C. LE TRANSPORT DE STUPÉFIANTS PAR LE VECTEUR AÉRIEN EST PLUS SPÉCIFIQUE AUX FLUX EN PROVENANCE DES TERRITOIRES ULTRA-MARINS, QUI SONT ÉGALEMENT AFFECTÉS PAR LE TRAFIC PAR VOIE MARITIME

La Douane est de fait un acteur majeur du contrôle des voyageurs sur le vecteur aérien et, dès lors, de la lutte contre les passeurs de cocaïne en provenance de Guyane . Au sein des aéroports de Paris (Orly et Roissy), 733 agents sont affectés aux opérations commerciales et 866 à la surveillance - c'est par exemple bien plus que les effectifs présents en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie ou encore en Normandie. Les stupéfiants saisis dans les aéroports proviennent en grande partie de l'Outre-mer.

Les territoires ultra-marins sont en effet particulièrement affectés par le trafic de stupéfiants , en raison de leur insularité et de leur implantation dans des zones traversées par les routes du trafic international, aériennes et maritimes. Les Antilles et la Guyane sont les territoires les plus touchés par le trafic de stupéfiants. Si des saisies sont également réalisées en Polynésie, avec notamment une hausse des saisies de cannabis et d'amphétamines, ainsi qu'à Mayotte et à La Réunion, c'est dans une ampleur bien moindre que les quantités interceptées au départ ou en provenance de la zone Antilles-Guyane.

Les effectifs douaniers présents dans les territoires ultramarins représentent environ 9 % des effectifs totaux de la Douane , hors directions spécialisées.

Effectifs douaniers présents
dans les directions ultramarines en 2022

Source : commission des finances, d'après les données transmises par la direction générale des douanes et des droits indirects

S'il serait inexact de ne tenir compte que des seuls effectifs de la branche « surveillance » pour approcher le nombre d'agents chargés de lutter contre les trafics de toute nature, les choix opérés dans la répartition des postes entre les deux branches donnent une première indication des enjeux pour chacune des directions régionales. À titre d'exemple, en Guyane, il y a une nette priorité donnée aux activités de la branche « surveillance » : le directeur régional des douanes a ainsi indiqué aux rapporteurs spéciaux que la quasi-totalité des effectifs de la branche « surveillance » était mobilisée sur le plan ministériel anti-mules, à l'exception des renforts alloués entre 2016 et 2020 affectés à la lutte contre l'orpaillage illégal.

1. Le transport de stupéfiants par les « mules »25 ( * )

Les données transmises par la Douane aux rapporteurs spéciaux confirment ces constats : les saisies de cannabis et de cocaïne par la direction régionale d'Orly, par la direction régionale de Roissy-Voyageurs et par la direction régionale de Guyane, pour le flux voyageurs, augmentent tendanciellement, après un reflux dû à la crise sanitaire et à l'interruption de la plupart des liaisons aériennes . La cocaïne demeure l'un des produits les plus transportés par voie aérienne et représente quasiment 100 % des saisies pour le flux voyageurs de Guyane.

Saisies des produits stupéfiants aux aéroports par
les directions régionales des douanes d'Orly, de Roissy et de Guyane

(en kilogrammes et en %)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par la direction générale des douanes et des droits indirects

Le même constat peut être fait pour la mise en cause de personnes physiques : les seules direction interrégionale de Paris-Aéroports et direction régionale de Guyane pour l'aéroport de Cayenne comptent pour une large proportion des constatations et expliquent en grande partie leur dynamisme.

Part des directions régionales dans les mises en cause
de personnes physiques pour des faits liés aux produits stupéfiants

Source : commission des finances, d'après les données transmises par la direction générale des douanes et des droits indirects

Depuis plusieurs années, priorité a donc été donnée, dans la zone Guyane-Antilles, à la lutte contre les passeurs de cocaïne, les « mules » . Trois modes de transport sont utilisés par ces passagers aériens : transport de drogue dans les bagages, à corps et in corpore (ingéré) . Si les décès ou accidents graves de santé sont devenus très rares pour les cas de drogues ingérées, ce mode de transport demeure pour les passeurs une prise de risque pour leur santé et, pour les agents douaniers, une source de grande inquiétude. Les suspicions de drogue ingérée ne peuvent par ailleurs pas toujours être confirmées par un test urinaire, les ovules de cocaïne étant de mieux en mieux emballées et protégées.

Les données publiées dans le cadre de la participation de la Douane au plan interministériel de lutte contre le phénomène des « mules » (mesure n° 20 du « Plan stupéfiants ») illustrent 1/ que la cocaïne est surreprésentée dans les quantités saisies et 2/ que la majorité des saisies de cocaïne opérées à Roissy comme à Orly ont lieu sur des voyageurs en provenance de Guyane .

Près de 15 % des saisies de cocaïne par la Douane en 2021 ont été réalisées par la direction d'Orly sur des voyageurs en provenance de Guyane et par la direction régionale de Guyane sur des voyageurs et sur le territoire du département, et quasiment 100 % des saisies de cocaïne réalisées par la direction régionale d'Orly sont liées à des voyageurs en provenance de Guyane. 2,9 tonnes de stupéfiants ont été saisies par la direction interrégionale Guyane-Antilles en 2021. Dans le cadre du plan interministériel, les contrôles douaniers ont donc été renforcés sur les filières, de la frontière surinamaise jusqu'à l'intérieur du territoire métropolitain, avec une focalisation sur les deux points de passage cruciaux que sont les aéroports de Cayenne et d'Orly . La DGDDI mène en parallèle une action spécifique concernant la détection des flux financiers illicites issus de la vente de cocaïne en métropole, en retour vers la Guyane ou le Suriname.

À Orly, les équipes de la Douane mènent des contrôles renforcés sur les vols en provenance de Cayenne et sur certains vols de contournement potentiels, notamment en provenance de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Martin, de Saint-Domingue ou du Brésil . En complément, les 16 agents de la brigade d'investigation locale et de ciblage (BILC) peuvent indiquer aux brigades de surveillance extérieure quels sont les passages ou les bagages qui devraient être plus particulièrement contrôlés.

Les rapporteurs spéciaux ont pu assister à Orly au contrôle renforcé d'un vol en provenance de Cayenne. L'ensemble des bagages est contrôlé par la Douane à l'arrivée, avec un maître de chien par exemple. La Douane surveille en amont l'acheminement des bagages depuis l'avion, pour s'assurer qu'aucun d'eux n'est récupéré avant qu'il n'ait pu passer au contrôle. Dans le hall de récupération des bagages, les passagers en provenance de Cayenne sont isolés, afin de pouvoir être mieux observés - les douaniers peuvent ainsi plus facilement repérer des comportements suspects et cibler les passagers à contrôler, en passant leurs bagages au scanner et en les ouvrant le cas échéant.

Dans le cadre de contrôles renforcés inter-unités, la Douane contrôle non seulement les bagages et les passagers, mais également les membres de l'équipage et les équipes de ménage, et l'ensemble de l'avion, de la soute aux cabines.

2. Le troc « résine de cannabis contre cocaïne »

Une autre spécificité du trafic de stupéfiants dans la zone Antilles-Guyane tient aux échanges de produits entre les organisations criminelles européennes et sud-américaines : résine de cannabis contre cocaïne. Ce troc date de plusieurs années : déjà, en 2015, la direction régionale de la douane en Guadeloupe avait attiré l'attention sur cette tendance et décidé de renforcer son positionnement sur ce vecteur, en plus de l'aérien et du fret postal et express.

C'est pour lutter contre ce troc et contre l'utilisation des Antilles comme zone de rebond pour les trafics que les moyens aéromaritimes de la Douane sont particulièrement mobilisés dans la région des Antilles . La voie des Antilles est en effet utilisée comme une voie de « contournement » des vecteurs de transport plus traditionnels des produits stupéfiants.

Par exemple, dans les eaux proches de la Guadeloupe et de la Martinique, des petits bateaux en provenance des côtes d'Amérique du Sud alimentent en cours de route les bateaux et cargos à destination de l'Union européenne. Les douaniers en Guadeloupe sont également attentifs au transbordement dans les ports, une pratique fréquente qui consiste à transférer la marchandise - licite ou illicite - de bateau à bateau, sans qu'elle ne soit déchargée à quai et stockée.


* 25 Pour une description plus détaillée de ce phénomène et de ces enjeux, les rapporteurs spéciaux invitent à se reporter au rapport d'information de M. Antoine KARAM, fait au nom de la mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane n° 707 (2019-2020) - 15 septembre 2020. « Mettre fin au trafic de cocaïne en Guyane : l'urgence d'une réponse plus ambitieuse ».

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