B. DES ACCIDENTS DE CHASSE EN FORTE BAISSE DEPUIS 20 ANS

Le nombre des accidents de chasse sont suivis en détail depuis la création en 1997 du réseau national « sécurité à la chasse » par l'ONCFS. Depuis cette date, les accidents n'ont jamais été aussi peu nombreux.

On entend par « accidents » les atteintes aux personnes (blessures ou décès) causées par des armes de chasse lors de la pratique de cette activité. Les tirs sur les maisons, les véhicules ou les animaux sont comptabilisés comme des « incidents ». Le décès d'un chasseur ou une blessure pour une autre cause : infarctus, chute, accidents de la route... ne sont pas comptabilisés comme des « accidents de chasse ».

En retenant ces définitions, l'Office français de la biodiversité, l'OFB, n'a pas pour objectif de minimiser les chiffres mais de caractériser la spécificité de l'accident de chasse qui est lié à l'usage d'une arme.

1. Un nombre d'accidents et de décès en forte baisse
a) Panorama général : une forte baisse

Selon le bilan publié en septembre 2022 par l'Office français de la biodiversité qui a succédé à l'ONCFS dans cette mission, en vingt ans, le nombre d'accidents de chasse a baissé de 46 % et le nombre de décès de 74 % . Dans le même temps, le nombre de chasseurs diminuait de 29,3 %. Le nombre d'accidents a donc diminué plus vite que le nombre de chasseurs .

Cette évolution de l'accidentologie doit aussi être rapprochée de l'évolution du nombre d'animaux tués à la chasse. Or, comme on constate une explosion du nombre de grands gibiers tués (+ 75 % en 20 ans) et, selon les évaluations de la FNC, une augmentation de 66 % du nombre de balles tirées, le nombre d'accidents connaîtrait une diminution plus rapide encore au regard du risque effectif. La FNC souligne d'ailleurs que malgré les difficultés de l'année 2020, le tableau grand gibier a été presque aussi important que les années antérieures.

Évolution du nombre des accidents de chasse de 2001 à 2022

Source : OFB.

Évolution du nombre des accidents mortels de 2001 à 2022

Source : OFB.

Ces accidents ont provoqué 95 victimes dont 26 % de non-chasseurs, la moyenne sur vingt ans étant de 12 %. Ce qui veut dire à l'inverse qu'en moyenne 88 % des victimes sont des chasseurs . Les auto-accidents représentent d'ailleurs 29 % du total.

b) Les principales causes : le non-respect des règles élémentaires de sécurité

En moyenne, 55 % des accidents ont lieu lors d'une battue au grand gibier .

Sur la saison 2021-2022, les principales causes d'accidents lors de chasse au grand gibier sont :

Source : OFB.

Les accidents résultant de fautes graves de sécurité - tir dans l'angle de 30° 19 ( * ) , tir dans la traque 20 ( * ) , tir vers les habitations, des routes ou des GR et tir sans identifier - représentent à eux-seuls 67 % des accidents .

Au regard de cette typologie, en moyenne sur 20 ans, les auteurs et victimes d'accidents sont logiquement pour 21 % des traqueurs et pour 74 % des chasseurs postés. Il est particulièrement intéressant de noter que seulement 5 % tiraient depuis un mirador même s'il est vrai que ceux-ci restent peu répandus. Les victimes se répartissent dans des proportions similaires.

Lors des chasses au petit gibier qui représentent, en moyenne sur 20 ans, 45 % des accidents, les principales causes sont les suivantes :

Source : OFB.

Là aussi, on constate que la majeure partie des accidents sont liés à de graves fautes de comportement. 77 % des accidents résultent de tirs vers des personnes, des habitations, des routes et, tout simplement, sans identification ! Les accidents liés à une mauvaise maîtrise de l'arme représentent la partie restante.

L'analyse de ces statistiques montre que les accidents relevant du hasard et de la malchance sont en réalité peu nombreux : 3 % de ricochets au grand gibier, des chutes mais certaines sans doute alors que l'arme aurait dû être déchargée...

Parmi les sept accidents mortels répertoriés en 2020-2021, six résultent de tirs directs dont trois sans identifier et trois auto-accidents. Le septième est le résultat d'un ricochet suite à un tir dans l'angle des 30° .

Dans trois cas, les auteurs étaient âgés de 77 ans, 81 ans et 102 ans. Dans ces cas, l'âge semble avoir été un élément significatif. Un des sept accidents mortels est lié à l'alcool. Un auto-accident a pour victime un jeune homme de 16 ans qui était seulement accompagné de son frère de 12 ans.

Parmi les huit accidents mortels répertoriés en 2021-2022, trois sont des tirs directs dont deux dans l'angle des 30°. Un résulte d'un ricochet à la suite d'un tir dans l'angle des 30° 21 ( * ) .

Ces statistiques illustrent que si « le risque zéro n'existe pas », agir fermement pour réduire les risques est possible .

Dans cet objectif, la mission a souhaité examiner plus en détail les circonstances des accidents de chasse depuis 20 ans 22 ( * ) .

c) Les accidents selon le mois, le jour et l'heure

Concernant les mois, les jours et les horaires, on s'aperçoit qu'il y a des accidents au moment où l'on chasse sans faire apparaître de pic particulier .

Les accidents ont lieu pendant l'automne et l'hiver. Ils sont très rares durant les périodes de destruction ou de tirs d'été.

Source : OFB. Saisons 2003-2004 à mars 2022.

Concernant les jours, 71 % des accidents ont lieu le week-end, le dimanche pour 46 % et le samedi pour 25 %.

Source : OFB. Saisons 2003-2004 à mars 2022.

Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, on ne retrouve pas cette surreprésentation dans les accidents ayant pour victimes des non-chasseurs qui se répartissent sur toute la semaine sans pic marqué le mercredi ou le week-end . Ces statistiques ne viennent pas corroborer les demandes d'arrêt de la chasse durant ces périodes.

Source : OFB. Saisons 2003-2004 à mars 2022.

Les accidents ont lieu entre 9h00 et 12h00 (45 %) et entre 14h00 et 17h00 (35 %). Il y en a donc plutôt moins l'après-midi que le matin et ils sont logiquement rares en dehors des heures de lever et du coucher du soleil l'hiver.

d) Les accidents causés par l'alcool ou les stupéfiants

9 % des accidents sont liés à l'alcool ou aux stupéfiants , soit une proportion non négligeable mais assurément très inférieure aux caricatures, même si un dépistage n'est pas réalisé pour les accidents les moins graves.

Source : OFB. Saisons 2003-2004 à mars 2022.

Ce taux est également très inférieur à ce que l'on constate dans les accidents de la route . Selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l'ONISR, dans les accidents mortels, 13 % des conducteurs sont alcoolisés (21 % à moto). Ce taux monte à 24 % le week-end et 28 % la nuit. 19 % des piétons tués sont également positifs à l'alcool . Ces données minimisent certainement la réalité puisque l'alcoolémie n'est pas systématiquement mentionnée dans les fiches exploitées statistiquement. En 2020, elle ne serait mentionnée que dans 54 % des cas lors d'un accident non mortel, 73 % dans les cas d'un accident mortel et 50 % pour les piétons tués.

e) Les accidents selon l'âge des chasseurs et l'ancienneté de permis

L'âge des auteurs est conforme à l'âge des chasseurs . 46 % des auteurs ont entre 51 et 70 ans. Les plus jeunes représentent moins de 15 % des accidents. Les accidents dont l'auteur a moins de 18 ans sont très rares : 2 % . L'accident dramatique survenu dans le Cantal en fin d'hiver est donc une exception et ne représente pas, statistiquement, un phénomène important.

Les jeunes détenteurs de permis ont d'ailleurs plutôt tendance à avoir moins d'accidents, ce qui est très encourageant et montre les progrès accomplis. L'OFB souligne que les détenteurs de permis depuis 2003 représentent plus de 25 % des chasseurs mais 11 % des accidents :

Source : OFB. Saisons 2003-2004 à mars 2022.

f) Les types d'armes impliqués dans des accidents

Concernant les armes, dans 72 % des cas un fusil est impliqué . C'est logique puisqu'un fusil peut être utilisé aussi bien pour chasser le petit gibier avec de la grenaille que pour chasser le grand gibier avec des balles. Les carabines ne représentent donc pas, malgré leur puissance, une cause majeure d'accidents .

Si l'on s'intéresse à la chasse du grand gibier, les accidents restent majoritairement causés par des fusils. Mais, il apparaît que les armes semi-automatiques prennent une place importante : 37 % des accidents avec des fusils, 52 % de ceux avec des carabines . C'est un point de vigilance.

g) Les distances des accidents et incidents

Une dernière question importante est la distance à laquelle ont lieu les accidents et les incidents.

Sur la saison 2021-2022, il ressort que l'essentiel des accidents a eu lieu à courte voire très courte distance, moins de 58 mètres. En revanche, les incidents ont lieu beaucoup plus loin, plus de 200 mètres, car ils interviennent majoritairement dans le cadre d'une chasse au grand gibier et du fait d'un tir à la carabine.

Distances moyennes des accidents et incidents en mètres

Source : OFB.

Ces distances s'expliquent par les armes et munitions utilisées (portée faible de la grenaille au petit gibier, plus importante des balles au grand gibier). Elles soulignent l'importance de la prise en compte complète de l'environnement et de la direction du tir.

2. Un nombre d'incidents en voie de stabilisation ?

En complément des accidents, l'analyse des incidents, c'est-à-dire des tirs d'armes de chasse n'ayant pas entraîné des atteintes à des personnes mais à des animaux domestiques et d'élevage ou à des choses, doit retenir l'attention.

L'OFB communique prudemment sur ces chiffres car ils sont partiels . Tous les incidents ne sont pas remontés. Mais on peut penser qu'ils le sont de manière croissante car ils sont de moins en moins tolérés et réglés à l'amiable. Il y a certainement encore un « chiffre noir » des incidents qui ne peut être évalué .

Ce qui est certain, c'est que chaque incident aurait pu être un accident . Ils doivent donc être pris très au sérieux et pleinement intégrés à l'analyse de l'accidentologie liée à la chasse.

Sur les dernières années, le nombre d'incidents a paru augmenter fortement passant de 28 en 2014-2015 à 136 en 2018-2019. Depuis, on constaterait une décrue et une stabilisation . 107 incidents ont été constatés en 2019-2020, 94 sur la saison 2020-2021 et 104 sur la saison 2021-2022 . Cette évolution positive reste à confirmer.

Sur les 104 incidents, 53 sont des tirs vers des habitations (52 l'année précédente), et 33 tirs vers des véhicules (26 l'année d'avant). Il y a eu également 18 tirs sur des animaux domestiques (16 l'année d'avant).

Il est souvent très difficile de connaître les circonstances précises et d'identifier les auteurs mais les analyses de l'OFB montrent dans plusieurs cas le non-respect flagrant des règles élémentaires de sécurité et la méconnaissance des propriétés de l'arme. Les carabines sont surreprésentées (56 % des incidents) et sont la cause des incidents à grande distance qui alimentent un sentiment d'insécurité lié à la chasse . La chasse au grand gibier est d'ailleurs la cause de 88 % des incidents.

Plusieurs tirs sur des habitations s'expliquent par le tir d'animaux en crête ou au-delà de la ligne d'horizon . Un autre dans une toiture a pour cause principale, un tir à balle en direction d'une route. Parfois, il s'agit de tirs directs vers une habitation ou un véhicule .

De son côté, la Gendarmerie nationale, qui relève une baisse de 55 % des homicides et blessures involontaires ayant entraîné son intervention entre 2014 et 2021 (93 > 42), note que le nombre de ses interventions liées à la chasse est resté stable. Elle fait l'hypothèse qu'il pourrait s'expliquer par le signalement croissant des « incidents ».

3. Des comparaisons internationales limitées mais pas en défaveur de la France

Les comparaisons internationales sont difficiles à réaliser car les chiffres sont peu accessibles et les décomptes s'opèrent sur des bases différentes. Les méthodes de chasse influent également beaucoup sur l'accidentologie (chasses individuelles ou collectives, au petit ou au grand gibier). Mais la mission a toutefois essayé d'y procéder car ces comparaisons, souvent sur des bases erronées, donnent lieu à des polémiques soit pour dédouaner les chasseurs français de nouveaux efforts en matière de sécurité, soit pour les accabler .

En Espagne, contrairement à un article publié sur internet 23 ( * ) , l'accidentologie est numériquement plus faible qu'en France , comme le prouvent les données officielles pour l'année 2020 que le gouvernement espagnol a transmises à la mission :

Année 2020

Chassons.com

Données officielles espagnoles

Nombre d'accidents

605

51

Dont nombre de morts

51

3

Le nombre de chasseurs est toutefois moins important en Espagne qu'en France 24 ( * ) , ce qui conduirait à une proportion d'accidents comparable .

En ce qui concerne le nombre d'accidents par rapport à l'historique disponible, on observe également une tendance marquée à la baisse, comme le montre le graphique suivant :

Heridos leves = blessés légers / Heridos graves = blessés graves / Fallecidos = morts

Source : Ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation espagnol.

En Italie , l'université d'Urbino publie des statistiques d'accidents de chasse et les compare aux autres activités de loisir.

Là aussi, les données recueillies par la mission diffèrent des chiffres publiés et repris sur internet mais confirment une accidentologie plus élevée qu'en France au regard du nombre de chasseurs qui est de l'ordre de 500 000.

Selon les données de l'université d'Urbino datant de janvier 2020, comme en France les accidents de chasse sont en baisse depuis quelques années. Le nombre de décès est stable, passant de 18 en 2017 à 15 en 2018 et en 2019 et revenant à 18 en 2020. De même, le nombre de blessures semble également stable, passant de 66 en 2017 à 62 en 2018, puis à 60 en 2019 et 2020.

Aucun décès n'est survenu chez les non-chasseurs, puisque seulement quatre blessures ont été enregistrées.

En 2021, il y a eu 14 accidents mortels et 60 accidents graves , selon les chiffres communiqués par la Fédération nationale des chasseurs d'Italie lors de son audition le 27 juin 2022.

Comme en France, ces chiffres excluent les accidents causés par la maladie, les chutes, les actes délibérés ou les incidents de braconnage.

L'université d'Urbino complète ce travail en comparant la chasse aux accidents qui peuvent survenir dans d'autres activités récréatives de plein air. Comme en France, la chasse ne fait pas partie des activités les plus dangereuses loin derrière la randonnée (133 décès et 111 blessés en 2019, principalement dus à des chutes dans des falaises et des ravins), la baignade (84 décès et 12 blessés), les sports d'hiver (36 décès et 50 blessés) ou l'alpinisme et l'escalade (21 décès), en passant par les sports extrêmes dont le parapente et le base jumping (22 décès et 53 blessés en 2019).

En Suisse , selon les informations recueillies par la mission, il n'y aurait pas eu d'accident avec un non-chasseur depuis 2012 et pas d'accident mortel depuis plusieurs décennies.

La mission ne dispose pas de statistiques sur les accidents de chasse en Allemagne et au Royaume-Uni .

Lors des auditions réalisées par la mission, les représentants de ces différents pays ont assuré que de tels événements étaient extrêmement rares.

Les responsables de la British association for shooting and conservation (BASC) ont indiqué que cela s'expliquait par les modes de chasse, les oiseaux étant les principaux gibiers au Royaume-Uni.


* 19 Zone de protection des tiers (autre chasseur, maison, véhicule...) où le tir est interdit.

* 20 La traque est la zone dont des rabatteurs ou des chasseurs font sortir le gibier pour qu'il puisse être tiré par les chasseurs postés sur le pourtour de la zone chassée.

* 21 Trois enquêtes sont encore en cours d'instruction.

* 22 Les chiffres utilisés dans l'analyse détaillée n'intègrent pas la saison 2021-2022.

* 23 Chassons.com en date du 21 février 2022 .

* 24 Au niveau national, on dénombre un total de 335 474 chasseurs inscrits dans une fédération, dont environ 80 000 en Andalousie, 35 000 en Estrémadure, suivis par la Catalogne avec des chiffres similaires. À elles seules, ces trois communautés autonomes couvrent 50 % du territoire de chasse en Espagne.

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