PREMIÈRE PARTIE
LE RECENTRAGE DE L'IGN SUR LE CoeUR DE SES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC DOIT ASSURER SA LÉGITIMITÉ

I. UN ACTEUR CLÉ POUR GARANTIR LA MAÎTRISE DES DONNÉES GÉOLOCALISÉES SOUVERAINES

A. UN OPÉRATEUR SOUS DOUBLE TUTELLE

Les statuts de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), établissement public de l'État à caractère administratif , sont régis par le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 .

La gouvernance de l'IGN s'articule autour d'un conseil d'administration 1 ( * ) composé de 24 membres 2 ( * ) et d'un directeur général nommé par décret en Conseil des ministres. Le conseil d'administration et le directeur général sont assistés par un conseil scientifique et technique, un comité de la filière forêt et bois et un conseil de perfectionnement de l'école nationale des sciences géographiques (ENSG).

Source : site internet de l'IGN

L'IGN fait l'objet d'une double tutelle , d'une part la tutelle principale du ministère de la transition écologique, exercée par le commissariat général au développement durable 3 ( * ) et, d'autre part, depuis la fusion de l'Institut géographique national avec l'Inventaire forestier national (IFN) en 2012 , la tutelle secondaire du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, exercée par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.

Le siège social de l'IGN est situé à Saint-Mandé et l'institut est doté d'un réseau composé de cinq directions territoriales 4 ( * ) . Le rapporteur spécial note que dans le cadre de la démarche #IGN2021 , engagée dans la foulée de la réorganisation de l'établissement enclenchée en 2019, l'autonomie des directions territoriales a été réaffirmée et elles ne sont plus astreintes à des objectifs de chiffre d'affaires.

Implantations territoriales de l'IGN

Source : site internet de l'IGN

Les implantations de l'IGN comprennent également des services spécialisés 5 ( * ) , une école à Marne-la-Vallée ainsi que des unités de recherche 6 ( * ) .

B. L'IGN N'EST PAS QU'UN SIMPLE PRODUCTEUR DE GÉODONNÉES

1. Le décret statutaire de l'IGN définit sa vocation et ses missions

L'article 2 du décret n° 2011-1371 précise que la vocation de l'IGN est de « décrire, d'un point de vue géométrique et physique, la surface du territoire national et l'occupation de son sol, d'élaborer et de mettre à jour l'inventaire permanent des ressources forestières nationales prévu par l'article L. 521-1 du code forestier, ainsi que de faire toutes les représentations appropriées, d'archiver et de diffuser les informations correspondantes » .

Ce même article confie treize missions à l'IGN parmi lesquelles la constitution d'une infrastructure géodésique cohérente avec les systèmes internationaux, la gestion du système national de référence géographique, gravimétrique et altimétrique, la réalisation et le renouvellement périodique de la couverture en imagerie aérienne ou satellitaire de l'ensemble du territoire national, la constitution et la mise à jour de bases de données géographiques et de fonds cartographiques essentiels, la réalisation de l'inventaire permanent forestier, la mise en oeuvre de programmes d'observation et de surveillance des écosystèmes ou encore la diffusion des bases de données géographiques et forestières qu'il constitue.

2. Des missions historiques « traditionnelles »
a) La collecte et la production de données géolocalisées souveraines socles

Pour répondre à ses missions actuelles, l'IGN exerce donc une activité de collecte et de production de données dites socles . Les géodonnées socles sont les données « primaires » de base qui servent de support à toute conception de services d'information géolocalisée et à la production de données géolocalisées « secondaires ». Le rapport de la députée Valéria Faure-Muntian de juillet 2018 consacré aux données géographiques souveraines 7 ( * ) intègre dans les données souveraines socles les repères de géodésie et de nivellement, les ortho-images 8 ( * ) , les modèles numériques de terrain ainsi que les données de l'inventaire forestier. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020-2024 de l'IGN précise que les données socles sont le préalable indispensable à la production de données géolocalisées souveraines et qu'à ce titre, elles doivent aussi être considérées comme des données souveraines à part entière .

L'IGN collecte ainsi des ortho-images via l'imagerie aérienne , notamment en recourant à sa propre flotte aérienne 9 ( * ) mais aussi via l'imagerie satellitaire , au moyen de son service de l'imagerie spatiale (SAS) et grâce aux satellites SPOT et Pléiades.

L'IGN est doté d' une compétence géodésique . La science géodésique se situe à la base de l'information géolocalisée. Elle pourrait être considérée comme « la donnée socle des données socles ». Les références géodésiques constituent des points de repères altimétriques extrêmement précis qui intègrent l'évolution du niveau des mers ou encore les mouvements de la terre. Offrant une précision centimétrique, elles sont la base de toutes capacités à produire des informations géolocalisées fiabilisées. La production de données géodésiques par l'IGN s'appuie sur un réseau GNSS permanent (RGP) composé de stations 10 ( * ) , gérées par l'institut en partenariat avec d'autres organismes 11 ( * ) , qui collectent des informations satellitaires. Ces données géodésiques sont contrôlées et validées par des centres opérationnels de l'IGN avant d'être mises à disposition des utilisateurs.

L'activité de production de données géodésiques de l'IGN s'inscrit dans une dimension mondiale puisque l'institut, en collectant, validant et mettant à disposition ces informations participe au réseau permanent européen (EPN) prévu par la directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007, dite « Inspire » 12 ( * ) , ainsi qu'au système international de référence terrestre (ITRS). L'IGN produit aussi des données altimétriques. Il réalise une référence altimétrique nationale à travers le nivellement de référence français (NIREF).

La géodésie

La géodésie est la science qui étudie les dimensions, la forme et le champ de pesanteur de la Terre. Son objectif principal est d'élaborer des systèmes de référence terrestres sur lesquels tout utilisateur ou créateur de données géoréférencées peut s'appuyer par l'intermédiaire de réseaux. La réalisation et l'adoption de ces systèmes constituent un indispensable outil de normalisation pour l'information géographique et pour le positionnement en général. L'évolution des réseaux géodésiques vers des réseaux actifs, utilisant les systèmes de positionnement satellitaires, est le fait le plus marquant des dernières décennies.

Les réseaux constituent les réalisations physiques des systèmes géodésiques. L'accès aux références nationales et internationales se fait au moyen des coordonnées de repères matérialisés, par l'exploitation des données de réseaux de stations permanentes de géodésie spatiale ou encore par l'établissement de coordonnées très précises des satellites de géopositionnement. Les réseaux matérialisés de géodésie sont formés de bornes définies par leurs coordonnées tridimensionnelles. Ils couvrent la France métropolitaine et l'outremer de façon homogène. Les réseaux de nivellement sont matérialisés par des repères stables dont l'altitude est déterminée avec une très grande précision par combinaison de mesures géométriques et de gravimétrie, composante essentielle pour, typiquement, déterminer le sens d'écoulement de l'eau.

Le réseau GNSS permanent (RGP) est constitué de plusieurs centaines de stations GNSS enregistrant en continu les informations envoyées par les satellites des différentes constellations de satellites qui permettent de localiser tout point de la surface terrestre.

Source : site internet de l'IGN

b) La conception et la mise à jour de référentiels géographiques à fort enjeu

À partir des données qu'il produit et qu'il collecte, l'IGN gère et met à jour des bases de données , des référentiels et des fonds cartographiques tels que les différentes couches du référentiel à grande échelle (RGE) , la base de données de précision décamétrique dite BD Carto , la base de données géodésique (BDG) , la BD Topage 13 ( * ) , le registre parcellaire graphique (RPG) pour les besoins agricoles ou encore le fond cartographique au 1/25 000e dit Scan 25 .

Cette activité est notamment régie par le concept de mise à jour en continue (MAJEC) des bases de données socles. Pour rationaliser cette mission, les bases de données de l'IGN sont regroupées dans une base de production unifiée, la BD Uni 14 ( * ) .

Le référentiel à grande échelle (RGE)

Le RGE constitue une infrastructure nationale de données géolocalisées produite et mise à jour par l'IGN. Il décrit le territoire français et l'occupation de son sol de manière homogène. Il couvre l'ensemble du territoire national à l'exception de Mayotte. Prévu par l'article 2 du décret statutaire de l'IGN, son contenu est défini par l'arrêté du 19 avril 2005 définissant les conditions de constitution et de mise à jour du référentiel à grande échelle. Cet arrêté prévoit qu'il se compose de cinq couches différentes :

- la base de données (BD) ORTHO, une image numérique multispectrale réalisée à partir d'images aériennes ou satellites ;

- la BD Topo, pour les données topographiques incluant cinq domaines : les réseaux de transport, l'hydrographie, les constructions et les infrastructures, l'occupation du sol et l'orographie ;

- la BD Parcellaire, pour les informations cadastrales ;

- la BD Adresse, recensant les adresses sur l'ensemble du territoire ;

- le RGE Alti qui décrit la forme et l'altitude de la surface au sol.

Le RGE permet à l'ensemble des acteurs privés et publics de disposer d'une référence géographique commune.

Source : commission des finances du Sénat

Toujours concernant la mise à jour des référentiels de données socles, et à titre d'exemple, le réseau géodésique français (RGF) se compose d'environ 70 000 sites, des points définis par leurs coordonnées tridimensionnelles, dont un peu plus de 1 000 d'entre eux, les principaux, font l'objet d'une visite régulière, tous les cinq ans, dans le cadre de la mise à jour de la BDG. L'IGN entretient également le nivellement général de la France (NGF), un réseau de référence altimétrique composé de 380 000 repères de nivellement. Parallèlement, l'institut gère aussi le réseau de référence gravimétrique.

3. Au-delà de la production de données, des missions émergentes

En plus de ses activités traditionnelles de collecte, de production et de mises à jour de données géolocalisées, l'IGN s'est vue attribué d'autres missions qui prennent de plus en plus d'importance dans le cadre de la transformation de l'institut dont les déterminants et les caractéristiques sont précisées infra .

En tant qu'établissement public de référence en matière de données géolocalisées, l'IGN exerce des activités d'expertise et de conseil dans ce domaine. Tandis qu'il recourt largement à la sous-traitance, notamment pour les grands programmes d'accompagnement des politiques publiques auxquels il contribue et pour réaliser un effet de levier sur son activité dans le cadre de moyens contraints, l'IGN développe de plus en plus son activité d' assistance à maîtrise d'ouvrage (MOA). Il exerce tout particulièrement ce rôle dans le cadre des programmes en matière de défense auxquels il contribue en faveur du ministère des armées. À ce titre, le développement de ses compétences en termes de pilotage et d'encadrement de sous-traitants est devenu un enjeu stratégique pour l'IGN .

Si l'IGN produit certaines données géolocalisées, il a aussi vocation à agréger des données produites par d'autres acteurs et à diffuser et valoriser l'information géographique auprès du grand public, des administrations et du secteur privé. Cette mission de valorisation et de diffusion, renforcée et généralisée avec le processus d'ouverture des données publiques, est actuellement en phase à la fois d'expansion et de rationalisation dans le cadre de la transformation de l'établissement et de sa nouvelle stratégie. Elle a notamment vocation à être revisitée à travers le concept des « géocommuns » affirmé par la direction de l'IGN et à être catalysée par le développement de la géoplateforme (voir infra ).

Par ailleurs, dans le cadre de sa transformation et en lien avec ses missions d'expertise et de conseil, l'IGN a de plus en plus vocation à évoluer vers un rôle de référence et de pilote au sein de l'écosystème national de la donnée géolocalisée. Il doit prendre toute sa place de facilitateur aux côtés notamment du Conseil national de l'information géolocalisée (CNIG) et de l'Association française pour l'information géographique (Afigéo).

Depuis 2012 et sa fusion avec l'IFN, l'IGN a en charge la réalisation de l'inventaire forestier.

L'inventaire forestier national

Chaque année, l'IGN analyse un échantillon représentatif de l'ensemble du territoire métropolitain pour dresser un portrait statistique de la forêt. L'objectif est de connaître précisément l'état, l'évolution et les potentialités de la forêt française.

Concrètement, les agents de l'IGN observent et mesurent les arbres (hauteur, circonférence, croissance, etc.), et recueillent de nombreuses informations sur les écosystèmes forestiers (relevé floristique, qualification des sols, dépérissement, etc.). Les résultats de l'inventaire représentent un outil clé pour le suivi des écosystèmes forestiers et la mise en oeuvre des nombreuses politiques publiques liées à la forêt (filière forêt-bois, biodiversité, énergie, carbone, etc.).

Depuis 2013, au sein de l'IGN, la forêt dispose aussi de son propre laboratoire de recherche (LIF) pour faire évoluer l'inventaire forestier national et mieux répondre à des enjeux de société devenus fondamentaux comme l'estimation de la biomasse et du carbone présents dans les forêts françaises ou l'amélioration de la connaissance de la ressource pour mieux s'adapter au changement climatique.

Source : site internet de l'IGN

Enfin, comme il est précisé infra , l'IGN se trouve de plus en plus partie prenante de programmes d'observation et de surveillance des écosystèmes au service de la stratégie environnementale nationale.


* 1 Doté d'une commission des marchés (depuis 2009) et d'une commission de la stratégie (depuis 2012).

* 2 Dont 10 représentants de l'État, 5 personnalités qualifiées, 3 représentants de la filière forestière et 6 représentants du personnel.

* 3 Et plus précisément par le service de la recherche et de l'innovation.

* 4 À Aix-en-Provence, Bordeaux, Lyon, Nantes et Nancy.

* 5 Un service de l'imagerie et de l'aéronautique (SIA) à Beauvais, un service d'imagerie spatiale (SIS) à Ramonville Saint-Agne, un site logistique à Villefranche-sur-Cher, un service de l'information statistique forestière et environnementale (SISFE) à Nogent-sur-Vernisson et un centre de compétences d'inventaire forestier (LIF) à Nancy.

* 6 À Paris et Saint-Mandé.

* 7 Les données géographiques souveraines, rapport au Gouvernement de Madame Valéria Faure-Muntian, juillet 2018.

* 8 Des images aériennes ou satellitaires de la surface terrestre.

* 9 L'IGN photographie l'ensemble du territoire avec une résolution de 25 cm tous les trois ans.

* 10 Notamment les stations « DORIS » déployées depuis la fin des années 1980.

* 11 Le Centre national d'études spatiales (CNES), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et la société Teria.

* 12 La directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d'information géographique dans la Communauté européenne.

* 13 Un référentiel hydrographique.

* 14 La base de données unifiée.

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