PARTIE II - FAIRE DE NOUVEAUX PROGRÈS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ, UNE QUESTION DE CRÉDIBILITÉ
ET DE CONFIANCE

Pour la mission, l'analyse des accidents dessine clairement les pistes de progrès. Elle la conduit à formuler les propositions qui vont suivre. Il est nécessaire d'agir avant et pendant la chasse. C'est une question de crédibilité et de confiance pour les chasseurs. C'est aussi une condition d'« acceptation » de la chasse dans la société comme le soulignait Pierre Dubreuil, le directeur général de l'OFB 28 ( * ) .

I. AVANT LA CHASSE : ENCOURAGER LES FACTEURS D'UNE PLUS GRANDE SÉCURITÉ

C'est très largement avant la chasse, au stade de la formation, de la prévention et de la préparation des battues que se situent les marges de progression, car dans le « feu de l'action », c'est tout ce qui a été acquis au préalable qui empêchera l'accident.

A. POUR UNE CULTURE DE LA SÉCURITÉ

1. Tendre vers le zéro accident : un objectif à afficher clairement

Lors de son audition par la mission, Louis Schweitzer, ancien président de Renault et aujourd'hui président de plusieurs fondations pour les droits des animaux, a proposé que la sécurité à la chasse soit abordée de la même manière que les accidents du travail et la sécurité dans les usines. Pour lui, il s'agit de mettre en place un processus d'amélioration permanente . On peut penser au Kaizen japonais développé chez Toyota. Il implique l'ensemble des acteurs à partir, d'une part, de retours d'expérience rigoureux et systématiques sur les accidents et, d'autre part, de la possibilité pour tous de proposer des solutions innovantes.

La mission estime que cette vision des choses est particulièrement juste et que c'est ce qui manque encore dans le monde de la chasse .

Bien entendu, d'importants progrès ont été réalisés, mais par exemple les travaux du « réseau sécurité à la chasse » de l'OFB ne sont pas massivement diffusés et exploités au niveau local . Ils restent dans les sphères décisionnelles du monde de la chasse sans susciter de prise de conscience des chasseurs. L'accident reste quelque chose qui arrive aux autres et concerne insuffisamment chaque groupe de chasseurs . L'adage « le risque zéro n'existe pas », qui est propagé par les instances de la chasse, diffuse un message d'excuse . Il y aurait une certaine fatalité dans les accidents, qui résulteraient de « la faute à pas de chance », de circonstances exceptionnelles et improbables ou de comportements déviants et rarissimes. Ce faisant, est insinuée l'idée selon laquelle on ne pourrait rien faire de plus .

Or, l'analyse des accidents montre l'inverse. Il y a encore à faire et la sécurité doit être l'affaire de chacun. Il faut passer de l'excuse à la responsabilité .

L'analyse des accidents montre également que les chasseurs représentent 90 % des victimes des accidents. La sécurité à la chasse n'est donc pas qu'une demande des anti-chasse contre les chasseurs, mais un besoin des chasseurs pour eux-mêmes . La mission a d'ailleurs constaté qu'un très grand nombre de chasseurs, de fédérations et d'associations cynégétiques étaient très engagés sur ces sujets et avaient d'ores et déjà pris des initiatives efficaces. La mission propose de construire sur ces expériences réussies, de les diffuser et de les généraliser.

D'autres idées ne sont pas encore mises en oeuvre, mais viennent également des chasseurs qui sont force de proposition, car ils veulent pratiquer leur passion en sécurité et donner une meilleure image aux non-chasseurs.

Pour ne prendre qu'un exemple, dans son dernier éditorial intitulé « Sécurité, une action permanente » dans la revue de l'Association nationale des chasseurs de grands gibiers (ANCGG), son président Gérard Bédarida indiquait : « Même si d'énormes progrès ont été accomplis par tous les chasseurs, notre association considère que nous devons sans cesse améliorer notre action pour réduire les risques et les faire tendre vers zéro. Lorsque nous sommes en action de chasse, nous avons, en effet, le devoir de garantir la sécurité de toutes les personnes, quelle que soit leur situation ».

Il faut tourner la page du « zéro risque n'existe pas » pour passer à « l'objectif zéro accident » .

2. La sécurité doit prendre toute sa place dans les instances de la chasse

La mission estime que les instances nationales et locales entre l'État et les chasseurs doivent se saisir plus explicitement encore des questions de sécurité . Il a existé par le passé une commission dédiée à la sécurité au sein du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, le CNCFS. Elle a été supprimée par souci de simplification.

La question se pose de la recréer et d'en créer au sein de chaque commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, CDCFS, auprès des préfets.

Cette proposition suscite des réserves, car il n'est pas nécessairement souhaitable de créer une instance de plus. Cependant, elle existe dans certains départements. C'est le cas en Isère où le préfet a créé en 2015 un « comité de pilotage départemental Isère cohabitation et sécurité à la chasse » pour traiter spécifiquement ces questions.

A minima , la mission propose d'inscrire explicitement dans les missions de la CNCFS les questions de sécurité qui ne figurent pas à l'article L. 421-1 A du code de l'environnement . Il appartiendrait au Gouvernement de faire de même pour les CDCFS dont la définition des missions et l'organisation relèvent du pouvoir réglementaire.

3. Une mobilisation locale autour des accidents et des incidents

Afin de progresser dans cette culture de sécurité, il convient que l'objectif, le zéro accident, ne reste pas au niveau des instances nationales ou départementales, mais se décline réellement dans chaque association de chasse.

a) Assurer la diffusion de l'analyse des accidents

Le bilan annuel des accidents de l'OFB avec une analyse détaillée de tous les accidents mortels et des principaux accidents est disponible sur internet et permettrait d'ores et déjà une exploitation locale, car il peut appeler la vigilance ou des évolutions de méthode sur des points particuliers. Or, la mission a eu l'impression qu'en dehors de la formation décennale, un tel retour d'expérience sur les accidents n'était pas habituellement partagé avec les chasseurs. Certaines fédérations le font toutefois déjà, comme la FDC du Cantal qui diffuse les retours d'expérience sur les accidents à ses responsables de territoire.

Il serait très utile que l'OFB mette à la disposition de chaque fédération départementale l'analyse des accidents survenus localement pour une meilleure sensibilisation de proximité. Les chasseurs prendront mieux conscience que cela n'arrive pas qu'aux autres. Plusieurs fédérations nous ont fait savoir qu'étant exclues de l'enquête, elles n'avaient aucune information vérifiée sur les accidents les plus récents et ne pouvaient pas communiquer en direction de leurs membres. Si le secret de l'instruction doit être préservé, il est souhaitable que les chasseurs locaux puissent être ensuite pleinement informés et considérés comme des acteurs à part entière de la sécurité .

b) Favoriser une meilleure remontée des incidents

La mission a constaté qu'il y avait beaucoup d'incertitudes autour du nombre des incidents, c'est-à-dire concernant les tirs sur les bâtiments, les véhicules ou les animaux domestiques ou d'élevage.

La hausse des dernières années semble se résorber, mais sans que l'OFB puisse dire s'il s'agit d'une évolution réelle ou d'un biais dans les déclarations.

Or les incidents sont des accidents qui n'ont pas eu lieu. À quelques centimètres ou à quelques minutes près, il y aurait pu avoir un accident mortel si quelqu'un s'était trouvé derrière la vitre de la maison ou de la voiture...

La mission a également souligné combien ces incidents, parfois à longue distance, jouent un rôle dans le sentiment d'insécurité autour de la chasse d'autant que les fédérations n'en prennent pas toujours toute la mesure.

Ne pas répertorier rigoureusement l'ensemble des incidents en mobilisant les réseaux locaux pour les faire remonter laisse également la porte ouverte à des recensions non vérifiées qui alimentent les réseaux sociaux, mais pas le réseau sécurité à la chasse. Ils alimentent la rumeur et non le retour d'expérience qui doit participer à la culture de sécurité que la mission souhaite voir se développer.

Proposition n° 1 : Promouvoir une culture de la sécurité.

Retenir l'objectif de tendre vers le zéro accident comme un processus permanent.

En faire un sujet de débat des instances décisionnelles de la chasse, modifier l'article L. 421-1 A du code de l'environnement en conséquence.

Impliquer les associations locales en diffusant l'analyse des accidents et en assurant la remontée des incidents.


* 28 Connaissance de la chasse, n° 548, décembre 2021, p. 58.

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