AVANT PROPOS

Cette mission conjointe de contrôle est une première car elle a été créée et menée à la demande de citoyens qui ont déposé une pétition sur le site e-pétitions du Sénat. En effet, la Haute Assemblée a souhaité rénover le droit de pétition pour renforcer le lien avec tous les Français et leur donner la possibilité de participer plus largement à l'activité du Parlement.

Cette pétition intitulée « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! », a été déposée le 10 septembre 2021 par Mila Sanchez sur la plateforme e-pétitions du Sénat. Elle a recueilli 122 484 signatures.

Ayant dépassé le seuil des 100 000 signatures, la Conférence des Présidents s'en est saisie le 23 novembre 2021, en application du Règlement du Sénat. Elle a décidé son renvoi aux commissions des affaires économiques et des lois, compétentes en la matière, et la création de cette mission conjointe de contrôle.

En conséquence, la Conférence des Présidents a également décidé de clore à la signature la pétition mais aussi quatre autres pétitions qui avaient trait aux questions de sécurité à la chasse et qui n'avaient recueilli qu'un très faible nombre de signatures 1 ( * ) .

Le 24 novembre 2021, les deux commissions ont désigné les 19 membres de la mission à la proportionnelle des groupes et le 30 novembre, la mission a désigné sa présidente et son rapporteur et arrêté son programme de travail.

Ce programme de travail a été défini afin d'examiner l'ensemble des points soulevés par la pétition, c'est-à-dire :

- les conditions de délivrance et de renouvellement du permis de chasser notamment l'âge, les épreuves ou les capacités médicale et psychologique ;

- les conditions de sécurité des chasses et particulièrement les zones de protection autour des habitations, l'interdiction de l'alcool, l'encadrement des battues, les missions de l'Office français de la biodiversité et de la gendarmerie nationale notamment ;

- la réglementation relative à l'acquisition et à la détention d'armes et des munitions de chasse ;

- les sanctions qui peuvent résulter d'éventuelles infractions ;

- le partage des espaces naturels dans le temps et en fonction des différents usages ;

- la prise en charge des victimes ;

- l'application du volet sécurité à la chasse de la loi du 24 juillet 2019 2 ( * ) .

Dans cet objectif, la mission a souhaité entendre toutes les parties prenantes, quelles que soient leurs opinions et sans a priori. Sa présidente et son rapporteur n'étant pas eux-mêmes chasseurs , ils ont eu la volonté de rencontrer les personnes et de comprendre un domaine qu'ils ne connaissaient pas vraiment auparavant. La mission a réalisé plus de 48 heures d'auditions presque toujours publiques et retransmises via internet et les réseaux sociaux et entendu près de 170 personnes . La mission a en effet estimé indispensable d'assurer la plus grande transparence possible à ses travaux, ceux-ci résultant d'une initiative citoyenne. Sa présidente et son rapporteur ont également reçu un grand nombre de contributions écrites et de témoignages personnels.

La mission regrette cependant que cette transparence ait donné l'occasion à certains, pro ou anti-chasse, d'exercer des pressions sur les personnes entendues , provoquant un climat parfois pesant et bloquant les échanges. Heureusement les contributions écrites ou les rencontres de terrain ont permis une expression plus libre et constructive.

La mission a également réalisé cinq déplacements en région pour découvrir les conditions d'une chasse au grand gibier et notamment suivre une battue au sanglier, pour examiner les conditions de formation des chasseurs, de passage de l'examen, de réalisation des contrôles mais est aussi allée à la rencontre des élus pour comprendre les difficultés de cohabitation entre chasseurs et non-chasseurs.

Par ailleurs, la mission a demandé aux services du Sénat une étude de législation comparée afin de prendre en compte les meilleures pratiques européennes et d'actualiser l'étude très complète qui avait été réalisée en 2000 3 ( * ) . Elle a également procédé à l'audition de personnalités qualifiées en Allemagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni et Suisse.

La mission s'est donné le temps de travailler à la fois pour dépasser les passions que suscitent la chasse et l'instrumentalisation d'accidents dans la perspective d'échéances électorales.

L'objectif de la mission a été la sécurisation de la chasse et non d'entrer dans un débat pour ou contre la chasse. La chasse est dans notre pays une activité populaire et a vocation à le rester . Elle fait pleinement partie du monde rural, de ses modes de vie et traditions et, à certains égards, du patrimoine de notre pays à travers la langue française, la littérature, la musique, la peinture, la sculpture ou la gastronomie. Elle est également un facteur de lien social, de partage et de convivialité. Aujourd'hui comme hier, cette activité emblématique doit se conjuguer avec l'agriculture et la production de bois, au premier chef, mais aussi d'autres loisirs ou activités économiques ainsi que l'attrait croissant de nos concitoyens pour la nature et le souci de préserver une biodiversité précieuse pour notre avenir.

L'objectif a donc été de traiter la sécurité à la chasse dans tous ses aspects, de manière approfondie et neutre. Car cette question mérite d'être traitée en elle-même pour les victimes , en tout premier lieu, ainsi que pour les chasseurs et pour tous les Français qui aiment se promener dans la nature. La chasse est une activité légale qui implique très majoritairement l'usage d'armes à feu . Elle est et doit donc être soumise à des réglementations et des impératifs de sécurité particuliers et proportionnés.

Des chasseurs ont vu dans cette pétition une nouvelle attaque et tendent à refuser toute évolution sous la contrainte de leurs opposants. Pourtant, les chasseurs sont les premières victimes des accidents de chasse. Ils sont aussi les premiers à proposer des solutions pour les éviter. C'est leur intérêt. La mission a d'ailleurs la conviction que la chasse ne continuera à être acceptée que si nos concitoyens ont le sentiment que c'est une activité sécurisée. Elle invite les chasseurs à en prendre pleinement conscience.

Si « le risque zéro n'existe pas », cette vérité ne peut être un alibi pour considérer que tout a été fait et pour ne pas agir. On doit plutôt prôner une culture de sécurité et « tendre vers le zéro accident » .

La mission a travaillé dans cet esprit avec détermination pour que, autant qu'il est possible, les accidents de chasse puissent être évités à l'avenir. Chaque victime est une victime de trop.

La mission a eu la volonté de trouver des solutions équilibrées, concrètes et adaptées à la diversité des situations.

Enfin, contrairement au mot attribué à Clemenceau, cette mission conjointe de contrôle n'a pas été créée pour enterrer le problème mais avec la volonté d'aboutir, de formuler des propositions qui seront débattues puis de présenter une proposition de loi pour qu'un certain nombre de choses changent effectivement.


* 1 Les pétitions n° 828, 870, 874 et 878.

* 2 Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.

* 3 L'étude est consultable avec le lien suivant : https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/lc307-notice.html

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