B. LA RECONNAISSANCE DU « HARCÈLEMENT EN MILIEU SCOLAIRE » N'EXISTE QUE DEPUIS 10 ANS EN FRANCE

1. Une préoccupation plus ancienne dans d'autres pays
a) Une théorisation par les chercheurs scandinaves dès les années 1970

La reconnaissance du harcèlement en milieu scolaire s'est faite plus tardivement en France que dans les pays européens voisins. En effet, alors que la réflexion sur le sujet n'a germé dans notre pays qu'à partir de la fin des années 1990, des chercheurs scandinaves ont théorisé cette forme de violence scolaire dès les années 1970.

Dan Olweus , psychologue suédo-norvégien, a été l'un des premiers à se pencher sur le sujet du harcèlement scolaire, en publiant en 1973 son ouvrage « Souffre-douleur et tyrans : recherche sur le harcèlement scolaire ».

Peu après, le professeur de psychologie Anatol Pikas inaugurait en Suède en 1975 la méthode de la « préoccupation partagée » (« Shared Concern Method ») .

Zoom sur la méthode de la préoccupation partagée,
par Anatol Pikas, 1975

Cette méthode consiste principalement en une série d'entretiens individuels avec les élèves ayant pris part à des pratiques d'intimidation . Le professionnel reçoit les intimidateurs, non pas dans le but de leur faire reconnaître leur participation ou leurs responsabilités dans les brimades, mais de parvenir à leur faire partager une « préoccupation » pour la personne ciblée. Cette méthode consiste à les amener à formuler eux-mêmes des suggestions avant que la situation ne s'enkyste et pour qu' in fine l'intimidation cesse complètement.

Elle tire sa particularité de son caractère non blâmant. Le professeur de philosophie et membre du comité d'experts contre le harcèlement au sein du ministère de l'Éducation nationale Jean-Pierre Bellon, ayant activement participé à la diffusion de cette méthode en France aux côtés du conseiller principal d'éducation Bertrand Gardette a donné lors de son audition une description précise de la méthode ainsi que de ces résultats positifs : « cette méthode est généralement appliquée sur quinze jours. Elle repose sur la rapidité d'intervention et la brièveté des entretiens, sachant que le suivi de la victime dure évidemment plus longtemps. Une évaluation en a été faite au sein de l'académie de Versailles en février 2019 : le taux de réussite est ressorti à 82 % sur 800 cas traités. Une situation résolue est une situation dans laquelle la victime nous dit qu'elle peut retourner en classe » 19 ( * ) .

S'il a été l'un des premiers à mettre en place cette méthode en France, Jean-Pierre Bellon témoignait, auprès des membres de votre mission, de l'adaptation qui avait dû être faite lors de sa transposition dans les écoles françaises « car celle-ci, si elle est parfaite pour arrêter les brimades, n'est pas suffisante dans le soutien aux victimes » .

Dès 1994, le plan « Combattre activement toutes les formes de maltraitances comme le mobbning 20 ( * ) et le racisme » s'est vu imposé à tous les établissements scolaires suédois, le directeur de chaque école ayant désormais l'obligation de mettre en oeuvre une formation préventive et d'apporter une réponse effective pour prévenir les méfaits contre les élèves ou les enseignants. Ainsi que le décrivait Fabienne Schlund en 2002 21 ( * ) : « l'État suédois, impliqué depuis le début, a joué un rôle prépondérant dans l'institutionnalisation de la prise en charge du harcèlement et dans la mise en place du plan « anti- mobbning ». En effet, il est le garant des droits des élèves à vivre une scolarité sans être inquiétés et le recours quand un cas de harcèlement survient ; le citoyen fait confiance aux institutions dans leur capacité à aider les individus aux prises avec des difficultés de la vie quotidienne » .

b) Une préoccupation précoce en raison des drames vécus par ces pays

La préoccupation précoce des pays scandinaves et anglophones en matière de harcèlement scolaire n'est pas anodine. Elle est une réponse à des drames 22 ( * ) , et problématiques de sécurité publique (suicides multiples, phénomènes de tueries scolaires, etc.) qui ont malheureusement obligé les pouvoirs publics à se saisir rapidement du sujet .

C'est ainsi à la suite des suicides consécutifs de trois garçons âgés de 10 à 14 ans victimes de harcèlement de la part de leurs camarades que le ministre norvégien de l'Éducation nationale a déclenché, en 1982, une campagne de lutte contre les problèmes « agresseurs/victimes » dans les écoles primaires et collèges.

Le phénomène des tueries scolaires school shootings ») a également entraîné une prise de conscience essentielle en la matière et a révélé la nécessité de mettre en oeuvre des politiques publiques appropriées. Ainsi que l'ont démontré des études provenant des États-Unis, le lien de corrélation entre ces « school shootings » et le harcèlement est significatif puisque ce sont majoritairement des enfants anciennement harcelés qui se trouvent à l'origine de ces tueries au sein d'établissements scolaires . Une étude du FBI portant sur les années 1974 à 2000 23 ( * ) démontre que dans 75 % des cas, les personnes responsables des tueries étaient par ailleurs victimes de maltraitance entre élèves, « ce qui expliquait pour partie leur action » selon Laurent Bayon 24 ( * ) . Ce fut le cas en Allemagne mais aussi en Finlande où le programme anti-harcèlement « KiVa » a été lancé à la suite d'une tuerie dans un établissement scolaire.

Ces données révèlent la nécessité d'assurer une prévention précoce dans le traitement du harcèlement scolaire . Cependant, il ne faudrait bien évidemment pas que cela conduise à un profilage des élèves pouvant posséder des traits similaires à ceux des « school shooters ». Le rapport du FBI est précis sur ce sujet : le profilage comporte un risque inhérent de stigmatisation de certains profils d'élèves et certaines populations en les sur-identifiant, ajoutant finalement de la violence à la violence.

2. Une réflexion scientifique en France à partir de la fin des années 1990
a) Les travaux des sociologues et les premières enquêtes de victimation

Le véritable enclenchement de la réflexion sociologique sur le harcèlement scolaire en France s'est opéré au moment de la traduction française du terme anglais de « school bullying » , à la fin des années 1990. Dès cet instant, les sociologues français ont pu identifier clairement le phénomène et en dresser les contours 25 ( * ) .

À cette même période apparaissaient en France les enquêtes de victimation dans le domaine scolaire , dont la méthodologie de recherche, élaborée par Éric Debarbieux avait été approuvée par le ministère de l'Éducation nationale. La première a été réalisée par Cécile Carra et François Sicot dans le Doubs en 1997, et concernait les établissements du secondaire .

Selon Claire de Saint Martin, ces enquêtes semblent nécessaires en ce qu'elles « doivent permettre de rendre compte de façon plus exhaustive du phénomène de la violence à l'école, en considérant son impact physique et psychologique sur les victimes » 26 ( * ) .

En 2002, Fabienne Schlund regrettait toutefois encore le fait que « le harcèlement scolaire est un problème qui n'est pas pris en compte en France » 27 ( * ) . Elle s'intéressait à l'émergence du harcèlement comme problème social apparaissant en France à la fin des années 1960 et au début des années 1970, soit à un moment où « les problèmes "agresseurs" et "victimes" ont commencé à susciter un vif intérêt » .

b) La mise en exergue de l'importance du phénomène

Par la suite, en 2008, les travaux de Nicole Catheline, pédopsychiatre spécialiste des rapports entre enfant et école, ont permis de mettre en exergue l'importance du phénomène. Cette dernière théorise alors la dynamique de groupe qui conduit au harcèlement et requiert de sortir d'une vision strictement binaire : le ou les agresseur(s) d'un côté, et la victime de l'autre. Puisque le harcèlement s'opère au sein d'un groupe, cela nécessite de s'intéresser au groupe élargi et de considérer qu'il n'y a pas de profil d'harceleur ou de victime, mais plutôt des « profils de situations » , avec de nombreuses similitudes entre les victimes et harceleurs .

L'importance de la prise en compte des émotions
dans le traitement du fléau du harcèlement scolaire

À l'occasion de leur audition par votre mission d'information, Jean-Pierre Bellon et le Nicole Catheline soulignaient à quel point l'intégration des émotions était nécessaire afin de faire face au harcèlement scolaire.

Si l'école de Palo Alto a été précurseure dans les années 50 pour souligner l'importance de la confiance en soi, la reconnaissance des émotions passe par la notion d'empathie, développée dans les années 70. Nicole Catheline décrivait devant votre mission d'information l'empathie comme un « pré-câblage qu'a le nourrisson à la naissance, et qui lui permet d'être d'emblée un être social » 28 ( * ) , et traitait d'une empathie « émotionnelle, cognitive et motivationnelle » dont la compréhension passe en premier lieu par le corps.

Le traitement des émotions lors de la prise en charge du harcèlement doit se faire au sein de l'école évidemment, mais également dans la société toute entière qui doit impérativement se saisir du sujet et accompagner les enfants dans la gestion de leurs émotions en dehors du cadre scolaire. À cet effet, Nicole Catheline préfère parler de « harcèlement entre pairs » plutôt que de « harcèlement scolaire » car cela « aurait comme effet d'interpeller l'ensemble des adultes sur la protection qu'ils doivent aux enfants quel que soit le lieu où ils se trouvent » 1 .

Pour ce faire, la pédopsychiatre suggérait aux membres de votre mission de prendre pour exemple les pays nordiques qui intègrent dans la formation de leurs enseignants un très important volet sur le développement psychologique de l'enfant.

3. La prise de conscience ministérielle et institutionnelle dans le début des années 2010

Lors de son audition par votre mission d'information, Laurent Bayon a qualifié le harcèlement scolaire de « violence institutionnelle » 29 ( * ) . Pourtant, la réponse ministérielle et institutionnelle en la matière ne s'est faite qu'au début des années 2010.

a) En 2010, le rôle fondateur des États généraux de la sécurité à l'école

Le harcèlement scolaire est longtemps resté englobé dans les débats sur la violence scolaire en général, et ce n'est qu'en 2010 que les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité d'agir. En effet, c'est à l'occasion des États généraux de la sécurité à l'école, à la suite du meurtre d'un lycéen au Kremlin-Bicêtre à la sortie d'un établissement scolaire, que le ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative d'alors, Luc Chatel s'est emparé de la question .

Par lettre de mission du 4 janvier 2010 , il choisissait de mandater Éric Debarbieux, président du Conseil scientifique des États généraux de la sécurité à l'école, pour rédiger un rapport sur le sujet afin d'agir en matière de sécurité scolaire et de « créer une politique spécifique et ambitieuse sur ce point » 30 ( * ) . Le rapport « Refuser l'oppression quotidienne : la prévention du harcèlement à l'École » est remis le 12 avril 2011.

Au même moment, les enquêtes en cours au nom de l'UNICEF, ainsi que les premières enquêtes de victimation sur les collèges menées par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), permettaient enfin d'évaluer l'ampleur du phénomène en France. Le constat était dressé : 11 à 12 % des élèves français subissaient une forme de harcèlement scolaire au cours de leur scolarité 31 ( * ) .

Ces premières enquêtes ont permis de mettre en lumière « la réalité de la multi-victimation chez les élèves » 32 ( * ) . La prise de conscience institutionnelle y est directement liée car « avant cela il n'était pas regardé si un élève avait été multi-victime dans un même espace-temps » .

À cela s'ajoutait le « défaut de prise en compte des micro-violences » , révélateur d'une carence systémique dans le traitement du harcèlement scolaire . Le Conseil scientifique international réuni à l'occasion des États généraux avait d'ailleurs insisté sur la nécessité de prendre en compte les « micro-violences répétées » en montrant ses conséquences à long terme.

Le ministre de l'Éducation nationale avait lui-même déclaré à cet égard : « on a trop longtemps passé sous silence toutes les micro-violences du quotidien, les violences sourdes, les violences impalpables, les violences indicibles, mais aussi les jeux dangereux qui minent les relations entre élèves, entre professeurs et élèves, celles qui dégradent l'ambiance au sein de l'établissement scolaire » 33 ( * ) .

b) La mise en évidence des défauts à corriger pour lutter efficacement contre le harcèlement

Jean-Pierre Bellon, durant son audition devant votre mission d'information 34 ( * ) , dresse le constat de trois défauts essentiels à corriger pour faire face au harcèlement scolaire :

• Tout d'abord, la solitude des victimes . Éric Debarbieux en avait fait l'un de ses « 10 commandements contre la violence à l'École » en 2008. Il fait état d'une solitude dévalorisante et culpabilisante pour les harcelés, mais aussi pour leur famille.

• Ensuite, la puissance du groupe . Anatol Pikas évoquait, dès 1975, la notion de « mob » (foule) : les membres du groupe, « mobers », ont parfois eux-mêmes une opinion négative sur le harcèlement, mais ne peuvent y échapper. Ils se retrouvent véritablement pris au piège par cette « violence en meute ».

• Enfin, la maladresse de l'institution . Elle comprend les remarques désobligeantes des professeurs et le manque d'attention qu'ils peuvent porter à un élève harcelé cherchant à se confier sur son mal-être.

Le développement relativement tardif en France d'une culture de l'empathie expliquerait pour partie ce triple constat.

Le développement relativement tardif en France
d'une culture de l'empathie

Selon le psychologue Dan Olweus les harceleurs sont, en règle générale, assez peu portés à l'empathie et parviennent facilement à repérer les petits travers de leurs camarades afin de les tourner en dérision.

L'éducation à l'empathie paraît alors nécessaire dans le traitement du harcèlement scolaire . Elle « revient à travailler sur sa relation à l'autre, être capable de reconnaître l'autre comme un sujet humain, ressentant des choses » 35 ( * ) .

Tandis qu'au Danemark des cours d'empathie sont obligatoires de 6 à 16 ans , une heure par semaine, depuis une loi de 1993, la France reste quant à elle marquée par un retard significatif dans le développement d'une culture de l'empathie. C'est ce que soulignaient les représentants de la CFDT lors de leur audition par votre mission d'information : « ce qui n'est pas encore assez développé ce sont des temps permettant d'éduquer à l'empathie » 36 ( * ) . Ils rappelaient à cet égard que le harcèlement scolaire est bien souvent un phénomène relevant du « registre de l'émotionnel », ce qui doit impérativement être intégré dans la formation des corps enseignants.

Pour y remédier, le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron a créé un « jeu des trois figures » afin de prévenir la violence et le harcèlement scolaire en développant l'empathie dès l'école maternelle. Cet outil pédagogique « invite les enfants à s'imaginer dans chacune des postures d'une situation agressive et réduit la tentation de la violence en encourageant la capacité d'empathie » 37 ( * ) . Il nécessite une formation des enseignants de trois journées réparties sur l'année. Il tient son nom des trois figures présentes dans les histoires pour enfants : l'agresseur, la victime, et le témoin.

c) La prise de conscience en 2010, avec le ministre Luc Chatel

À la rentrée 2010, avec le ministre Luc Chatel a débuté une véritable prise en compte du harcèlement scolaire par les pouvoirs publics. De nombreuses actions ont ainsi été mises en place par les gouvernement successifs au fil des années : les premières assises nationales sur la prévention du harcèlement à l'école en mai 2011 ; la publication de deux guides à l'attention des équipes éducatives , le premier sur le harcèlement entre élèves et le second sur le cyberharcèlement ; une grande campagne d'information et de sensibilisation contre le harcèlement à l'école (« Agir contre le harcèlement à l'École ») ainsi que l'instauration d'une ligne d'écoute téléphonique nationale et gratuite devenue ensuite le 30 20 dès la circulaire de rentrée 2012 ; un site internet ministériel proposant des ressources aux enseignants et parents 38 ( * ) ; un concours académique « Non au harcèlement » en 2013 ; l'inscription de la lutte contre le harcèlement scolaire dans la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République du 8 juillet 2013 ; le dispositif « Ambassadeurs Lycéens » , ainsi qu'une journée de mobilisation nationale contre le harcèlement à l'école en 2015.

Votre mission d'information salue la continuité de l'action portée par l'ensemble des ministres : Vincent Peillon, Benoit Hamon et Najat Vallaud-Belkacem. Cette lutte a été poursuivie par Jean-Michel Blanquer au sein du gouvernement actuel, à travers notamment la loi pour une école de la confiance, et plus récemment le lancement du programme pHARe dont on doit se féliciter. Il importera d'en vérifier sa pleine prise de connaissance par chaque établissement et sa mise en avant effective dans chaque académie.

Enfin, le rapport remis au Premier ministre en octobre 2020 par notre collègue député Erwan Balanant 39 ( * ) , que votre mission d'information a tenu à auditionner ès-qualités , a participé, fort efficacement, de cette nécessaire prise de conscience.


* 19 Audition du jeudi 24 juin 2021.

* 20 Ce qui signifie « brimade », « intimidation », en suédois.

* 21 Fabienne Schlund, « Le harcèlement à l'école, un établissement français en Suède », 2002.

* 22 Voir notamment l'audition du mercredi 2 juin 2021.

* 23 Vossekuil et alii, 2002, op. cit.

* 24 Audition du mercredi 2 juin 2021.

* 25 Une réflexion avait été engagée par Éric Debarbieux sur les incivilités, concept employé pour désigner « l'insécurité au quotidien » mais dont l'extension a été jugée trop importante pour conserver une pertinence suffisante.

* 26 C. de Saint Martin, « Nommer les violences scolaires. Des incivilités au harcèlement scolaire », 2012.

* 27 Fabienne Schlund, « Le harcèlement à l'école, un établissement français en Suède », 2002.

* 28 Audition du jeudi 24 juin 2021.

* 29 Audition du mercredi 2 juin 2021.

* 30 Rapport d'Éric Debarbieux « Refuser l'oppression quotidienne : la prévention du harcèlement à l'École », 12 avril 2011, op. cit.

* 31 Enquête de l'observatoire international de la violence à l'école pour UNICEF France, mars 2011,
« À l'école des enfants heureux... enfin presque ».

* 32 Audition du mercredi 2 juin 2021.

* 33 Discours de clôture du ministre suite à la remise du rapport Debarbieux.

* 34 Audition du jeudi 24 juin 2021.

* 35 Audition du mercredi 9 juin 2021.

* 36 Audition du mercredi 9 juin 2021.

* 37 Site de Serge Tisseron : https://www.3figures.org/fr/

* 38 https://www.education.gouv.fr/lutte-contre-le-harcelement-l-ecole-289530

* 39 Rapport de mission gouvernementale : comprendre et combattre le harcèlement scolaire, 120 propositions | Erwan Balanant .

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