C. UNE LOI DE PLUS EN PLUS SÉVÈRE

Les réglementations sur la chasse sont très anciennes. Celles portant sur l'encadrement de sa pratique à des fins à la fois cynégétique et de sécurité remontent à plusieurs décennies. Leur renforcement ces dernières années est un facteur explicatif important de la baisse du nombre des accidents.

1. Bref historique de l'encadrement du permis de chasser et des armes de chasse

L'attention du législateur s'est portée à la fois sur la formation des chasseurs et sur le contrôle des armes.

a) Un permis de chasser plus sévère et tourné vers la sécurité

Comme il a été indiqué précédemment, le permis de chasser a été créé par la loi de 1844. Il était délivré par les maires aux propriétaires terriens et aux détenteurs de droits de chasser qui disposaient de territoires.

L'examen théorique du permis de chasser a été créé en 1975 (loi du 14 mai 1975 . Il comprenait 21 questions dans une formule proche de l'examen du code de la route. Cette réforme s'inscrivait dans celles promues par François Sommer afin de faire évoluer les mentalités et de progresser vers une chasse plus gestionnaire. Il a été l'un des initiateurs de la création du ministère de l'écologie, en 1971, puis de l'adoption du plan de chasse pour le grand gibier et d'autres mesures de conservation des espaces naturels. Cet examen théorique sera informatisé en 1994.

En 1989, une formation pratique avant le passage de l'examen est rendue obligatoire. Les fédérations départementales des chasseurs (FDC) en sont responsables mais sans contenu formalisé. Les formations restent très hétérogènes.

La seconde évolution importante intervient en 2003 avec la création de l'examen pratique du permis de chasser . La réforme est de taille. Un examen théorique de 21 questions demeure mais comprend désormais deux questions éliminatoires sur la sécurité et les espèces protégées. En cas de succès à l'examen théorique, les candidats passent une épreuve pratique sur un parcours dédié. Ils doivent manipuler un fusil basculant et ne pas faire de faute de sécurité ou des fautes de tir en n'identifiant pas les plateaux de couleur symbolisant une espèce protégée. Ils utilisent également une carabine à verrou lors d'un tir sur un « sanglier courant » (cible mécanique en mouvement placée sur un rail et ayant habituellement la forme d'un sanglier). Les FDC sont responsables des formations qui durent une journée.

En 2005, un certificat médical est rendu obligatoire pour s'inscrire à l'examen du permis de chasser .

L'examen actuel date de 2014. Les candidats passent leur examen en une seule fois . À l'inverse de la formule précédente, les candidats passent d'abord l'épreuve pratique où ils doivent manipuler plusieurs types d'armes sur un parcours comportant quatre ateliers dont un simulant une chasse au sanglier. Sont donc évalués : la manipulation des armes et leur rangement, la matérialisation de l'angle de 30° et son respect ainsi que la prise en compte de l'environnement pour chasser en toute sécurité. Cette épreuve est notée sur 21 points. Toute faute de sécurité est éliminatoire. Si l'épreuve pratique est réussie, les candidats passent ensuite l'épreuve théorique composée de dix questions, dont une éliminatoire relative à la sécurité. Cette épreuve est notée sur dix points Pour être reçu, un candidat doit obtenir un minimum de 25 points sur 31.

Une formation gratuite d'une journée est délivrée par les FDC. Certaines proposent des compléments payants pour les chasseurs qui en éprouvent le besoin.

Depuis 2003, le taux de réussite est d'environ 70 %.

Actuellement, 80 % des candidats qui échouent sont éliminés pour des fautes de sécurité.

b) Les armes de chasse

Sous l'impulsion de François Sommer la chevrotine a également été interdite entre 1972 25 ( * ) et 1973 26 ( * ) ainsi que les chevrotines liées. À l'époque, des grains de plomb plus lourds, plus gros et moins nombreux que ceux qui sont autorisés actuellement étaient utilisés. Ils n'étaient efficaces sur le gibier qu'à 15-20 mètres tout en provoquant des accidents à 70 mètres de distance.

Il s'agissait donc à la fois de réduire les prélèvements et de favoriser le développement du grand gibier, d'améliorer l'efficacité du tir en blessant moins le gibier et de diminuer le nombre d'accidents qui était important avec la chevrotine.

En outre, la France a interdit, en 1993, l'usage des armes semi-automatiques dont le magasin et la chambre peuvent contenir plus de trois cartouches. Elles sont considérées comme des armes de guerre 27 ( * ) .

2. La loi du 24 juillet 2019, des avancées importantes

La loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement a été l'occasion de prendre des mesures importantes pour la sécurité à la chasse concernant : les règles de sécurité des chasses collectives, la création d'une formation décennale à la sécurité, les pouvoirs de l'OFB, les compétences des ACCA en matière de sécurité et le contrôle des permis de chasser.

a) Les règles de sécurité lors des chasses collectives à tir du grand gibier

L'article L. 424-15 du code de l'environnement consacre dans la loi des pratiques de sécurité qui étaient déjà très largement répandues. Elles s'imposent désormais aux schémas départementaux de gestion cynégétiques.

Il s'agit :

- du port obligatoire du gilet fluorescent pour les chasseurs ;

- de la pose de panneaux de signalisation temporaire sur ou à proximité immédiate des voies publiques.

Il revient au ministre chargé de la chasse de préciser ces règles et aux Schémas départementaux de gestion cynégétique (SDGC) de les compléter.

b) La création d'une formation décennale obligatoire sur la sécurité

L'article L. 424-15 crée également une formation obligatoire tous les dix ans pour assurer la remise à niveau des chasseurs sur les règles élémentaires de sécurité selon un programme défini par la Fédération nationale des chasseurs.

Cette formation dure une demi-journée. Elle est gratuite pour les chasseurs. Elle peut être suivie en présentiel ou en ligne. Il s'agit d'une formation théorique. Elle n'est pas sanctionnée par un examen.

La mission a pu prendre connaissance de son contenu. Il est d'excellente qualité et peut contribuer à une prise de conscience par l'usage d'images « choc » et la présentation de cas concrets d'accidents à travers des simulations 3D expliquées.

Le défi est maintenant de parvenir à former le million de chasseurs sous dix ans alors que du retard a été pris avec la crise sanitaire. Dans une fédération importante comme la FICIF (Île-de-France sauf Seine-et-Marne), cela correspond à 2 300 chasseurs par an sur trois sites mobilisant l'ensemble des techniciens.

La FNC a indiqué à la mission que mi-2022 plus de 105 000 chasseurs avaient déjà suivi cette formation au plan national et que l'objectif était d'atteindre les 150 000 à la fin 2022.

c) Le renforcement des pouvoirs de l'OFB

Le renforcement des pouvoirs de l'OFB est de deux ordres, le contrôle et la sanction.

• Nouveaux pouvoirs de contrôle des armes

La loi de 2019 a renforcé les pouvoirs d'enquête des agents de l'OFB. Plus particulièrement, elle a modifié l'article L. 317-1 du code de la sécurité intérieure pour habiliter les inspecteurs de l'environnement à relever des infractions en matière d'acquisition, de détention et d'utilisation d'armes et de munitions, tout particulièrement dans le cadre de la police de la chasse.

• Suspension et rétention administrative du permis de chasser en cas d'accident

La loi de 2019 a introduit d'importantes nouvelles dispositions aux articles L. 423-25-1 et suivants du code de l'environnement pour permettre aux agents et au directeur général de l'OFB de prendre des sanctions conservatoires.

En cas d'incident grave susceptible de mettre en danger la vie d'autrui, ils peuvent désormais retenir à titre conservatoire le permis de chasser.

En cas d'accident ayant entraîné la mort d'une personne ou involontairement causé une atteinte grave à l'intégrité physique d'une personne à l'occasion d'une action de chasse, cette rétention conservatoire est automatique .

Le directeur général de l'OFB peut , dans les soixante-douze heures de la rétention, prononcer la suspension du permis de chasser du chasseur impliqué pour une durée qui ne peut excéder six mois . Dans le cas contraire, le permis est remis à l'intéressé. En cas d'accident mortel ou de blessures graves, la suspension administrative est portée à un an maximum (articles L. 423-25-2 et L. 423-25-5 du code de l'environnement).

Selon les chiffres communiqués par le directeur général de l'OFB lors de son audition, en 2020, 13 suspensions de six mois et deux suspensions de 12 mois ont été prononcées. En 2021, 16 suspensions de six mois et quatre suspensions de 12 mois ont été décidées.

Le directeur général de l'OFB peut prononcer d'autres sanctions comme un avertissement judiciaire (31 en 2020 et 35 en 2021) ou l'interdiction de délivrance du permis si le mis en cause n'en est pas encore titulaire. Des sanctions peuvent également être prononcées contre un accompagnateur de chasse accompagné (article L. 423-25-4 du code de l'environnement).

Il est important de bien noter que ces sanctions administratives sont prises en attente des jugements qui seront prononcés par les tribunaux pour homicide ou blessure involontaire (article L. 423-25-6 du code de l'environnement).

d) Création d'instances chargées de la sécurité au sein des fédérations de chasseurs (FDC)

La loi de 2019 instaure, au sein de chaque fédération départementale des chasseurs, une commission départementale de sécurité à la chasse, composée de membres du conseil d'administration de la fédération (article L. 424-15 du code de l'environnement). Compte tenu de la pandémie, il est difficile aujourd'hui de mesurer l'effet de cette mesure.

e) La création d'un fichier national du permis de chasser

Enfin, la loi de de 2019 a créé un fichier national du permis de chasser résultant du fichier des titres géré par l'OFB depuis 2003 et du fichier des validations de la FNC (article L. 423-4 du code de l'environnement).

Il faut savoir en effet que le nombre exact de titulaires du permis de chasser n'est pas connu dans notre pays. Il est évalué entre quatre et cinq millions. Comme cela a également déjà été pointé, il y a une différence sensible concernant les validations entre les évaluations de la Fédération des assureurs et la FNC.

Or, il est aujourd'hui indispensable de disposer d'une base de données fiable pouvant être interconnectée avec le SIA, le système d'information sur les armes, et le FINADIA, le fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes.


* 25 Sur tous les grands gibiers sauf le sanglier. Le chevreuil peut être tiré avec de la grenaille de moins de 4 mm dans certains départements (arrêté du 2 mars 1972 et du 30 avril 1974).

* 26 Sur le sanglier sous réserve de dérogations pour les zones de garrigues et de maquis depuis le 1 e juillet 1973.

* 27 Décret n°93-17 du 6 janvier 1993.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page