N° 100

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 octobre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur les actes de la table ronde : « Gaston Monnerville - L'héritage » du 7 octobre 2021,

Par M. Stéphane ARTANO,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : Stéphane Artano, président ; Maurice Antiste, Éliane Assassi, Nassimah Dindar, Pierre Frogier, Guillaume Gontard, Micheline Jacques, Victoire Jasmin, Jean-Louis Lagourgue, Viviane Malet, Annick Petrus, Teva Rohfritsch, Dominique Théophile, vice-présidents ; Mathieu Darnaud, Vivette Lopez, Marie-Laure Phinera-Horth, Gérard Poadja, secrétaires ; Viviane Artigalas, Philippe Bas, Agnès Canayer, Guillaume Chevrollier, Catherine Conconne, Michel Dennemont, Jacqueline Eustache-Brinio, Philippe Folliot, Bernard Fournier, Daniel Gremillet, Jocelyne Guidez, Abdallah Hassani, Gisèle Jourda, Mikaele Kulimoetoke, Dominique De Legge, Jean-François Longeot, Victorin Lurel, Marie Mercier, Serge Mérillou, Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient, Sophie Primas, Jean-François Rapin, Michel Savin, Lana Tetuanui.

GASTON MONNERVILLE

Repères biographiques

v 2 janvier 1897 : Naissance à Cayenne (Guyane)

v 1912 : Études au lycée Pierre de Fermat (Toulouse)

v 1921 : Inscription au Barreau de Paris

v 1931 : Avocat au procès de l'affaire Galmot

v 1932 - 1942 : Député de la Guyane

v 1940 : Engagement dans la Résistance au sein du mouvement « Combat »

v 1946 - 1948 : Sénateur de la Guyane

v 1948 - 1974 : Sénateur du Lot

v 1947 - 1968 : Président du Conseil de la République puis du Sénat

v 1951 - 1970 : Président du Conseil général du Lot

v 1964 - 1971 : Maire de Saint-Céré

v 1974 - 1983 : Membre du Conseil constitutionnel

v 7 novembre 1991 : Décès à Paris

OUVERTURE

Gérard Larcher,
président du Sénat

Monsieur le président de la Société des amis du président Gaston Monnerville, vice-président du Sénat, cher Georges Patient,

Monsieur le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, cher Stéphane Artano,

Monsieur le président de groupe, cher Jean-Claude Requier,

Messieurs les présidents de groupe,

Mesdames et messieurs les sénateurs d'outre-mer, du Lot ou d'autres territoires,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Monsieur le maire de Marly-le-Roi que je souhaite saluer et dont chacun connaît la curiosité et l'attachement à la personne que nous allons évoquer,

Mesdames et messieurs,

Je suis très heureux d'être parmi vous et de participer à cette table ronde consacrée à l'héritage de Gaston Monnerville, à l'initiative de la Délégation sénatoriale aux outre-mer et de la Société des amis du président Gaston Monnerville.

Cet évènement s'inscrit dans un ensemble de commémorations qui ont eu lieu, ou vont avoir lieu, qu'il s'agisse de l'exposition dans le Jardin du Luxembourg sous le préau Saint-Michel, des Journées du patrimoine, de la Nuit du droit ou de l'hommage organisé par la Délégation sénatoriale aux outre-mer lors du Congrès des maires. Je remercie Stéphane Artano, Georges Patient, Angèle Préville et Jean-Claude Requier qui se sont particulièrement impliqués dans leur préparation.

C'est donc à moi, qui ai puisé mes valeurs, dès mon engagement politique, dans le gaullisme, qu'il revient de débuter cet hommage à Gaston Monnerville. Le temps cicatrise les blessures qui ont marqué notre histoire politique et je peux vous avouer, occupant le bureau qui était celui de Gaston Monnerville, que j'ai découvert et construit une admiration pour celui qui fut l'un de mes plus glorieux prédécesseurs, et je le dis avec une grande sincérité.

Trente ans après sa disparition, Gaston Monnerville continue à incarner l'engagement, l'audace, l'indépendance et le courage au service de l'idéal républicain. C'est ce que nous avons - me semble-t-il - en partage les uns et les autres, car les lieux qui ont été habités continuent de nous inspirer et à éclairer ceux qui l'occupent au sens républicain du terme, et donc à titre temporaire.

Homme de combat, Gaston Monnerville a lutté pour la justice et la liberté. L'avocat, le résistant, l'élu de la Guyane et du Lot, le ministre, le membre du Conseil constitutionnel est l'un de ces grands hommes qui ont contribué au prestige de la France.

Homme d'État, il a su, à chaque étape de sa vie, atteindre les plus hautes fonctions notamment en devenant président du Conseil de la République, puis président du Sénat.

Ses luttes - son attitude comme on dirait aujourd'hui - ont traduit sa vision politique, celle de la liberté, et son idéal, la défense des droits de l'homme et de la démocratie parlementaire.

Gaston Monnerville a été un visionnaire qui a promu, bien avant leur constitutionnalisation, les principes d'indivisibilité et de laïcité de la République ainsi que son caractère démocratique et social.

Sans jamais renier ses origines guyanaises, il a dépassé les frontières invisibles des préjugés sociaux, raciaux, politiques et culturels.

Celui qui est né à Cayenne, d'un père fonctionnaire de l'administration coloniale et d'une mère couturière, ce petit-fils d'esclaves par ses deux parents n'a jamais varié du cap qu'il s'était fixé tout au long de sa vie.

Il a oeuvré pour une stricte égalité des droits des habitants de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion ainsi que pour le développement économique de ces territoires. Il a en partie obtenu satisfaction lorsque ces derniers ont accédé au statut de départements d'outre-mer.

Ce changement statutaire était alors perçu par ses promoteurs comme la garantie de l'égalité civile, juridique, économique et sociale, mais aussi comme la pleine appartenance de ces territoires à la République.

Gaston Monnerville, en 1946, parviendra à créer un fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer et à inscrire dans la loi la suppression de la déportation en Guyane, tout un symbole !

L'engagement était une vocation pour Gaston Monnerville. Le 7 septembre 1939, il s'engage comme « officier de justice » dans la Marine. Démobilisé, il entre dans la Résistance en adhérant au mouvement « Combat ».

Gaston Monnerville a très tôt compris que la Nation se construisait sur l'adhésion et que la démocratie se nourrissait de convictions. Il a non seulement apporté sa pierre à l'édifice national, mais il a également participé à renforcer la démocratie parlementaire en présidant un Sénat libre et indépendant.

Le 18 mars 1947, élu Président du Conseil de la République, il déclarait : « Ne pas être un homme de parti, mais un arbitre impartial entre les partis ».

Il mit tout en oeuvre pour augmenter les pouvoirs d'une assemblée dont la Constitution de la IV e République avait prévu qu'ils ne seraient que consultatifs, ce qu'a corrigé la réforme constitutionnelle du 7 décembre 1954, et il a consolidé le prestige de la présidence du Sénat.

Il présida, le 20 mai 1949, la cérémonie de transfert au Panthéon des cendres de Victor Schoelcher et Félix Éboué, dont les cercueils avaient été veillés, la nuit précédente, au Jardin du Luxembourg, lieu où il inaugura le monument des étudiants résistants et celui des patriotes exécutés par les nazis en 1956 sur ces lieux même.

La sagesse de Gaston Monnerville tenait à sa vision et à son audace.

Tout au long de ces vingt-et-une années passées au « plateau », il s'identifia totalement à la fonction et s'imposa comme l'une des grandes figures de la vie publique française, à la fois pour sa place au sein du groupe du Rassemblement des gauches républicaines et pour sa ténacité face au général de Gaulle. Mais Gaston Monnerville, qui a approuvé la Constitution de 1958, savait aussi entretenir un dialogue avec ce dernier. Je ne vais pas tenter de réécrire l'Histoire mais je retiendrai quelques moments.

À la suite de l'insurrection militaire en Algérie, dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, un Conseil des ministres décida l'état d'urgence, l'application de l'article 16 de notre Constitution. Le président du Sénat, reçu à l'Élysée comme le prévoient les textes, déclara alors : « Il est dans la vie des nations, des circonstances où, sans rien abdiquer des principes républicains, un homme d'État doit savoir consentir à la concentration momentanée des pouvoirs entre les mains d'un chef responsable, précisément si elle vise à sauvegarder la démocratie elle-même ».

Mais, au début du mois de juin 1961, son attachement aux libertés le poussa à demander à être reçu par le général. Le procès des généraux Challe et Zeller ayant pris fin, l'application de l'article 16 ne lui paraissait plus indispensable. Je me retourne ici vers mes collèges et vers le secrétaire général du Sénat car n'est-ce pas une attitude constante du Sénat face à l'État d'urgence quel qu'il soit ? Comme vous le savez, le général décida de le maintenir jusqu'au 30 septembre.

Ses convictions républicaines et démocratiques, son attachement au régime parlementaire, lui offrirent l'occasion de manifester avec force son indépendance quand il a contesté la décision du général de Gaulle en 1962, lors de la révision constitutionnelle du mode d'élection du Président de la République. Il déclara alors : « Si je me suis permis, en face de cette violation de la Constitution, en face du plébiscite, du pouvoir personnel qui s'annonçait, d'élever la voix, c'est précisément parce que je reste fidèle à cet enseignement de la France et à cet enseignement républicain ! ».

Le peuple français en décida autrement et nous savons combien l'élection du Président de la République au suffrage universel est devenue la clé de voûte de nos institutions.

Pendant sept années, de 1962 à 1969, les rapports entre l'Élysée et le Sénat ont connu des soubresauts, ce que n'arrangea pas l'épisode de mai 1968, où Gaston Monnerville se démarqua publiquement du général de Gaulle, à qui il reprochait « l'exercice solitaire du pouvoir », avant de se lancer dans un autre combat : le projet de fusion entre le Sénat et le Conseil économique et social.

Le 27 septembre 1968, Gaston Monnerville déclara : « Devant la gravité de cette situation, ayant longuement réfléchi à ses conséquences, ne voulant pas laisser s'accomplir une nouvelle et grave violation de notre Constitution et démanteler le régime républicain en France, j'ai pensé que mon action serait plus efficace si j'étais libre de mes mouvements, de ma parole et de mes actes. »

Il fit activement campagne jusqu'à la victoire du non au référendum du 27 avril 1969. Il fit encore entendre sa voix dans l'hémicycle, jusqu'à ce 22 février 1974, où il en prit congé, puisque son successeur, Alain Poher, décida de le nommer au Conseil constitutionnel.

Le sénateur Henri Caillavet voyait en lui « un citoyen aux choix lucides qui avait le courage tranquille du patriote », homme protéiforme aussi, puisque tour à tour juriste, écrivain, peintre et musicien, il écrivit également plusieurs ouvrages .

Une salle du Palais du Luxembourg porte le nom de celui dont la mère, au tout début de sa vie, lui avait dit ces mots qui le marquèrent à jamais : « Va mon fils, et tâche de bien faire ». C'est vrai que Gaston Monnerville passa sa vie à « faire bien », c'est cela que nous célébrons aujourd'hui. C'est aussi ce que nous ferons devant nos collègues ultramarins à l'occasion du Congrès des maires.

C'est aussi pour cela que je pèse mes mots et que je vous parle comme je le ressens : celui qui présida l'entrée au Panthéon de Victor Schoelcher et Félix Éboué mérite de les rejoindre aujourd'hui.

Bon colloque à vous toutes et à vous tous.

Stéphane Artano,
président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Monsieur le président du Sénat,

Monsieur le vice-président,

Mesdames et messieurs les députés,

Chers collègues,

Mesdames et messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui, en mon nom et en celui des membres de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, pour cette table ronde consacrée à l'héritage de Gaston Monnerville.

Je remercie chaleureusement le président Gérard Larcher de sa présence et d'avoir bien voulu permettre l'organisation d'une série d'évènements au Sénat, sous l'autorité du président de la délégation du Bureau à l'événementiel, Pierre Laurent, dans le cadre de la commémoration du 30 ème anniversaire de la disparition d'un homme, venu d'outre-mer, qui a présidé cette maison pendant plus de vingt ans.

Au départ de cette mobilisation sénatoriale, il y a l'initiative déterminée du vice-président Georges Patient, sénateur de la Guyane et président depuis 2017 de la Société des amis du président Gaston Monnerville. Georges Patient nous a sensibilisés à son engagement à la tête de cette association dont de nombreux membres sont présents aujourd'hui, et que je salue également.

Notre délégation a répondu avec enthousiasme à l'idée d'organiser cette table ronde dédiée à l'héritage de Gaston Monnerville qui réunit aujourd'hui une douzaine d'intervenants prestigieux à qui j'adresse nos vifs remerciements. Ils vont témoigner d'un parcours exceptionnel, mais largement méconnu de nos concitoyens.

Contribuer à mieux faire connaître cette trajectoire à travers ceux qui l'ont côtoyé ou étudié de près, ainsi que son actualité aujourd'hui, c'est l'objectif que notre délégation partage avec les initiateurs de cette commémoration.

Je crois que notre délégation est dans son rôle lorsqu'elle contribue à porter la voix des outre-mer au sein des institutions françaises. Vous le savez, notre délégation existe depuis novembre 2011, et elle s'est vu confier une triple mission : une mission d'information du Sénat sur les questions relatives aux outre-mer, une mission de veille pour la prise en compte des caractéristiques de leurs collectivités et une mission d'évaluation des politiques publiques les concernant.

Dans le cadre de ses missions, la délégation a développé dès l'origine une importante activité de colloques et de tables rondes. En dix ans, elle a ainsi organisé une vingtaine de manifestations de ce type qui ont fait l'objet d'autant de rapports accessibles à tous en ligne.

Malgré le travail déjà accompli, l'ambition est toujours d'aller plus loin, de faire mieux et davantage pour poursuivre sur la voie d'une meilleure connaissance des outre-mer et d'une prise de conscience accrue de leurs réalités.

La présente rencontre s'inscrit donc dans cet esprit, en réunissant des parlementaires, des historiens, des hommes de loi, de grands témoins, qui ont pour point commun d'être attachés à la mémoire d'un homme qui aimait à rappeler que le fils d'outre-mer qu'il était devait tout à la République.

La délégation aux outre-mer que je préside aborde ainsi cette table ronde avec beaucoup d'intérêt mais aussi beaucoup d'attentes.

Du point de vue du passé et de l'histoire, nos échanges peuvent aider à éclairer des facettes peu connues et pourtant remarquables de Monnerville. L'exposition organisée dans le Jardin du Luxembourg le 15 septembre dernier a permis de redécouvrir la richesse de son parcours et ses engagements pour la démocratie, la lutte contre le nazisme mais aussi la défense des terroirs et des territoires.

Du point de vue des outre-mer, enfant de la Guyane, il convient de rappeler le rôle précis qu'il a joué dans la départementalisation des « quatre vieilles colonies », départementalisation qui sera actée en 1946.

Enfin, cette table ronde peut aussi être l'occasion de se tourner vers l'avenir, de faire oeuvre pédagogique en s'adressant aux jeunes générations avec le parcours républicain exemplaire de l'intéressé. Ayant gravi les plus hautes fonctions de la République, Gaston Monnerville constitue-t-il encore un modèle pour les jeunes, et la jeunesse ultramarine en particulier ? C'est une des questions que nous pourrons aborder au cours de cette table ronde qui va se dérouler tout l'après-midi et se répartir autour de deux séquences, l'une consacrée à l'homme des territoires, nous verrons que cet homme a des racines multiples, et l'autre articulée autour de son attachement aux valeurs de la République dont il est en quelque sorte l'incarnation.

Pour des raisons liées aux conditions sanitaires, cette table ronde n'a pu être ouverte au public comme nous en avons l'habitude, mais elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle en direct et d'une diffusion en VOD sur le site du Sénat, ce qui permettra d'en élargir l'audience.

Je vous remercie de votre attention.

Georges Patient ,
sénateur de la Guyane,
vice-président du Sénat,
président de la Société des amis de Gaston Monnerville (SAPGM)

Monsieur le président du Sénat,

Monsieur le président Stéphane Artano,

Monsieur le président Jean-Claude Requier,

Mes chers collègues parlementaires,

Mesdames, messieurs,

Puisque vous êtes là, puisque nous sommes là réunis autour de Gaston Monnerville, trente années après sa mort pour célébrer son héritage, il est permis de dire qu'il est loin d'avoir disparu de notre mémoire nationale.

Il me semble même qu'il est là, de plus en plus proche de nous, en un temps où il n'est pas négligeable de pouvoir s'appuyer sur des valeurs sûres.

Valeur sûre, la fidélité absolue de Gaston Monnerville à la République, à ses institutions. Valeur sûre, le courage et la droiture de Gaston Monnerville face aux menaces sur son pays, sur la démocratie. Valeur sûre, sa pratique politique comme un engagement total. Valeur sûre, son attachement à ses lieux d'élection : la Guyane natale, le Lot adopté ensuite. Valeurs sûres, son humanisme, son désintéressement parfait. Valeurs sûres, la tolérance de Gaston Monnerville, son souci des faibles, des discriminés, des oubliés, de la dignité due à chacun.

Sans me mettre en avant, je veux juste rappeler qu'en 2008, quand j'ai sollicité pour la première fois les suffrages des grands électeurs, après une assez longue liste de mandats locaux, c'est la figure tutélaire de Gaston Monnerville qui m'a inspiré, qui a justifié mon ambition. Dans des conditions matérielles, celles des déplacements et des communications, qui n'ont plus grand-chose à voir avec celles des années Monnerville, j'ai personnellement choisi de mettre l'essentiel de mon énergie sénatoriale à défendre les outre-mer en général, et la Guyane en particulier : défendre leur développement économique et social, défendre leur capacité à prendre et à exercer les responsabilités nécessaires à leur développement, défendre leur jeunesse et leur avenir, défendre leur place dans la République, dans son histoire, dans sa construction, défendre leur place dans la Nation française.

En cela, je ne m'éloigne pas de la trajectoire « monnervillienne ». Nous ne devons pas oublier qu'après avoir défendu et fait relaxer les accusés guyanais de l'affaire Galmot, avec une remarquable plaidoirie en forme de réquisitoire contre le colonialisme et le traitement infligé à la Guyane, il fera fermer le bagne de Guyane, qu'il voyait comme une véritable indignité et un obstacle majeur au développement de ce pays. Il sera ensuite l'un des artisans de la départementalisation de 1946, dont l'objectif - par la suite contesté, certes - était de mettre au même niveau dans la République les populations d'outre-mer et la population de France métropolitaine.

C'est pour cela, par fidélité à la vie et à l'action de Gaston Monnerville, qu'il y a quelques années déjà, j'ai pris l'initiative de le remettre dans le débat public, de travailler à le faire mieux connaître, de fédérer toutes les énergies disponibles pour une réelle et définitive connaissance et reconnaissance de la place éminente qu'il a occupée dans la vie politique française.

C'est ainsi que j'ai souhaité que le trentième anniversaire de sa mort soit marqué par un certain nombre de manifestations destinées à la fois au grand public, aux spécialistes et aux responsables politiques actuels : une exposition, inaugurée il y a trois semaines, qui développe avec intelligence et pédagogie les divers aspects et les épisodes successifs de la vie de Gaston Monnerville ; la lecture pendant la « Nuit du droit » de son discours en faveur de la panthéonisation de Victor Schoelcher ; et ce colloque qui nous réunit aujourd'hui, enregistré et filmé et qui restera visible assez longtemps sur le site du Sénat : il est important de donner accès au plus grand nombre à ce riche programme d'interventions et aux débats.

Avant de laisser la parole aux intervenants, je voudrais respectueusement et amicalement les saluer. Je commencerai par mes compatriotes guyanais : Annie Robinson Chocho, qu'on entendra en vidéo, enseignante, inspectrice de l'Éducation nationale, engagée dans la vie publique, militant en Guyane pour une connaissance de Monnerville moins superficielle, pour la constitution d'une sorte de panthéon de grandes figures guyanaises, susceptibles d'enrichir la connaissance de ce que nous sommes, de ce que nous pouvons être ; mon ami Rodolphe Alexandre, historien passionné, qui a construit sa détermination et sa rigueur politique sur l'exemple de Gaston Monnerville ; et maître Patrick Lingibé, éminent avocat, digne héritier de Gaston Monnerville.

Je salue également mes collègues du Lot, Angèle Préville et Jean-Claude Requier. Ils nous diront combien Gaston Monnerville fut attaché à ses « territoires », et comment il a appuyé son action sur sa connaissance du droit.

Nous entendrons aussi Philippe Martial, secrétaire général de la Société des amis du président Gaston Monnerville, ancien directeur de la bibliothèque et des archives du Sénat, et qui fut pour Monnerville comme un fils adoptif, et maître Christian Charrière-Bournazel qui nous retracera « de l'intérieur » sa carrière politique.

Les quatre derniers intervenants que je voudrais également remercier, sont à la fois jeunes et ultramarins : ils sont tous chacun dans leur domaine et avec leurs ambitions propres les héritiers de Gaston Monnerville. Je veux citer Olivier Serva, député de Guadeloupe et président de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, Félix Beppo, ancien adjoint au maire du XVIII ème arrondissement de Paris. Je veux avoir un mot particulier pour nos deux derniers invités : Laurent Lise, dont le grand-père Roger Lise, sénateur de la Martinique, fut l'un des fondateurs de la Société des amis du président Gaston Monnerville car ce dernier était né en Guyane, mais ses parents étaient d'origine martiniquaise, et Ramachandra Oviode-Siou, le benjamin des intervenants, étudiant en droit et président de l'Institut Gaston Monnerville que nous entendrons en vidéo.

Je trouve encourageant que de très jeunes gens aillent chercher et trouvent en Gaston Monnerville de quoi incarner des valeurs auxquelles ils sont attachés, mais qu'ils jugent un peu malmenées depuis quelques années. Je trouve également admirable que ces très jeunes gens, regrettant de n'avoir jamais « appris » Gaston Monnerville à l'école, s'attachent maintenant à faire fructifier son héritage.

Il me reste à remercier chaleureusement André Bendjebbar, éminent historien et pédagogue, et Luc Laventure, empathique et talentueux, qui assurera la modération des débats.

Je nous souhaite de belles découvertes et des débats que j'espère riches et fructueux.

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