N° 831

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juillet 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur l' avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie (rapport d'étape),

Par MM. François-Noël BUFFET, Philippe BAS, Jean-Pierre SUEUR
et Hervé MARSEILLE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

AVANT-PROPOS

Les 184 364 Calédoniens inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation (LESC), prévue par l'accord de Nouméa, ont été appelés, le 12 décembre 2021, à se prononcer une troisième fois sur la question de l'indépendance ou du maintien dans la République française de la Nouvelle-Calédonie 1 ( * ) . La question posée, identique à celle formulée à l'occasion des scrutins de 2018 et 2020, était la suivante : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

Malgré les demandes des partis indépendantistes de reporter la date du scrutin pour des motifs tirés du contexte sanitaire et du deuil coutumier kanak alors proclamé, le scrutin a été maintenu et a vu le « non » l'emporter avec 96,5 % des suffrages exprimés 2 ( * ) . Toutefois, cette victoire du « non » s'est accompagnée d'un effondrement de la participation au scrutin, qui s'est établie à seulement 43,9 % des inscrits, alors qu'elle était de 73,7 % puis de 80 % lors des deux consultations précédentes.

Bien que la légitimité de ce scrutin demeure contestée, le cycle consultatif prévu par l'accord de Nouméa s'est ainsi formellement achevé, ouvrant une nouvelle période institutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie .

Pour l'heure, celle-ci est néanmoins nimbée d'incertitudes, car le processus initié par l'accord de Matignon-Oudinot en 1988 et poursuivi par l'accord de Nouméa en 1998 n'a pas définitivement tranché l'ensemble des questions institutionnelles et politiques relatives au statut de la Nouvelle Calédonie . Un consensus ne s'est pas dégagé de ce processus et de nombreuses interrogations subsistent.

Certes, le Gouvernement français a fixé avant même la tenue de la troisième consultation le calendrier de l' « après-Nouméa » qui devait être structuré en deux périodes : une première période « de discussion et de stabilité à partir du 13 décembre 2021 », suivie de l'organisation d'un référendum dit « de projet » organisé avant le 30 juin 2023 3 ( * ) .

Depuis la proclamation des résultats, cette phase de discussion n'a toutefois pas été engagée , la reprise du dialogue ayant été repoussée en raison des élections présidentielle et législatives d'avril et juin 2022.

À l'issue de cette période électorale, deux déplacements du ministre en charge des outre-mer ont été consécutivement annoncés pour juin puis pour juillet 2022, avant d'être annulés. Le Gouvernement leur a préféré une réunion du « comité des signataires » prévue en septembre prochain à Paris 4 ( * ) . Ces annonces n'ont pas provoqué la reprise espérée du dialogue entre les parties , le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) ayant affirmé son refus de participer à cette réunion 5 ( * ) .

Les fils du dialogue devront être renoués le plus rapidement possible pour sortir de la période d'incertitude actuelle et ouvrir de nouveaux horizons pour la nouvelle Calédonie.

C'est dans une démarche d'écoute et de dialogue que les rapporteurs de la mission - François-Noël Buffet, Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et Hervé Marseille - ont mené leurs premiers travaux, en Nouvelle-Calédonie comme au Sénat .

À l'issue de ces travaux, la conviction des rapporteurs s'est trouvée confortée : bien que des divisions demeurent quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, un consensus se dégage au sein de la population comme parmi les acteurs politiques, institutionnels, économiques et sociaux en faveur de la recherche d'un accord entre les parties calédoniennes pour garantir la stabilité du territoire et son développement économique, social et culturel.

Les conditions de ce dialogue doivent, dès lors, être réunies sans tarder : aucune solution consensuelle et durable ne pourra en effet être construite sans la mise en oeuvre d'une méthode de négociation acceptée par l'ensemble des parties prenantes . Une telle méthode, qui doit garantir le bon déroulement de ces négociations, exige de l'Etat une action volontariste mais impartiale . L'État ne saurait se résigner ni à une position attentiste, qui se bornerait à enregistrer le moment venu un accord politique conclu en dehors de lui, ni, à l'inverse, à une action unilatérale, qui ne saurait fonder une solution durable. C'est ainsi que l'État, garant de la concorde civile, trouvera les moyens de prendre toute sa part à la création des conditions indispensables à l'émergence d'une solution politique équilibrée, consensuelle et durable quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Le présent rapport d'étape formule des propositions sur la méthode qui doit guider l'action des différentes parties afin de renouer les fils du dialogue dans « l'après-Nouméa » et ainsi permettre à la Nouvelle-Calédonie de construire pacifiquement et sereinement son avenir institutionnel et ses relations avec l'Hexagone .

À l'issue de ce rapport d'étape, la mission va poursuivre ses travaux en se concentrant d'une part, sur le bilan de l'accord de Nouméa et ses enseignements pour l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie., et d'autre part sur des recommandations quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.


* 1 Cette date et la formulation de la question ont été fixées, pour cette consultation, par le décret n° 2021-866 du 30 juin 2021 portant convocation des électeurs et organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Il est consultable à l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/jorftext000043728098 .

* 2 Résultats officiels et définitifs de la troisième consultation référendaire du 12 décembre 2021, Haut-Commissariat de la République française en Nouvelle-Calédonie, 13 décembre 2021. Les résultats détaillés sont consultables à l'adresse suivante :
https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/content/download/9258/71413/file/R%C3%A9sultats%20d%C3%A9finitifs%20R%C3%A9f%C3%A9rendum%20NC%20du%2012%20d%C3%A9cembre%202021.pdf .

* 3 Déclaration au terme de la session d'échanges et de travail du 26 mai au 1 er juin 2021, p. 2. Celle-ci est consultable à l'adresse suivante :

declaration_au_terme_de_la_session_dechanges_et_de_travail_du_26_mai_au_01_juin_2021_autour_de_lavenir_institutionnel_de_la_nouvelle-caledonie.pdf (gouvernement.fr) .

* 4 « Nouvelle-Calédonie : réunion du Comité des signataires à Paris en septembre 2022 », communiqué de presse du ministère de l'intérieur et des outre-mer, 16 juillet 2022. Le communiqué de presse est consultable à l'adresse suivante :

https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/nouvelle-caledonie-reunion-du-comite-des-signataires-a-paris-en-septembre .

* 5 Les partis indépendantistes membres du FLNKS ont dans leur ensemble affirmé, par voie de presse, leur refus de participer au comité des signataires organisé à Paris en septembre 2022.
« Le FLNKS ne participera pas à un Comité des signataires à Paris »,
Les Nouvelles Calédoniennes , 18 juillet 2022. L'article est consultable à l'adresse suivante : https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/le-flnks-ne-participera-pas-a-un-comite-des-signataires-a-paris .

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