II. FACILITER LES SUPPRESSIONS DE CONTENUS ILLICITES ET LE DROIT À L'OUBLI

A. EMPÊCHER TOUTE DIFFUSION DE CONTENUS ILLICITES

1. Responsabiliser les diffuseurs
a) Imposer des amendes dissuasives en cas de diffusion de contenu illicite

La diffusion de contenus illicites (pédocriminalité, viol filmé, incitation au viol, à l'inceste ou à la haine raciale, etc.) en ligne est inacceptable et doit être strictement empêchée. Alors qu'aujourd'hui les diffuseurs, plateformes comme réseaux sociaux, ferment largement les yeux sur les contenus qu'ils diffusent, la mise en place d'amendes apparaît comme la seule solution pour les amener à prendre leurs responsabilités.

S'agissant de la pédocriminalité, il est important de rappeler que l'article 227-23 du code pénal interdit toute diffusion d'image ou représentation à caractère pornographique d'un mineur, et ce y compris s'il s'agit d'une représentation virtuelle, sous forme de dessin animé par exemple. Comme l'a relevé Julie Leonhard, docteur HDR en droit privé et sciences criminelles, maître de conférences à l'Université de Lorraine, lors de son audition par la délégation, « des décisions de justice ont encore récemment condamné des mangas ou hentaïs allant trop loin. Lorsqu'un juge considère qu'une image virtuelle de mineur doit être qualifiée de pornographique, il condamne, alors même qu'aucun vrai mineur n'y figure. La volonté n'est pas de protéger uniquement les mineurs mais aussi leur représentation fictive . »

La lutte contre la diffusion de pédopornographie doit en outre tenir compte de l'avènement de plateformes et réseaux sociaux sur lesquels les adolescents et adolescentes se mettent eux-mêmes en scène dans des postures ou actes à caractère sexuel.

Recommandation n° 7 : Imposer aux diffuseurs, plateformes comme réseaux sociaux, des amendes face à toute diffusion de contenu illicite.

b) « Name and shame »

Mettre le focus sur les contenus illicites diffusés par des plateformes a un effet de réputation qui peut les contraindre à supprimer des contenus.

Ainsi, en décembre 2020, le New York Times a publié un article accusant Pornhub d'héberger des vidéos de viols ou diffusées sans le consentement des femmes concernées, certaines mineures au moment des faits. Les sociétés Visa et Mastercard ont alors bloqué les transactions avec la multinationale Mindgeek , qui détient notamment Pornhub et Youporn . Certes, les contenus des tubes sont majoritairement gratuits et leur modèle économique repose sur la vente d'espaces publicitaires mais de nombreux sites pornographiques proposent également des contenus payants, notamment des vidéos « long format » ou des « live cams ».

À la suite de ce scandale, Pornhub a supprimé toutes les vidéos publiées par des utilisateurs n'ayant pas passé le processus de vérification de Pornhub , soit près de dix des treize millions de vidéos de la plateforme, selon un décompte réalisé par le magazine Vice .

La délégation a quant à elle pu constater la suppression de certains contenus à la suite de ses auditions. Cela semble être le cas de vidéos dites « interracial » sur les sites de Dorcel.

Les affaires en cours et les décisions de justice le moment venu pourront également inciter, voire contraindre, les plateformes à supprimer les contenus des producteurs mis en cause. Ces décisions pourraient préciser que toute diffusion, par tout autre site, des scènes incriminées ou de leurs copies, est illégale, afin de faciliter leur retrait.

Recommandation n° 8 : Assortir systématiquement les condamnations à l'encontre de producteurs de contenus pornographiques d'une disposition indiquant que toute diffusion des vidéos incriminées, sur tout support, est illégale.

2. Pour une montée en puissance de Pharos

Tout contenu illicite sur Internet peut être signalé à la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation (Pharos) par des particuliers, des associations, des administrations ou des acteurs d'Internet.

Tout signalement est instruit. Cinquante agents, policiers et gendarmes, qui travaillent 24h/24, 7j/7, traitent les signalements en temps réel, dans les minutes qui suivent leur dépôt, récupèrent l' URL signalée, mènent des constatations et prennent toutes les mesures conservatoires nécessaires - captures d'écran ou enregistrements. Au besoin, des rapprochements avec d'autres signalements ou des recherches complémentaires sont opérés.

Pharos recherche ensuite une qualification pénale. En effet, cette cellule ne peut engager d'action que si une infraction pénale est caractérisée.

Si une infraction pénale est caractérisée, Pharos oriente le signalement vers les services de police ou de gendarmerie territorialement compétents ou des services centraux.

Selon des données transmises par Jean-Baptiste Baldo, commandant de police, chef de Pharos, en 2021 Pharos a traité, toutes catégories confondues, 265 000 signalements. En matière de proxénétisme, Pharos a reçu 141 signalements et en a transmis 83 sans procédure à l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). En matière de traite des êtres humains, la plateforme a reçu huit signalements, dont six transmis à l'OCRTEH. Enfin, en matière de racolage, il y a eu 62 signalements, dont douze transmis à l'OCRTEH. En revanche, la pornographie ne constitue pas une rubrique dans la base de Pharos .

Pharos dispose également d'un pouvoir de police administrative en matière de pédopornographie et de lutte contre le terrorisme ainsi que d'un pouvoir d'injonction à supprimer des contenus illicites. Si l'hébergeur ou l'éditeur ne s'y soumet pas, cette cellule peut bloquer les contenus en obtenant la dérivation des requêtes vers une page du ministère de l'intérieur ou le déréférencement. Les mesures prises par Pharos ont empêché 3,5 millions de consultations en 2021, dont 90 % concernaient de la pédopornographie.

Ce pouvoir de police administrative ne concerne que la pédopornographie et la lutte contre le terrorisme . Dans les autres domaines, Pharos ne peut s'appuyer que sur l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, dite LCEN, et demander à l'éditeur ou à l'hébergeur de mettre fin au trouble suscité par le contenu illicite, mais sans pouvoir d'injonction.

Une montée en puissance de Pharos dans la lutte contre les contenus illicites comportant des violences sexuelles est nécessaire. Ceci suppose de davantage communiquer sur la possibilité de signaler à Pharos tout contenu illicite et notamment toute vidéo porno affichant du contenu illicite.

Un important travail de recensement et de signalement est d'ores et déjà effectué par des associations féministes, afin d'obtenir le retrait des vidéos les plus violentes et manifestement illicites. Ainsi, en janvier 2022, l'association Osez le féminisme ! a indiqué avoir procédé à 200 signalements auprès de Pharos, essentiellement sur les sites Pornhub et Jacquie et Michel .

La création d'une catégorie « violences sexuelles » dans les signalements à Pharos permettrait de faciliter les signalements et leur comptabilisation. Actuellement les catégories sont les suivantes : mise en danger des personnes (risque imminent d'atteinte à la vie ou annonce de suicide), terrorisme (menace ou apologie), menaces ou incitation à la violence, pédophilie ou corruption de mineur sur Internet, incitation à la haine, trafic illicite, incitation à commettre des infractions, escroquerie (hors spam ) et injure ou diffamation. Les viols filmés et la pornographie violente ne rentrent ainsi dans aucune de ces catégories.

Recommandation n° 9 : Créer une catégorie « violences sexuelles » dans les signalements à Pharos afin de faciliter et de mieux comptabiliser ces signalements.

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