence des femmes sur la vie et la conduite de l'entreprise : « elles apportent un ancrage dans la réalité qui donne une force supplémentaire au conseil d'administration. Les administratrices, en effet, cherchent toujours à être au plus près du réel, au plus près du vrai. À plusieurs reprises, j'ai pu constater qu'elles font montre de courage dans des situations difficiles, un courage qu'on ne trouve pas forcément dans un groupe composé exclusivement d'hommes » ;

- dans un troisième temps, le rôle de la mixité sur le processus de prise de décision : « un conseil d'administration mixte introduit une forme de modestie et empêche toute dérive de toute puissance. Pour le dire de manière plus directe, les phénomènes de “grosses têtes” disparaissent. C'est là aussi, je crois, une dimension assez fondamentale quand il s'agit, pour les grandes entreprises notamment, de prendre des décisions lourdes de conséquences » ;

- enfin, la « capacité chez les femmes à faire le lien entre l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt général ».

Elle en a ainsi conclu que « la loi Copé-Zimmermann est une contribution majeure à la cause des femmes et une contribution majeure à notre pays. (...) Il ne faut surtout pas réfléchir une demi-seconde à l'idée de remettre cette loi en cause. Cette loi est fondamentale, cette loi est une réussite, cette loi doit être conservée ! ».

Outre ces changements de style dans la conduite des conseils d'administration évoqués par Laurence Parisot, la loi Copé-Zimmermann de 2011 a également permis une « professionnalisation » des conseils d'administration , les femmes titulaires de mandats ayant, pour nombre d'entre elles, suivi des formations spécifiques.

Chiara Corazza , directrice générale du Women's Forum , a ainsi souligné au cours de la table ronde du 21 janvier 2021 : « la loi Copé-Zimmermann, c'est dix ans de succès et un formidable accélérateur de progrès. Ce texte a permis un changement des mentalités, comme il a permis d'améliorer les performances des entreprises - ce constat est unanime. Grâce à lui, les femmes ont commencé à se faire confiance et, ainsi, elles ont pu apporter leur contribution à la société. La loi a fait éclore un pool de talents féminins : les femmes sont nombreuses et elles sont formidables ! Je pense que cette loi a aussi permis de professionnaliser le recrutement des cadres et cadres dirigeants ».

L'Institut français des administrateurs (IFA), présidé par Denis Terrien, intervenu au cours de la table ronde précitée de la délégation le 21 janvier 2021, a mis en place des formations spécifiques destinées aux femmes - et aux hommes - appelés à siéger au sein des conseils d'administration de grandes entreprises : « l'IFA s'est très tôt engagé sur l'importance de la diversité dans les conseils et pour la parité. Et nous appliquons à notre propre organisation cette exemplarité. Aujourd'hui, 50 % de notre conseil d'administration est féminin ».

Enfin, d'après une étude publiée par Ethics & Boards le 8 mars 2021, la mixité au sein des instances dirigeantes des entreprises serait un facteur clé d'une gouvernance durable . Ainsi, au sein du SBF 120 :

- 80 % des sociétés dirigées par une femme ont un comité du conseil en charge de la RSE et du développement durable, contre seulement 58 % des sociétés dirigées par un homme ;

- 40 % des sociétés dirigées par une femme ont déclaré des « objectifs carbone alignés sur les connaissances scientifiques » ( Science Based Targets ) contre 24 % des sociétés dirigées par un homme ;

- les sociétés dirigées par une femme ont davantage intégré des objectifs RSE/Développement durable dans la politique de rémunération variable de leur PDG.

Si les objectifs de la loi de 2011 ont bien été atteints , avant même la date butoir de 2017, au sein des conseils d'administration et de surveillance des plus grosses entreprises, celles qui publient chaque année des statistiques relatives à la présence des femmes au sein de leurs instances de gouvernance, force est de constater que l'application de la loi est encore imparfaite au sein des plus petites capitalisations boursières ou des sociétés non cotées. Comme le soulignait Denis Terrien, président de l'IFA, lors de la table ronde de la délégation le 21 janvier 2021 : « la loi est faite pour les sociétés visibles et, de fait, elle est moins efficace pour les autres ».

De même, malgré la dynamique créée par la loi de 2011, le plafond de verre persiste au sein des instances de direction des entreprises : les comités de direction et les comités exécutifs sont encore trop peu féminisés.

Aujourd'hui, l'enjeu est donc celui de l'accès des femmes à tous les postes de direction, dans toutes les entreprises .


* 6 Rapport n° 38 (2010-2011) de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des lois ( https://www.senat.fr/rap/l10-038/l10-0383.html#toc77 )

* 7 Vers la parité pour la gouvernance des entreprises , rapport n° 45 (2010-2011) de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la délégation aux droits des femmes.

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