I. ATTÉNUATION : UN RELÈVEMENT DE L'AMBITION LARGEMENT INSUFFISANT POUR ATTEINDRE L'OBJECTIF DE LIMITATION DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE À 1,5 °C

La 26 ème Conférence des Parties, ou COP26 , qui s'est tenue à Glasgow du 31 octobre au 13 novembre 2021, a abouti à l'adoption d'une décision finale, le « Pacte de Glasgow pour le climat ».

Cette décision finale rappelle la volonté de l'ensemble des États à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et, en tout état de cause, nettement en dessous de 2 °C. Glasgow se place ainsi dans la continuité directe de l'Accord de Paris - adopté le 12 décembre 2015 aux termes de la COP21 - en reprenant les objectifs d'atténuation des températures inscrits à son article 2.

Néanmoins, là où l'Accord de Paris n'affirmait que la volonté des États à « [poursuivre] l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5 °C », le « Pacte de Glasgow pour le climat » reconnaît que les conséquences du changement climatique seront bien plus modérées à 1,5 °C qu'à 2 °C - s'appuyant ainsi explicitement sur les conclusions du récent rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) 1 ( * ) - et appelle à poursuivre les efforts pour maintenir les températures sous cette cible basse. La cible la plus ambitieuse de l'Accord de Paris fait ainsi l'objet d'un plus large consensus qu'en 2015.

Selon le GIEC, le réchauffement climatique s'élève déjà à 1,1 °C et pourrait atteindre la cible de 1,5 °C dès le début des années 2030 , soit dix ans plus tôt que les dernières estimations. En écho à ces projections, l'accord de Glasgow souligne la nécessité d'une accélération de l'action en cette « décennie décisive » : l'atteinte de la cible de 1,5 °C nécessiterait une baisse de 45 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport aux niveaux enregistrés en 2010. Tout écart par rapport à cette trajectoire conduirait à miser sur la capacité des États à engager après 2030 des politiques climatiques conduisant à un solde négatif entre émissions et séquestration de carbone, pari à l'issue très incertaine.

Alors que les projections antérieures à l'Accord de Paris plaçaient le monde sur une trajectoire proche d'un réchauffement de 4 °C 2 ( * ) , les politiques publiques actuelles contribueraient à un réchauffement d'ici la fin du siècle de 2,6 à 2,7 °C 3 ( * ) , niveau très largement supérieur à la cible fixée lors de la COP21.

Au-delà de la nécessité de rappeler l'ambition d'un maintien des températures sous 1,5 °C, Glasgow devait donc permettre de combler l'écart entre les trajectoires actuelles d'émissions et la cible de 1,5 °C par une actualisation des contributions déterminées au niveau national (A), par l'adoption par les États de stratégies à long terme (B) et par la conclusion d'accords sectoriels (C).

A. RÉVISION DES CONTRIBUTIONS NATIONALES POUR 2030 : UN IMPACT DE LA COP26, TOUTEFOIS HYPOTHÉTIQUE ET LIMITÉ À 0,2-0,3 °C

Conformément au principe du relèvement continu de l'ambition, inscrit à l'article 4.3 de l'Accord de Paris, et en application de ses articles 4.2 et 4.9, les États devaient soumettre, dans les cinq ans suivants la COP21, des contributions déterminées au niveau national (CDN) - feuilles de route nationales en vue de l'atteinte de l'objectif de température à long terme énoncé par l'accord - correspondant à une progression par rapport aux contributions antérieures, soumises pendant ou après la COP21 en 2015.

Cinquième conférence depuis l'adoption de l'Accord de Paris, Glasgow devait donc être la COP du relèvement de l'ambition et constituait de ce fait un test majeur de la robustesse du mécanisme « ascendant », reposant sur la contribution volontaire des États par des CDN, créé en 2015.

La majorité des pays ont respecté la lettre de l'accord, attestant d'une appropriation majoritaire par les Parties des règles fixées à Paris 4 ( * ) .

- 153 Parties , représentant 152 États - à l'origine de 82,3 % des émissions mondiales - ont soumis, avant ou pendant la COP26, une CDN nouvelle ou actualisée . Ce fut notamment le cas de la Chine, quelques jours seulement avant le début du sommet. Les 41 autres États parties 5 ( * ) - notamment l'Inde 6 ( * ) ou l'Algérie - n'ont cependant pas respecté l'obligation de soumission d'une CDN nouvelle ou actualisée. S'y ajoutent les quatre États n'ayant pas encore ratifié l'Accord de Paris 7 ( * ) .

- 91 États - à l'origine de 63,7 % des émissions mondiales - ont adopté une CDN plus ambitieuse que celle précédemment soumise aux Nations unies. Les autres États n'ont donc pas respecté le principe de relèvement continu de l'ambition posé par l'Accord de Paris, en maintenant leurs engagements précédents, voire en les réduisant (Australie, Brésil, Corée du Sud, Indonésie, Mexique...).

Selon les différentes analyses 8 ( * ) faites pendant la COP26, le réchauffement en fin de siècle pourrait atteindre 2,4 ou 2,3 °C dans l'hypothèse d'un respect des engagements à horizon 2030 9 ( * ) .

En ne considérant que les CDN inconditionnelles - celles pour lesquelles les États s'engagent à l'atteinte d'une cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre quel que soit le degré d'actions ou de financement apportés par les autres États - le réchauffement hypothétique serait plus élevé et pourrait atteindre 2,5 °C.

Le premier cycle de révision des contributions prévu par l'Accord de Paris conduirait donc à une réduction supplémentaire et hypothétique de 0,2 °C ou 0,3 °C, dans le premier cas, et de 0,1 °C, dans le deuxième.

Le mécanisme de révision des CDN créé à Paris fonctionne donc : c'est un des grands enseignements de cette COP26. Pour l'heure, ce mécanisme n'a néanmoins pas conduit à combler suffisamment l'écart entre les trajectoires actuelles d'émissions et la cible de 1,5 °C.

Ces estimations doivent cependant être accueillies avec une certaine réserve.

Premièrement, il convient de rappeler que l'atteinte de ces niveaux de température est conditionnée au respect de leurs engagements par les États ; elle dépend donc, in fine , de la robustesse du cadre de transparence établi en application de l'article 13 de l'accord.

Deuxièmement, un niveau d'émissions de gaz à effet de serre particulièrement élevé conduit à des incertitudes d'autant plus importantes quant à l'effet final sur le réchauffement moyen. Selon la manière dont le système climatique répondra à l'augmentation des émissions, la trajectoire la plus favorable, après révision des CDN, de 2,3 °C, pourrait déboucher sur un réchauffement de 1,8 °C à 2,9 °C, d'après les intervalles de confiance déterminés par le GIEC.

En tout état de cause, l'impact global de Glasgow sur les températures en fin de siècle doit aussi se mesurer en tenant compte de l'adoption par les États de stratégies à long terme (B) et des nombreux accords sectoriels conclus en Écosse lors des deux semaines de négociation (C).


* 1 Compte rendu de l'audition du GIEC par la commission : Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : compte rendu de la semaine du 4 octobre 2021 (senat.fr)

* 2 Correspondant au scénario 2 du GIEC (SSP 3-7.0), avec un intervalle de confiance variant de 3,1 à 5 °C.

* 3 Correspondant au scénario 3 du GIEC (SSP 2-4.5), avec un intervalle de confiance variant de 2,1 à 3,6 °C.

* 4 Pour le détail des CDN soumises aux Nations unies, pays par pays, voir cette base de données : https://www.climatewatchdata.org/2020-CDN-tracker

* 5 La Turquie, qui a déposé sa première contribution en 2021, est retranchée de la liste proposée par Climate Watch.

* 6 L'Inde a formulé de nouveaux engagements à la COP26, mais n'a pas formellement soumis sa CDN aux Nations unies.

* 7 L'Iran, la Libye, le Yémen et l'Érythrée (qui a toutefois soumis une CDN en 2018). En 2021, le Soudan du Sud, la Turquie et l'Irak sont les derniers États à avoir ratifié l'Accord de Paris. Les États-Unis sont également revenus dans le traité au début de l'année. L'Accord de Paris compte ainsi 193 parties (192 États, plus l'Union européenne).

* 8 Sont notamment prises en compte les analyses du programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), du Climate Action Tracker (CAT), ou encore du Climate Resource.

* 9 Avec des intervalles de confiance respectifs de 1,9 °C-3,0 °C et 1,8 °C-2,9 °C

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