B. LA NATURE DES DÉPENSES DE LA MISSION « OUTRE-MER » LUI CONFÈRE UN EFFET FONDAMENTALEMENT PRO-CYCLIQUE

Ø Pour la première fois depuis de nombreuses années, les crédits de la mission « Outre-mer » sont en diminution par rapport à l'année précédente. Cette baisse s'explique par un effet comptable dû à la baisse d'activité économique, qui a entraîné mécaniquement une baisse des compensations d'exonérations fiscales et sociales.

Source : projet annuel de performance de la mission « Outre-mer », direction du budget.

En effet, depuis la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), remplacé par des exonérations pérennes de cotisations sociales patronales, l'assiette de ces compensations en faveur des entreprises, au titre de l'action « soutien aux entreprises », a été élargie, faisant par exemple passer le taux d'exonération au niveau du SMIC de 28,7 à 40 %. Cette action représentant plus des 4/5 du programme 138 « Emploi outre-mer » et plus de la moitié des crédits de la mission « Outre-mer », la baisse de 5 % des AE de cette action en 2022 par rapport à 2021 (soit un montant de 79 M€) suffit à elle seule à expliquer la baisse des crédits totaux de la mission (73 M€).

Si cette évolution à la baisse ne traduit bien sûr pas une intention du Gouvernement, qui est intervenu par d'autres canaux, notamment par le plan de relance, il n'en reste pas moins que les AE demandées pour la mission diminuent de 2,7 % par rapport à celles ouvertes en 2021. Cela souligne le paradoxe d'une mission « Outre-mer » à dominante économique en volume de crédits, mais qui conserve dans le même temps un caractère éminemment pro-cyclique, contraire à toute logique économique. Baisse drastique de l'activité économique, baisse mécanique des crédits budgétaires dédiés : les outre-mer font face à une double peine en cas de crise.

C. DES MESURES D'URGENCE ET DE RELANCE SOUS-DIMENSIONNÉES ET INSUFFISAMMENT ADAPTÉES À LA SPÉCIFICITÉ DES OUTRE-MER

Dans ce contexte, les mesures d'urgence et de relance ont revêtu une importance toute particulière, parce qu'elles permettent de préserver le tissu productif de destructions d'entreprises et d'emplois subites à court terme, et évitent un effet d'hystérèse pouvant détériorer la trajectoire économique à plus long terme.

1,5 %

Part du plan de relance dédiée aux outre-mer, alors qu'ils représentent 4 % de la population française

Ainsi, le 1,5 Md€ spécifiquement fléché vers les outre-mer, soit 1,5 % du plan France Relance, semble bien faible rapporté à la part de la population ultramarine dans la population totale de la France (4 %) , ce d'autant plus que les outre-mer comptent plusieurs vulnérabilités - composition sectorielle exposée à la crise, taux de chômage déjà élevé - qui plaideraient au contraire pour des aides/tête supérieures à la moyenne. La rapporteure souhaite aussi attirer l'attention sur le déficit d'ingénierie des collectivités ultramarines, mais aussi de l'État déconcentré dans les outre-mer, qui a freiné les candidatures aux appels à projets.

Le déploiement des mesures d'urgence et, notamment, du fonds de solidarité a par ailleurs été freiné par deux phénomènes :

Ø l'un des critères d'éligibilité pour bénéficier du fonds de solidarité et du fonds de solidarité renforcé en août et septembre 2021 était que l'entreprise candidate en ait déjà bénéficié en avril ou mai 2021, afin d'éviter les effets d'aubaine. Or, à cette date, la crise sanitaire et économique épargnait relativement les territoires ultramarins , notamment La Réunion et la Polynésie française. Si le décret n° 2021-1336 du 14 octobre 2021 a élargi l'éligibilité aux entreprises ayant bénéficié du fonds l'un des mois du premier trimestre, la rapporteure s'étonne qu'il n'ait pas été tenu compte en amont du décalage temporel des pics épidémiques et des chocs économiques entre les outre-mer et le reste du territoire français. Aussi souhaite-t-elle appuyer la demande de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) d'une suppression du critère du bénéfice antérieur pour y être éligible ;

Ø une autre difficulté tient à l'importance, dans certains territoires ultramarins, de l'économie informelle, dont les entrepreneurs et travailleurs ont par construction été exclus du bénéfice des mesures d'urgence , indexées sur le chiffre d'affaires, ce qui risque de déstabiliser un tissu économique et social déjà fragile. Si le ministre chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, a annoncé publiquement demander la plus grande indulgence à l'administration dans l'octroi du fonds de solidarité et des prêts garantis par l'État si l'entreprise a initié des démarches de régularisation fiscale et sociale, c'est à un véritable plan d'apurement des dettes fiscales et sociales, en cinq ans, qu'il faudrait procéder .

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