Rapport d'information n° 89 (2022-2023) de Mmes Martine BERTHET , Florence BLATRIX CONTAT et M. Jacques LE NAY , fait au nom de la délégation aux entreprises, déposé le 27 octobre 2022

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N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) par la mission de suivi relative à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE),

Par Mmes Martine BERTHET, Florence BLATRIX CONTAT et M. Jacques LE NAY,

Sénatrices et Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Babary, président ; M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Gilbert Bouchet, Emmanuel Capus, Mme Anne Chain-Larché, MM. Gilbert-Luc Devinaz, Thomas Dossus, Fabien Gay, Jacques Le Nay, Dominique Théophile, vice-présidents ; MM. Rémi Cardon, Jean Hingray, Sébastien Meurant, Vincent Segouin, secrétaires ; Mmes Cathy Apourceau-Poly, Annick Billon, Nicole Bonnefoy, MM. Michel Canévet, Daniel Chasseing, Alain Chatillon, Mme Marie-Christine Chauvin, MM. Pierre Cuypers, Alain Duffourg, Mme Pascale Gruny, MM. Christian Klinger, Daniel Laurent, Stéphane Le Rudulier, Martin Lévrier, Didier Mandelli, Jean-Pierre Moga, Albéric de  Montgolfier, Claude Nougein, Mme Guylène Pantel, MM. Georges Patient, Sebastien Pla, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, MM. Christian Redon-Sarrazy, Olivier Rietmann, Daniel Salmon.

L'ESSENTIEL

FAIRE DE LA RSE UNE AMBITION
ET UN ATOUT POUR CHAQUE ENTREPRISE

Depuis le précédent rapport de la Délégation aux entreprises du Sénat « Responsabilité sociétale des entreprises : une exemplarité à mieux encourager » de juin 2020, si les objectifs de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont partagés par tous, certaines de ses modalités sont parfois contestées. La RSE a fait l'objet d'une intense production normative exigeant des entreprises la publication de données de plus en plus diverses, notamment extra-financières. Ce processus cumulatif, non coordonné, inquiète les entreprises , et tout particulièrement les ETI et PME.

Le défi est immense car les attentes de l'ensemble des parties prenantes sont croissantes à l'égard de la responsabilité sociétale des entreprises. Pour relever ce défi, la Délégation aux entreprises présente plusieurs recommandations afin de mettre la RSE à la portée de toutes les entreprises , en adaptant ses exigences selon leur taille et leurs moyens, d'assurer un traitement identique entre entreprises européennes et non européennes , de défendre l'autonomie européenne et les valeurs européennes de l'entreprise, en poursuivant les efforts d'harmonisation des standards sans renoncer au concept de double matérialité, financière et extra-financière, de faire progresser la culture RSE dans les conseils d'administration comme dans la formation et de mieux utiliser le levier de la commande publique pour diffuser plus largement les critères ESG (environnement, social, gouvernance), qui sont au coeur de la mutation du modèle d'affaires des entreprises.

I.  LES CONSTATS

1. LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES INTERPELLÉE

(a) La responsabilité sociétale des entreprises est bousculée.

Une RSE mise entre parenthèses pendant la crise sanitaire. Certaines entreprises sont tentées de prolonger cet intermède, volontairement ou involontairement. En effet, face aux problèmes d'approvisionnement en matières premières, de tensions inflationnistes et salariales, des entreprises pourraient se voir contraintes ou tentées de reléguer leurs efforts en matière de RSE au second rang, afin de maintenir leur compétitivité.

Le P-D.G. de Danone, société ayant adopté le statut d'entreprise à mission dès mai 2020, a « démissionné » en mars 2021 à l'issue de la campagne de deux fonds d'investissement activistes pour lesquels la création de valeur à court terme primait sur les engagements RSE du groupe agroalimentaire.

Elon Musk P-D.G. de Tesla, persifle sur Twitter : « L'ESG est une vaste arnaque, une escroquerie », suite à l'expulsion en mai 2022 du constructeur de voitures électriques de l'indice S & P Dow Jones en raison d'une politique sociale controversée.

The Economist , dans son édition du 23 juillet 2022, considère que les investissements ESG sont devenus « une mode ».

Consacré au bilan de la loi PACTE, le rapport Roché souligne, en octobre 2021, le risque de « purpose washing » avec affichage d'une « raison d'être », d'une « mission » ou d'un engagement social et environnemental, sans que cela soit sincère, effectif et transparent .

Une enquête BVA de juillet 2021 indique que 69 % des salariés considèrent que la raison d'être est d'abord « une opération de communication », et, 46 % des dirigeants que ces changements statutaires sont « surtout de l'affichage et que rien ne garantit que l'entreprise s'engage vraiment » .

Un rapport de l'Inspection générale des finances de décembre 2020, exige une évolution radicale du label public ISR (Investissement socialement responsable) sous peine de s'exposer « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».

Une France qui, depuis les Accords de Paris de 2015, veut des entreprises exemplaires en matière de RSE, mais qui est, selon le rapport du Rapport mondial sur le Développement Durable (du Réseau de Solutions pour le Développement Durable), classée 154 ème sur 163 pays pour le respect des 12 ème ( établir des modes de consommation et de production durables ) et 13 ème ( prendre d'urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ) Objectifs du Développement Durable en raison des externalités négatives notamment dues à son niveau élevé d'importations. Dans son bilan carbone, le carbone émis pour les produits importés (matières premières, production, transport) représente la moitié des émissions nationales !

(b) La responsabilité sociétale des entreprises est pourtant nécessaire.

La RSE est la matrice de la transformation profonde de l'entreprise . Au-delà de la compliance , qui s'assure du respect formel des normes, c'est un vecteur de durabilité de l'entreprise, qui garantit sa résilience. La fourniture d'une information financière et extra-financière qui indique comment l'entreprise conjugue performance économique et performance sociale, sociétale et écologique, conditionne désormais son accès au financement.

La RSE est de façon croissante un facteur de différenciation et de compétitivité. Elle transforme profondément la stratégie comme l'organisation des entreprises, en rapprochant la direction de la compliance et la direction financière qui auparavant ne se parlaient pas.

La RSE doit être sincère et l'écoblanchiment est désormais encadré pour ce qui concerne les allégations de neutralité carbone dans la publicité.

La RSE occupe une place croissante dans la commande publique , 100 % des marchés publics devant comporter une clause environnementale d'ici 2025. Par ailleurs, les prises de participations de l'État dans le cadre du plan de relance engagent les entreprises concernées à réduire leurs gaz à effet de serre.

2. UNE BATAILLE DES NORMES QUE L'EUROPE DOIT GAGNER

L'Europe avait perdu la bataille des normes financières. Elle ne peut perdre celle des normes extra-financières car elle est le continent le plus avancé en la matière.

L'harmonisation de l'information extra-financière représente une opportunité pour l'Europe de reprendre la maîtrise de sa vision de l'entreprise et de la société , à condition qu'elle garde le contrôle de ses normes voire les impose afin de donner au capitalisme européen un cadre de normes conformes aux valeurs européennes. La prise de conscience des enjeux de l'autonomie européenne concernant les indicateurs de performance extra-financière a progressé. Il ne s'agit pas d'un sujet technique, mais bien de souveraineté économique européenne . L'Europe est en avance, avec le principe de double matérialité, qui englobe l'information financière et extra-financière et permet ainsi d'étudier les impacts de l'environnement sur l'entreprise et de l'entreprise sur l'environnement. L'Europe a une claire détermination d'avancer : elle a tendu et elle continue de tendre la main aux autres initiatives privées et publiques pour essayer de co-construire des normes mondiales partagées.

La souveraineté concerne également la diffusion de la donnée . Les investisseurs financiers ont toutefois du mal à récupérer les données d'émissions indirectes de gaz à effet de serre. Les entreprises sont invitées à diffuser massivement leurs données, mais leur exploitation est actuellement assurée par des acteurs à 80 % anglo-saxons. Une agence publique d'évaluation européenne , point d'accès unique des données financières et extra-financières des sociétés cotées, permettrait d'accroître la standardisation des référentiels des agences de notation, et d'accroître leur robustesse. L'enjeu de souveraineté se conjugue avec les exigences en matière d'intelligence économique et de respect du secret des affaires.

3. DES ENTREPRISES QUI VOIENT LES OBLIGATIONS RSE SE RENFORCER

Un choc de complexité des obligations RSE est attendu dans un contexte économique plus compliqué pour les entreprises. Or, même pour les grandes entreprises, la marche est haute. Ainsi, l'Autorité des marchés financiers encourage « les entreprises de toutes tailles à se préparer aux nouvelles exigences et à veiller à la cohérence d'ensemble de leurs communications en ce qui concerne les enjeux climatiques ».

ð Le règlement SFDR, pour mesurer l'impact ESG des investissements

Le règlement SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ) concerne le secteur financier en premier lieu mais entraine aussi des conséquences pour les entreprises en renforçant les besoins d'informations extra-financières des investisseurs. Mais même pour le secteur financier et les gérants d'actifs, habitués pourtant au reporting financier, ce calendrier accéléré et la complexité du règlement SFRD représentent un défi .

ð La taxinomie verte, pour orienter les investissements

La taxinomie européenne, véritable dictionnaire de la durabilité, constitue un pilier central du Plan d'action pour la finance durable de l'Union européenne de mars 2018. S'y 'adossent de nombreuses législations, comme la directive NFRD ( Non Financial Reporting Directive ), la prochaine directive CSRD ( Corporate Sustainability Reporting ) ou encore le règlement SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ). Ces réglementations obligent les différents acteurs économiques et financiers à publier des informations quant à la part durable sur le plan environnemental de leurs activités, sur la base des critères de la taxinomie.

ð La directive CSRD, pour améliorer l'information extra-financière

Cette directive était indispensable d'afin d'harmoniser et de standardiser le reporting ESG et mettre fin à la multiplication des cadres et référentiels, comme l'avait demandé la Délégation aux entreprises dans son précédent rapport. Elle multiplie par cinq le nombre des grandes entreprises concernées en Europe, mais impactera également indirectement ETI et PME situées dans leur chaîne de valeur. Elle accroît la quantité d'informations à publier, qui devront être certifiées par un tiers indépendant, autour du concept de double matérialité.

ð Le devoir de vigilance : alerte sur le risque de chevauchement des normes nationales et européennes

Après la loi française de 2017, une proposition de directive entend y assujettir les entreprises de plus de 500 salariés, seuil que le Sénat demande de doubler dans sa Résolution européenne du 1 er août 2022. L'imprécision du champ d'application et de la définition de relation commerciale établie inquiète, à juste titre, les PME .

ð La RSE à l'échelle du produit est-elle à la portée des entreprises ?

Avec l'affichage environnemental puis l'affichage social, deux nouvelles obligations font descendre le référentiel RSE de l'entreprise, dans sa globalité, vers ses productions de biens manufacturés et agricoles ou de services. Outre les difficultés méthodologiques , les entreprises sont confrontées à une incertitude du coût de ces nouvelles obligations.

ð Le bilan des émissions de gaz à effet de serre est-il à la portée des PME ?

Pratiqué depuis 2010 par les entreprises de plus de 500 salariés, il a été étendu d'une part aux entreprises de plus de 50 salariés bénéficiant d'une aide dans le cadre du plan de relance (sous forme simplifiée), d'autre part à celles de plus de 250 salariés , lesquelles devront par ailleurs intégrer l'ensemble des émissions indirectes .

II.  LES PROPOSITIONS

1. Rendre accessible la RSE à toutes les entreprises

Le coût des nouvelles obligations en matière de RSE pour les entreprises est l'angle mort des rapports produits ou des expérimentations conduites. L'État doit fournir une étude d'impact du coût financier et organisationnel, par catégorie d'entreprises, du cumul des obligations nationales et européennes en matière de RSE (recommandation n°1).

Face au choc de complexité annoncé en matière de reporting , il convient de poser un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières demandées, en fonction de la taille et des moyens de l'entreprise, en respectant la confidentialité de sa stratégie (recommandation n°2).

Afin de permettre à toutes les entreprises de répondre aux exigences de la future directive CSRD, il faut :

- accompagner les ETI et PME par une simplification des normes et une approche sectorielle différenciée (recommandation n°3) ;

- appliquer progressivement les nouveaux référentiels RSE dans les ETI et PME après avoir réalisé un test d'opérationnalité par un tiers indépendant (recommandation n°4) ;

- assurer un traitement identique de reporting pour les entreprises non européennes (recommandation n°5).

2. Défendre l'autonomie européenne de la RSE

Pour imposer les valeurs européennes de l'entreprise, il faut :

- afin d'éviter une mainmise des agences de notation sous contrôle étranger, confier à l'Autorité européenne des marchés financiers l'évaluation publique de l'information ESG (recommandation n°6) ;

- poursuivre les efforts d'harmonisation des standards sans renoncer au concept de double matérialité, financière et extra-financière et en le promouvant (recommandation n°7).

3. Changer le climat au sein des conseils d'administration

Pour diffuser le modèle de l'entreprise responsable et engagée, il faut :

- renforcer la formation RSE des membres des conseils d'administration ou du comité de direction et évoquer les questions RSE à chaque réunion du conseil d'administration ou du comité de direction (recommandation n°8) ;

- instaurer , dans les établissements d'enseignement supérieur et plus généralement les formations professionnalisantes, des modules obligatoires de formation des étudiants aux enjeux de la RSE , notamment de la transition climatique, et labelliser les établissements d'enseignement supérieur, en particulier les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs, engagées dans une démarche d'enseignement obligatoire, à tous les étudiants, des enjeux de la RSE, en particulier de la transition environnementale (recommandation n°9).

4. Consolider la RSE dans les entreprises

Équilibrer les trois piliers de l'ESG, qui ne peut se résumer aux actions de lutte contre le réchauffement climatique mais doit englober le social et la gouvernance de l'entreprise (recommandation n°10) ;

Afin de protéger les entreprises qui s'engagent dans une démarche RSE de l'activisme actionnarial, le niveau de déclaration d'intentions et de franchissement de seuil de participation au capital doit être abaissé de 5 à 3 % du capital ou des droits de vote, et de 10 à 5 % pour les déclarations d'intentions (recommandation n°11).

5. Mieux utiliser le levier de la commande publique

Afin de mieux valoriser les démarches RSE des entreprises, il faut introduire dans le Code de la commande publique (recommandation n°12) :

- un principe général faisant référence à la « performance sociale et environnementale des biens, des produits et des services » ;

- la notion d'« offre économiquement, écologiquement et socialement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales ;

- un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d'offre .

LISTE DES DOUZE RECOMMANDATIONS

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

METTRE LA RSE A LA PORTÉE DES ETI ET PME

1.

Établir une étude d'impact sur le coût financier et organisationnel pour les entreprises, selon leur taille, du cumul des obligations, européennes et françaises en matière de RSE.

État

2023

Rapport du Gouvernement au Parlement

FAIRE DE LA DIRECTIVE CSRD UN ATOUT DE COMPETITIVITE POUR NOS ENTREPRISES

2.

Établir un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières demandées, en fonction

de la taille et des moyens de l'entreprise, en respectant la confidentialité de la stratégie de l'entreprise.

État

ETI et PME

À l'occasion du projet de loi transposant la directive CSRD dans le droit national

EFRAG

Projet de loi de transposition de la directive CSRD

Modification des articles L. 225-102-1, R. 225-104 à R. 225-105-2, L. 22-10-36, R. 22-10-29 et A. 225-1 à A. 225-4 du code du commerce

3.

Accompagner les ETI et PME par une simplification des normes de reporting extra-financier et une approche sectorielle différenciée.

Union européenne

EFRAG

2022 - 2023

Actes délégués

(propositions de l'EFRAG devant être adoptées par la Commission européenne)

4.

Appliquer progressivement les nouveaux référentiels RSE dans les ETI et PME après avoir réalisé un test d'opérationnalité par un tiers indépendant.

État

ETI et PME

À l'occasion du projet de loi transposant la directive CSRD dans le droit national

EFRAG

Projet de loi de transposition de la directive CSRD

Modification des articles L. 225-102-1, R. 225-104 à R. 225-105-2, L. 22-10-36, R. 22-10-29 et A. 225-1 à A. 225-4 du code du commerce

5.

Assurer un traitement identique de reporting extra-financier pour les entreprises non européennes.

Union européenne

EFRAG

2022 - 2023

Actes délégués

(propositions de l'EFRAG devant être adoptées par la Commission européenne)

6.

Confier à l'Autorité européenne des marchés financiers l'évaluation publique de l'information ESG.

Union européenne

2023

Règlement européen

7.

Poursuivre les efforts d'harmonisation des standards par catégorie d'entreprises en promouvant le concept de double matérialité, financière et extra-financière.

État et

European Financial Reporting Advisory Group, International Sustainability Standards Board, Securities and Exchange Commission

2022-2023

Droit souple

MIEUX IMPLANTER LA CULTURE DE LA RSE DANS LES ENTREPRISES ET L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

8.

Renforcer la formation RSE des membres des conseils d'administration ou des comités de direction.

Évoquer les questions RSE à chaque réunion du conseil d'administration ou du comité de direction

Sociétés dotées de conseils d'administration

A partir de 2023

Droit souple (guides de bonnes pratiques), initié par les parties prenantes des entreprises

9.

Instaurer, dans les établissements d'enseignement supérieur, et plus généralement dans les formations professionnalisantes, des modules obligatoires de formation des étudiants aux enjeux de la RSE, en particulier de la transition environnementale.

Labelliser les établissements d'enseignement supérieur, en particulier les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs, engagés dans une telle démarche d'enseignement obligatoire.

Universités, écoles de commerce, écoles d'ingénieurs,

écoles de formations professionnalisan-tes

Rentrée 2023

Concertation entre : Ministère de l'enseignement supérieur, France Universités, Conseil national des universités

Refonte des programmes

Labellisation

CONSOLIDER LA DÉMARCHE RSE

ET PROTEGER LES ENTREPRISES ENGAGEES DANS CETTE DEMARCHE

10.

Équilibrer les trois dimensions de la RSE (environnementale, sociale et gouvernance).

État

A partir de la transposition de la directive CSRD et du remplacement de la DPEF ( Déclaration de Performance Extra-Financière ) , par le rapport d'entreprise sur la durabilité

Modification des articles L. 225-102-1, R. 225-104 à R. 225-105-2, L. 22-10-36, R. 22-10-29 et A. 225-1 à A. 225-4 du code du commerce

11.

Pour les déclarations d'intentions et de seuils de franchissement en matière de participation au capital : abaisser le niveau de déclaration de 5 à 3 % du capital ou des droits de vote, et 10 à 5 %, pour les entreprises engagées dans une démarche RSE.

État

A partir de 2023

Modification du code de commerce (article L. 233-7)

MIEUX UTILISER LE LEVIER DE LA COMMANDE PUBLIQUE

POUR ENCOURAGER LES ENTREPRISES RESPONSABLES

12.

Introduire dans le Code de la commande publique un principe général faisant référence à la « performance sociale et environnementale des biens, des produits et des services ».

Introduire la notion d' « offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales

Instaurer un droit de préférence pour les offres des entreprises attestant un impact positif avéré en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d'offre.

État

Collectivités publiques

À partir de 2023

Modifications des articles L. 3-1, L. 2124-2, L. 2152-7 à L. 2152-9 du Code de la commande publique

I. LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES ENTRE DOUTES ET NECESSITÉ

A. UNE RSE CONTESTÉE ?

1. Une mise entre parenthèses de la RSE pendant la crise sanitaire

L'épidémie de COVID a suspendu un temps l'engagement des entreprises dans la RSE et « le contexte sanitaire qui a immédiatement suivi a conduit les sociétés à se focaliser sur le court terme afin de protéger la santé de leurs parties prenantes (salariés, clients, prestataires de services...), mais aussi de sécuriser voire de sauvegarder leur activité » 1 ( * ) .

Face aux problèmes d'approvisionnement en matières premières, de tensions inflationnistes et salariales, les entreprises pourraient être tentées de reléguer leurs efforts en matière de RSE au second rang, afin de maintenir leur compétitivité et de garantir la soutenabilité de leur développement.

2. Une démarche ESG interpellée

Plusieurs éléments d'actualité sèment le trouble sur l'engagement des entreprises dans leur démarche de responsabilité sociétale.

a) « L'affaire Danone »

Le dimanche 14 mars 2021, Emmanuel Faber démissionnait de la présidence de Danone, société ayant adopté le statut d'entreprise à mission dès mai 2020, à l'issue de la campagne de deux fonds d'investissement activistes pour lesquels la création de valeur à court terme primait sur les engagements RSE du groupe agroalimentaire.

Cette décision a eu un retentissement considérable : « l'affaire Danone a ralenti considérablement les processus d'adoption de raisons d'être et de la qualité de société à mission, notamment parmi les grandes sociétés à actionnariat dispersé. Le changement de gouvernance a pu être perçu comme une illustration des fragilités de cette qualité, même si la qualité de société à mission n'a nullement été remise en cause en l'absence de modification statutaire. Plusieurs projets de formalisation de raison d'être ou de réflexion sur l'adoption de la qualité de société à mission ont même été stoppés net par l'écho médiatique de cette affaire. De nombreuses sociétés ont reporté l'adoption de ces dispositifs » , selon le rapport remis par Bris Rocher 2 ( * ) au ministre de l'Economie, des finances et de la relance en octobre 2021 et dressant le bilan de la loi PACTE deux ans après son adoption.

Cet évènement a souligné la persistance d'investisseurs qui « interprètent les engagements en faveur de la responsabilité sociale et du développement durable comme des dépenses inutiles qui se font au détriment d'une maximisation des bénéfices pour les actionnaires » 3 ( * ) . Il a crédité une étude académique 4 ( * ) ayant considéré que si : « des recherches antérieures avaient montré que le fait d'être ciblé par un fonds spéculatif activiste conduit les entreprises à réduire leurs activités de RSE, celle-ci rend également les entreprises plus susceptibles d'être ciblées par un fonds spéculatif activiste ».

L'école des Hautes études commerciales (HEC) en tirait la conclusion, dans un communiqué du 24 juin 2020 que : « le ciblage des entreprises les plus responsables par les activistes est d'autant plus fort que l'industrie est peu avancée sur la voie de la RSE et il l'est d'autant moins que la performance financière de l'entreprise responsable est bonne et clairement compréhensible par le marché ». Autrement dit, la communication de la stratégie RSE d'une entreprise et sa lisibilité sont devenues des éléments structurants de la politique d'une entreprise . Inversement, les entreprises qui ont une communication financière explicite et convaincante sur leur modèle d'affaires et la création de valeur à court et moyen terme voient leur probabilité d'être attaquées réduite significativement.

HEC soulignait que « protéger les entreprises des attaques des fonds spéculatifs peut contribuer aux efforts des entreprises en matière de RSE », comme abaisser le seuil de déclaration obligatoire de 5 à 3 % pour les fonds activistes, comme dans la majorité des pays européens 5 ( * ) .

b) Le tweet d'Elon Musk

En mai 2022, le S & P Dow Jones 500 6 ( * ) , l'un des principaux fournisseurs d'indices du marché, excluait le constructeur de voitures électriques Tesla, en raison de l'existence de plaintes pour discrimination raciale contre l'entreprise, de l'opposition de sa direction à la création de syndicats dans ses usines et de sa gestion d'une enquête gouvernementale après des accidents liés à ses véhicules à pilotage automatique. Il estimait que l'entreprise ne respectait pas les critères de gouvernance et de conditions de travail, qui constituent des critères de l'ESG (environnement, social, gouvernance).

Face à cette situation qu'il considèrait injuste, dans la mesure où l'entreprise ExxonMobil, l'un des plus grands pollueurs au monde, figure toujours dans l'indice, le P-D.G. de Tesla, Elon Musk persiflait sur Twitter : « L'ESG est une vaste arnaque, une escroquerie . Cela a été instrumentalisé par de pseudo-guerriers de la justice sociale ».

Cette déclaration a rencontré un écho d'autant plus grand que nombre de gérants de fonds d'investissement se posent des questions sur la part de subjectivité des critères de la RSE mise en avant par les entreprises.

c) La « une » de « The Economist »

Dans un numéro du 23 juillet 2022 7 ( * ) , The Economist considèrait que les investissements ESG étaient devenus « une mode qui influence de plus en plus les comportements des entreprises ».

Or, les actifs ESG au sein des fonds mutuels et des ETF ( Exchange Traded Funds ) 8 ( * ) ou « trackers », pèsent de plus en plus lourd dans la finance mondiale.

En 2021, les 1 620 ETF disponibles sur le marché européen ont collecté quelque 162 milliards d'euros, en hausse de 28 % sur un an 9 ( * ) , et leurs encours atteignaient début 2022 1 333 milliards d'euros, contre 610 milliards en 2018, soit 14 % de l'actif total des fonds distribués en Europe.

Cette dynamique a particulièrement profité aux ETF intégrant des dimensions environnementales, sociales ou de gouvernance qui, pour la première fois, ont réalisé' une collecte nette supérieure à celle de leurs homologues conventionnels. En 2021, les ETF ESG ont ainsi attire' 87 milliards d'euros, contre 75 milliards d'euros pour les ETF non ESG. En un an, leurs encours a progressé de 122 % pour atteindre 219 milliards d'euros, contre seulement comparer aux 8 milliards d'euros de 2018.

Les critères ESG pèsent de façon croissante alors que les agences censées les évaluer révèlent souvent « un système inconsistant ». Après l'étude de six d'entre elles, The Economist constatait qu'elles utilisent 709 critères différents parmi 64 catégories, seules une dizaine de catégories étant communes.

Ce foisonnement et la nécessaire harmonisation des référentiels avaient été soulignés dans le rapport de la Délégation aux entreprises de juin 2020 : « Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : une exemplarité à mieux encourager » 10 ( * ) .

De surcroît, ces catégories n'incluent pas toujours la mesure des émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, certaines agences ESG mesurent le risque que le changement climatique pose à une entreprise, plutôt que la menace que peut présenter cette entreprise pour le climat .

LES INCERTITUDES DE L'ESG SELON THE ECONOMIST

L'ESG souffre de trois problèmes fondamentaux.

Tout d'abord, parce qu'il regroupe une gamme vertigineuse d'objectifs, il ne fournit aucun guide cohérent aux investisseurs et aux entreprises pour faire les compromis inévitables dans toute société . Elon Musk de Tesla est un cauchemar pour la gouvernance d'entreprise, mais en popularisant les voitures électriques, il contribue à lutter contre le changement climatique. La fermeture d'une entreprise houillère est bonne pour le climat mais terrible pour ses fournisseurs et ses travailleurs. Est-il vraiment possible de construire rapidement un grand nombre de parcs éoliens sans nuire à l'écologie locale ? En suggérant que ces conflits n'existent pas ou peuvent être facilement résolus, l'ESG favorise l'illusion.

Le deuxième problème de l'industrie, c'est qu'elle n'est pas franche au sujet des incitations . Il prétend qu'un bon comportement est plus lucratif pour les entreprises et les investisseurs. En fait, si vous pouvez supporter la stigmatisation, il est souvent très rentable pour une entreprise d'externaliser les coûts, tels que la pollution, sur la société plutôt que de les supporter directement. Par conséquent, le lien entre la vertu et la surperformance financière est suspect.

Enfin l'ESG a un problème de mesure : les différents systèmes de notation présentent des incohérences béantes et sont facilement manipulés. Les cotes de crédit ont une corrélation de 99 % entre les agences de notation. En revanche, les notes ESG correspondent un peu plus de la moitié du temps. Les entreprises peuvent améliorer leur score ESG en vendant des actifs à un autre propriétaire qui continue de les gérer comme avant.

Au fur et à mesure que les investisseurs deviennent plus conscients de ces absurdités (« flim-flam »), ils deviennent de plus en plus sceptiques. Ceci, associé aux turbulences sur les marchés financiers, ralentit l'afflux d'argent dans les fonds durables. Il est sûrement temps, alors, de repenser l'ESG. La première étape consiste à dissocier ces trois lettres : E, S et G. Plus il y a de cibles à atteindre, moins il y a de chance de cibler l'une d'entre elles. En ce qui concerne S, dans une économie dynamique et décentralisée, les entreprises individuelles prendront des décisions différentes quant à leur conduite sociale dans la poursuite de profits à long terme dans le respect de la loi. Les entreprises technologiques peuvent faire appel aux valeurs des jeunes employés pour les retenir ; les entreprises des secteurs en déclin peuvent être obligées de licencier. Il n'y a pas de modèle unique. L'art de la gestion, ou G, est trop subtil pour être capturé en cochant des cases. Les entreprises britanniques cotées en bourse ont un code de gouvernance élaboré et des performances lamentables.

Il vaut mieux se concentrer simplement sur le E. Pourtant, même cela n'est pas assez précis. L'environnement est un terme qui englobe tout, y compris la biodiversité, la rareté de l'eau, etc. Le danger de loin le plus important provient des émissions, en particulier celles générées par les industries crachant du carbone. En termes simples, le E ne devrait pas représenter les facteurs environnementaux, mais uniquement les émissions. Les investisseurs et les régulateurs font déjà pression pour rendre la divulgation par les entreprises de leurs émissions plus uniforme et universelle. Plus ils sont standardisés, plus il sera facile d'évaluer quelles entreprises sont les grands coupables de carbone et lesquelles font le plus pour réduire les émissions. Les gestionnaires de fonds et les banques devraient être mieux à même de suivre les empreintes carbone de leurs portefeuilles et de savoir si elles diminuent avec le temps.

Seule une meilleure information aidera à lutter contre le réchauffement climatique. En révélant plus précisément quelles entreprises polluent, cela aidera le public à comprendre ce qui fait vraiment une différence pour le climat. Un nombre croissant de consommateurs et d'investisseurs altruistes peuvent choisir de favoriser les entreprises propres même si cela leur coûte financièrement. Et même s'ils peuvent s'en tirer en polluant aujourd'hui, de nombreuses entreprises et investisseurs s'attendent à ce qu'une réglementation plus stricte des émissions de carbone vienne à terme et souhaitent mesurer leurs risques et adapter leurs modèles commerciaux.

d) Le risque de « purpose washing »

Remis au Gouvernement le 19 octobre 2021 et dressant un bilan de la loi PACTE deux ans après sa mise en oeuvre, le rapport de M. Bris Rocher 11 ( * ) évoquait clairement le « risque de purpose washing (ou d'accusations de purpose washing) des dispositifs de raison d'être inhérents à la société à mission », .

Dans la lignée du « greenwashing » (verdissement d'un discours sans engagement environnemental réel lui correspondant), le « purpose washin g » consiste à afficher une « raison d'être », une « mission » ou un engagement social et environnemental, sans que cela soit sincère, effectif et transparent .

Selon ce rapport, « ce risque est relevé à la fois par les promoteurs de la loi soucieux de préserver la crédibilité de leurs propres démarches, mais aussi de la part des sceptiques. La loi Pacte n'est pas prescriptive du niveau d'ambition que se fixent les sociétés dans leurs propres objectifs. La qualité de société à mission peut en effet prêter le flanc à l'accusation de purpose washing par la définition d'objectifs volontairement limités dans leur portée. Il s'agit donc de trouver le juste équilibre entre une forme d'exigence de ces dispositifs de façon à les légitimer tout en maintenant une grande accessibilité pour les entreprises ». Certes, soupçonnant des actions de pure communication, les associations et les consommateurs sont de plus en plus attentifs à des manipulations d'opinion toujours possibles et les dénoncent désormais, selon le principe du name and shame (« nommer et faire honte »).

Cependant, salariés et dirigeants des entreprises à mission peuvent douter eux-mêmes de la sincérité de l'engagement dans une démarche RSE.

Ainsi, et selon une enquête BVA 12 ( * ) , même si au total 75 % jugent que présenter la « raison d'être » de l'entreprise dans laquelle ils travaillent est important et que 77 % estiment que, « au-delà de son activité économique, leur entreprise joue un rôle au sein de la société », 69 % considèrent que la raison d'être est d'abord « une opération de communication », et seuls 31 % y voient « avant tout le reflet de convictions sincères ». Par ailleurs, 46 % des dirigeants interrogés estiment que ces changements statutaires sont « surtout de l'affichage et que rien ne garantit que l'entreprise s'engage vraiment » .

Pourtant, « la raison d'être est engageante et sa violation peut entraîner la responsabilité civile de la société ou des dirigeants ou leur révocation . Le risque juridique lié à la raison d'être en fait un dispositif engageant et opposable et lui donne ainsi une vraie crédibilité » estimait le rapport.

3. Un label ISR remis en question

Signe de cette défiance, un rapport de l'Inspection générale des finances sur le label ISR, paru en décembre 2020 13 ( * ) , avertissait que ce dernier « à moins qu'il n'évolue radicalement », s'exposait « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».

Il s'agit d'un label de l'État 14 ( * ) , qui engage sa crédibilité.

Créé en 2016, il a fait l'objet d'une large appropriation par les acteurs de la place puisque l'encours total des fonds labellisés atteint désormais 212 Md€, soit 5,8 % de l'épargne financière des ménages français. Diffusé en Europe, il labellisait, au 8 mars 2021, 690 fonds pour un total de près de 470 milliards d'euros d'encours.

Or, le rapport souligne que : « le fondement des exigences de sélectivité sur la notation ESG ne saurait garantir la responsabilité ou la durabilité des investissements. En l'absence d'exclusions sectorielles définies dans le label, la sélectivité repose uniquement sur la notation ESG des émetteurs, qui s'avère pourtant encore très malléable . En effet, les notations ESG d'un même émetteur peuvent être extrêmement hétérogènes 15 ( * ) ».

Le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance a lancé sa réforme, le 25 mars 2021, en désignant Michèle Pappalardo, ancienne commissaire générale au développement durable, pour présider le groupe de travail chargé de la réforme du référentiel que « d'aucuns ont utilisé pour flirter avec l'écoblanchiment » selon ses propos. Son actualisation est d'autant plus nécessaire qu'il doit être harmonisé avec les réglementations européennes en matière de finance durable dans le cadre du Green deal 16 ( * ) , dont la clé de voûte est constituée par le règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, désigné sous les termes de « loi européenne sur le climat ».

Ces orientations envisagent d'introduire, dans la définition de l'investissement responsable que retient le label, une dimension plus explicite de durabilité, de prendre en considération la double matérialité, financière et extra-financière, d'équilibrer les critères ESG 17 ( * ) , de prendre véritablement en compte l'objectif climatique, d'envisager un système de gradation 18 ( * ) , d'adapter le référentiel aux différents types de produits financiers et de l'actualiser.

La tâche est donc ardue et un consensus n'était toujours pas réalisé à la date de rédaction de ce rapport. De grandes orientations ont été soumises à consultation le 29 juillet 2022 et les arbitrages de l'État devraient être rendus début 2023. La Délégation aux entreprises du Sénat suivra ce dossier avec attention.

4. Un mauvais classement de la France au regard des Objectifs de Développement Durable en matière climatique

La prise en compte des externalités négatives dégrade la position de la France. Dramatiquement importatrice, la France voit sa balance commerciale plomber son classement vertueux au regard des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations-Unies.

Le 2 juin 2022, le Réseau de Solution pour le Développement Durable (SDSN) 19 ( * ) a publié le Rapport mondial sur le Développement Durable 20 ( * ) , qui présente l'indice et les visualisations interactives documentant les progrès réalisés vers les ODD.

Le rapport considère que les crises internationales, multiples et simultanées, « ont stoppé les progrès vers les objectifs globaux adoptés par tous les pays membres de l'ONU (Organisation des Nations Unies) lors du sommet historique de 2015 ».

Le rapport estime que les multiples crises simultanées dans les champs sanitaire, climatique, de la biodiversité, géopolitique et militaire « représentent des contretemps majeurs pour le développement durable à l'échelle mondiale ». L'indice ODD moyen au niveau mondial a légèrement diminué en 2021 pour la deuxième année consécutive, en raison de l'impact de la pandémie. En plus de leurs coûts humanitaires très lourds, les conflits militaires provoquent des retombées considérables à l'international pour la sécurité alimentaire et les prix de l'énergie, qui amplifient la crise climatique et la crise de la biodiversité. Ces conflits « empêchent de surcroît de penser et d'investir à long-terme ».

La France, qui se targue de se classer 7 ème sur 163 pays, performe relativement bien sur les objectifs socio-économiques, incluant l'ODD 1 ( Pas de pauvreté ), l'ODD 5 ( Équilibre entre les sexes ) et en matière d'accès aux services publics ( Santé, numérique, énergie ) malgré des inégalités persistantes notamment dans le domaine de l'éducation.

En revanche, elle « obtient ses pires résultats sur les ODD 12 (Consommation et production responsable) et l'ODD 13 (Lutte contre le changement climatique) », qui sont pourtant au coeur de la problématique du réchauffement climatique.

Le rapport indique que « ces résultats sont tirés vers le bas, notamment en raison d'externalités négatives générées par la consommation en France sur le reste du monde » en raison des fortes importations de notre pays qui génèrent un déficit commercial chronique et croissant.

En prenant en considération les externalités négatives, la France se classe en définitive 154 ème sur 163 pays, rejoignant les autres pays industriels en bas de ce classement relatif aux ODD 12 et 13 (Grande-Bretagne : 152 ème , Allemagne 149 ème , États-Unis : 142 ème , Espagne : 136 ème , Italie : 125 ème ). Seuls la Suisse, les Pays-Bas et la Belgique sont moins bien classés.

En matière d'efforts pour intégrer les ODD dans ses stratégies et les pratiques du secteur public , « la France est dans la catégorie « Engagement faible », bien en dessous des pays nordiques et d'autres pays du G20 (Allemagne, Argentine, Autriche, Japon et Mexique) mais au-dessus du Brésil, des États-Unis et de la Russie », selon le SDSN.

Comme l'a confirmé M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises au sein du ministère de l'Économie, des finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, lors de la 6 ème Journée des entreprises organisée le 13 octobre 2022 : « dans les dernières décennies, une partie de la décarbonation des entreprises s'est faite par le biais de délocalisations ».

B. UNE RSE POURTANT NÉCESSAIRE

1. Une matrice pour la transformation de l'entreprise

La responsabilité sociétale de l'entreprise est la matrice de sa transformation profonde . Au-delà de la compliance , qui s'assure du respect formel des normes, c'est un vecteur de durabilité de l'entreprise, qui garantit sa résilience.

Récemment, le 26 octobre, 300 grandes entreprises, dont le chiffre d'affaires cumulé dépasse 1 500 milliards de dollars, ont demandé que les États obligent les grandes entreprises à évaluer leur impact sur la biodiversité et les dépendance vis-à-vis de celle-ci, d'ici 2030, car , selon d'un des investisseurs signataire de la déclaration, « si la nature était un compte courant, nous serions largement à découvert » 21 ( * ) .

Pour M. Antoine Frérot, P.-D.G. de Veolia : « les entreprises sont en réalité structurellement en quête de progrès et d'amélioration, tant par esprit de survie que par volonté positive de contribuer au renforcement des sociétés au sein desquels elles évoluent. En effet, aucune entreprise ne peut prospérer durablement et authentiquement au sein d'un environnement qui se dégrade. Aucune entreprise ne se développe économiquement et socialement sans un effort volontaire et constant de progrès. Aucun actionnaire, aucun dirigeant, aucun salarié, aucun fournisseur, aucun client n'est motivé à l'idée de travailler chaque jour au succès d'une entreprise qui ne vise pas un développement intégral, une harmonie entre le macrocosme et le microcosme, entre l'interne et l'externe, entre la performance économique et la performance sociale, sociétale et écologique » 22 ( * ) .

Cette transformation est l'oeuvre des gestionnaires d'actifs attentifs à ce que les labels, les modes d'attribution des financements, les sélections d'investissement, se fassent en prenant en compte des critères de durabilité, et pas simplement des critères financiers. L'incitation est puissante puisqu'elle conditionne l'accès des entreprises au financement.

Ainsi, le respect par une entreprise des objectifs internationaux de lutte contre le réchauffement planétaire fixés en 2015, lors de la signature de l'Accord de Paris, est une condition sine qua none et attirer les investisseurs. Plus de 1 500 entreprises dans le monde, représentant plus de 12 000 milliards de dollars de chiffre d'affaires se sont engagées dans des objectifs de neutralité carbone 23 ( * ) .

Les fonds orientent de plus en plus leurs investissements vers les entreprises engagées dans la transition, via la souscription d'émissions vertes ( Green Bonds ) ou des fonds regroupant des valeurs vertes, et encouragent ainsi les entreprises dont ils sont actionnaires à agir sur les sujets climatiques par le dialogue actionnarial.

Climate Action 100+, coalition de 500 investisseurs mondiaux, incite les 161 entreprises les plus émettrices à s'engager pour la neutralité carbone d'ici 2050. Les portefeuilles d'actions s'engagent eux-mêmes vers la neutralité carbone, comme au sein de la Net Zero Asset Owner Alliance , qui compte désormais des dizaines d'investisseurs institutionnels pesant plus de 5 000 milliards de dollars.

Dans le cadre de cet objectif, Euronext a lancé en mars 2021 un nouvel indice boursier, « CAC 40 ESG » composé de 40 valeurs, sélectionnées en fonction de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), parmi les 60 entreprises présentes dans le CAC 40 et dans le CAC Next 20.

Les valeurs qui intègrent le CAC 40 ESG sont alignées avec les méthodologies du label ISR et du Pacte Mondial des Nations Unies. Elles sont évaluées par l'agence de notation Vigeo Eiris selon une quarantaine de critères en lien avec les trois piliers ESG. Le recours à un processus d'exclusion voit les entreprises dont l'activité (énergies fossiles, tabac, armes) est jugée incompatible avec l'ESG être évincées de cet indice boursier. Cette grille de critères est néanmoins vouée à évoluer puisqu'une fois par an, Euronext en revoit la méthodologie en prenant en compte les évolutions du cadre réglementaire européen et les recommandations de Vigeo Eiris, tandis que la composition de l'indice est, quant à elle, revue par le comité scientifique des indices d'Euronext chaque trimestre.

Au 23 juin 2022, 9 entreprises du CAC 40 n'intégraient pas l'indice CAC 40 ESG, à savoir Arcelormittal, Dassault Systèmes, EssilorLuxottica, Eurofins Scientific, Renault, Teleperformance, Thales, TotalEnergies et Worldline. A contrario, 9 entreprises du CAC Large 60 (CAC 40 et CAC Next 20) faisaient leur entrée dans cet indice : Accor Hotels, Arkema, Atos, Bureau Veritas, EDF, Klepierre, Sodexo, Solvay et Valeo.

En octobre 2021, l'indice MIB ESG était créé à la bourse de Milan par Euronext, en partenariat cette fois avec V.E, filiale de Moody's ESG Solutions.

Dans ce contexte, les PME et ETI sont incitées à intégrer « volontairement » le reporting RSE : « je ne pense pas qu'on rende service aux PME en les laissant en dehors du dispositif. C'est-à-dire que le danger, c'est effectivement de les surcharger d'une démarche que l'on pourrait qualifier de « bureaucratique » mais si on n'inscrit pas les PME, en tout cas probablement la tranche supérieure des PME, dans le mouvement de l'information durabilité qui va devoir nourrir l'information des plus grandes entreprises, car on leur demande de faire un rapport qui inclut ce qui se passe chez leurs fournisseurs ou leurs clients... Et, par ailleurs, le système financier est incité à fournir des capitaux, que ce soit sous forme d'investissements ou sous forme de prêts de financement, en regardant ce qui se passe sous l'angle durabilité », selon Patrick de Cambourg 24 ( * ) .

Pour Mme Dominique Carlac'h, vice-présidente et porte-parole du MEDEF 25 ( * ) , « une entreprise qui n'inclurait pas dans sa stratégie des sujets comme l'inclusion, la diversité, et l'innovation managériale ne pourrait plus être performante ou attractive ». Pour le MEDEF, « la RSE est de plus en plus un facteur de différenciation et de compétitivité. Nous sommes tout à fait favorables à des stratégies fondées sur la responsabilité sociétale des entreprises. Elles constituent un véritable changement de paradigme et de pilotage stratégique, comprenant une vision intégrée de ce qu'est la performance d'une entreprise : non pas la performance exclusivement financière, mais la performance financière et extra-financière ».

La Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire , a elle-même confirmé lors de son audition conjointement organisée le 4 octobre dernier par la Délégation aux entreprises et la commission des Affaires économiques que, « avec la performance extra-financière, qui deviendra la norme d'ici à 2025, faute d'un diagnostic environnemental et social, nos PME pourraient être évincées de certains marchés en tant que sous-traitants . Il faut anticiper ce risque systémique ».

Les PME et ETI se retrouvent placées devant une injonction contradictoire : celle d'appliquer des procédures conçues pour des grandes entreprises financées par le marché, tout en cherchant les marges de souplesse, d'adaptabilité et d'accessibilité permettant à des entreprises de plus petite taille de répondre à ces obligations d'information financière et extra-financière.

Cette transformation se traduit, au sein des entreprises, par un rapprochement entre la direction RSE et la direction financière qui apporte sa contribution à l'amélioration de la performance environnementale de l'entreprise en mesurant les impacts de l'entreprise sur la société à l'aide de l'utilisation des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance transverses à toute l'organisation, et de la collecte des données financières et extra-financières.

Comment la RSE transforme l'entreprise à l'horizon 2030

« À horizon 2030, le champ de la fonction RSE dépasse les obligations de conformité réglementaire (compliance) et de gestion des risques pour appréhender des enjeux plus stratégiques. Prospectiviste, elle travaille sur le temps long et contribue à nourrir une vision stratégique. Dépositaire de l'extra-financier, la fonction prend en compte toutes les externalités dans son reporting de la performance globale de l'entreprise. Au-delà de simples actions de compensation ou d'affichage, elle pose les ferments d'une transformation profonde dont elle mesure les résultats et les impacts. Se voulant fonction « poil à gratter », elle porte une voix dissonante au sein de l'entreprise, pose des questions difficiles, lance des expérimentations et promeut l'acculturation des équipes. Gardienne du sens et des valeurs, elle construit un narratif fort pour créer de la cohésion autour d'enjeux stratégiques dans une entreprise de plus en plus dématérialisée. Elle contribue à l'animation de l'écosystème plus large de l'entreprise en sensibilisant ses parties prenantes aux enjeux RSE (...).

Dans un monde devenu plus instable et incertain, elle se rapproche de la direction des risques pour identifier les signaux faibles et donner l'alerte. Gardienne du sens, elle accompagne la fonction RH pour insuffler un changement de culture d'entreprise dans une approche holistique d'une RSE devenue un enjeu d'attractivité interne et externe. Elle contribue à la définition de nouveaux métiers et compétences en recrutant des « activistes » de la RSE. Elle travaille étroitement avec la fonction Finance - les deux fonctions se nourrissant des données RSE et financières pour effectuer leur reporting financier et extra-financier. Si la direction financière pilote de façon opérationnelle la performance de l'entreprise, la direction RSE veille au déploiement de sa stratégie - elle s'assure de la cohérence des actions menées au regard des objectifs, veille à ce que ces actions soient porteuses de sens et contribuent à la résilience de l'entreprise. La fonction RSE collabore avec les fonctions Communication et Affaires publiques pour susciter l'engagement à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise et favoriser le dialogue avec ses parties prenantes. Ainsi la fonction RSE contribue-t-elle à insuffler la RSE dans toutes les fonctions, sans se diluer mais en renforçant ses prérogatives stratégiques ».

Source : « L'entreprise full RSE », Institut de l'entreprise, juin 2022.

2. Un verdissement timide de la commande publique

La puissance publique, via la commande publique, contribue également à orienter les entreprises vers la responsabilité sociétale et environnementale.

Ainsi, la dernière version des cahiers de clauses administratives générales (CCAG), approuvée par arrêté le 1 er avril 2021, renforce la prise en compte de clauses environnementales dans la passation de marchés : alors que les précédents CCAG comportaient des stipulations concernant la protection de l'environnement, les nouveaux CCAG imposent que les documents particuliers du marché précisent les obligations environnementales qui pèseront sur le titulaire du marché.

Par ailleurs, le dispositif « marchés innovants » a été pérennisé 26 ( * ) et permet désormais aux acheteurs de passer, sans publicité ni mise en concurrence préalables, des marchés de travaux, fournitures ou services innovants de moins de 100 000 euros HT. Il ouvre la commande publique aux TPE/PME innovantes. Ce concept, flou, fait l'objet d'un guide pratique de l'Observatoire de la commande publique, élaboré en 2019, qui se réfère à un faisceau d'indices. La maîtrise des impacts environnementaux et/ou sociaux en fait partie.

Enfin, l'article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire impose désormais aux acheteurs publics un seuil minimal de 20 % d'acquisition de produits issus du réemploi ou du reconditionnement .

La commande publique a été impactée par la loi du 22 août 2021 dite loi Climat et Résilience 27 ( * ) .

Le législateur a souhaité mettre en avant de manière symbolique les objectifs de développement durable en les inscrivant dans le titre préliminaire du code de la commande publique. De ce fait, l'article 3-1 nouveau dispose que « La commande publique participe à l'atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent code ».

Si cette modification du code n'est que symbolique, elle démontre la volonté du législateur de prendre en considération de manière structurelle l'environnement et le social au sein de la commande publique.

Les modifications apportées par l'article 35 de la loi Climat et Résilience viennent ajouter des obligations aux acheteurs publics afin de garantir la prise en compte de certains enjeux, notamment en matière environnementale et sociale. En effet, l'article 2 du décret n°2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du Code de la commande publique 28 ( * ) pris en application de l'article 35 de la loi, modifie l'article R. 2152-7 et introduit l'obligation pour l'acheteur public de se fonder sur au moins un critère environnemental . De cette manière, le prix ne peut plus être le seul et unique critère d'attribution d'une offre . Celui-ci devra désormais a minima prendre en considération le coût du cycle de vie qui tient compte des caractéristiques environnementales de l'offre.

L'article 35 de la loi renforce également les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) . Actuellement, 120 collectivités territoriales et EPCI sont concernés par la mise en place de ce type de schéma, qui ne s'applique que pour les montants d'achat annuels supérieurs à cent millions d'euros hors taxes. La loi Climat et Résilience et le décret susmentionné, abaissent le seuil du montant d'achat rendant obligatoire la rédaction d'un SPASER à cinquante millions d'euros hors taxes annuel. De ce fait, 160 collectivités territoriales et établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ont désormais l'obligation d'établir un SPASER, soit un tiers supplémentaire.

Cependant, seules 34 entités publiques ont respecté cette obligation, au demeurant non sanctionnée, qui date de 2014 ! 29 ( * )

La mise en oeuvre de ces modifications concernant le seuil rendant obligatoire le SPASER pour les collectivités territoriales concernées prendra effet au 1 er janvier 2023, et les nouvelles obligations qui découlent de la modification de l'article R. 2152-7 du Code de la commande publique n'entreront en vigueur qu'à partir du 21 août 2026, sous réserve d'une modification ultérieure par décret comme l'y autorise ce dernier.

Toutefois, la multiplication des obligations de rédaction de ce schéma constitue une charge de travail supplémentaire pour les collectivités territoriales, sans pour autant garantir de l'efficacité de tels outils.

Comme le rapport de la Délégation aux entreprises l'avait déjà souligné en 2020, la commande publique serait un puissant levier pour favoriser le renforcement de la RSE dans les entreprises. Il est cependant entravé par une lecture littérale de la directive sur la passation des marchés publics 2014/24/UE du 26 février 2014, qui subordonne la prise en compte de considérations sociales ou environnementales au titre des conditions d'exécution, à la condition qu'ils soient liés à l'objet du marché .

L'Union du groupement des achats publics (UGAP), qui se veut « le bras armé d'un achat public socialement responsable » 30 ( * ) a adopté une feuille de route, « stratégie RSE 2025 », qui fait valoir que 78 % des marchés publics comportent une disposition environnementale en 2020.

Elle entend, d'ici 2025, garantir la qualité environnementale des offres par la généralisation pertinente et adaptée des clauses environnementales et accompagner les territoires dans la transition écologique. À cette date, 100 % des marchés notifiés au cours de l'année devront comprendre au moins une considération environnementale (objet du marché, critère d'attribution ou clause environnementale) et 30 % des mêmes marchés devront comprendre au moins une considération sociale (objet du marché, critère d'attribution, clause sociale ou marché réservé aux opérateurs qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés ou aux entreprises de l'économie sociale ou solidaire).

L'UGAP ne peut toutefois avoir qu'un rôle incitatif puisque « les clients de l'UGAP restent souverains dans leur acte d'achat auprès de l'établissement ».

A cet effet, elle développe en 2022 un nouveau marché, baptisé « Territoires de demain », destiné à promouvoir les offres de produits et services qui accélèrent la transition écologique des territoires dans lesquels ils se déploient.

Un appel d'offres portant sur « la recherche d'un intégrateur en capacité de proposer des solutions globales sur l'ensemble du territoire national » a été lancé début 2022. Cependant, son déploiement tarde.

3. Une écoconditionnalité limitée

Un programme de financement qui intègre une mesure d'écoconditionnalité doit satisfaire aux conditions suivantes :

- soutenir une activité économique ou une activité de développement ;

- offrir une aide directe aux entreprises ou à un secteur d'activité.

L'écoconditionnalité occupe pour le moment une place modeste mais croissante dans la politique publique à l'égard des entreprises.

L'article 66 de la loi de finances rectificative pour 2020 n° 2020-935 du 30 juillet 2020 oblige les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 500 millions d'euros, au capital desquelles l'État prend une participation au titre des 20 milliards d'euros du plan de relance , à prendre des engagements en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, définis en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale bas carbone.

Il prévoit également un suivi de ces engagements avec la remise, par les entreprises concernées, d'un rapport annuel détaillant les engagements pris, les moyens mis en oeuvre pour les atteindre et les éventuelles mesures complémentaires envisagées en cas de non atteinte des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

La commission des Finances du Sénat avait souligné « l'effet signal » de cette disposition, lié au caractère ambigu de l'effort massif consenti par l'État pour soutenir les acteurs économiques, lequel, s'il peut en effet être envisagé comme une mesure d'incitation à s'engager dans la transition écologique , relève avant tout d'un sauvetage de nos « fleurons » économiques, la puissance publique intervenant pour réduire au maximum les effets de la crise sanitaire sur l'activité et l'emploi. « C'est pourquoi, toute démarche conditionnant l'octroi d'un soutien public doit être envisagée avec prudence , a fortiori lorsque les critères, pour être respectés, requièrent des investissements massifs » 31 ( * ) .

Le dispositif privilégie ainsi la prise d'engagements , assortis d'un mécanisme transparent de suivi 32 ( * ) , et ne relève pas d'une stricte conditionnalité qui pourrait in fine conduire à peser sur l'emploi et l'activité de l'entreprise que l'on souhaite sauver.

Ce dispositif relève donc davantage de la communication puisqu'il exempte la quasi-totalité des entreprises d'une éco-conditionnalité des aides publiques.

CCI-France n'est toutefois pas hostile à une écoconditionnalité plus affirmée mais ciblée.

Ainsi, notant que le décret du 23 octobre 2020 qui fixe les conditions d'octroi d'une aide destinée à financer « des investissements de transformation vers l'industrie du futur des PME et ETI industrielles » n'exige pas des entreprises qu'elles mettent en place des stratégies durables ou bas-carbone, CCI-France estime qu'une « aide octroyée pour mettre en place des dispositifs visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre soit subordonnée à des engagements précis - si ce n'est de résultat, au moins de moyen - en accord avec les objectifs visés (bilan carbone, diminution des émissions, etc.) relève d'une certaine logique. En revanche, l'idée de subordonner à des engagements en faveur du climat une aide publique dans un contexte sans lien direct avec la transition bas-carbone ne doit pas prospérer ; cela reviendrait à dé-corréler l'aide de l'objet pour lequel elle a été accordée ». Elle propose logiquement de circonscrire le principe de l'éco conditionnalité aux seules aides publiques accordées pour financer des dispositifs favorisant la transition bas-carbone.

Par ailleurs, les auditions réalisées dans le cadre du rapport d'information de l'Assemblée nationale consacré à la conditionnalité des aides publiques aux entreprises 33 ( * ) ont souligné la nécessité d'exclure les TPE et les PME d'une obligation de conditionnalité en cas d'aide publique : « qu'il s'agisse d'aides dans le cas du plan de relance ou hors de celui-ci, leur situation de trésorerie ne leur permet pas de se lancer dans des investissements trop importants ». Elle préconise de réserver l'écoconditionnalité aux entreprises comptant au moins 250 salariés, et donc d'englober les ETI.

En revanche, le rapport estime que les opérateurs de l'État devraient proposer aux TPE et PME « une planification à dix ou quinze ans pour leur permettre, par voie contractuelle, de réduire leurs impacts sur l'environnement ». Cette approche peut fonctionner dès lors qu'il est démontré que la maîtrise des coûts de l'énergie et le traitement de différents flux (eau, déchets) sont un facteur de compétitivité . Le diagnostic écoflux qui permet à un auditeur d'identifier les sources de gaspillage et de proposer des solutions dont le retour sur investissement est souvent inférieur à six mois, en instituant un lien entre gaspillage et maîtrise des coûts, serait « un excellent point d'entrée pour des PME qui envisagent de s'engager pour l'environnement ».

En tout état de cause, cette écoconditionnalité doit « s'appliquer à des actions mesurables » et aurait plus de sens « si elle se concentrait sur les secteurs économiques les plus polluants et sur les entreprises assujetties au marché de carbone » par une démarche contractuelle 34 ( * ) .

L'État pourrait enfin conditionner son entrée au capital d'une entreprise et/ou la souscription d'augmentations de capital à un engagement de l'entreprise de se doter d'une trajectoire compatible avec la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et faire levier sur ses participations existantes pour obtenir le même type de démarche.

4. Une lutte assumée contre l'écoblanchiment

Une mesure objective de la responsabilité sociétale des entreprises s'avère cruciale pour assurer la crédibilité d'un développement soutenable.

Or, à force de trop s'intéresser aux sujets sociaux et de gouvernance au détriment des émissions de gaz à effet de serre, on n'incite pas assez les dirigeants d'entreprise à prendre de vraies mesures face au changement climatique. Ainsi, The Economist , préconise de mesurer moins mais mieux et, en premier lieu, les émissions de gaz carbonique, et de récompenser les entreprises vertueuses en leur donnant un accès moins cher aux capitaux.

Des doutes ont été également exprimés par M. Romain Mouton, secrétaire général du Forum de Giverny, consacré à la RSE, qui admet l'existence du greenwashing , méthode de marketing consistant à communiquer auprès du public en utilisant l'argument écologique de manière trompeuse pour améliorer son image : « Oui, l'écoblanchiment existe. Oui, les entreprises qui se parent des vertus RSE à des fins de communication existent aussi. Comment, dès lors, lutter contre ces pratiques ? Je vois deux leviers . Le premier : l'usage massif de la data au service du développement durable et de la transparence. Il faut collecter les données tout au long de la chaîne de valeur et des processus de décision. Second levier, la communication responsable, c'est-à-dire une communication qui mesure l'impact environnemental et social de la publicité et pousse la cohérence entre les politiques commerciales et de communication ».

Afin de répondre à ces critiques, l'article 12 de la loi « climat » a apporté un début de réponse, limité aux émissions de gaz à effet de serre, en encadrant la communication autour de la compensation carbone et les allégations de neutralité carbone dans la publicité.

LE DISPOSITIF DE L'ARTICLE L. 229-68 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT RELATIF AUX « ALLÉGATIONS ENVIRONNEMENTALES »

Le décret n°2022-538 du 13 avril 2022 définissant le régime de sanctions applicables en cas de méconnaissance des dispositions relatives aux allégations de neutralité carbone dans la publicité 35 ( * ) et le décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité 36 ( * ) ont mis en application cette régulation.

Ils prévoient que, à compter du 1 er janvier 2023, il ne sera plus possible de parler de neutralité carbone sans produire « un bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné couvrant l'ensemble de son cycle de vie », depuis la phase en amont de la production jusqu'au recyclage éventuel. Ce décret concerne aussi bien la publicité dans la presse écrite et audiovisuelle que l'affichage et la publicité en ligne. Les annonceurs publicitaires devront donc appuyer leurs affirmations d'arguments chiffrés et documentés. Concrètement, cela passera soit par un lien hypertexte, soit par un QR code qui renverra vers un espace sur le site de l'annonceur. On y retrouvera « la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées » dans le but d'assurer la transparence vis-à-vis du public et de prévenir tout risque de greenwashing .

Le décret vise en particulier les termes “ neutre en carbone ”, “ zéro carbone ”, “ avec une empreinte carbone nulle ”, “ climatiquement neutre ”, “ intégralement compensé ” ou encore “ 100% compensé ”. S'agissant de la compensation carbone des gaz à effet de serre, les pouvoirs publics demandent un classement des projets selon leur coût par tonne de CO2 (tCO2) compensée, soit en-dessous de 10 €/tCO2, entre 10 et 40 €/tCO2 ou au-dessus de 40 €/tCO2. Enfin, le décret précise que les projets « ne doivent pas être défavorables à la préservation et la restauration des écosystèmes naturels et de leurs fonctionnalités » .

En cas de non-respect de cette législation, les annonceurs pourront, après mise en demeure, être sanctionnés par une sanction financière d'un montant de 100 000 € (20 000 € pour les personnes physiques) et qui pourraient être portés « jusqu'à la totalité du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale » .

II. L'EUROPE DOIT PRÉSERVER SON AUTONOMIE DANS LA DÉFINITION DES NORMES RSE ET DANS LEUR PUBLICATION

A. LA BATAILLE MONDIALE DES NORMES DE LA RSE

L'importance de cet enjeu a été évoquée dans le rapport d'information n° 572 (2019-2020) de Mme Élisabeth LAMURE et M. Jacques LE NAY , fait au nom de la délégation aux entreprises, du 25 juin 2020, sur la responsabilité sociétale et environnementale dans les PME, qui notait que « la conception renouvelée de l'entreprise devait prendre en compte le temps long » , alors que la vision qui domine actuellement les normes comptables est celle des investisseurs de court terme sur les marchés financiers. Le rapport pointait le fait que : « seules les informations financières sont prises en considération, à l'exclusion des informations sociales ou environnementales, quand bien même elles intéresseraient les autres parties prenantes. Elles sont exclusivement destinées aux apporteurs de capitaux, les actionnaires, et aux marchés financiers . Ces informations ne sont pas neutres. Elles façonnent la façon dont les entreprises sont dirigées et gérées ». Il invitait à faire de cet enjeu « une priorité politique de premier plan », comme le préconisait le rapport de Cambourg de mai 2019 sur la normalisation, à l'échelle de l'Union européenne, de l'information extra-financière dans la sphère publique.

Le Gouvernement a organisé, le 8 décembre 2020, un webinair 37 ( * ) sur ce sujet à l'occasion duquel Mme Olivia Grégoire, alors secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable, a jugé que l'information extra-financière, qui était autrefois destinée aux seuls actionnaires, était « devenue de plus en plus un sujet d'opinion, un sujet politique », car « les citoyens ne conçoivent plus que les entreprises ne se préoccupent que de leurs intérêts purement lucratifs, et les entreprises pour la plupart ont compris que le greenwashing, le social washing c'est terminé », soulignant que cet enjeu n'était « pas uniquement un sujet de taxonomie ou un sujet technique, mais un sujet de souveraineté ».

Dans le communiqué de presse du 9 décembre 2021, le président de la Délégation aux entreprises Serge Babary avait considéré que la France devait « montrer qu'elle est pionnière dans ce domaine », et que, le Parlement était partie prenante de cette évolution fondamentale de l'action des entreprises « un débat parlementaire serait utile avant que l'Europe n'engage cette révision ».

1. Alors que l'Europe est en avance, les États-Unis tentent d'imposer leur référentiel extra-financier
a) L'Europe avait perdu la bataille des normes comptables

Il y a 20 ans, l'Union européenne échouait à imposer ses normes comptables et adoptait la normalisation financière de l'IFRS ( International financial reporting standards) pourtant résolument étrangère à la philosophie de l'économie sociale de marché, dans le vain espoir d'avoir accès aux marchés financiers américains.

Malgré des efforts de coopération entre 2007 à 2015 entre les normalisateurs IASB 38 ( * ) et FASB 39 ( * ) , la « convergence » des normes comptables a échoué. Incapable de se mettre d'accord sur un référentiel comptable européen et sous la pression d'une mondialisation de plus en plus galopante, l'Union européenne s'en remet aux normes comptables IFRS élaborées par l'IASB, organisme privé sur lequel elle n'exerce aucun contrôle.

Aujourd'hui, la notation extra-financière est aux mains d'agences américaines, qui ne cessent de renforcer leur influence. Ainsi, les évaluations des acteurs de l'investissement responsable se trouvent de fait déterminées par les données qu'elles leurs fournissent et qui n'expriment pas nécessairement leurs valeurs.

L'exemple de la fair value est, à cet égard, significatif. La notion apparaît pour la première fois en 1995 et désigne « le prix auquel un actif pourrait être échangé ou un passif réglé entre deux parties compétentes n'ayant aucun lien de dépendance et agissant en toute liberté ». Depuis, quasiment toutes les normes comptables internationales retiennent la juste valeur. Or, il revêt une dimension exclusivement financière au service de l'actionnaire et favorise des comportements de court terme incompatibles avec les engagements de long terme des entreprises responsables.

« L'Europe a ainsi délégué sa souveraineté comptable à un organisme international privé dans une indifférence quasi générale , sans doute parce qu'il s'agissait d'une perspective lointaine et encore incertaine, portant sur une matière complexe et technique dont bien peu avaient saisi l'importance », souligne l'Institut Montaigne 40 ( * ) .

b) L'Europe ne doit pas perdre la nouvelle bataille de la normalisation extra-financière
(1) L'EFRAG « contre » l'IFRS ?

La guerre historique sur le référentiel comptable est en train d'être supplantée par l'affrontement entre l'Europe et la Fondation IFRS pour la normalisation des données dites extra-financières.

En effet, l'Europe, et plus précisément M. Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission Européenne, a chargé M. Jean-Paul Gauzès, président de l' EFRAG , de réfléchir à la mise en place d'une structure européenne d'élaboration de normes d'information extra-financière. Dans ce cadre, son président, M. Jean-Paul Gauzès a lancé un appel à contribution auprès des différentes parties prenantes de l'EFRAG, car cette nouvelle mission nécessite des modifications importantes dans sa gouvernance et son organisation.

Deux missions distinctes ont été confiées à l'EFRAG :

- créer une Task Force au sein de l'European Corporate Reporting Lab de l'EFRAG visant à réaliser le travail préparatoire à la révision législative et à formuler des recommandations sur la forme que pourrait prendre le standard européen de publication extra-financière . La présidence de cette taskforce a été confiée à M. Patrick de Cambourg ;

- proposer des recommandations sur les changements possibles à la gouvernance et au financement de l'EFRAG, dans le cas où cette instance serait chargée de l'élaboration des normes européennes en matière d'information extra-financière. Cette mission a été confiée sur une base ad personam au président de l'EFRAG, M. Jean-Paul Gauzès. Celui-ci a remis son rapport d'étape en novembre 2020 et a lancé une consultation publique sur le sujet de la gouvernance de l'extra-financier en Europe.

Aujourd'hui, l'EFRAG n'est pas un « producteur » de normes : sa mission est uniquement d'évaluer les normes IFRS pour leur « endossement » par l'Europe.

Parallèlement, la Commission européenne a révisé le rôle des autorités européennes de supervision (ESAs) - l'EBA 41 ( * ) , l'ESMA 42 ( * ) et l'EIOPA 43 ( * ) - afin qu'elles intègrent dans leurs activités l'identification des risques que les facteurs ESG (environnementaux, sociaux et liés à la gouvernance) font peser sur la stabilité financière et mettent en cohérence l'activité des marchés financiers avec des objectifs de durabilité. Les ESAs devraient donc s'exprimer sur la manière dont les critères ESG peuvent être efficacement intégrés dans la législation financière de l'Union européenne.

(2) Les acteurs privés ne sont pas inertes

Dans le cadre des grandes manoeuvres autour de la révision de la directive sur les informations extra-financières (CSRD), un groupe de travail organisé par le World Economic Forum et l' International Business Council (IBC), a fait paraître un livre blanc rédigé par les quatre grands cabinets de conseil (PwC, EY, KPMG et Deloitte), proposant un cadre pour un socle de données ESG de 21 indicateurs clés assortis de 34 indicateurs étendus.

Les cinq organisations qui proposent les principaux standards de reporting ESG, CDP ( Carbon Disclosure Project ), CDSB ( Climate Disclosure Standards Board ), GRI ( Global Reporting Initiative ), IIRC ( International Integrated Reporting Council ) et SASB ( Sustainability Accounting Standards Board), ont décidé de s'associer et « partager leur vision de ce qui est nécessaire pour construire un cadre commun de reporting compréhensible ».

De son côté, la Fondation IFRS 44 ( * ) , présidée par le Français Michel Prada , ancien président de l'AMF, a lancé une consultation sur le « Sustainability Reporting » et le rôle qu'il pourrait jouer dans l'élaboration de normes globales d'information extra-financière sur le modèle qui fonctionne pour les IFRS. Plus précisément, la fondation interroge sur la création d'un Board qui serait chargé de produire des normes de reporting extra-financier, à charge pour chaque juridiction de les rendre obligatoires ou non.

La fusion du SASB et de l'IIRC , en 2021, dans la Value Reporting Foundation constitue enfin le dernier acte, à ce stade, de la recomposition des acteurs de la normalisation.

c) Les enjeux pour les entreprises européennes

La normalisation des informations extra-financières est urgente et indispensable, de même que le besoin de convergence et la connexion entre le financier et le non financier .

Outre l'autonomie normative de l'Europe, le concept de matérialité constitue l'un des points de divergence majeurs dans cette compétition entre les visions américaine et européenne de l'entreprise. Les standards internationaux tels que l'IFRS Foundation ou le SASB sont plutôt enclins à ne couvrir que les impacts environnementaux et sociaux sur les entreprises, l'objectif premier étant d'informer les investisseurs sur leurs risques. De leur côté, les Européens souhaitent baser le cadre du reporting extra-financier sur la double matérialité 45 ( * ) qui analyse à la fois l'impact des risques ESG sur l'entreprise et l'impact de l'entreprise sur la société.

La temporalité joue aussi un rôle important dans cette course à la standardisation, selon l'appréciation faite du degré d'urgence climatique et sociale. Si l' IFRS Foundation reste vague quant à l'établissement d'un cadre de reporting harmonisé, les instances européennes souhaitent que ces nouvelles normes soient rapidement applicables afin de mettre en oeuvre du Green Deal européen. En effet, 15 des futures réglementations du « Pacte vert pour l'Europe » dépendent de la standardisation du reporting extra-financier.

L'Europe connaît également une compétition entre public et privé , entre, d'une, part les ESAs -autorités européennes de supervision- et, d'autre part, le partenariat public-privé de l'EFRAG, le groupe consultatif européen sur l'information financière.

D'un côté, les ESAs travaillent à la définition d'une série de normes techniques réglementaires (RTS) applicables aux acteurs des marchés financiers. Elles prévoient que dans le cadre de la réglementation sur l'information pour la finance durable (SFDR), les participants aux marchés financiers publient à partir de 2023 un ensemble d'indicateurs ESG sur les principaux effets négatifs ( adverse impacts ) de leurs décisions d'investissements sur la société.

En parallèle, s'agissant de la réglementation sur la taxonomie verte, l'ESMA définit actuellement les normes de calcul du chiffre d'affaires, des investissements et des dépenses vertes que les entreprises doivent progressivement publier depuis l'exercice 2021, pour permettre ensuite aux participants aux marchés financiers de calculer la part verte de leurs produits financiers. Ces définitions d'informations extra-financières, destinées à l'origine aux acteurs de la finance, risquent de constituer des standards qui viendront aussi s'imposer aux entreprises non financières dans le cadre de la révision de la directive sur le reporting extra-financier (NFRD).

Sans une harmonisation rapide, le risque pour les entreprises est une superposition de normes et une surcharge de reporting pour tous les acteurs concernés, et donc une distorsion de concurrence entre les entreprises européennes soumises à ces exigences de transparence et les autres.

Si la révision de la NFRD avec ses nécessaires standards sous-jacents se veut ambitieuse et contraignante pour continuer à faire progresser les entreprises dans la prise en compte de leur impact et leur permettre de se projeter vers un horizon de long terme dans une perspective de création de valeur durable, l'application de ces principes doit toutefois rester simple , sous peine d'exposer les entreprises européennes au dumping environnemental et social international. La mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières européennes pourrait aussi représenter un levier pour assurer la protection des entreprises européennes, à la fois plus avancées et plus contraintes en termes de développement durable.

Au regard des incertitudes politiques, économiques et climatiques actuelles et à venir, cette question de la standardisation des normes extra-financières est d'une importance capitale. Y répondre est essentiel.

Selon un expert, « l'harmonisation des normes ESG entre les différentes entreprises est fortement demandée par les investisseurs et fait l'objet d'une âpre bataille entre les acteurs de la notation et des référentiels ESG. L'enjeu est stratégique, car ce sont ces normes qui vont définir la valeur globale (valeur financière + valeur ESG) des entreprises , qui tend de plus en plus à orienter la valeur des actions en bourse. Cela a notamment été le cas en 2020 où les entreprises ayant les meilleures notes ESG ont surperformé par rapport aux indices de référence » 46 ( * ) . L'harmonisation de l'information extra-financière représente une opportunité pour l'Europe de reprendre la maîtrise de sa vision de l'entreprise. « S'il doit y avoir un capitalisme responsable européen, il passe donc par un mot d'ordre fondamental : Take Control Back , reprendre le contrôle, retrouver la maîtrise, assumer ses valeurs », selon l'Institut Montaigne.

Il s'agit donc de donner au capitalisme européen un cadre de normes conformes aux valeurs européennes dans ce domaine.

Comme l'indique la DG Trésor, « l'Europe peut revendiquer son avance en matière extra-financière, et il est légitime qu'elle joue un rôle de premier plan et soit standard-setter 47 ( * ) pour l'extra-financier » . Cette position a notamment été exprimée par la secrétaire d'État, Mme Olivia Grégoire, lors de son discours à l'occasion du Climate Finance Day du 29 octobre 2020. Elle se retrouve également dans le rapport de la commission des Finances du Sénat du 13 juillet 2022 48 ( * ) : « s'il est un aspect surtout où l'Europe ne doit pas renoncer et doit absolument gagner la bataille de la norme, c'est celui de la double matérialité . Il s'agit là de nouveau de défendre les règles les plus exigeantes, encore une fois pour accroître la crédibilité des engagements des acteurs et renforcer la solidité du marché du vert. L'Union européenne doit être en mesure de défendre ses normes, ne serait-ce que pour éviter d'alourdir inutilement la charge des entreprises européennes en cas de divergence de normes, et donc induire des distorsions de concurrence ».

2. Vers une souveraineté européenne en matière de notation RSE
a) Une prise de conscience d'un enjeu essentiel

La prise de conscience des enjeux de l'autonomie européenne concernant les indicateurs de performance extra-financière a progressé.

Pour le précédent gouvernement, « ce n'est pas un sujet technique, mais bien de souveraineté européenne sur le plan économique . Nous avons déjà délégué les normes comptables IFRS aux Américains. Si nous ne définissons pas nos propres critères, les États-Unis pourraient être en mesure de nous imposer les leurs. Et ces normes pourraient ne pas être les plus adaptées pour valoriser nos entreprises européennes » 49 ( * ) .

La Plateforme RSE rappelle que l'Europe a longtemps été pionnière en matière d'agences de notation ESG, mais avec une offre très fragmentée par marché national, l'harmonisation de la réglementation étant récente, alors que les Etats-Unis ont été très en retard sur la notation ESG mais très solidement implantés sur la notation financière, qui correspond parfaitement à la philosophie du capitalisme anglo-saxon. Elle souligne que : « bénéficiant de leur situation de quasi-monopole, les agences de notation financière américaines (notamment les « Big Three » : Fitch Ratings, Moody's et Standard & Poor's) ont méthodiquement racheté les acteurs européens de la notation ESG ». Ils ont ainsi pris de l'avance sur l'intégration des données financières et extra- financières, qui constituent désormais un jeu de données unique permettant de procurer une « image fidèle » de la performance d'une entreprise en tenant compte des trois versants de la performance globale (financière, sociale, environnementale) permettant de modéliser les sources de création de valeur des entreprises.

Or, avec le quadruplement des entreprises soumis à la directive CSRD, « l'Union européenne va imposer à ses entreprises de produire des données plus abondantes et plus pertinentes, qui vont nourrir les bases de données des agences américaines, qui pourront les utiliser pour développer l'intelligence de la performance ».

Il faudra prendre en considération le fait que d'ici quelques années, « la valeur ajoutée ne sera plus dans les données, mais dans leur traitement . Ce que les entreprises sont prêtes à payer, c'est moins les données que l'intelligence des données, c'est-à-dire la façon dont les indicateurs interagissent pour expliquer comment la valeur se crée. La question n'est donc plus la normalisation des données, mais leur traitement. Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'une agence de normalisation, mais bien d'une agence d'évaluation (plutôt que de notation) ».

Cette création offrirait aux entreprises européennes une approche « FESG » (Financière, Environnementale, Sociale et de Gouvernance), c'est-à-dire une approche véritablement holistique, centrée sur le concept de performance globale, qui permettrait de mieux comprendre comment les indicateurs financiers et ESG s'articulent, et les liens de causalité qui favorisent la création de valeur.

Pour sa part, l'Association française des entreprises privées (AFEP) prône un rapprochement des standards , européen et américain, « pour éviter l'accumulation de mesures impératives, multiples et concurrentes qui s'appliqueraient aux entreprises internationales de manière simultanée dans les différentes grandes juridictions auxquelles elles appartiennent. Les travaux de l'EFRAG et du futur International Sustainability Standard Board (ISSB) de l'IFRS Foundation doivent être alignés autant que faire se peut , et une collaboration étroite doit être recherchée pour garantir une position et une influence forte de l'UE dans le développement d'une norme mondiale de reporting ESG » 50 ( * ) .

Elle pointe par ailleurs une autre priorité, la simplicité et la cohérence des différentes démarches européennes qui ont tendance à se chevaucher sans être harmonisées : « Les calendriers, voire les contenus, des textes européens définissant des obligations de transparence ESG (notamment les règlements Taxonomie, Disclosure...) ne sont actuellement pas alignés. Il est indispensable d'assurer la cohérence entre ces textes afin d'éviter des confusions, des doublons et des incohérences qui nuiraient à leur mise en oeuvre et imposeraient des contraintes injustifiées et disproportionnées aux entreprises ».

C'est en effet ce désalignement qui préoccupe les entreprises, à commencer par les PME et ETI.

b) Un faible risque de divergence d'initiatives convergentes

Le risque de divergence entre les trois initiatives ( European Financial Reporting Advisory Group, International Sustainability Standards Board, Securities and Exchange Commission ) serait, pour certains experts, faible .

En effet, « s'il existe quelques différences dans les motivations et l'approche, celles-ci ne sont pas nécessairement irréconciliables . Sans compter qu'il existe des points communs incontestables sur les fondamentaux. La principale divergence structurelle consiste en l'apparente opposition entre approche « investisseurs seulement » et approche « toutes parties prenantes ». La première relève de la matérialité financière, qui se concentrerait sur les seuls risques et opportunités susceptibles d'influer sur la valeur financière de l'entreprise. La seconde relève de la double matérialité, qui engloberait à la fois les risques et opportunités pour l'entreprise, mais aussi les impacts de celle-ci sur son écosystème au sens large. Apparente opposition seulement qui risque de faire long feu, pour au moins deux raisons :

- la première, c'est ignorer que prétendre que tout ce qui importe aux investisseurs sont les risques liés à des facteurs exogènes « ESG » susceptibles d'avoir un effet sur la valorisation et la performance financière de l'entreprise relève de la myopie. Tout risque ou opportunité est si ce n'est causé, au moins influencé par l'empreinte de l'entreprise sur son environnement au sens large. Plus celle-ci est importante, plus son effet « secondaire » (positif ou négatif), sur sa capacité à créer ou préserver de la valeur, sera lui-même important, à court, moyen ou long terme. Au fond, le risque n'est pas fondamentalement éloigné de l'impact. Seul le facteur temps déforme la vision (au risque de rendre aveugle) ;

- d'ailleurs, les investisseurs qui eux-mêmes ne s'y sont pas trompés, réclament de plus en plus bruyamment des informations sur les impacts de l'entreprise sur son écosystème, ayant bien compris que ce n'est qu'une question de temps avant que le boomerang revienne frapper son lanceur... ! Et c'est là la seconde raison : il n'en faudra donc probablement pas beaucoup - de temps ! - avant que les investisseurs ne rappellent à l'ordre le normalisateur égaré qui se dit défenseur des besoins des investisseurs. Une bonne illustration de cette « fausse » opposition réside dans le contenu du standard IFRS S2 sur le climat, qui bien que se revendiquant d'une matérialité financière à l'usage des investisseurs, réclame les mêmes informations - à très peu de choses près - que le projet de standards ESRS E1 de l'EFRAG sur le même sujet du climat, qui lui se revendique d'une double matérialité servant les besoins de toutes les parties prenantes ».

Les points communs eux seraient plus nombreux que les sujets de divergence. Deux sont particulièrement structurants :

- « sur la substance, la priorité est clairement donnée au sujet climatique . S'il peut varier d'une initiative à l'autre - notamment sur les aspects caractère obligatoire des informations de scope 3 ou du recours à l'analyse de scenarii, inclusion permise ou pas des « crédits carbone » et autres compensations d'émissions dans les objectifs de réduction desdites émissions - le contenu des exigences concrètes de publication reste néanmoins largement similaire : émissions de GES scope 1, 2 et 3, inclusion de critères liés au climat dans la rémunération des dirigeants, plan de transition et résilience de l'entreprise...

- en termes d'approche, les trois initiatives ont naturellement fait le choix de capitaliser sur les référentiels et standards existants et communément utilisés par les entreprises les plus matures. Sur le sujet du climat en particulier, cela passe par l'adoption des recommandations et de la structure du référentiel TCFD. S'il est vrai que l'EFRAG aurait pu (dû ?) reprendre la structure en 4 piliers plutôt que de la « tordre » en 3, tous les éléments des piliers sont repris et clairement identifiables dans les standards ESRS. L'effort de réconciliation est peut-être malheureux, mais il est loin d'être insurmontable ou même compliqué ».

De manière générale et au-delà du climat, les trois initiatives ont également pris le parti de prendre en considération les référentiels déjà utilisés par les entreprises 51 ( * ) .

Ainsi il n'y aurait « aucune raison structurelle incontournable rendant une telle convergence techniquement impossible ».

Pour M. Patrice de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, président de la commission Climat et finance durable de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : « l'Europe a une claire détermination d'avancer : elle a tendu et elle continue de tendre la main aux autres initiatives (GRI ou la Fondations IFRS) pour essayer de co-construire dans le panorama international » 52 ( * ) .

B. LA DIFFUSION DES DONNÉES EXTRA-FINANCIÈRES

1. Pour les acteurs financiers

Le décret n° 2021-663 du 27 mai 2021 pris en application de l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier, lui-même issu de l'article 29 de la loi énergie-climat 53 ( * ) , encadre le reporting extra-financier des acteurs de marché. Il définit les informations à publier par les sociétés de gestion de portefeuille à destination de leurs souscripteurs et du public. Ce document doit retracer leur prise en compte, dans leur stratégie d'investissement, des critères environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance en particulier en matière climatique et de biodiversité, et sur les moyens mis en oeuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique.

Selon la DG Trésor, il « vise à positionner la Place de Paris sur des sujets clefs pour l'alignement des flux de capitaux sur une trajectoire bas-carbone, ainsi que le demande l'accord de Paris - en articulation avec le droit européen et en appliquant les recommandations de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosure 54 ( * ) » .

Les premiers rapports ont été publiés sur une plateforme dédiée, Climate Transparency Hub , après avoir été transmis à l'Autorité des marchés financiers et à l'ADEME, laquelle réalise une étude comparative permettant d'améliorer le reporting .

L'une des premières études, publiée le 1 er juin 2022 55 ( * ) , souligne les difficultés qu'ont les investisseurs financiers de récupérer les données du scope d'émission 3 ( émissions indirectes de gaz à effet de serre) « ainsi que les données des entreprises non cotées ou des institutions publiques supranationales ». Si les méthodes d'évaluation des parcs immobiliers sont bien acquises, la collecte des données de la consommation énergétique des bâtiments reste très compliquée. Par ailleurs, une baisse de l'empreinte carbone peut s'expliquer par des effets purement financiers, comme la hausse de la valorisation ou du chiffre d'affaires diminuant mécaniquement l'empreinte carbone. Les stratégies d'alignement sur des trajectoires bas carbone font l'objet d'une « information sur la donnée (scope, couverture, source) peu détaillée et des scénarios rarement expliqués ». Peu d'acteurs financiers communiquent sur le choix des « instruments verts », qui contribuent à la transition climatique.

S'agissant de l'analyse du risque climatique, une autre synthèse de l'ADEME 56 ( * ) du 1 er juin 2022, indique que ce dernier « n'est pas encore répercuté dans le business model ou le prix de l'offre » des émetteurs. Les impacts financiers des risques physiques sont « rarement évalués » et le degré de couverture « peu précisé ». Si les scénarios des risques de transition sont souvent alignés avec l'Accord de Paris, ils sont peu expliqués.

Il existe donc des marges de progrès importantes en matière de reporting climatique des institutions financières françaises.

2. Pour les entreprises

Le marché des informations en matière de durabilité se développe rapidement et les nouvelles obligations imposées aux investisseurs et aux gestionnaires d'actifs renforcent le rôle des fournisseurs de données.

Afin d'accoutumer les entreprises à les publier, l'État a lancé le 27 mai 2021 la plateforme impact.gouv.fr, qui permet aux entreprises de publier les données de leur performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). « Co-conçue avec une centaine d'entreprises engagées, la plateforme Impact pose les bases opérationnelles d'un capitalisme plus responsable » a indiqué, lors de son lancement, Mme Olivia Grégoire, alors secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable.

Elle anticipe la réglementation européenne des années à venir, en offrant aux entreprises volontaires, de toutes tailles, de partager leur savoir-faire et de faire savoir leurs actions en termes d'ESG. Les entreprises pourront remplir tout ou partie des 47 indicateurs écologiques, sociaux ou de gouvernance , qui donnent un premier aperçu des efforts engagés pour leur transition vers des modèles plus responsables et ont été conçus en anticipation des standards de la future directive CSRD.

Elle réunit 979 entreprises, dont 311 ont fait le choix de publier des données au moins partiellement, et a été visionnée par 83 000 visiteurs entre janvier et septembre 2022. La fréquentation oscille entre environ 4 000 et 19 000 utilisateurs, avec un pic en mars 2022 ; en septembre 2022, le site a reçu plus de 5 500 visiteurs.

Impact.gouv.fr permettra à terme de disposer d'un outil d'analyse et de prospective pour accompagner les entreprises françaises dans leurs transitions et constituera le socle d'une doctrine française de la performance extra-financière.

La diffusion de la data extra-financière est en effet un enjeu, pointé par un collectif 57 ( * ) qui appelle à un immense effort « pour mesurer ces impacts et disposer dans ces domaines de données fiables, intelligibles, comparables. Face aux défis environnementaux et sociaux, face à l'urgence climatique, la data est un levier majeur et indispensable pour mesurer et modéliser l'impact extra-financier d'un projet et ainsi prendre des décisions éclairées quant à sa mise en oeuvre. Une approche industrielle fondée sur la donnée est un ingrédient essentiel non seulement à la mise à l'échelle du développement durable, mais également à l'efficacité et à la crédibilité de nos actions ». Il préconise une estimation systématique et en amont, de l'impact extra financier d'un projet, y compris numérique. Une approche méthodique et la plus scientifique possible est nécessaire, appliquant si besoin divers scénarios. Tout au long du cycle de vie du projet, les calculs devraient être réactualisés. La data est ainsi la pierre angulaire d'une généralisation de prises de décisions réfléchies et éclairées .

Cette donnée devra échapper aux fournisseurs de données qui sont actuellement en situation d'oligopole et sont à hauteur de 80 %rattachés à des groupes anglo-saxons , souvent cotés en bourse.

Cette situation a été évoquée lors d'une conférence de l'Association française de la gestion financière (AFG) le 7 octobre 2021 à l'occasion de l'Invest Week Paris . Selon l'un des responsables 58 ( * ) de l'Autorité des marchés financiers : « Nous sommes conscients du caractère presque monopolistique de ces prestataires . On constate aussi parfois les contradictions assez importantes qu'il peut y avoir. Par exemple, quand le réglement SFDR demande de communiquer des métriques sur les données extra financières des portefeuilles, on sait très bien que derrière, le prestataire de données va vous dire que vous avez communiqué une métrique qui est liée à une donnée qu'il vous a fournie et que donc, ce n'est plus le même tarif. La publication obligatoire de métriques extra-financières pour des produits durables va nécessairement impliquer un renchérissement du coût des fournisseurs de données en 2022, c'est certain ».

Le rapporteur du projet de directive 59 ( * ) a ainsi averti que : « le coût des informations en matière de durabilité devrait être plus raisonnable, au vu de la disponibilité accrue de données ventilées » mais que s'il ressortait « du réexamen de la présente directive que les pratiques des fournisseurs de données demeurent fragmentées, il conviendra d'introduire des règles visant à harmoniser davantage ces pratiques et à améliorer leur fiabilité ».

C'est la raison pour laquelle l'AMF et l'autorité néerlandaise des marchés financiers ( Autoriteit Financiële Markten, AFM ), appellent à un encadrement européen des fournisseurs de données et services ESG. Pour l'AMF, la gouvernance de cet outil, qui doit faciliter l'accès des investisseurs aux données publiées, pourrait être confiée à l'ESMA.

Un point d'accès européen unique pour les données financières
et extra-financières des sociétés cotées

L'information est une ressource importante pour le bon fonctionnement des marchés financiers. Faciliter son accès à moindre coût pour l'ensemble des investisseurs, qu'ils soient professionnels ou particuliers, pour les chercheurs, les universitaires ou tout autre utilisateur, est donc essentiel. Dans un papier de position préparé à l'occasion de la consultation publique de la Commission européenne sur ce projet, l'AMF revient sur les principaux bénéfices susceptibles de découler de la création d'un point d'accès unique à l'information règlementée à l'échelle de l'Union européenne (European Single Acces Point ou ESAP en anglais). Celui-ci pourrait offrir une meilleure visibilité pour les sociétés cotées concernées. Il pourrait également devenir un outil précieux au service de la stratégie de l'Europe en matière de finance durable en permettant aux investisseurs d'accéder en un point unique à l'ensemble des données financières et extra-financières découlant des obligations réglementaires s'imposant aujourd'hui aux sociétés cotées.

Pour l'AMF, le succès de cette initiative repose sur plusieurs points parmi lesquels :

• une mise en oeuvre par étape s'agissant du périmètre des informations couvertes, en commençant par celles requises par la directive Transparence (les rapports financiers annuels), le règlement Prospectus, la directive sur le reporting extra-financier (les déclarations de performance extra-financière), et l'article 8 du règlement Taxonomie ;

• un règlement ESAP qui n'introduit pas lui-même de nouvelle exigence en termes d'obligations d'information et de formats ;

• des contenus directement exploitables par l'ordinateur (machine readable format) ;

• un périmètre couvrant en priorité les sociétés cotées sur les marchés réglementés et les marchés de croissance des PME ;

• un contrôle systématique de la qualité de la donnée lors de son intégration dans la base ;

• une gouvernance robuste et transparente, qui pourrait être confiée à l'ESMA ;

• un modèle économique viable permettant, dans l'idéal, un accès gratuit pour les investisseurs.

Source : communiqué de presse de l'AMF, 22 mars 2021

La diffusion de la RSE dans les entreprises doit être accompagnée d'une transparence accrue des méthodes des agences de notation.

Un rapport de l'AMF de décembre 2020 60 ( * ) pointe ainsi « la nécessité pour les agences de notation de garantir des processus de notation rigoureux et transparents. Or, à cet égard, le niveau de transparence est à l'heure actuelle et en règle générale trop faible et lacunaire pour permettre aux investisseurs de comprendre la signification des notations, leur portée et leurs limites ».

Il est en effet paradoxal que les entreprises doivent fournir une information de plus en plus normalisée en matière d'ESG à des acteurs qui ne font l'objet d'aucune certification publique , hormis le standard ARISTA qui constitue une norme de qualité volontaire 61 ( * ) , alors que des études académiques « s'accordent sur l'absence de convergence des notations extra-financières et les besoins d'une plus grande transparence sur les méthodes ».

Encore faut-il que la diffusion de cette information extra-financière soit homogène et normalisée.

III. LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS RSE DES ENTREPRISES

Pour encourager les entreprises à adopter des démarches RSE et à élaborer des stratégies durables, les outils de reporting se sont multipliés mais avec des référentiels qui ne sont toujours pas normalisés . Cette situation empêche les comparaisons entre les acteurs économiques et l'affectation des financements vers des activités plus compatibles avec les enjeux ESG, dont la transition climatique.

Source : CCI France

L'ACCÉLÉRATION NORMATIVE EN MATIÈRE DE RSE

Année

EUROPE

FRANCE

SFDR

TAXINOMIE

DEVOIR DE VIGILANCE

CSRD

Règlement « Sustainable Finance Disclosure Regulation »

Règlement sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement

Proposition de directive

sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité

Proposition de directive « Corporate Sustainability Reporting Directive », remplaçant la directive sur le reporting extra-financier des entreprises (NFRD) de 2014

2019

27 novembre : publication du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil concernant la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR)

L'article 29 de la loi énergie climat de novembre 2019 visant à renforcer et approfondir les publications annuelles fournissant des informations sur l'intégration des critères ESG dans leurs politiques d'investissement va largement inspirer le législateur européen lors de l'élaboration du SFDR

2020

1 er janvier : entrée en application des normes techniques d'exécution (RTS) relatives aux incidences négatives (impacts négatifs des décisions d'investissement sur les facteurs de durabilité)

18 juin : publication du règlement UE 2020/852 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables (dit règlement Taxinomie )

12 juillet : entrée en vigueur de la première «liste verte» au monde, à savoir un système de classification des activités économiques durables

10 février : loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire qui instaure « un dispositif d'affichage environnemental ou environnemental et social volontaire ».

Une expérimentation destinée à « évaluer différentes méthodologies et modalités d'affichage environnemental ou environnemental et social » est conduite avec des entreprises volontaires

30 juillet : loi n°2020-935 de finances rectificative obligeant les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 500 millions d'euros, au capital desquelles l'État prend une participation au titre des 20 milliards d'euros ouverts par la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020, à prendre des engagements en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre , définis en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale bas carbone

2021

1 er janvier : entrée en application des dispositions relatives aux informations précontractuelles et aux informations à publier sur les sites internet (exercice fiscal 2021)

10 mars : entrée en application en France

4 juin : premier acte délégué sur le volet climatique . Le texte établit les critères d'examen technique et ne couvre pas le secteur de l'énergie nucléaire

6 juillet : acte délégué fixant le contenu, les modalités de calcul et la présentation des indicateurs de durabilité (article 8 du règlement)

Avril : présentation du projet de directive

24 août : loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, prévoyant une nouvelle expérimentation de l'affichage environnemental , notamment dans le secteur des textiles d'habillement et des chaussures. Cette expérimentation durera 5 ans au maximum

La loi instaure une obligation d'affichage social après une expérimentation d'une durée minimalede 5 ans

2022

Au plus tard au 30 décembre 2022 , les acteurs des marchés financiers qui publient des informations institutionnelles sur les incidences négatives dans leur décision d'investissement devront indiquer dans les informations précontractuelles si leurs produits prennent en compte les principales incidences négatives et la manière dont ils le font

1 er janvier : Reporting allégé pour les entreprises non financières :

publication des parts de leur chiffre d'affaires, dépenses d'investissement (Capex) et dépenses opérationnelles (Opex) de l'exercice 2021, qui sont associées à des activités économiques éligibles et non-éligibles à la Taxinomie européenne.

Les indicateurs publiés dans la déclaration de performance extra-financière (DPEF) en 2022 porteront uniquement sur les données de l'exercice 2021 sans information comparative au titre de l'exercice 2020

Reporting allégé pour les entreprises financières : publication d'indicateurs spécifiques, notamment d'éligibilité

2 février : acte délégué complémentaire qui intègre les énergies du gaz et du nucléaire , qui ont " un rôle à jouer pour faciliter le passage aux énergies renouvelables " et à la neutralité climatique. Cela signifie que ces deux énergies peuvent être intégrées dans le système de labellisation qui vise à orienter les investissements privés dans les activités durables

6 juillet : adoption de l'acte délégué au Parlement européen et transmission au Conseil 62 ( * )

23 février : publication de la proposition de directive

10 mars : résolution du Parlement européen contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance

21 juin : accord politique de la Commission, du Conseil et du Parlement européen

Eté : consultation publique sur le projet de normes du reporting non financier ( European Sustainability Reporting Standards , ESRS)

9 novembre : examen au Parlement européen

Avant le 31 décembre , publication de la directive

Janvier : publication du rapport de l'ADEME au Parlement sur le bilan de l'expérimentation de l'affichage environnemental des produits alimentaires

Février : publication de l'avis de la Plateforme RSE sur l'affichage social sur les biens et services

Mars : publication du rapport de l'ADEME au Parlement sur le bilan de l'expérimentation affichage environnemental textiles d'habillement et chaussures

31 décembre : pour les entreprises entre 251 et 500 salariés bénéficiant d'aides publiques dans le cadre du plan de relance, publication d'un bilan simplifié de gaz à effet de serre (article 244 de la loi de finances n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2020)

2023

1 er janvier : reporting complet pour les entreprises non-financières :

publication des parts des trois indicateurs (CA, Capex, Opex 63 ( * ) ) qui sont associées à des activités économiques alignées et non-alignées avec la Taxinomie européenne.

Les indicateurs publiés dans la DPEF en 2023 porteront sur les données de l'exercice 2022 sans information comparative au titre de l'exercice 2021.

Reporting allégé maintenu pour les entreprises financières

Eventuel projet de loi de transposition en droit interne de la directive

Probable projet de loi de transposition en droit interne de la directive

Second semestre : publication des normes applicables à tous les secteurs d'activité et sur l'ensemble des aspects ESG

1 er janvier : entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2022-982 du 1er juillet 2022 relatif aux bilans d'émissions de gaz à effet de serre, élargissant, pour les entreprises de plus de 250 salariés réalisant 40 millions d'euros de chiffres d'affaires ou 20 millions de bilan, le périmètre des émissions de GES obligatoirement prises en compte dans l'élaboration du bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES), à l'ensemble des émissions indirectes significatives qui découlent des opérations et activités de l'entreprise ou de l'organisme, ainsi que, le cas échéant, de l'utilisation des biens et services qu'elle produit et vend (émissions dites du scope 3 )

Courant de l'année : déploiement éventuel de l'affichage environnemental « dès lors qu'une méthodologie satisfaisante aura été mise au point » 64 ( * )

31 décembre : pour les entreprises entre 20 et 250 salariés bénéficiant d'aides publiques dans le cadre du plan de relance, publication d'un bilan simplifié de gaz à effet de serre (article 244 de la loi de finances n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2020)

2024

1 er janvier : Reporting complet y compris pour les entreprises financières 65 ( * ) : publication des indicateurs d'alignement avec la taxinomie européenne

les indicateurs publiés dans la DPEF en 2024 porteront sur les données de l'exercice 2023, avec une information comparative au titre de l'exercice 2022 pour les entreprises non-financières

1 er janvier : application à toutes les entreprises déjà soumises à la directive sur les rapports non financiers

Second semestre : publications de normes sectorielles et de normes spécifiques aux PME

2025

1 er janvier : application aux grandes entreprises qui ne sont pas actuellement soumises à la directive sur les rapports non financier

2026

1 er janvier : application aux PME cotées , les petits établissements de crédit non complexes et les entreprises d'assurances captives

2027

Délai minimal d'expiration de l'expérimentation de l'affichage environnemental

2028

1 er janvier : éventuellement, report de la première publication du reporting non financier pour les PME

A. LE RÈGLEMENT SFDR, POUR MESURER L'IMPACT ESG DES INVESTISSEMENTS

Le règlement 2019/2088 du 27 novembre 2019 sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, dit Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) ou règlement Disclosure, impose aux acteurs financiers et conseillers en investissements financiers des obligations de transparence en matière environnementale, sociale et de gouvernance d'entreprise dans leurs rapports annuels et documentations précontractuelles.

Le règlement SFDR concerne le secteur financier en premier lieu mais entraine des conséquences pour les entreprises en renforçant les besoins d'informations extra-financières des investisseurs.

Les acteurs doivent analyser et communiquer sur leur activité au regard du principe de « double matérialité » , qui revient à étudier les impacts de l'environnement sur l'entreprise et de l'entreprise sur son environnement.

Dans un premier temps, les acteurs doivent évaluer les risques de durabilité et les impacts négatifs éventuels des évènements extérieurs à l'entreprise en matière d'ESG sur leurs rendements financiers ( outside-in ). Ils doivent ensuite mesurer les externalités négatives de leurs investissements sur les enjeux environnementaux et sociaux ( inside-out ). Ce concept de principale incidence négative, ou principal adverse impact (PAI) a été défini par l'Union européenne comme « des effets négatifs, importants ou susceptibles d'être importants sur les facteurs de durabilité qui sont causés, aggravés par ou directement liés aux décisions d'investissement et aux conseils fournis par l'entité juridique ». Les PAI sont donc les conséquences négatives des décisions d'investissement sur l'Environnent, le Social ou la Gouvernance (ESG).

Par ailleurs, le règlement SFDR dresse une classification des produits financiers (fonds d'investissements) selon leur niveau de durabilité 66 ( * ) . Les Regulatory Technical Standards (RTS), précisent les exigences du Règlement SFDR pour les produits financiers. Ils impliquent notamment que les documentations précontractuelles et les rapports périodiques des fonds d'investissement classés articles 8 et 9 publient la proportion d'investissements alignés sur la taxinomie. Adoptés le 6 avril 2022, ils devront être applicables dès le 1 er janvier 2023 .

Même pour le secteur financier et les gérants d'actifs, habitués pourtant au reporting financier, ce calendrier accéléré et la complexité du règlement SFRD représentent un défi.

Ainsi, selon un gérant d'actifs 67 ( * ) : « À l'exception des gérants d'actifs ayant développé et/ou acquis depuis plusieurs années une expertise, un savoir-faire et des outils dans le domaine des investissements tournés vers la durabilité et les aspects environnementaux, cela risque d'être plus compliqué tant pour les acteurs des marchés financiers soumis à SFDR que pour nos Autorités de Surveillance nationales ou européennes. Les données « vertes », avec par exemple une information sur le critère `'S'' de ESG, font encore défaut et bloquent la réalisation de calculs tels que les KPIs 68 ( * ) ou autres indicateurs dits PAI (Principal Adverse Impacts) 69 ( * ) . Il n'y a toujours pas non plus de définition universelle de la durabilité. Certains gérants préfèrent ainsi se tourner vers une solution provisoire de bricolage interne de reporting en attendant davantage de transparence sur le marché des données et des méthodes d'évaluation ». Par ailleurs, « les méthodologies d'évaluation et d'interprétation des critères dits ESG sont à la fois diverses et variées. Il n'existe pas de standard. Cela peut être problématique pour les Autorités de surveillance pour contrôler des organismes de placements collectifs ayant la même classification mais produisant des chiffres différents, rendant impossible toute comparaison entre ces organismes ».

B. LA TAXINOMIE VERTE, POUR ORIENTER LES INVESTISSEMENTS

La « taxinomie verte européenne » est entrée partiellement en vigueur au sein de l'Union européenne pour les sociétés soumises à la directive européenne sur le reporting extra-financier (NFRD).

La taxinomie européenne, véritable dictionnaire de durabilité, constitue un pilier central du Plan d'action pour la finance durable de l'Union européenne de mars 2018 70 ( * ) , sur lequel s'adossent de nombreuses législations, comme la directive NFRD, la prochaine directive CSRD ou encore le règlement SFDR .

Ces réglementations obligent les différents acteurs économiques et financiers à publier des informations quant à la part durable sur le plan environnemental de leurs activités, sur la base des critères de la taxinomie.

Source : CCI Fance

Le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 71 ( * ) , tend à inciter les acteurs économiques à identifier leur positionnement par rapport à la trajectoire de transition durable de l'UE et, ce faisant, permettre aux acteurs financiers de prioriser l'allocation de financements aux projets et actifs reconnus comme étant les plus contributifs à cette trajectoire.

La taxinomie verte constitue un système de classification des activités durables ayant un fort potentiel de contribution à la transition environnementale européenne par leur participation à la réalisation d'un des 6 objectifs environnementaux 72 ( * ) .

Ne sont couverts à ce stade que les 2 objectifs climatiques (atténuation et adaptation au changement climatique) et 15 secteurs 73 ( * ) qui représentent près de 95 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe.

Cette réglementation s'adresse pour l'instant aux entreprises soumises à la directive NFRD, c'est-à-dire les entreprises d'intérêt public (EIP) de plus de 500 salariés, avec un bilan supérieur à 20 millions d'euros ou un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros en France, qui publient déjà une déclaration de performance extra-financière (DPEF).

Toutefois, le périmètre des acteurs concernés par la taxinomie s'élargira progressivement avec l'arrivée de la directive CSRD et concernera à terme :

- les entreprises de plus de 250 salariés ou avec un bilan supérieur à 20 millions d'euros ou un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros ( 2 des 3 seuils ) ;

- toutes les entreprises cotées de plus de 10 salariés avec un délai de mise en oeuvre pour les PME cotées .

Une activité économique 74 ( * ) peut être considérée comme durable si :

- elle contribue substantiellement à l'atteinte d'un ou de plusieurs objectifs environnementaux (« Own performance ») ;

- elle favorise la transition vers une économie neutre en carbone à la condition qu'elle ne puisse pas être remplacée par une activité alternative bas carbone (« Transitional activity », activité de transition) ;

- elle permet directement l'exercice d'autres activités durables (« Enabling activity », activité habilitante).

En 2023 (pour l'exercice 2022), les activités éligibles deviendront « alignées », et donc durables , si elles répondent aux critères suivants :

- elles sont conformes aux critères d'examen technique (fixant des seuils de performance environnementale) ;

- elles ne causent de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux ;

- elles sont exercées dans le respect des principes directeurs de l'OCDE, l'ONU et l'OIT relatifs aux Droits de l'Homme.

Les informations prévues par l'article 8 du règlement taxinomie ne sont pas visées par les dispositions de l'article R. 225-105 du code de commerce et donc par la vérification de l'Organisme Tiers Indépendant en l'état actuel de la réglementation. En revanche, elles entrent dans le champ des vérifications spécifiques du commissaire aux comptes au titre de ses travaux sur le rapport de gestion (la DPEF étant incluse au sein du rapport de gestion).

Source : Observatoire de l'immobilier durable (OID), février 2022

Pour préparer les entreprises à l'entrée en application progressive de ces nouvelles obligations de reporting qui « peuvent s'avérer complexes selon les activités et l'organisation des sociétés », l'AMF les incite, dans une note du 23 mars 2022 75 ( * ) , à :

- identifier parmi leurs différentes activités économiques celles qui sont couvertes par la taxinomie européenne ;

- s'approprier les modalités de calculs des indicateurs et les critères techniques d'alignement ;

- adapter, le cas échéant, leurs systèmes de collecte ou de production des données permettant de calculer les indicateurs de durabilité ;

- échanger en amont avec diverses parties prenantes comme les commissaires aux comptes ou l'organisme tiers indépendant (OTI), et à se référer aux sources européennes d'information 76 ( * ) .

S'agissant du lien entre l'information financière et extra-financière, l'AMF souligne « les attentes croissantes des investisseurs quant à la prise en compte dans leurs états financiers des effets des changements climatiques et des engagements pris par les sociétés » et « encourage les sociétés à poursuivre leurs réflexions sur ce sujet et à impliquer l'ensemble des directions concernées, leurs instances de gouvernance ainsi que leurs commissaires aux comptes ».

De manière générale, dans un contexte d'accroissement des obligations de reporting , l'AMF souligne l'importance de « maintenir la cohérence entre les informations présentées dans le rapport de gestion (comprenant la DPEF), dans les autres supports de communication financière, et dans les états financiers ».

C. LA DIRECTIVE CSRD, POUR AMÉLIORER L'INFORMATION SUR LA DURABILITÉ DES ENTREPRISES

En 2017 et 2019, la Commission européenne avait élaboré des lignes directrices non contraignantes sur la méthodologie applicable à la communication des informations extra-financières, en complément de la directive NFRD.

Toutefois, selon le Parlement européen et le Conseil européen, ces lignes directrices n'avaient pas permis d'améliorer de manière satisfaisante la comparabilité et la transparence des informations publiées par les entreprises notamment pour :

- les investisseurs, qui prennent en compte les aspects de durabilité et leurs impacts financiers éventuels dans leurs décisions d'investissement ;

- les conseillers financiers et les gestionnaires d'actifs, qui en raison des règlements taxinomie et Sustainable Financial Disclosure Reporting (SFDR) ont de plus en plus besoin d'informations de la part des entreprises détenues ;

- les organisations non gouvernementales, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes, qui souhaitent que les entreprises rendent davantage compte des incidences de leurs activités.

Il a donc été décidé de réviser la directive NFRD . Le projet de directive Corporate Sustainable Reporting Directive (CSRD), poursuit plusieurs objectifs :

- renforcer la pertinence, la comparabilité et la fiabilité des informations publiées ;

- favoriser la réussite de la mise en oeuvre du pacte vert pour l'Europe et la réalisation de ses objectifs ;

- contribuer à centraliser la collecte des informations attendues par les parties prenantes en matière de durabilité, afin de limiter les coûts pour les préparateurs.

Source : Baromètre RSE, Mazars, septembre 2022.

L'élargissement du périmètre des sociétés soumises à l'obligation de publication d'informations extra-financières pourrait concerner près de 50 000 entreprises européennes ou opérant sur le territoire européen, soit près de 5 fois plus que sous la NFRD.

La nouvelle directive CSRD devrait s'accompagner d'un i ntense effort de normalisation afin de renforcer la pertinence et la comparabilité des informations publiées, relevés comme points d'amélioration centraux par la Commission européenne.

Cette normalisation s'effectuera par l'utilisation obligatoire de normes de reporting préparées par l'EFRAG ( European Financial Reporting Advisory Group ) et adoptées par la Commission européenne ( European Sustainability Reporting Standards - ESRS). Ces normes couvriront dans un premier temps les aspects communs à toutes les entreprises avant d'aborder les spécificités sectorielles.

Des normes spécifiques s'appliqueront par ailleurs aux PME et aux entreprises non européennes .

Le 21 juin 2022, le Conseil et le Parlement européen sont en effet parvenus à un accord politique provisoire concernant la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD).

La révision de l'actuelle directive NFRD ( Non Financial Reporting Directive ) de 2014 sur la publication d'informations non financières était nécessaire d'afin d'harmoniser et de standardiser le reporting ESG et mettre fin à la multiplication des cadres et référentiels, comme l'avait demandé la Délégation aux entreprises dans son rapport de 2020 sur le sujet.

Pour la Commission européenne, « la publication d'informations en matière de durabilité pourrait attirer des investissements et des financements supplémentaires en vue de faciliter la transition vers une économie durable décrite dans le pacte vert. Ainsi, les entreprises doivent fournir de meilleures informations sur les risques en matière de durabilité auxquels elles sont exposées et sur leur propre incidence sur la population et l'environnement ».

Le projet de directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises introduit des exigences plus détaillées en matière de rapports et veille à ce que les grandes entreprises soient tenues de publier des informations concernant des questions de durabilité comme les droits environnementaux, les droits sociaux, les droits de l'Homme et les facteurs de gouvernance.

Elle introduit aussi une exigence de certification des informations publiées en matière de durabilité ainsi que la meilleure accessibilité des informations , en imposant leur publication dans une section spécifique des rapports de gestion des entreprises.

Le groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG) sera chargé d'établir les normes européennes, sur avis technique de plusieurs agences européennes.

Les règles de l'UE en matière d'informations non financières s'appliquent à toutes les grandes entreprises et à toutes les sociétés cotées sur les marchés réglementés. Ces entreprises sont également responsables de l'évaluation des informations au niveau de leurs filiales .

En ce qui concerne les entreprises non européennes , l'obligation de fournir un rapport de durabilité s'applique, pour toutes les entreprises générant plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires net dans l'UE, et qui ont au moins une filiale ou succursale dans l'UE . Ces entreprises doivent fournir un reporting sur leurs impacts dits ESG, c'est-à-dire sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, tels que définis dans cette directive.

Le reporting doit être certifié par un auditeur ou un certificateur indépendant accrédité . Afin de garantir que les entreprises respectent les règles du reporting , un auditeur ou un certificateur indépendant veillera à ce que les informations sur la durabilité soient conformes aux normes de certification adoptées par l'Union. Le reporting des entreprises non-européennes doit également être certifié par un auditeur européen ou établi dans un pays tiers.

Le date du premier reporting a été décalée d'un an par rapport aux premières versions de la directive.

En effet, selon l'accord provisoire, les entreprises soumises à la NFRD, soit les entreprises de plus de 500 salariés, devront appliquer la nouvelle CSRD à partir de janvier 2025 sur l'exercice de 2024. Les autres entreprises (nouvellement assujetties) publieront les informations en 2026 sur l'exercice de 2025.

Les règles de reporting s'appliquent également aux PME cotées, qui disposent toutefois d'une période transitoire, durant laquelle ces dernières auront la possibilité d'appliquer ou non la directive. Le premier reporting des PME cotées est ainsi attendu pour 2027 sur l'exercice 2026, même s'il pourra être repoussé jusqu'en 2029.

Une fois la directive CSRD adoptée, le travail normalisateur ne sera pas achevé.

Il faudra, dans un premier temps, imposer la double matérialité comme standard mondial.

Comme indiqué plus haut, lors que l'ISSB prône la mise en oeuvre d'une analyse de matérialité simple, également qualifiée de matérialité financière, laquelle ne prend en compte que l'approche « Outside-In », à savoir les informations qui concernent les impacts positifs et négatifs que l'Environnement (économique, social, naturel) exerce sur l'entreprise 77 ( * ) , l'Europe recourt au concept de la double matérialité depuis la Directive européenne comptable (2013/04/EU), qui a inspiré la DPEF.

Avec la prochaine directive CSRD, la double matérialité a été clairement exposée comme un prérequis du reporting ESG des entreprises. Il s'agit d'ajouter à l'approche « Outside-In » retenue par l'ISSB, la vision « Inside-Out », qui intègre les informations relatives aux impacts négatifs et positifs de l'entreprise sur son environnement économique, social, ou naturel.

Source : OID, février 2022

Dans cette approche, la matérialité dépend de facteurs internes et externes, notamment des intérêts et attentes des parties prenantes et des impacts des activités : sous l'angle de la gravité, de la fréquence et de la réversibilité présente et potentielle des impacts.

L'EFRAG a publié en janvier 2022 un working paper consacré aux lignes directrices conceptuelles de la double matérialité.

En l'état, ce document de travail laisse aux entreprises et à leurs conseils le soin d'élaborer leur propre méthodologie . Les entreprises devront en démontrer la robustesse qui devra faire l'objet de la vérification de l'Organisme Tiers Indépendant (OTI) et devra, transparence oblige, être explicitée dans la future CSRD.

Les lignes directrices de l'EFRAG sur la double matérialité

Ligne directrice 1 - L'égale importance entre la matérialité financière et la matérialité d'impact . La Taskforce confirme dans ce document de travail que de la double matérialité est la seule approche de la matérialité à s'inscrire dans la voie de la transition énergétique, écologique et sociale voulue par l'Union Européenne. Les deux matérialités sont interdépendantes. Le point de départ de l'analyse de matérialité est supposé être l'évaluation de la matérialité de l'impact, car un impact de durabilité peut devenir financier lorsqu'il se traduit ou est susceptible de se traduire à court, moyen et long terme par des effets financiers.

Ligne directrice 2 - Identification des thèmes de durabilité. Dans sa rédaction actuelle, la Taskforce indique que c'est « le board » de l'entreprise qui doit identifier les sujets de durabilité et les structurer avant d'effectuer l'évaluation de la matérialité, sur la base à venir des thèmes ESG que la CSRD fournira. Il est par ailleurs précisé « qu'afin d'effectuer l'évaluation de l'importance relative et de développer les exigences de divulgation, une granularité plus élevée que celle fournie par la directive peut être nécessaire ». Il s'agira surtout d'impliquer la gouvernance de l'entreprise et de montrer comment, in fine, elle validera le contenu de la CSRD.

Ligne directrice 3 - Parties prenantes concernées et utilisatrices. Avant de préciser quelles sont les parties prenantes à prendre en compte, le document de travail signale que pour chaque sujet de développement durable identifié, le Board doit identifier les parties prenantes et les utilisateurs pertinents, ainsi que leurs besoins d'information, comme base du processus de décision sur l'importance relative de ce sujet. Il doit par ailleurs s'assurer que l'impact sur toutes les parties prenantes concernées est pris en compte, et pas seulement en fonction des besoins de l'entreprise.

Ligne directrice 4 - Chaîne de valeur et horizons temporels. L'importance d'un sujet de durabilité doit être évaluée sur l'ensemble de la chaîne de valeur et sur tous les horizons temporels (court, moyen et long terme).

Ligne directrice 5 - Différenciation entre les déclarations concernant les parties agnostiques, sectorielles et spécifiques. Au côté des thèmes de durabilité communs à toutes les entreprises, il y aura lieu de prendre en compte la spécificité de son secteur d'activité en fonction des exigences juridiques sectorielles de l'UE, des objectifs de durabilité spécifiques au secteur, ainsi que les accords et normes internationaux concernant les questions de durabilité approuvées par l'UE, sans oublier les bonnes pratiques sectorielles. Enfin, l'entreprise pourra définir des thèmes ESG spécifiques à son activité économique en expliquant les raisons de leur inclusion.

Ligne directrice 6 - Matérialité des sujets non matures. Dans certaines situations, un sujet particulier lié au développement durable peut être considéré par le Board comme important, quand bien même il ne serait pas possible de déterminer des exigences de divulgation spécifiques qui garantiraient une information pertinente et fiable sur les résultats des politiques des entreprises en la matière. Dans ce cas, il faudra tendre à fournir des éléments d'information et des indicateurs qui permettent à l'entreprise d'évaluer son exposition aux impacts et aux risques pertinents pour son activité.

Ligne directrice 7 - Matérialité découlant des politiques, des objectifs et de la législation de l'UE en matière de durabilité. Cette approche a la priorité sur l'évaluation de la matérialité du point de vue de l'impact et du point de vue financier, comme indiqué dans la ligne directrice 1 et développée dans les lignes directrices 8 et 9.

Ligne directrice 8 - Processus d'évaluation de la matérialité de l'impact à réaliser par le Board. 3 pages sont consacrées à ce processus organisé en 5 étapes avec un souci de détails destiné à éliminer le manque de fiabilité de l'approche de la matérialité d'impact. Les résultats finaux du processus d'évaluation de l'importance relative de l'impact peuvent être présentés avec une granularité sectorielle.

Ligne directrice 9 : Processus d'évaluation de la matérialité financière à réaliser par le Board. Cette ligne directrice définit un processus à suivre par le Board pour évaluer l'importance d'un sujet de durabilité d'un point de vue financier. Le processus comprend un mécanisme d'évaluation qui vise à atteindre un certain degré d'objectivité et de comparabilité. Tout résultat obtenu par l'utilisation du mécanisme d'évaluation doit être pondéré par un jugement d'expert et des ajustements seront souvent nécessaires à la suite de cet exercice d'équilibrage avant la finalisation de l'évaluation.

Source : RSE Reporting, 8 février 2022.

La double matérialité constitue la pierre angulaire de la future CSRD, ce qui implique d'en assurer une mise en oeuvre fiable et pertinente. Le document de travail publié par le groupe de travail de l'EFRAG « ne laisse planer aucun doute sur le sérieux qui sera exigé de la part des entreprises assujetties en matière d'analyse de matérialité. Cela ne laisse nullement augurer d'une simple formalité, d'un simple exercice de conformité réglementaire » 78 ( * ) . L'analyse de double matérialité à produire va nécessiter un saut qualitatif d'importance pour nombre d'entreprises.

Quel en sera le calendrier ? Les premiers standards européens de reporting de durabilité ( European Sustainability Reporting Standards - ESRS), préparés par l'EFRAG, devront être adoptés par la Commission d'ici juin 2023 et couvrir l'ensemble des aspects Environnement, Social et Gouvernance (ESG) qui seront communs à toutes les entreprises de tous secteurs. Les suivants, attendus 12 mois plus tard, en juin 2024 , devront traiter de ces mêmes aspects ESG secteur par secteur, mais également prévoir des exigences adaptées aux PME, et d'autres encore propres aux entreprises non européennes concernées par la directive CSRD.

Ces normes, pour lesquelles une consultation publique a été organisée entre avril et août 2022, comportent plus de 130 obligations de reporting disclosure requirements »), chacun desquels nécessiterait concrètement de produire plusieurs « data points » (éléments d'information, narratifs et/ou quantitatifs) pour être pleinement satisfaits.

Cette consultation publique aurait suscité 1 000 pages de commentaires. Elle conduirait à ramener le nombre d'items à environ 80 , l a majorité étant optionnelle pendant une période de 3 ans, en distinguant les informations non financières du périmètre contrôlé et celles qui relèvent de la chaîne de valeur.

L'étape de la transposition de la directive sera également importante, ne serait-ce que pour traduire et préciser les notions-clés de la directive.

Pour préparer cette étape, la plateforme RSE a constitué en mai 2022 un groupe de travail consacré à la notion d'impact , à ses instruments, ses usages et ses implications, afin de clarifier la notion, d'analyser sa montée et les différentes méthodologies d'évaluations et de mesures associées. Le groupe de travail entend dresser le panorama de cette notion, en lien avec les évolutions réglementaires européennes en matière de reporting extra-financier, notamment la future directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et les objectifs de développement durable (ODD). Les travaux se poursuivent à l'automne 2022.

D. LE DEVOIR DE VIGILANCE : UN RISQUE DE CHEVAUCHEMENT DES LÉGISLATIONS NATIONALE ET EUROPÉENNE

1. Une proposition de directive plus contraignante pour les entreprises

La France a été pionnière dans ce domaine avec la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre. Elle a été suivie par l'Allemagne en 2021, puis une douzaine de pays européens dont les législations nationales ont des champs d'application et des périmètres différents, ce qui a rendu nécessaire une harmonisation européenne.

Le devoir de vigilance fait obligation aux grandes entreprises d'élaborer, de publier et de mettre en oeuvre des mesures adaptées d'identification des risques dans leurs chaînes d'approvisionnement , donc en amont, et de prévention des atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes, à l'environnement.

En mars 2021, le Parlement européen a adopté une résolution en la matière, visant à ce que la Commission européenne établisse une proposition de législation à l'échelle européenne. Suite à cette résolution, la Commission européenne a publié le 23 février 2022 une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, visant à favoriser un comportement durable et responsable des entreprises tout au long des chaines de valeur mondiales. Cette proposition de directive, inspirée par la législation française, entend ainsi lutter contre les incidences négatives des activités des entreprises concernées sur les droits de l'Homme et sur l'environnement.

Selon la proposition de la Commission , la directive devrait s'appliquer aux entreprises suivantes :

• toutes les sociétés à responsabilité limitée de l'UE de grande taille et ayant un pouvoir économique important (employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d'affaires net supérieur à 150 millions d'euros à l'échelle mondiale) ;

• les sociétés ressortissantes de l'UE comptant entre 250 employés et 500 salariés et ayant réalisé un chiffre d'affaires net mondial de plus de 40 millions d'euros, dont 50 % ou plus provient d'un secteur d'activité considéré comme risqué [16] ;

• les sociétés ressortissantes de pays tiers ayant réalisé un chiffre d'affaires net supérieur à 150 millions d'euros au sein de l'UE, tous secteurs d'activité confondus ;

• les sociétés ressortissantes d'un pays tiers ayant réalisé un chiffre d'affaires net entre 40 et 150 millions d'euros millions d'euros dans l'Union, à condition qu'au moins 50 % ait été réalisé dans un ou plusieurs secteurs d'activité considérés comme risqués.

Ce champ d'application est donc plus large que celui de la loi française de 2017, laquelle s'applique actuellement aux sociétés de plus de 5 000 salariés et dont le siège social est établi en France ou aux entreprises de plus de 10 000 salariés dont le siège social est établi en France ou à l'étranger

Selon une étude 79 ( * ) , le champ d'application matériel de la proposition de directive concerne un spectre d'entités et de contrats plus large que celui visé par la loi française : « en effet, la future législation européenne prévoit que les atteintes aux droits humains et à l'environnement devront être appréhendées au prisme des activités même de l'entreprise, mais également de ses filiales et de toute autre relation d'affaires établie en lien avec sa chaine de valeur. A contrario, seules les activités des entreprises visées par le texte, celles des sociétés qu'elles contrôlent, de ses sous-traitants et de ses fournisseurs sont appréhendées par la loi française. En l'état actuel du texte européen, les atteintes aux droits humains et à l'environnement, réelles ou potentielles seraient à appréhender par les entreprises alors même que la loi française se contente d'enjoindre d'atténuer les risques ou de prévenir uniquement " les atteintes graves " ».

Le caractère plus contraignant du texte européen est également avéré s'agissant des obligations assignées aux entreprises.

En premier lieu, la proposition de directive va plus loin que la loi française en obligeant les entreprises à intégrer le respect des droits humains et de l'environnement dans leurs valeurs et leurs pratiques de management, grâce à l'inscription des due diligence dans les politiques internes de l'entreprise avec l'élaboration obligatoire d'un code de conduite , d'une définition de l'approche globale du devoir de vigilance par l'entreprise ainsi qu'une description des mesures mises en place pour faire respecter sa politique en la matière. L'élaboration d'un business model et d'une stratégie d'entreprise compatibles avec une économie durable sont également prévus.

En second lieu, les mesures de prévention sont plus nombreuses et diversifiées dans la proposition de directive que dans la loi française. Des mesures tant contractuelles que financières et stratégiques sont ainsi prévues. L'article 7 prévoit notamment l'insertion de clauses adaptées au risque dans les contrats commerciaux ; la possibilité pour les entreprises de conclure des contrats avec des partenaires indirects dans le but de faire respecter le Code de conduite de l'entreprise ou le plan d'action préventive si les mesures déjà prises en amont n'ont pu éviter ou atténuer les incidences négatives de l'activité de l'entreprise ; l'impossibilité de nouer de nouvelles relations commerciales ou d'étendre des relations commerciales existantes pour lesquelles le risques d'atteinte aux droits humains et à l'environnement ne peut être évité ou limité par des mesures appropriées ; l'obligation de suspendre ou mettre fin aux contrats commerciaux ne permettant pas d'éviter les atteintes aux droits humains ou à l'environnement lorsque la loi régissant le contrat le permet ; la possibilité pour les entreprises de mettre fin à leurs relations d'affaires lorsque celles-ci mettent en péril les droits humains et l'environnement.

L'article 8 prévoit l'obligation de mettre en place des mesures propres à faire cesser les atteintes qui auraient été commises par les entreprises.

Enfin, la proposition de directive propose de créer une autorité de contrôle disposant de pouvoirs d'enquête et de sanction et s'organisant en réseau avec les autorités de contrôles des autres Etats membres. Si les manquements détectés par cette autorité engendrent des dommages, le texte prévoit également que les entreprises concernées peuvent engager leur responsabilité civile . La loi française de 2017 prévoit déjà la possibilité de saisir le juge avant tout dommage, dans le but de contraindre l'entreprise à respecter ses obligations légales.

Cette dernière devrait donc être profondément adaptée pour mettre en oeuvre la directive, laquelle implique également une importante adaptation des pratiques commerciales des entreprises concernées.

Le Sénat a pris position sur cette proposition de directive .

La commission des affaires européennes en a en effet délibéré le 28 juin 2022 80 ( * ) et la proposition de résolution 81 ( * ) adoptée suite à cet examen est devenue résolution du Sénat le 1 er août 2022 82 ( * ) . Elle contient des observations sur plusieurs points fondamentaux : la définition des entreprises soumises au devoir de vigilance ; la définition du périmètre de vigilance ; la concrétisation de la notion clé de proportionnalité ; la mise en oeuvre des mesures de vigilance ; le rôle des parties prenantes ; le contrôle du respect des obligations de vigilance par les entreprises ; la place faite aux victimes ; la gouvernance des entreprises ; enfin, la cohérence avec d'autres législations européennes.

S'agissant des entreprises visées par la Commission en raison de leur puissance économique (« groupe 1 »), le Sénat a notamment préconisé de relever les seuils d'application à 1 000 salariés pour « ne pas surcharger les entreprises de plus petites taille », la loi française de 2017 retenant un effectif (consolidé) de 5 000 salariés, la loi allemande, un effectif de 3 000 salariés en 2023 puis 1 000 à compter de 2024.

S'agissant des entreprises dont l'activité est considérée comme à fort impact (groupe 2), les seuils proposés font que des PME seraient directement soumises au devoir de vigilance. Dans la mesure la résolution propose que le où la Commission ne justifie pas cette approche, seuil de chiffre d'affaires soit aligné sur celui de la recommandation de 2003 actualisée définissant les PME/TPE, soit 50 millions d'euros, au lieu des 40 millions prévus .

2. Un nouveau défi pour les entreprises

La législation sur le devoir de vigilance a développé une culture éthique de la RSE, constituant un facteur d'attractivité pour les jeunes salariés désireux de rejoindre des entreprises vigilantes en la matière.

Toutefois, la législation française de 2017 souffre d'une insuffisante précision des notions clés qui déterminent son champ d'application, faute de la publication des décrets d'application. Cette carence affaiblit l'application de la loi et place les entreprises dans une situation de grande insécurité juridique.

Une harmonisation européenne était d'autant plus nécessaire que : « la multiplication des obligations, couplée au manque de précision des textes de référence en la matière, accroît la complexité réglementaire et l'incertitude pour les entreprises, tout en les exposant à des risques spécifiques en l'absence d'un cadre juridique harmonisé au sein du marché unique européen. En l'état, et comme l'ont souligné à maintes reprises les travaux parlementaires, le défaut d'harmonisation européenne pourrait conduire la loi Devoir de vigilance à engendrer certaines distorsions de concurrence entre les entreprises françaises et européennes de taille similaire, intervenant dans le marché français, mais qui ne seraient pas tenues au respect des dispositions de la loi française, faute de disposer d'une filiale d'au moins 5 000 salariés en France » 83 ( * ) .

La proposition de directive offre davantage de sécurité juridique en précisant, d'une part, des notions clés telles que les « incidences potentielles ou réelles sur les droits de l'homme et sur l'environnement » ou encore les « relations commerciales établies » et, d'autre part, la nature des actions de prévention et d'atténuation des risques qui pourraient être déployées par les entreprises. Elle prévoit de surcroît une cause d'exonération de responsabilité pour les entreprises 84 ( * ) . Cependant, « en dépit des efforts substantiels de clarification entrepris par la Commission européenne, afin d'assurer la clarté et l'intelligibilité des dispositions de la proposition de directive, plusieurs interrogations et imprécisions demeurent dont on peut souhaiter qu'elles trouvent leurs réponses dans le cadre des négociations au sein du Conseil et entre ce dernier et le Parlement européen » selon ces experts 85 ( * ) .

Dans sa position de principe du 26 septembre 2022 86 ( * ) , la CPME souligne cependant le « fardeau administratif non négligeable » que représentent les obligations de publication ( reporting ) et considère que l'obligation de vigilance devrait rester un acte volontaire pour les PME afin de ne pas les pénaliser « compte tenu de leurs moindres ressources ». Cependant, même si elles sont exclues des seuils d'effectifs pour l'application de la directive, leur inclusion dans une chaîne de valeur les conduit mécaniquement à effectuer ce reporting .

En outre, cette question des seuils se retrouve dans d'autres textes européens en cours d'adoption telles que la directive CSRD ou la taxonomie verte européenne. Pour la CPME, il est essentiel « d'assurer la cohérence de ces différents textes et l'harmonisation des standards de reporting » pour assurer aux PME la nécessaire sécurité juridique qu'elles attendent.

S'agissant de la définition des chaînes de valeur , cinq ans après l'adoption de la loi de 2017, sa traduction législative de « relation commerciale établie », selon la définition donnée par l'article L. 225-102-4 du code de commerce, reste floue et son interprétation jurisprudentielle encore incertaine . De plus, elle ne correspond pas à la notion de relations d'affaires , retenue par les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, par les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme et qui a été introduite dans le droit de l'Union européenne en 2014 87 ( * ) . En revanche,

Le rapport d'information de la commission des Lois de l'Assemblée nationale n°5124 du 24 février 2022 sur l'évaluation de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, des députés Coralie DUBOST et Dominique POTIER, plaide pour une notion large du devoir de vigilance, incluant « l'ensemble de la chaîne de valeur des entreprises donneuses d'ordre dès lors qu'il existe une relation d'affaires », rejoignant ainsi la position de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme sur ce projet de directive 88 ( * ) .

L'important est toutefois la dynamique créée par ces textes au-delà de l'analyse juridique de leur champ d'application. On peut considérer que cette législation constitue un « levier pour lutter contre le dumping social et environnemental de compétiteurs sur lesquels ne pèse aucune obligation équivalente » et un avantage comparatif au profit des PME engagées dans cette démarche, à la condition que celles-ci soient accompagnées et non laissées face à « une logique de pure conformité , qui peut décourager même les PME les plus motivées. Pour faire du devoir de vigilance un authentique levier de compétitivité et de développement « business », l'enjeu réside dans la recherche du raisonnable et de l'effectivité. Prétendre traiter tous les enjeux, sans se doter des moyens appropriés, est le plus sûr moyen de décevoir, et c'est autant valable pour une très petite entreprise (TPE) qu'une entreprise multinationale » 89 ( * ) .

La démarche préconisée par l'Assemblée nationale en février 2022 de confier le contrôle 90 ( * ) des obligations légales en matière de devoir de vigilance 91 ( * ) à une autorité administrative, serait certainement contre-productive en instaurant une gestion administrée, paradoxalement susceptible de conduire à un relâchement des efforts des entreprises pour maîtriser leurs chaînes de valeur.

E. LA RSE À L'ÉCHELLE DU PRODUIT EST-ELLE À LA PORTÉE DES ENTREPRISES ?

Deux nouvelles obligations fixées par le législateur font descendre le référentiel RSE de l'entreprise, dans sa globalité, vers ses productions de biens, agricoles ou manufacturés.

1. L'affichage environnemental

L'affichage environnemental permet une comparaison de produits pour sensibiliser le consommateur sur l'impact environnemental de sa consommation et, ainsi, faire évoluer ses pratiques vers des produits issus de mode de production, transformation et distribution moins impactants sur ce plan.

Pour les produits alimentaires, l'article 90 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte 92 ( * ) a visé à encadrer les allégations environnementales -pour lutter contre l'écoblanchiment- et l'affichage environnemental des produits alimentaires basés sur une vision multicritère. Les entreprises qui choisissent de communiquer sur l'aspect environnemental de leur produit doivent décrire l'ensemble de ses caractéristiques principales.

La « feuille de route économie circulaire » (FREC) de 2018, a entendu « déployer l'affichage environnemental volontaire des produits et des services dans les cinq secteurs pilotes (ameublement, textiles, hôtels, produits électroniques et produits alimentaires) et l'étendre à d'autres secteurs ».Ceci a été réalisé par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), qui a introduit un dispositif d'affichage environnemental, ou environnemental et social, volontaire pour tous les secteurs (et a minima pour celui du textile-habillement), en prévoyant l'établissement de décrets pour définir les méthodologies et l'affichage à suivre en cas de mise en oeuvre.

L'article 15 93 ( * ) de la loi AGEC prévoyait une expérimentation, pour les produits alimentaires, qui a été conduite de février 2020 à décembre 2021, englobant 18 projets pilotés par l'ADEME. Le rapport remis au Parlement par cette dernière en janvier 2022 94 ( * ) a conclu à la « faisabilité à court terme d'un dispositif d'information techniquement opérationnel, généralisable et scientifiquement pertinent ». Cet affichage : « devrait être structurant à la fois pour les entreprises et les consommateurs en terme de transition écologique ». Toutefois, « son déploiement opérationnel nécessite encore plusieurs mois de travaux, afin de corriger et compléter la méthodologie ACV 95 ( * ) , de pouvoir proposer des données génériques de qualité, de mettre à disposition des opérateurs un outil de calcul facile d'utilisation, de prévoir un système de vérification et de définir la gouvernance qui encadrera le dispositif ». Il souligne que « la maîtrise des coûts de déploiement du dispositif sera un enjeu majeur pour assurer son adoption ».

Le rapport de l'ADEME prévient toutefois que ce dispositif ne pourra atteindre son objectif de large couverture du secteur agroalimentaires « uniquement si ses coûts de mise en place sont maîtrisés ». Ces coûts sont supportés en partie par les acteurs publics « pour le développement des composantes méthodologiques, la mise à disposition des données génériques et d'un outil de calcul homologué, et en partie par les acteurs privés, pour la collecte des données spécifiques/semi-spécifiques, la saisie dans l'outil des données permettant l'évaluation d'un grand nombre de références, la mise à disposition de l'affichage aux consommateurs) ».

Pour les entreprises, l'expérimentation a, selon l'ADEME, « démontré que des dispositifs à coûts très bas ( autour de 1€/référence pour l'Eco-score, hors frais d'affichage et de contrôle) étaient possibles lorsque ceux-ci se basent sur des données génériques ou semi-spécifiques publiques uniquement, étant donné que le principal poste pour les opérateurs concerne la collecte des données, et le contrôle de celles-ci. Au contraire, dans le cas où il est nécessaire de collecter des données spécifiques ou de réaliser des études PEF 96 ( * ) complètes, les coûts atteignent rapidement plusieurs milliers d'euros par référence ».

L'étude estime ainsi indispensable, dans la perspective d'un déploiement à large échelle du dispositif, de « fixer un coût limite faible pour l'opérateur pour un premier niveau de calcul, sur la base de données génériques et semi spécifiques publiques ».

Ce coût pour les entreprises est l'angle mort des rapports produits ou des expérimentations conduites. Ce sujet avait été abordé de façon elliptique dans un avis du Conseil national de la consommation de 2013 97 ( * ) , n'est pas abordé dans l'avis du Conseil économique social et environnemental de 2019 98 ( * ) , et n'est pas suffisamment approfondi par les expérimentations menées par l'ADEME.

Par ailleurs, CCI France 99 ( * ) considère les labels « extrêmement nombreux et, de ce fait, peu lisibles », tandis que l'ADEME en recense plus de 100 100 ( * ) .

CCI-France juge que : « l'ajout d'un indice supplémentaire à cet ensemble pléthorique ne permettra pas d'atteindre le but visé sauf à rationaliser les labels existants. En tout état de cause, pour que l'outil proposé ait un intérêt, il faut que la décision d'y faire référence relève d'un choix stratégique de l'entreprise et non d'une obligation légale ou réglementaire. Il est par ailleurs essentiel qu'il soit simple et qu'il intègre des informations concernant le lieu de fabrication du produit, afin d'encourager les circuits courts ».

Il préconise donc de « rationnaliser les très nombreux labels existants avant de crée de nouveaux dispositifs d'affichage ».

L'enjeu du coût de l'affichage environnemental pour l'entreprise conditionne également la réussite de l'affichage social, nouvelle obligation RSE qui se surajoute à la précédente.

2. L'affichage social

L'article 2 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience » a introduit dans le code de l'environnement l'obligation, pour un certain nombre de produits et services déterminés, d'un affichage relatif aux impacts environnementaux ou aux impacts environnementaux et au respect de critères sociaux :

« Un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux impacts environnementaux ou aux impacts environnementaux et au respect de critères sociaux d'un bien, d'un service ou d'une catégorie de biens ou de services mis sur le marché national est rendu obligatoire, dans les conditions et sous les réserves prévues à l'article L. 541-9-12 » (Art. L.541-9-11 du code de l'environnement).

Cet affichage couvre l'impact environnemental sur l'ensemble du cycle de vie du produit considéré, intègre différents enjeux environnementaux et tient compte des externalités associées aux modes de production évaluées scientifiquement. L'affichage devra se traduire par un marquage visible et accessible au consommateur lors de l'acte d'achat.

L'affichage social fera l'objet d'une expérimentation pour une durée maximale de 5 ans .

Cette nouvelle obligation s'ajoute aux dispositions du Code de la consommation établissant une obligation d'information sur les conditions sociales de fabrication des produits mentionnés à l'article L.113-1 du Code de la consommation. L'articulation entre ces deux exigences n'est pas claire et est source d'insécurité juridique pour les entreprises.

Ce problème d' équilibre entre un affichage social inutile parce que trop peu exigeant, et donc inefficace, ou trop exigeant, et donc incompatible avec les contraintes financières et matérielles des entreprises , a été soulevé d'emblée par la Plateforme RSE dans son avis de février 2022 consacré à ce sujet 101 ( * ) .

La définition de critères objectifs, accessibles et pertinents des « conditions sociales de production, notion qui mériterait d'être précisée tout comme, en matière de RSE, les « indicateurs de biodiversité » ou la mesure de la « performance globale », fait l'objet de cet avis.

Par ailleurs, le champ d'application de cette obligation concerne toutes les entreprises mais seulement certains biens et services qui seront précisés par décret « au terme et après évaluation des expérimentations » (article L.541-9-12 du Code de l'environnement).

Or, comme le souligne la plateforme RSE : « on peut facilement anticiper que toutes les entreprises n'auront pas les mêmes capacités pour mettre en oeuvre un affichage social . Le cas des plus petites entreprises (entreprises personnelles mais aussi TPE et petites PME) doit notamment faire l'objet d'un examen plus attentif. En effet, une petite entreprise ne supporte pas intégralement le coût d'un affichage social sur les produits qu'elle vend aux particuliers. D'une part, elle est informée par chaque entreprise opérant aux étapes en amont : par exemple, une entreprise personnelle de boulangerie peut s'appuyer sur l'affichage social que devra faire la meunerie qui l'approvisionne (à l'exemple du bio) puisque celle-ci met aussi en marché de la farine et des autres produits conditionnés pour les ménages, et donc devra disposer de l'information. D'autre part, le périmètre à évaluer est souvent beaucoup plus limité pour ces petites entreprises : par exemple, une société de services informatiques aux particuliers ne fait que présenter l'affichage social réalisé par ses fournisseurs de produits numériques (accès, terminaux, programmes) qui vendent aussi directement aux ménages et constituent surtout l'entreprise qui met en marché le produit final ».

Ce surcoût dans la mise en oeuvre d'un affichage social pour ces petites entreprises est estimé a minima et à titre indicatif, à 5 000 euros par produit.

La recommandation n° 8 de la Plateforme RSE est donc de « vérifier les conditions de l'affichage social par toutes les entreprises, en évaluant les coûts économiques et les gains effectifs ou potentiels, pour une entreprise, d'un modèle d'affaires intégrant un affichage social. Une attention particulière sera apportée aux facteurs facilitant ou pénalisant l'équilibre d'un tel modèle d'affaires pour les TPE-PME ».

Le périmètre d'un affichage social couvre, selon la Plateforme, « l'ensemble des personnes morales et physiques qui concourent au cycle de vie du produit fini, depuis l'extraction des matières premières nécessaires jusqu'à la commercialisation et le traitement du déchet ultime, ainsi que les tiers concernés par les activités afférentes à ce cycle de vie ». Elle propose de reprendre pour l'affichage social le périmètre de la chaîne d'approvisionnement défini pour les plans de vigilance par la loi relative au devoir de vigilance, référence qui présente l'avantage de s'appuyer sur une définition légale existante plutôt qu'en créer une nouvelle, problème souvent dénoncé par les entreprises. Cependant, elle estime qu'il « conviendra de prendre en compte les conséquences négatives qui découleraient de la reprise de ce périmètre pour les PME et TPE lors de l'élaboration de cet affichage ». Cette inquiétude aurait mérité d'être précisée.

La Plateforme RSE évoque, dans son rapport, la nécessité d'une étude plus détaillée pour, d'une part, faciliter l'engagement des petites entreprises et, d'autre part, préciser les situations pour lesquelles il faudrait « reconsidérer l'ambition de l'affichage social ». Ceci pourrait être interprété comme une préconisation d'abandon pour les TPE et PME, par exemple en exemptant les entreprises en deçà d'un seuil d'effectif de salariés.

Lors de la discussion parlementaire à l'Assemblée nationale de la loi Climat et résilience, les différents représentants des dirigeants d'entreprises avaient fait connaître leur avis sur ce dispositif.

Si le MEDEF n'était pas opposé à ces dispositions et considère même que « ces mesures permettent d'envoyer un signal important aux consommateurs ». M. Geoffroy Roux de Bézieux avait toutefois relevé que ce système n'aurait d'intérêt que s'il était harmonisé au niveau européen , sans quoi il ne constituerait qu'une contrainte supplémentaire pour les industriels et une distorsion de concurrence .

La CPME avait jugé la mise en oeuvre de cette obligation prématurée , au regard des dispositions précédentes de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite AGEC), adoptée en 2020, dont nombre de décrets d'application n'ont toujours pas encore été publiés. De plus, l'expérimentation de l'affichage volontaire, prévu par la loi AGEC, n'a pas fait l'objet d'un bilan en bonne et due forme.

S'agissant de l'U2P , cette dernière avait émis des réserves sur ce dispositif compte-tenu de la complexité de sa mise en oeuvre pour les TPE et PME, se disant très vigilante sur la mise en oeuvre de cette obligation qu'elle considère comme une nouvelle « contrainte » pour les PME.

F. LE BILAN D'ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE EST-IL À LA PORTÉE DES PME ET TPE ?

Depuis la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle 2), les personnes morales de droit privé employant plus de 500 personnes en France métropolitaine (ou 250 dans les régions ou départements d'outre-mer) dont le siège social est situé sur le territoire national ou qui y disposent d'un ou plusieurs établissements stables, doivent réaliser, pour leurs activités en France, un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) couvrant les scopes 1 et 2 102 ( * ) .

Ce bilan doit être réalisé tous les quatre ans et doit être accompagné d'un plan de transition qui détaille les objectifs, les moyens et les actions envisagés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et, le cas échéant, les actions mises en oeuvre lors du précédent bilan. Les manquements à l'établissement ou à la transmission du BEGES peuvent être sanctionnés par une amende d'un montant maximum de 10 000 euros (et 20 000 euros en cas de récidive).

L'article 244 de la loi de finances pour 2021 a prévu d'y soumettre 103 ( * ) les entreprises de plus de 50 salariés dès lors qu'elles ont bénéficié d'aides dans le cadre du plan de relance , y compris des crédits ouverts au titre de l'activité partielle.

Ce bilan est simplifié et couvre le scope 1 au sens de la norme ISO 14064-1 104 ( * ) . Il doit être réalisé au 31 décembre 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés ; puis au 31 décembre 2023 pour les entreprises de 51 à 250 salariés.

Au-delà même, de ce cas particulier qui peut concerner les très petites PME, le BEGES a été récemment étendu .

Le décret n° 2022-982 relatif aux bilans d'émissions de gaz à effet de serre du 1 er juillet 2022 a en effet modifié le Code de l'environnement « afin de le mettre en cohérence avec les dispositions de la loi n° 2019-1147 relative à l'énergie et au climat. Il rend possible l'établissement d'un bilan consolidé des émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble des sociétés d'un groupe, sans limitation aux seules entreprises ayant le même code de nomenclature des activités françaises de niveau 2. Le décret modifie également le périmètre des émissions obligatoirement prises en compte dans l'établissement du bilan d'émissions, en intégrant les émissions indirectes significatives qui découlent des opérations et activités de l'organisme sauf pour les entreprises concernées non soumises à la déclaration de performance extra-financière » selon sa présentation.

Jusqu'à présent, les BEGES s'appliquaient aux scopes 1 et 2 des émissions, c'est-à-dire aux émissions directes de gaz à effet de serre liées aux activités et aux émissions indirectes de CO 2 liées à la production d'énergie, sous forme d'électricité ou de chaleur. Il devait servir à l'élaboration d'un plan d'action pour les entreprises de plus de 500 salariés et de plus de 250 salariés en Outre-Mer.

Désormais, le décret étend le périmètre des émissions de gaz à effet de serre à prendre en compte à celles du scope 3, soit à l'ensemble des autres émissions indirectes , pour les entreprises soumises à la déclaration de performance extra-financière (DPEF). Cela signifie que les entreprises de plus de 250 salariés réalisant 40 millions d'euros de chiffres d'affaires ou 20 millions d'euros de bilan devront également rendre compte de leurs émissions de scope 3, dans le cadre de la prochaine directive CSRD.

Or , selon une étude 105 ( * ) seulement 51 % des entreprises de l'échantillon prenaient en compte le scope 3 . Une majorité d'entreprises va devoir progresser pour calculer ce bilan. Cette obligation pèsera d'autant plus fortement que le décret a porté l'amende en cas de non-réalisation à 10 000 euros, voire au double en cas de récidive, contre 1 500 précédemment.

Le fait que les PME soient peu familières de l'exercice du BEGES inquiète de nombreuses entreprises. Ainsi, CCI France 106 ( * ) considère indispensable, la mise à disposition d'outils spécifiques . Le Gouvernement doit veiller « à ce que ces outils soient facilement utilisables par les entreprises. Cela suppose de proposer une méthodologie extrêmement simple et pédagogique, de sorte que son usage permette le développement de bonnes pratiques qui, avec le temps, pourront se renforcer. Il faut aussi éviter que l'utilisation de ces outils ne génère un accroissement de la production de documents, tendance trop souvent observée et qui affecte particulièrement les PME. Enfin, les CCI invitent les pouvoirs publics à prévoir une réévaluation des exigences périodiquement afin de les moduler, le cas échéant, et à adapter le calendrier si les premiers retours montrent un trop grand décalage entre ce qui est attendu et ce qui peut être effectivement réalisé ».

Il est toutefois relevé qu'il n'était pas prévu de sanctions en cas de manquement à l'obligation de publier un bilan simplifié ou à l'obligation de mise à jour périodique ni d'exiger des entreprises défaillantes le remboursement des aides allouées ou de suspendre les allocations versées en cas d'activité partielle.

CCI France invite donc l'État à « faire preuve de souplesse, pédagogie et progressivité dans la mise en place du BEGES simplifié exigé dans le cadre du plan de relance », à proposer, dans les meilleurs délais, « une méthodologie extrêmement simple et pédagogique » et à veiller à ce que l'obligation de publier un BEGES simplifié « ne se traduise pas, pour les petites entreprises, par un accroissement disproportionné du nombre documents à produire ».

En dehors de cette obligation, comme les grandes entreprises doivent intégrer dans leur propre BEGES les « émissions indirectes significatives » 107 ( * ) , les PME et TPE incluses dans la chaîne de valeur doivent désormais être en mesure de pouvoir répondre à des demandes sur leurs propres émissions.

La fourniture d'un référentiel simplifié relatif aux émissions de gaz à effet de serre pour toutes les PME et TPE est donc une nécessité.

IV. FAIRE DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES UN ATOUT POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES

A. RENDRE ACCESSIBLE LA RSE À TOUTES LES ENTREPRISES

1. Simplifier et mettre en cohérence les normes RSE
a) Un choc de complexité à venir

Au niveau européen, un objectif général de simplicité est affiché avec le « programme pour une réglementation affûtée et performante » (REFIT) qui vise à faire en sorte que la législation de l'UE réalise ses objectifs « au moindre coût, au bénéfice des citoyens et des entreprises ».

Le Programme REFIT

Le programme REFIT fait partie du programme Mieux légiférer de la Commission. Dans ce cadre, cette dernière veille à ce que la législation de l'UE produise les avantages escomptés pour les citoyens et les entreprises, tout en simplifiant la législation existante et en réduisant les formalités administratives, dans la mesure du possible. Le programme vise à rendre la législation de l'UE plus simple, plus ciblée et plus facile à respecter.

Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises -- représentant 99 % de l'ensemble des entreprises de l'UE -- qui bénéficient de REFIT, car elles peuvent être particulièrement touchées par les lourdeurs et la complexité des règles.

Toutes les propositions de la Commission visant à modifier la législation existante de l'UE devraient avoir pour but de simplifier et réduire les coûts réglementaires inutiles, tout en réalisant les objectifs politiques sous-jacents. La nouvelle approche « un ajout, un retrait » (« one-in, one-out ») renforcera le programme REFIT en étendant sa portée au-delà des charges liées aux actes législatifs existants pour y inclure celles qui découlent des nouveaux actes législatifs, tout en gérant la charge cumulée de chaque domaine d'action.

Dans la pratique :

- Les analyses d'impact examinent les options disponibles pour atteindre les objectifs stratégiques de la manière la plus efficace possible, en prenant donc en compte la dimension REFIT.

- Toutes les évaluations et tous les bilans de qualité étudient la possibilité de simplifier la législation existante de l'UE et d'éliminer les coûts réglementaires inutiles.

- Le potentiel de simplification et de réduction de la charge est quantifié, dans la mesure du possible.

- La Commission présente la dimension REFIT dans l'exposé des motifs de ses propositions.

- Le programme de travail de la Commission comprend des propositions de révisions et des initiatives visant à évaluer la législation existante de l'UE dans son annexe REFIT.

- L'examen annuel de la charge fournit un aperçu des activités du programme REFIT au cours d'une année donnée.

La simplification et la réduction de la charge réglementaire que représente la législation de l'UE est une responsabilité partagée. Ces objectifs ne peuvent être atteints que dans le cadre d'une coopération étroite entre la Commission et les autres institutions de l'UE, les États membres et les parties concernées 108 ( * ) .

Source : Commission européenne.

Pourtant , les entreprises européennes de toutes tailles vont devoir absorber dans les prochains mois, et dans le contexte d'une situation économique dégradée, un choc de complexité sans précédent en matière de reporting .

Certaines grandes entreprises doivent déjà fournir des « indicateurs clés de performance (KPIs) » 109 ( * ) qui guident les entreprises sur les informations à fournir, d'une part, sur les impacts de leur activité sur le climat, et, d'autre part, sur les impacts du changement climatique sur leur activité (approche par la double matérialité) afin de faciliter une meilleure comparabilité des informations publiées par les entreprises.

Les indicateurs clés de performance (KPIs) recommandés par les lignes directrices de la Commission européenne

Émissions de gaz à effet de serre (GES) : Émissions directes de GES ; émissions indirectes de GES associées à la production d'électricité, de vapeur et d'énergie de chauffage/refroidissement acquises et consommées ; toutes les autres émissions indirectes de GES produites dans la chaîne de valeur de l'entreprise déclarante ; objectif d'émissions absolues de GES.

Énergie : Consommation et/ou production totale d'énergie à partir de sources renouvelables et non renouvelables ; objectif en matière d'efficacité énergétique ; consommation d'énergie renouvelable et/ou objectif de production.

Risques climatiques physiques : Actifs engagés dans des régions susceptibles d'être davantage exposées à des risques climatiques physiques aigus ou chroniques.

Finance verte : Ratio d'obligations vertes liées au climat et/ou Ratio de la dette verte liée au climat.

Taxinomie : Part du chiffre d'affaires tirée de produits ou de services associés à des activités répondant aux critères d'une contribution substantielle à l'atténuation du changement climatique ou à l'adaptation à celuici, et/ou part de l'investissement (CapEx) et/ou des dépenses (OpEx) relative à des actifs ou à des processus associés à des activités répondant aux critères d'une contribution substantielle à l'atténuation du changement climatique ou à l'adaptation à celui-ci.

Source : Panorama financier et extrafinancier du reporting carbone des entreprises,
AMF, décembre 2021.

L'Autorité des marchés financiers a réalisé un état des lieux 110 ( * ) du reporting financier et extra-financier de grandes entreprises à partir d'un échantillon de 19 sociétés françaises cotées (membres du SBF 120) appartenant à des secteurs fortement impactés par le changement climatique sur ces seuls enjeux. Elle constate que « si des progrès ont été accomplis depuis 2019, les prochaines échéances réglementaires européennes et les attentes croissantes de leurs parties prenantes obligent à accélérer les efforts » compte tenu du projet en cours de la future directive CSRD. En conséquence, l'AMF encourage « les entreprises de toutes tailles à se préparer aux nouvelles exigences et à veiller à la cohérence d'ensemble de leurs communications en ce qui concerne les enjeux climatiques ».

Risque climatique selon l'Autorité des marchés financiers :
les grandes entreprises doivent faire des efforts
en matière de reporting financier et extra-financier

S'agissant des données sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), l'étendue du périmètre organisationnel et opérationnel ( scopes ) à prendre en compte, ainsi que les éléments fournis pour le justifier et pour rendre compte de la méthodologie utilisée ont vocation à être améliorés ;

les entreprises doivent se préparer à définir et rendre publics des objectifs de réduction des émissions de GES sur les trois scopes à court et moyen terme, en valeur absolue et en intensité, que ce soit dans le cadre de plans de transition ou en lien avec des engagements de réduction des émissions de GES de l'entreprise, ou des approches de neutralité carbone ;

lorsqu'ils sont matériels, l'AMF encourage aussi les entreprises à renforcer leur transparence sur les risques physiques liés au réchauffement climatique auxquels elles sont confrontées, qu'ils résultent d'une modification des températures moyennes ou des régimes de précipitation ou de l'augmentation de la fréquence et de la sévérité des évènements climatiques extrêmes ;

l'AMF constate que très peu d'informations relatives aux impacts du changement climatique apparaissent aujourd'hui dans les états financiers des entreprises ; celles-ci doivent poursuivre leurs réflexions et travaux en ce qui concerne la prise en compte des conséquences du changement climatique dans les états financiers et s'assurer de la cohérence entre les informations présentées dans les comptes et les autres supports de communication de l'entreprise.

Concernant la neutralité carbone qui a fait l'objet de nombreuses annonces à la COP 26, l'AMF souligne que les entreprises devraient se référer aux cadres en train d'émerger qui définissent les précautions à prendre pour veiller à la robustesse et la transparence de cette démarche . Le recours à la compensation carbone, qui devrait croître de façon importante dans les années à venir, notamment en lien avec la multiplication des engagements de neutralité carbone des entreprises, est également analysé dans ce rapport que ce soit la nature des projets ou sa contribution à la stratégie de neutralité carbone.

Source : communiqué de presse de l'AMF, 16 décembre 2021.

b) Un choc difficile à absorber pour les ETI et PME

Si même les grandes entreprises doivent être accompagnées dans leur préparation au renforcement des exigences règlementaires, les exigences en matière de RSE à l'égard des ETI et PME doivent être modulées à l'aune de leurs capacités opérationnelles.

Lors du 4 ème Forum de Giverny du 2 septembre 2022, qui réunit les experts de la RSE, son secrétaire général, M. Romain Mouton, a rappelé que, pour les petites entreprises, la RSE « c'est trop compliqué... Les règles et procédures imaginées à Paris et à Bruxelles sont souvent des usines à gaz . Elles sont trop difficiles à appliquer au sein des petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les dirigeants de ces PME et ETI ont la tête dans le guidon. Ils n'ont malheureusement ni le temps ni l'énergie nécessaire pour s'intéresser à ce sujet, déjà qu'ils éprouvent de multiples contraintes réglementaires ».

Ainsi, la CPME proposait, lors de son audition le 17 février 2022 par la Délégation sénatoriale aux entreprises, de « se limiter à un volume d'indicateurs peu nombreux car aujourd'hui, les premiers textes, destinés aux grandes entreprises, sont très compliqués , avec des centaines d'indicateurs difficiles à renseigner, et qui nécessitent d'avoir une expertise et d'être accompagnés dans ces démarches. C'est pour cela que pour les PME, nous nous orientons vers quelque chose de plus simple, qui soit très directement lié à leurs enjeux sectoriels, à leur métier, qui soit transverse, et qui réponde à des critères de qualité ».

Lors de la consultation de l'EFRAG sur les projets de standards de durabilité, qui comportent 130 entrées 111 ( * ), la CPME a dénoncé, le 18 août 2022, leur « grande complexité », entraînant des « difficultés probables d'appréhension, de compréhension et de mise en application », d'autant que ces 130 indicateurs constituent un tronc commun qui sera complété par des informations spécifiques à chaque secteur.

La CPME demande une « priorisation dans les choix d'indicateurs à opérer en limitant par exemple le champ aux seuls indicateurs nécessaires aux acteurs financiers ou sur une partie limitée de la chaîne de valeur », l'adoption d'une « application progressive de ces obligations ainsi qu'une priorisation des informations à produire » et enfin d'assurer « une convergence entre les projets de standards IFRS sur la durabilité et ESRS notamment sur les volets relatifs à la matérialité financière que recouvrent les deux standards ».

Plus récemment, le 20 septembre 2022, lors de la table ronde organisée par la Délégation aux entreprises, le MEDEF , tout en souscrivant à l'objectif d'améliorer la responsabilité sociétale des entreprises, regrettait : « la multiplication d'initiatives avec des calendriers qui sont parfois non coordonnées, voire contradictoires, tant au niveau national qu'européen, fait que le cadre législatif et réglementaire est trop instable . Pour une entreprise, cela lui fait perdre de vue la réalité opérationnelle qui rendrait applicable ces mesures. Sans être opposés, nous constatons une incapacité à comprendre la cohérence et la finalité de l'ensemble, alors que nous avons besoin de stabilité et de visibilité, pour ne pas perdre de vue l'objectif initial du reporting et de la transparence des informations, qui sont des objectifs de pilotage et de transformation de nos entreprises et non pas des objectifs de compliance : nous parlons d'un objectif stratégique d'accompagnement de la transformation de nos entreprises et non pas de contrôle pour le contrôle » .

Le METI estime aussi nécessaire que : « ces textes européens et français soient en adéquation avec nos moyens et avec notre temporalité, dans un contexte économique très dégradé, et que ces textes se fondent sur des critères pertinents, en phase avec nos stratégies ».

Le METI souligne que ces entreprises sont « engagées par nature » dans la RSE et que cet engagement, inspiré par une vision de long terme, est « authentique et sincère » :

- 94,5% des ETI développent des actions spécifiques qui les engagent sur les plans social, sociétal et environnemental ;

- plus de 72% ont structuré une politique RSE pour leur entreprise ;

- près de 60% adoptent des labels et/ou des chartres pour mesurer leur progression sur le sujet de l'engagement (notamment : 48,5% des ETI privilégient la norme ISO 14 001, 39,7% les labels Ecovadis) ;

- pour 73,4% des dirigeants interrogés, la mise en place de dispositifs d'engagement a eu un impact positif et mesurable sur leur entreprise (meilleure implication des collaborateurs, amélioration du recrutement, amélioration de la performance économique de leur entreprise) ;

- plus de 45% des ETI ayant assorti leur politique RSE d'indicateurs de suivi suivent moins de 10 indicateurs, près d'une ETI sur 3 suit déjà entre 10 et 20 indicateurs, plus de 57% des ETI estiment que 10 à 15 indicateurs permettent d'évaluer correctement la performance extra-financière d'une ETI et près de 30% estiment que 20 à 30 indicateurs sont nécessaires.

Or, « l'inflation des obligations déclaratives, si elle est décorrélée des moyens et spécificités des ETI, risque de brider cet engagement plutôt que de l'encourager », car les directives en cours d'adoption menacent de s'appliquer de manière similaire aux ETI et aux grandes entreprises « même si une temporalité différente s'appliquera ce qui constitue déjà une avancée notable », car même si la Commission Européenne et le Parlement intègrent progressivement dans la législation des dérogations et un calendrier spécifique pour les « midcaps », la catégorie des ETI n'est pas reconnue à l'échelle européenne. Il faut veiller à ce que le cadre normatif soit proportionné aux moyens des ETI et adapté à leurs spécificités.

Les ETI ayant déjà recours à de nombreux indicateurs pour piloter leur stratégie RSE, « il convient donc de s'appuyer sur les critères existants plutôt que de les démultiplier sans les harmoniser ».

Pour l'U2P , qui regrette une « complexification totale », « il faudrait conserver le caractère volontariste de nos initiatives environnementales, sociales et sociétales », toutes les 120 fédérations adhérentes à l'U2P ayant mené des actions collectives en matière de RSE, « qu'il s'agisse des professions libérales, des coiffeurs, des esthéticiennes, des boulangers, des bouchers, etc... ».

Le MEDEF considère en revanche qu'il faut une « incitativité de la politique publique pour aller plus loin que le volontariat » car « le volontariat ne suffira pas : si on veut faire rapidement la grande transformation de tous, il faut des incitations » et propose, à cet effet, d'utiliser le CII (crédit d'impôt innovation), des appels d'offre aménagés, ou la conditionnalité des exigences réglementaires.

Certaines PME et ETI y parviennent toutefois à effectuer ce changement profond de paradigme et de pilotage intégrée et « pratiquent la RSE sans le savoir », comme l'a indiqué M. Arnaud Haefin, président de la commission affaires européennes de la CPME et chef d'entreprise 112 ( * ) .

La mise en oeuvre de ces normes dans les entreprises représentera pour elles un défi . Alors même que les grandes entreprises pratiquent depuis 2014 la déclaration de performance extra-financière 113 ( * ) , certifiée par un tiers indépendant, le contenu de l'information à rendre publique va s'élargir et se complexifier considérablement.

Le paradoxe est qu'il est demandé aux entreprises, en matière climatique, « une cohérence d'ensemble » et une « articulation des différents supports de communication (DPEF, rapports TCFD et climat, états financiers, communiqués, etc.) » qu'elles utilisent pour communiquer sur leur stratégie et leurs actions vis-à-vis du changement climatique alors que ces demandes d'informations se sont accumulées sans réelle cohérence entre les différents acteurs , voire au sein d'un même acteur, comme l'Union européenne .

La CPME demande à ce que les entreprises soient « accompagnées afin qu'elles s'améliorent, notamment en intégrant la RSE dans des « process » et des stratégie s ». Pour toutes ces entreprises, et pour bénéficier de financements et ainsi se développer, « elles devront à terme remplir les critères RSE », ce qui est « inéluctable ».

Au regard de la récente mise en oeuvre des règlementations relatives à la taxinomie et la SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ), une experte 114 ( * ) indique que : « la première a dû être découplée entre éligibilité et alignement, tant son contenu technique est ambitieux et sa mise en oeuvre, complexe. Les entreprises concernées ont dû sprinter pour produire des indicateurs financiers reflétant leur degré d'éligibilité - dont beaucoup cherchent encore à trouver l'intérêt, dans la mesure où c'est le degré d'alignement qui est censé guider les décisions d'investissement des investisseurs, lequel a toutes les chances d'être sensiblement inférieur au degré d'éligibilité et ne sera connu que dans un second temps. Pour des raisons d'incohérence de calendrier et de temps incompressible de préparation, la mise en oeuvre de la seconde a également dû être repoussée d'un an, à juin 2023, sur deux aspects : les indicateurs « Principales Incidences Négatives » qui dépendent de ce que demanderont les ESRS... à partir de 2024 au plus tôt... le problème n'est donc toujours pas résolu ! ; et la collecte des préférences des investisseurs finaux en matière d'investissement, responsable ou pas, qui ne peut se faire sans un minimum de sensibilisation (éducation ?) des uns et des autres au sujet. On a voulu aller vite pour avoir des résultats rapidement... on a surtout créé beaucoup d'agitation et de tâtonnements, engendré des coûts et au final, pas mal de confusion ».

Ces futurs standards de reporting extra-financier devront être garants d'une information pertinente, comparable et de grande qualité, « mais vouloir aller trop vite trop loin, c'est prendre le risque de mettre les entreprises dans une situation impossible , de provoquer une attitude « tick the box » 115 ( * ) plutôt qu'une approche résolument responsable et constructive, qui résultera inévitablement en une information confuse, peu comparable et pertinente ».

L'ampleur des changements à opérer plaide en faveur « d'une gradation de l'ambition en fonction de la maturité du sujet couvert, et d'une souplesse dans la mise en oeuvre , en augmentant progressivement le niveau de détail attendu ».

Il faut, pour le MEDEF 116 ( * ) , « travailler à un cadre lisible, stable et cohérent sur les obligations s'appliquant aux entreprises », « simplifier le mille-feuille réglementaire et introduire le même niveau d'exigence chez nos partenaires : ONG, pouvoirs publics, institutions publiques, acteurs publics notamment ».

Il ne doit pas être perdu de vue que les entreprises se heurtent à un défaut d'harmonisation, à la fois intra-européenne et entre l'Union européenne et le reste du monde, dans un environnement compétitif dégradé eu égard à la crise énergétique. Les normes RSE ne sauraient créer un décalage compétitif supplémentaire particulièrement dommageable entre les entreprises européennes et extra-européennes. Il faut engager résolument un chantier non seulement d'harmonisation mais aussi de simplification en la matière. Cela vise par ailleurs à limiter les rentes de complexité qui se développent au gré de l'inflation des normes et aux dépens des entreprises.

Recommandation n° 1 :

Établir un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières demandées, en fonction de la taille et des moyens de l'entreprise, en respectant la confidentialité de sa stratégie.

2. Réussir la transposition de la directive CSRD
a) Assurer la cohérence et la lisibilité

Tous les représentants des entreprises auditionnés par la Délégation aux entreprises ont fait part de leur crainte de ne pouvoir répondre aux nouvelles obligations de la directive.

La CPME demande en particulier le retour de seuil de 50 millions de chiffre d'affaires et de 500 salariés : « à 40 millions de chiffre d'affaires, il inclut désormais mon entreprise, et encore, je ne suis pas une ETI ! Qui va réaliser ce travail de requête d'information, si ce n'est le chef d'entreprise, au détriment de ses clients et de ses salariés ? Nous demandons instamment le retour à la définition de la PME de 2003 », selon M. Arnaud Haefelin, président de la Commission affaires européennes de l'organisation patronale.

Au-delà de la question du seuil, toutes les PME risquent d'être incluses dans le champ de la directive en raison du « ruissellement de ces directives : une PME incluse dans une chaîne d'approvisionnement ou de chaîne de distribution va être responsable des deux, aux niveaux n+1, n+2, n+3... Mais aussi n-1, n-2, n-3 ! Où cela s'arrête-t-il, nous n'en savons rien : aux matières premières ? Mais quelle complexité, pour un chef d'entreprise de PME de contrôler sa chaîne d'approvisionnement et sa chaîne de distribution ! On évoque le caractère « bien établi » dans les relations commerciales. Qu'est-ce que cela signifie précisément ? Nous n'avons aucune définition. Quid des études d'impact, fondamentales, qui ont été mal réalisées jusqu'à présent ? Ou des garanties contractuelles non-adaptées et des mesures d'accompagnement insuffisantes ? ».

La Plateforme RSE insiste également sur ce devoir de cohérence « afin d'avoir des normes et des logiques partagées » 117 ( * ) . Elle estime que les textes européens, et notamment Taxonomy, CSRD, ainsi que l'initiative gouvernance durable et la future directive sur le devoir de vigilance, « sont intrinsèquement liés. Or, leurs calendriers respectifs d'adoption, qui se chevauchent en partie, pourraient soulever des incertitudes quant à leur applicabilité et à la cohérence des obligations qu'ils mettent en place ». Elle insiste sur le « besoin de clarification concernant la cohérence entre CSRD et la future législation sur le devoir de vigilance ».

Elle souligne le « véritable besoin de compréhension globale concernant les différents textes (reporting extra-financier, règlement Taxonomy, et gouvernance durable et devoir de vigilance). Un manque de clarté peut être préjudiciable à la mise en oeuvre effective des textes et au suivi de ces derniers. Le reporting doit être utilisable dans les faits par les entreprises et répondre aux attentes des parties prenantes en étant compréhensible, crédible et accessible ».

La Plateforme RSE relèvent que les entreprises françaises sont toutefois déjà « acculturées » à la RSE en raison d'une législation précoce et d'une pratique relativement établie de la DPEF, du devoir de vigilance ou de la loi Sapin 2.

Toutefois, et compte tenu de l'importance des enjeux et de la bonne compréhension des exigences, certains termes , tels que « résilience », « actifs immatériels », « chaîne d'approvisionnement » ou encore « matérialité » devront être précisés afin d'éviter toute interprétation. Une vigilance devra être apportée à la cohérence des termes employés suite à la traduction des différents textes lors de leur transposition. En particulier, la Plateforme RSE recommande de ne pas traduire sustainability par durabilité.

Les recommandations textuelles de la Plateforme RSE

En matière de traduction, une vigilance devra être accordée aux termes : « duty of care » ou encore « directors » notamment, qui peuvent recouvrir des « réalités » différentes. Dans le cadre du reporting ESG, le terme « non-financial reporting » sera désormais remplacé par le terme « sustainability reporting », soulignant le changement qualitatif du reporting et la cohérence voulue entre le financier et l'extra-financier. Concernant la traduction à venir du terme « sustainability », la Plateforme RSE souligne l'importance du choix des mots, et regrette que la version française actuellement disponible du projet de directive ait été traduite par le terme « durabilité », créant un doute sur la mise en oeuvre de la double matérialité. Si le terme « sustainability » est généralement traduit par « durabilité » au sein des diverses organisations internationales et dans les textes en matière de finance durable notamment, la future traduction pourrait, en harmonie avec le titre anglais de la future directive et en s'inspirant des traductions dans les langues latines voisines du français (i.e. : sostenibilidad , sostenibilità , sustentabilidade ), reprendre le terme « soutenabilité ». En effet, ce terme rend compte plus clairement des enjeux environnementaux et sociaux, et permet d'être en harmonie avec le titre de la future directive. On s'intéresse ici aux enjeux de soutenabilité pour la planète et non pas pour les entreprises.

Source : « La RSE, un enjeu européen. Contribution aux travaux de la présidence française
du Conseil de l'Union européenne », avis d'octobre 2021.

Le volume d'information exigé par ces textes européens est considérable. Pour recueillir les informations demandées, les logiciels des entreprises doivent être adaptés et monter en puissance. La fiabilité des informations fournies dépendra également de la montée en compétence des salariés que les entreprises dédieront au reporting .

Or, le manque de ressources humaines qualifiées risque de créer une embolie dans un contexte général de pénurie de main d'oeuvre qui pénalise les entreprises.

b) L'absence d'un seuil pour les ETI

En l'état, la directive prévoit que seront soumises à la rédaction du rapport de durabilité les grandes entreprises , qui dépassent deux des trois seuils suivants :

1. total de bilan supérieur à 20 millions d'euros,

2. un chiffre d'affaires net supérieur à 40 millions d'euros,

3. un nombre de salariés moyen supérieur à 250.

Contrairement aux textes actuellement en vigueur, il n'est pas exigé que ces grandes entreprises soient des sociétés cotées.

Depuis 2014, la diffusion d'informations non financières en France étant réservée aux sociétés anonymes dépassant 100 millions d'euros de total de bilan, 100 millions d'euros de chiffre d'affaires et 500 salariés permanents.

L'innovation de la directive est d'englober les PME cotées, jusqu'à présent épargnées, de l'obligation de publication non-financière. Il serait toutefois possible à ces PME cotées de limiter la communication d'informations relatives à la durabilité, à titre transitoire, et uniquement si elles en font la demande, selon une procédure d'opt out.

En revanche, il n'existe pas d'obligation allégée pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), définies depuis l' article 51 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie comme les entreprises dont l'effectif est inférieur à 5 000 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 1,5 milliard d'euros ou dont le total de bilan n'excède pas 2 milliards d'euros.

Globalement, l'Union européenne ne reconnaît pas cette catégorie d'entreprises. Pourtant, le caractère indifférencié des obligations déclaratives risque de susciter pour cette catégorie d'entreprises un choc de complexité que des obligations allégées auraient pu éviter.

c) Prendre en considération la spécificité des PME

L a spécificité des PME doit être prise en considération dans l'application de la directive CSRD.

Ce point a fait l'objet d'une négociation particulièrement serrée 118 ( * ) . Ainsi, le compromis du 16 février 2022 obtenu au sein du Conseil a-t-il prévu une période de transition au cours de laquelle de la flexibilité serait accordée aux PME pour la fourniture d'informations sur les chaînes de valeur 119 ( * ) :

« En ce qui concerne les PME, plusieurs délégations ont souhaité exclure l'ensemble des PME du champ d'application. D'autres délégations ont demandé d'encadrer davantage le contenu des obligations en ce qui concerne la publication d'informations demandées aux PME (normes simplifiées), aussi bien dans le cadre du reporting obligatoire des PME cotées que dans le cadre du reporting volontaire des autres PME. La présidence a renforcé la possibilité pour les PME de limiter les informations à fournir (à l'exclusion des PME qui sont également maison mère de grandes entreprises) (...)

Plusieurs délégations ont évoqué les difficultés que pourraient rencontrer les entreprises à recueillir des informations des différents acteurs de leur chaîne de valeur, notamment des PME. Le compromis prévoit que ces difficultés seront prises en compte dans l'élaboration des standards, en déclinant de manière proportionnée les obligations de publications et en tenant compte en particulier des entreprises incluses dans les chaînes de valeur qui ne sont pas soumises aux obligations de cette directive. De plus, il a été explicité que pendant une période de transition de trois ans, les entreprises qui ne sont pas en mesure de fournir certaines informations en raison de l'absence de données de la part des entreprises présentes dans leurs chaînes de valeur, notamment des PME, pourront bénéficier d'une flexibilité ».

Une dérogation ( opt-out ) sera possible, pendant une période transitoire, pour les PME, ce qui veut dire qu'elles seront exemptées de l'application de la directive jusqu'en 2028.

Pour l'AFEP , l'initiative européenne en cours pose encore certaines difficultés :

- sur le champ d'application : de nombreux concurrents des entreprises européennes ne sont pas cotés dans l'UE et ne remplissent pas les critères des grandes entreprises visées par CSRD parce qu'ils opèrent, par exemple, depuis des Etats tiers comme la Suisse ou le Royaume Uni ou à partir de plateformes numériques. Il est indispensable d'inclure ces sociétés dès lors qu'elles dépassent un certain seuil de chiffre d'affaires mondial - à déterminer - et qu'elles proposent des biens ou des services dans l'UE ;

- sur la publication systématique d'informations prospectives , les entreprises anticipent d'une part des risques juridiques, et d'autre part le risque de devoir divulguer des informations commercialement sensibles alors que leurs concurrents non européens, y compris ceux opérant dans l'UE, ne sont pas contraints au même degré de transparence. Alors qu'en matière financière, il n'existe aucune obligation de publier des données prospectives, les entreprises ne devraient pas se voir imposer une obligation de publication de données extra-financières prospectives, d'autant qu'en matière environnementale et sociale, les marges d'erreur sont, par nature, plus importantes. Il est donc indispensable de laisser de la souplesse et de la liberté aux entreprises sur la manière de présenter les principaux thèmes de reporting exigés par CSRD ;

- sur les actifs incorporels : CSRD prévoit une transparence sur les incorporels, y compris sur les capitaux intellectuel, humain, social et relationnel. La valorisation de ces actifs n'est pas suffisamment mature , et même si cela était possible, elle ne fournirait pas une information utile et pertinente. En l'absence de définition précise de ces actifs et de méthodologie robuste pour les mesurer, les informations sur les actifs incorporels doivent être purement qualitatives et non quantitatives ;

- sur la diligence raisonnable , CSRD ne doit pas anticiper la future législation européenne sur le devoir de vigilance annoncée par la Commission. La proposition de directive soumet les entreprises à des obligations de transparence étendues sans pour autant définir ce que signifie un « processus de diligence raisonnable ». Or, comme l'a montré la négociation de la loi française sur le devoir de vigilance, il s'agit d'un concept particulièrement complexe et difficile à mettre en oeuvre qui nécessite un débat spécifique. La directive CSRD ne doit pas être un prétexte pour anticiper de nouvelles obligations et le même sujet ne doit pas être traité dans deux textes/négociations différents .

Pour la CPME , la pertinence des standards proposés, leur compréhension, leur fiabilité et leur adéquation avec les moyens mis en place pour y répondre doivent constituer les objectifs poursuivis.

Or, la grande complexité des standards est vectrice de charges importantes tant pour les PME directement assujetties que pour les PME incluses mécaniquement dans la chaîne de valeur :

- pour les PME assujetties, il devra être tenu compte d'une double extension de ces nouvelles obligations aux entreprises dont l'effectif salarial est compris entre 250 et 500 personnes , contre un seuil de 500 précédemment, ainsi que des PME cotés « qui n'auront pas forcément les moyens humains et de gestion pour y répondre », et aux entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 40 millions d'euros contre 50 précédemment. Les entreprises qui entrent dans le champ d'obligation de la directive CSRD en raison d'une croissance de leur chiffre d'affaire devraient pouvoir bénéficier d'un délai suffisant pour s'adapter aux nouvelles exigences et ne pas subir brutalement une charge administrative déraisonnable.

- pour les PME susceptibles d'être incluses dans la chaîne de valeur, une information claire sur son assujettissement doit lui être fournie par la grande entreprises afin qu'elle puisse se préparer également à ces nouvelles exigences de reporting .

La CPME a ainsi alerté la Délégation aux entreprises lors de son audition du 20 septembre 2022 sur le fait que les projets de standards préparés par l'EFRAG « ne sont en l'état pas adaptés » et qu'un « important travail de simplification et de hiérarchisation des indicateurs est nécessaire pour les rendre utiles et opérationnels ».

Elle demande la fusion d'informations 120 ( * ) , afin que la lecture globale soit plus fluide, et d'éviter les redondances pour une meilleure compréhension, de préciser la frontière entre obligations de reporting et obligations de mise en application, de préciser nombreux termes utilisés, lesquels appelent à être harmonisés avec les différents textes européens, d'ajuster la granularité des informations demandées afin « de ne pas introduire dans les standards des données qui seraient excessivement complexes à collecter au vu de leur pertinence au regard du reporting demandé et compte-tenu de la charge qui en résulterait pour les entreprises de la chaîne de valeur, ou bien non comparables ni consolidables car non harmonisées au niveau européen

Ces informations extra-financières ne devront pas contenir d'indicateurs portant sur des modèles économiques ou des projets stratégiques, qui pourraient nuire à la compétitivité des entreprises européennes sur les marchés mondiaux en divulguant des informations stratégiques et devant rester confidentielles pour des questions de concurrence.

D'une manière globale, les 130 indicateurs actuels « apparait bien trop important surtout que les obligations de divulgation visées ici sont uniquement celles du tronc commun et qu'elles devront être complétées par des informations spécifiques à chaque secteur ».

La CPME préconise ainsi une application progressive de ces obligations ainsi qu'une priorisation des informations à produire en se concentrant dans un premier temps sur un certain nombre d'indicateurs. : « pour chaque standard thématique, un périmètre de reporting restreint pourrait être défini, incluant les informations essentielles, et un périmètre étendu avec les informations non essentielles. La mise en place progressive du standard permettrait de se concentrer d'abord sur les informations de base avant de passer aux informations non essentielles ».

Afin de s'assurer que les dispositions qui sont prises soient applicables, adaptées et réalistes pour les PME, qu'il s'agisse des entreprises cotées assujetties ou de celles situées dans la chaîne de valeur des plus grandes, la CPME préconise le recours à un « Test PME» permettant d'éprouver le caractère opérationnel de ces standards.

Pour la Plateforme RSE 121 ( * ) , la formalisation du cadre de reporting volontaire devra être simplifiée : « Tout standard dédié aux PME devra être facile d'accès, clair et proportionné. Il devra tenir compte d'une approche sectorielle, ce qui n'est pas contradictoire avec un tronc commun d'indicateurs. Le nombre d'indicateurs devra être limité et équilibré par pilier ». Elle note par ailleurs l'existence de nombreuses initiatives volontaires sectorielles portées par les PME.

Elle se prononce pour une approche sectorielle différenciée, en développant un standard dédié aux PME facile d'accès, clair et proportionné, tenant compte d'une approche sectorielle et en appliquant un principe de proportionnalité..

Recommandation n° 2 :

Appliquer progressivement les nouveaux référentiels RSE dans les ETI et PME après avoir réalisé un test d'opérationnalité par un tiers indépendant.

Recommandation n° 3 :

Accompagner les ETI et PME par une simplification des normes et une approche sectorielle différenciée.

d) Permettre aux entreprises européennes de se battre à armes égales

Le projet de directive prévoit que seules les entreprises non européennes ayant un chiffre d'affaires net de plus de 150 millions d'euros et exerçant une activité au sein du marché unique européen devront publier un reporting sur leurs impacts ESG. Par ailleurs, la vérification dans les pays non européens par des tiers indépendants doit être robuste.

En réalité, ce seuil de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires 122 ( * ) , qui est aligné à celui du projet de directive sur le devoir de vigilance. Il rétablit une égalité de concurrence avec les partenaires non européens en les soumettant aux mêmes obligations de reporting dès lors que ces entreprises non européennes font partie d'une même chaîne de valeur. Il s'agit d'une extraterritorialité très profonde permettant de rétablir une égalité de concurrence. En effet, la notion de « relations d'affaires établies stables » dépasse largement la notion de « fournisseurs de rang 1 ».

Par ailleurs, le contrôle de certification des entreprises non européennes sera apprécié par la Commission européenne et devra être de qualité équivalente à celui exigé pour les entreprises européennes.

Sur ces deux points, une vigilance particulière est nécessaire. Il apparaît en effet important, afin de garantir la compétitivité des entreprises européennes par rapport à leurs concurrents non européens, de veiller à une équivalence d'exigences relatives à la publication d'informations en matière de durabilité. Il aurait été plus efficient de retenir, pour les filiales de ces entreprises non européennes, les deux seuils pris en considération pour les entreprises européennes (total de bilan supérieur à 20 millions d'euros, chiffre d'affaires net supérieur à 40 millions d'euros). Cela aurait dû être possible car la directive sur la publication d'informations pays par pays 123 ( * ) a déjà établi les méthodes de calcul du chiffre d'affaires net pour les entreprises non européennes, alors qu'une telle méthodologie n'existe pas pour calculer le nombre de salariés des entreprises de pays tiers.

Ces éléments devront être suivis avec attention afin de garantir une égalité de concurrence entre entreprises européennes et non-européennes actives au sein de l'Union européenne.

Recommandation n° 4 :

Assurer un traitement identique de reporting extra-financier pour les entreprises non européennes.

e) Garantir l'autonomie européenne des données ESG

Une manière d'encadrer l'action des agences de notations, majoritairement sous contrôle américain, serait d'exiger d'elles une standardisation de leurs référentiels et un accroissement de leur robustesse.

Une autre voie est de garantir un accès libre aux données financières et extra-financières que les entreprises devront produire massivement à brève échéance.

Ainsi, la Plateforme RSE avait demandé que la présidence française du premier semestre 2022 puisse contribuer à la création d'une agence publique d'évaluation européenne , « qui pourrait capter cette activité et valoriser les données produites par les entreprises soumises à la CSRD », laquelle pourrait s'appuyer sur la BCE, les agences ESG encore indépendantes en Europe et un acteur européen des technologies. « Cette agence européenne pourrait prendre un leadership dans l'intégration des données financières et non financières, dans la création de référentiels sectoriels mis à la disposition des PME et dans la création de nouvelles offres d'intelligence économique. La gouvernance d'une telle agence devrait être la plus représentative possible et inclure les différentes parties prenantes des entreprises ».

Pour l'Institut français des administrateurs, « l'accès à la donnée extra-financière pourrait être facilité par l'ambition de l'Europe de se doter d'une base de données ESG européenne en accès libre » 124 ( * ) .

La création d'un point d'accès unique à l'information réglementée publiée par les sociétés cotées européennes ( European Single Access Point - ESAP), a été inscrite dans la feuille de route du nouveau plan pour l'Union des marchés de capitaux, afin de permettre d'accéder gratuitement via une plateforme à l'ensemble des données financières et extra-financières découlant des obligations réglementaires s'imposant aux sociétés cotées.

Une harmonisation est indispensable compte-tenu de la grande hétérogénéité dans les méthodes de collecte de fiabilisation et de traitement des données, qui sont à l'origine d'importantes divergences dans les évaluations des performances extra-financières produites.

Celles-ci s'expliquent en effet non seulement par l'absence de consensus sur la définition de l'extra-financier mais aussi et surtout sur la manière de mesurer un même concept. La littérature académique montre également que le résultat de l'évaluation dépend de la personne qui attribue la note (« Rater effect ») mais aussi de la quantité d'information disponible sur l'entité notée (plus elle est importante, plus les notations divergent).

Pour l'Autorité des marchés financiers 125 ( * ) , « ces résultats mettent en lumière la nécessité pour les agences de notation de garantir des processus de notation rigoureux et transparents . Or, à cet égard, le niveau de transparence est à l'heure actuelle et en règle générale trop faible et lacunaire pour permettre aux investisseurs de comprendre la signification des notations, leur portée et leurs limites. Une plus grande transparence de la part des agences de notation extra-financière apparaît donc nécessaire. Elle concerne à la fois : les sources des données utilisées, les méthodes utilisées pour leur fiabilisation et l'amélioration de leur complétude ; les méthodes, processus et modes de rémunération des notations ; l'identification et la gestion des conflits d'intérêts ». Il faut donc saisir l'occasion de la mise en oeuvre de la directive CSRD pour favoriser la création d'un « normalisateur européen du reporting extra-financier », qui aura la charge d'édicter les règles encadrant le contenu du reporting et qui pourra s'inspirer des initiatives internationales existantes.

Comme le recommande l'Autorité des marchés financiers, ce rôle pourrait être confié à l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF, ou encore ESMA en anglais), autorité indépendante qui assure la surveillance des marchés financiers de l'Union européenne pour améliorer la protection des investisseurs d'une part, et d'autre part, promouvoir la stabilité des marchés financiers. Elle élabore les normes et les standards de régulation et de surveillance financière. Pour ce faire, elle réalise des orientations et des recommandations.

Recommandation n° 5 :

Confier à l'Autorité européenne des marchés financiers l'évaluation publique de l'information ESG.

3. Rendre la RSE économiquement supportable pour les entreprises

Les standards obligatoires en matière de RSE auront inévitablement un impact indirect sur les TPE-PME, même pour celles qui n'entrent pas directement dans le champ juridique des nouveaux textes européens.

Ainsi, les entreprises soumises à la CSRD seront amenées à demander des informations auprès de leur chaîne de valeur. Les TPE-PME devront répondre à de nouvelles demandes émanant d'entreprises entrant dans le champ d'application de la directive.

Comme Mme Sylvie Grandjean, chef d'entreprise et vice-présidente du METI en a témoigné 126 ( * ) : « dans mon entreprise de 200 salariés en région Centre-Val de Loire, un salarié à tiers-temps s'occupe de répondre aux statistiques de l'Insee. Avec ces nouvelles directives, il faudra passer à un temps plein. Ce coût diminuera d'autant les dépenses que nous pourrions affecter aux actions en faveur de la RSE. Ceci, parce que les textes actuels s'appliquent aux grands groupes comme aux ETI, sans différentiation ».

Or, il est fondamental que cet aspect soit pris en compte afin que les demandes formulées par les entreprises assujetties aux entreprises de la chaine de valeur ne soient pas excessives.

L'accumulation des obligations de reporting créé un changement d'échelle : « nous passons d'actions vertueuses et volontaires d'entreprises engagées à une sorte de `RSE data' » et le reporting extra financier constitue, pour la CMPE, « non seulement une contrainte mais une difficulté sans nom. Nous avons travaillé sur ces outils de reporting qui en sont aujourd'hui au stade de projet. Ils comportent, pour les grands groupes, 130 indicateurs d'une rare complexité. Il faut pouvoir les comprendre, pouvoir collecter les informations, renseigner ces standards. Or, il y a souvent une granularité dans l'information demandée qui est extrêmement difficile à obtenir ». Les PME demandent donc « de ne surtout pas décliner ces grands standards aux PME, mais d'en créer des spécifiques , avec un nombre limité d'indicateurs qui « parlent » aux métiers, y compris aux plus petites entreprises » et de valoriser « dans la commande publique et même par les grands donneurs d'ordre privés » les référentiels RSE sectoriels, qui ont été élaborés depuis 15 ans.

Pour une entreprise, le coût d'entrée global dans le périmètre de ces obligations de reporting a été évalué à 100 000 euros, selon une étude d'impact de la Commission européenne d'avril 2021 citée par Mme Sylvie Grandjean. Ce coût ne s'applique toutefois qu'aux demandes d'information concernant les grandes entreprises, et suppose qu'elles n'ont jamais collecté d'information dans le cadre de la DPEF.

Le coût de l'affichage environnemental a été évalué à 150 euros par produit affiché par l'ADEME dans le cadre de l'expérimentation sur 1 500 produits 127 ( * ) .À titre indicatif, « le coût minimal d'une analyse du cycle de vie sociale non personnalisée est estimé à 5 000 euros par produit , ce qui ne pèse pas de la même façon selon le montant de la valeur ajoutée dégagée par l'entreprise » selon la Plateforme RSE 128 ( * ) .

CCI-France demande ainsi que les obligations de reporting soient proportionnées et que « les plus petites entreprises ne soient pas contraintes de s'engager dans des processus lourds, complexes et coûteux, qu'elles ne sont pas en capacité de mettre en place », notamment pour l'obligation de vérification par un tiers indépendant, qui peut être très coûteux pour une entreprise.

La prise en compte de cette notion de limitation d'information et de proportionnalité apparait clairement dans le texte de compromis sur la CSRD 129 ( * ) .

Or, la difficulté vient du fait que les normes concernant les grandes entreprises seront adoptées avant celles concernant les PME alors qu'elles peuvent s'appliquer à ces dernières par ruissellement et que l'information demandée est trop ambitieuse en granularité et en profondeur pour ces PME. L'EFRAG devra revoir à la baisse le degré d'exigence des informations demandées aux PME et l aisser du temps pour élaborer normes spécifiques aux PME.

Il ne serait pas acceptable que , dans le cas où ces entreprises n'auraient pas la possibilité de transmettre de telles informations, elles soient évincées de certains marchés ou encore privées de financements.

Par ailleurs, les coûts pour les entreprises des différentes obligations en matière de RSE s'additionnent, car ces obligations sont conçues « en silo », et leur cumul, par catégorie d'entreprise, n'est jamais évalué.De même, la question de distorsion de concurrence pour conquérir des marchés à l'exportation n'est jamais posée clairement, alors que les entreprises européennes sont en compétition avec des entreprises qui n'ont pas encore les mêmes obligations et contraintes.

Recommandation n° 6 :

Établir une étude d'impact sur le coût financier et organisationnel, par catégorie d'entreprises, du cumul des obligations en matière de RSE.

4. Poursuivre les efforts de rapprochement des normes

La prise en compte de la « double-matérialité» qui est l'une des caractéristiques de la vision européenne du reporting ESG.

Il ne serait pas non plus économiquement supportable par les entreprises, et principalement les PME et ETI, de répondre à un double reporting international.

Il est indispensable d'assurer une convergence entre les projets de standards IFRS sur la durabilité et ESRS notamment sur les volets relatifs à la matérialité financière que recouvrent les deux standards.

Par ailleurs, ces futurs standards devront être interopérables afin que les entreprises assujetties n'aient pas à refaire l'exercice plusieurs fois sous des formats différents.

En outre, la cohérence avec d'autres exigences en matière de déclaration, par exemple celles de l'article 8 du règlement européen sur la taxonomie, doit être assurée. Dans cette perspective, il convient de garantir l'harmonisation des standards avec les termes déjà employés dans d'autres réglementations de l'UE.

Alors que les standards internationaux gardent une vision de simple matérialité financière, l'Union européenne fonde le cadre du reporting extra-financier sur les risques et opportunités auxquels sont exposées les entreprises, mais aussi l'impact de celles-ci sur la société et l'environnement.

Par nature, cette approche est plus complexe.

La double matérialité exige des standards afin de garantir une mise en oeuvre basée sur un processus formalisé, systématique et permettant une comparabilité entre les entreprises. Or, à ce stade, les orientations relatives à la manière d'effectuer une analyse de matérialité par une entreprise sont trop vagues et mériteraient d'être étayées. Ainsi, la CPME demande l'élaboration de guides méthodologiques accompagnant les différents standards afin d'expliciter à l'aide d'illustrations le processus d'analyse de matérialité des impacts, risques et opportunités (organisation, méthodologie, implication des parties prenantes...).

De plus, la mise en oeuvre du principe de double matérialité n'a pas vocation à imposer aux entreprises le traitement des attentes et besoins de toutes les parties prena ntes. Cela serait irréalisable et entraînerait la publication d'une quantité disproportionnée d'informations, dont beaucoup ne seraient pas significatives pour l'entreprise ni ses parties prenantes. Les principales parties prenantes de l'entreprise doivent donc être au préalable définies à travers la réalisation de l'analyse de matérialité.

Enfin, le principe de présomption de matérialité, même réfutable, n'est pas cohérent avec la directive CSRD car il appartient à l'entreprise de déterminer ce qui est matériel de ce qui ne l'est pas. En outre, l'obligation de justifier l'absence d'information rendrait la déclaration excessivement lourde et l'application de ce principe engendrerait des risques juridiques et de contentieux importants.

Pour le MEDEF , la directive CSRD aurait dû être un règlement afin de ne pas s'exposer au risque d'une transposition variable selon les pays. La transposition de la directive en France devra « ne pas complexifier des standards qui sont déjà denses et garantir un level playing field pour les entreprises françaises ».

Le standard proposé par l'EFRAG doit être « interopérable avec les standards internationaux en cours d'élaboration (Fondation IFRS, SEC américaine, programme de reporting ESG chinois...) sur les thématiques communes (principalement climat à ce stade) », en cas d'échec de la convergence et afin d'éviter aux entreprises un double reporting .

Ce nouveau reporting extra-financier doit être mis en place progressivement, par phases successives car : il existe à ce stade « plus d'une centaine de points d'informations sur des sujets ayant des niveaux de maturité très différents, pour des données qui ne sont pas encore produites par les entreprises et qui nécessitent des process humains et informatiques repensés. Tout ne peut pas être mis en place en une seule fois et le Medef, l'Afep et Acteo ont proposé dans leur réponse à l'EFRAG un ordre de priorisation :

• Commencer par les informations déjà requises aujourd'hui, ainsi que celles obligatoires pour les acteurs financiers (Principal Adverse Impact de SFDR).

• Introduire progressivement des informations relatives à la chaîne de valeur, car ce sont les informations les plus difficiles à construire, en particulier pour les nouveaux entrants.

• Avancer progressivement sur les 3 piliers du reporting développement durable (E, S et G) tout en tenant compte de l'inégale maturité des thématiques spécifiques (biodiversité par exemple) ».

Les standards de reporting doivent être solides et également usités : « pour cela il serait préférable de procéder par priorités afin de tester les indicateurs pertinents et de laisser le temps à des indicateurs moins matures d'être précisés, pour également garantir la qualité des données ».

L'abaissement du seuil de 500 à 250 salariés nécessite de la pédagogie car « les entreprises ne sont pas prêtes, la marche est déjà haute pour les entreprises actuellement soumises à la DPEF, et elle le sera d'autant plus pour les entreprises de taille moyenne ».

Pour les petites entreprises non soumises à la directive CSRD elles devront quand même donner des informations à leurs clients ainsi qu'à leurs interlocuteurs financiers. « Le cercle est in fine vertueux mais il est nécessaire de garder un principe de proportionnalité et d'utilité du reporting en tête. Le reporting ESG doit rester un outil de pilotage et pas une obligation de compliance ».

Recommandation n° 7 :

Poursuivre les efforts d'harmonisation des standards en promouvant le concept de double matérialité, financière et extra-financière.

B. CHANGER LE CLIMAT AU SEIN DES CONSEILS D'ADMINISTRATION

Le réchauffement climatique représente un défi pour les entreprises, lesquelles sont pourtant des acteurs majeurs pour sa maîtrise. Pourtant, la formation des membres des conseils d'administration des entreprises aux enjeux ESG reste insuffisante. Le niveau général de formation post-bac l'est tout autant.

1. Une prise de conscience globale des enjeux ESG
a) Les grandes entreprises promettent une neutralité carbone qu'elles ont du mal à respecter

Selon un rapport publié en février 2022 par le NewClimate Institute avec le soutien de l'ONG Carbon Market Watch , 25 des plus grandes entreprises du monde ayant pris des engagements de neutralité carbone n'atteindront qu'une réduction moyenne de 40 % de leurs émissions par rapport à 2019 .

Parmi elles, les promesses climatiques de Nestlé, Saint Gobain, Carrefour ou encore Unilever ont été classées comme ayant une très faible intégrité. Sur ces 25 grands groupes, qui représentent 5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiale et un chiffre d'affaires annuel combiné de 3200 milliards de dollars, seules trois entreprises se démarquent : Maersk, Vodafone et Deutsche Telekom qui ont réellement pris le chemin d'une décarbonation de plus de 90 % de leurs émissions sur l'ensemble de leur chaîne de valeur.

Est en cause le fait que très peu d'entreprises comptabilisent réellement les émissions générées lors de la consommation de leurs produits, ce que les experts qualifient de Scope 3. En moyenne, pour ces 25 entreprises, 87 % de leur empreinte carbone provient de ce scope 3. De même, la compensation carbone, pratique très controversée qui consiste à financer des projets de plantation d'arbres par exemple pour compenser ses propres émissions, est également pointée du doigt pour son faible impact réel.

Les conclusions de ce rapport rejoignent celui du cabinet BCG Gamma qui avait calculé en octobre 2021 que si une entreprise cotée sur cinq à travers le monde s'était engagée à atteindre la neutralité carbone, seulement 9 % mesuraient de façon précise ses émissions.

La fiabilité des outils de mesure des émissions et la complexité de la collecte des données et de leur traitement constituent des freins à une réelle maîtrise, par les entreprises, de leurs efforts de décarbonation .

b) Les conseils d'administration peinent à prendre l'ampleur des enjeux climatiques

Plusieurs études récentes ont souligné que, malgré une prise de conscience globale des enjeux ESG, notamment climatiques, les conseils d'administration peinaient à en tirer toutes les conséquences.

En 2022, selon l'étude de l'Institution français des administrateurs, la RSE s'implante dans les conseils d'administration des grandes entreprises du SBF 120 130 ( * ) . La part des conseils ayant un comité en charge de la RSE est passée de 25 % en 2015 à 64 % en 2021. La France est nettement en avance par rapport à la Grande-Bretagne (47 %) aux Etats-Unis (38 %) ou à l'Allemagne (8,1 %). 97 % des sociétés intègrent des objectifs RSE précis dans la politique rémunération de leurs dirigeants contre 50 % en 2018.

Toutefois, si la RSE fait indéniablement partie des préoccupations des membres de conseils, les sujets ne bénéficient pas tous du même degré d'attention . Une autre étude de l'IFA 131 ( * ) indiquait que, dans 63,9% des cas, les enjeux climatiques ne sont évoqués qu'occasionnellement, voire jamais, comme facteur de prise de décision par les membres du conseil. Face à ce constat, l'IFA, l'ORSE et PwC formulent plusieurs recommandations, parmi lesquelles former 100 % des membres des conseils à la RSE, une "compétence incontournable pour une gouvernance d'entreprise durable" afin d'en faire un sujet central.

En décembre 2021, une étude de l'INSEAD et d'un cabinet de conseil 132 ( * ) soulignait toutefois une relative déconnexion entre la prise de conscience des enjeux du changement climatique et les actions décidées pour y remédier .

75 % des administrateurs considèrent que l'enjeu du réchauffement climatique est très important pour le succès stratégique de leur entreprise.

63 % affirment que leur conseil dispose d'une très bonne compréhension des risques et des opportunités stratégiques que le changement climatique représente pour leur entreprise.

72 % se disent confiants quant à la capacité de leur entreprise à atteindre ses objectifs en matière de maîtrise du réchauffement climatique.

25 % constatent que leur conseil n'a consacré aucun temps à construire les scénarios en réponse du réchauffement climatique.

85 % reconnaissent que leur conseil doit accroître ses connaissances concernant le réchauffement climatique.

Presque la moitié (46 %) considère que leur conseil dispose d'une connaissance nulle ou insuffisante des implications du réchauffement climatique sur la performance financière de leur entreprise. Seuls 15 % estiment qu'il dispose d'une connaissance suffisante sur les implications du réchauffement climatique sur le modèle d'affaires.

Moins de la moitié ( 48 % ) considèrent qu'il est important de pouvoir s'appuyer, au sein du conseil, sur un administrateur disposant d'une expertise sur le climat. 69 % constatent que les connaissances sur le réchauffement climatique ne sont pas intégrées à la matrice de compétences de leur conseil. La même proportion indique que ce n'est même pas un critère dans le processus de sélection de nouveaux administrateurs.

49 % disent que le réchauffement climatique n'est pas (ou n'est qu'à la marge) intégré dans les décisions d'investissement de leur entreprise (il n'y est complètement intégré que pour 11%).

74 % déclarent que le réchauffement climatique n'est pas intégré (ou seulement à la marge) dans les indicateurs de performance utilisés pour l'évaluation des dirigeants (il ne l'est entièrement que pour 5 %).

Une autre étude du cabinet PWC publiée en octobre 2021 sur 851 administrateurs de grandes entreprises américaines confirme que, pour 64 % d'entre eux, les grandes entreprises ont compris que les enjeux de RSE doivent être liés à leur stratégie.

4 3 % des administrateurs considèrent que leur entreprise ne dispose pas encore de cibles précises en matière de réduction de ses émissions de carbone et 41% qui estiment avoir des cibles pour les émissions directes et indirectes à leur contrôle (scope 1 et 2). Toutefois, seuls 16 % indiquent que leur entreprise dispose de cibles pour leurs émissions au-delà de leur contrôle (scope 3), incluant celles de leurs fournisseurs et clients, alors que 87 % de l'empreinte carbone des grandes entreprises proviennent de ces derniers.

Une troisième étude conduite par Moody's ESG Solutions, publiée début 2022, révèle que seulement 42 % des 4 400 entreprises évaluées ont fixé des objectifs en matière d'émissions, dont seulement 11 % d'entre elles des objectifs quantifiables jusqu'à 2030 . La proportion des entreprises évaluées qui se sont fixé un objectif de neutralité carbone d'ici 2050 est de 3 %...

Une quatrième étude du cabinet BCG Gamma a calculé que, si une entreprise cotée sur cinq à travers le monde s'était engagée à atteindre la neutralité carbone, seuls 9 % mesuraient de façon précise leurs émissions 133 ( * ) . Ce manque d'outil fiable explique l'insuffisance de mesures concrètes : 81 % des entreprises omettent certaines de leurs émissions internes (celles liées aux activités de l'entreprise) dans leurs rapports ; 66 % ne déclarent aucune de leurs émissions externes (celles liées à leur chaîne de valeur) ; les entreprises interrogées admettent que leurs mesures ont une marge d'erreur de 30 à 40 % ; 53 % d'entre elles déclarent avoir des difficultés à prendre des décisions et à en analyser les résultats du fait de la rareté des mesures réalisées .

Au sein de l'ESG, les questions sociales dominent et relèguent la question environnementale à l'arrière-plan.

Martin Richer explique ainsi l'immaturité des conseils d'administration à l'égard des enjeux climatiques : « les administrateurs indiquent que les sujets environnementaux cèdent le pas aux enjeux sociaux comme la diversité, l'égalité professionnelle et l'inclusion mais également à des enjeux d'actualité comme le dialogue avec les parties prenantes, l'éthique des affaires, la lutte contre la corruption, le travail à distance, l'engagement des collaborateurs. Trois facteurs d'explication sont mis en avant par les administrateurs : ces enjeux sociaux ou d'actualité apparaissent prioritaires car les conseils peuvent s'en emparer de façon autonome (peu de besoins d'expertise extérieure), ils sont plus facilement mesurables, ils font l'objet de réglementations dans plusieurs pays » 134 ( * ) .

Pour expliquer cette situation, la faiblesse de la culture de la RSE dans la formation des administrateurs des entreprises est pointée.

En janvier 2021, un rapport du NYU's Stern Center for Sustainable Business jugeait que : « les conseils américains souffrent d'expertise inadéquate en matière de RSE » 135 ( * ) . Sur 1 188 administrateurs des cent plus grandes entreprises américaines cotées 29 % d'entre eux ont de l'expérience sur la RSE mais 6 % seulement ont de l'expérience spécifiquement sur les sujets environnementaux et moins de 2 % sur les sujets du climat ou des énergies propres.

La proportion des nouveaux administrateurs (désignés dans l'année) dans les conseils d'administration pouvant exciper d'une quelconque expérience en matière de RSE n'a pas atteint 6 % aux États-Unis en 2020, mais 12 % en Europe de l'Ouest 136 ( * ) .

Pour Martin Richer, « la question des compétences des conseils est clairement posée . Il ne s'agit pas de transformer les administrateurs en experts du climat mais bien de les équiper avec les compétences permettant de comprendre les implications stratégiques et opérationnelles du réchauffement climatique sur les activités, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui pour la plupart des conseils ».

Il faut briser un cercle vicieux qui conduit à ce que « les personnes qui comprennent les implications du réchauffement climatique ne disposent pas, en général, de l'expérience professionnelle traditionnellement exigée pour rejoindre un conseil et inversement, les personnes qui ont l'expérience des conseils ne sont pas suffisamment familiers des mécanismes et des implications du réchauffement climatique ».

Or, ce « manque de compétences au sein des conseils est l'un des facteurs explicatifs des écarts béants entre les horizons très lointains assignés aux objectifs environnementaux (par exemple, la neutralité carbone en 2050) et le court terme des mesures à prendre dès maintenant, qui ne sont clairement pas au rendez-vous », estime Martin Richer.

Puisque les décideurs manquent de connaissances sur les sujets environnementaux et sociaux, il faut inciter les entreprises à les former afin qu'ils appréhendent mieux les enjeux de la transition climatique. Ce type de formation doit être systématique afin que tous les dirigeants d'entreprise et les administrateurs maîtrisent les enjeux de la transition écologique et sociale, comme le propose également le Cercle de Giverny 137 ( * ) . Cette formation concernerait aussi les représentants des salariés actionnaires au sein des sociétés cotées.

Au-delà des seules entreprises dotées d'un conseil de direction (les sociétés anonymes et les sociétés par action simplifiée, toutes les entreprises comportant un comité de direction (CODIR), groupe chargé de se prononcer sur la stratégie de l'entreprise et de coordonner les projets que mènent les différents services dans le but de développer au mieux l'entreprise, seraient également concernées.

Ainsi, la mise à jour systématique des enjeux RSE à l'agenda des conseils d'administration ou des CODIR, mieux appréhendés dans toutes leurs dimensions, permettrait leur meilleure prise en considération dans la stratégie globale de l'entreprise.

Recommandation n° 8 :

Renforcer la formation RSE des membres des conseils d'administration ou des comités de direction ; évoquer les questions RSE à chaque réunion du conseil d'administration ou du comité de direction.

2. Une formation insuffisante à la RSE

En 2019, le Shift Project 138 ( * ) recensait seulement 10 % de cours obligatoires sur les enjeux énergie et climat au sein de 34 établissements d'enseignement supérieur français, dont 12 écoles d'ingénieurs, 6 écoles de formation de fonctionnaires, 6 écoles de commerce, 4 universités.

Les universités et grandes écoles ne se sont pas assez saisies de l'outil d'autoévaluation d'une démarche de développement durable « DD&RS » 139 ( * ) , devant « permettre aux jeunes et aux actifs d'acquérir les compétences utiles pour basculer d'une société industrielle, basée sur la transformation minérale énergivore, vers une société basée sur les transformations biologiques à basse intensité énergétique » et de développer « une recherche et une innovation responsables, compagnonnes du vivant et au service de sa composante Humanité ». Facilitée par sa mise à disposition gratuite sur une plateforme numérique (PERSEES.org), elle demeure une démarche volontaire .

Il existe certes une labellisation « E3D » (École ou Établissement en Démarche globale de Développement Durable) développée pour reconnaître et encourager les écoles et établissements scolaires qui s'engagent dans une démarche globale de développement durable, qui est décernée à près de 10 000 écoles, collèges et lycées selon le dernier bilan annuel consolidé en septembre 2022, mais elle ne concerne pas l'enseignement supérieur.

L'étude conduite en février 2021 par les étudiants du Manifeste pour un réveil écologique 140 ( * ) souligne cette impréparation de l'enseignement supérieur français vis-à-vis des enjeux de la transition écologique.

Si 76 % des écoles de commerce proposent au moins un cours obligatoire en lien avec le développement durable, la RSE ou la soutenabilité, et toutes des cours électifs en lien avec les enjeux socio-environnementaux, seules 15% d'entre elles proposent un cours ou module obligatoire sur les fondements de la crise écologique et ses conséquences.

Pour leur part, 73 % des écoles d'ingénieurs proposent au moins un cours obligatoire sur les fondements et/ou les enjeux de la crise écologique, mais 26 % n'indiquent ni spécialisations, ni masters en lien avec la transition écologique. Moins de la moitié des écoles (47%) disposent d'au moins une personne en ETP chargée de ces sujets.

Enfin, une seule université indique avoir mis en place au moins un cours obligatoire sur les crises écologiques (climat, ressources, énergie, biodiversité...).

Au total, seuls 15 % des établissements de l'enseignement supérieur se déclarent prêts à former l'ensemble de leurs étudiants aux enjeux écologiques : si « la transition écologique se fait désormais une place dans les maquettes pédagogiques des écoles et universités, plus ou moins importante selon les établissements », si « les cours et parcours en lien avec les enjeux socio-environnementaux se généralisent et des dispositifs annexes de sensibilisation sont mis en place », cependant, « les établissements ont encore du mal à intégrer ces enjeux de façon obligatoire au sein des enseignements existants. Les questions écologiques sont souvent traitées à part, dans des options ou cursus spécialisés, et ne touchent ainsi qu'une partie des étudiants ».

Les établissements d'enseignement supérieur ont globalement conscience des freins qui ralentissent l'intégration de la transition écologique en leur sein. Une très grande majorité pointe dans son questionnaire le manque de moyens financiers et humains alloués pour atteindre cet objectif.

Comme pour les conseils d'administration des entreprises, il est difficile « de faire passer les actions favorables à la transition écologique en priorité des décisions d'établissement » lesquels seraient réticents face à la nécessité d'une refonte ambitieuse et systémique des programmes .

Reprenant les préconisations d'un récent rapport 141 ( * ) proposant que 100 % des étudiants, de niveau Bac+2 et de tous les cursus, soient formés aux enjeux de la Transition écologique d'ici 5 ans , la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a annoncé, le 20 octobre 2022, le caractère obligatoire de formations à la transition écologique pour être diplômé du premier cycle universitaire . Un socle de compétences et de connaissances pluridisciplinaires doit être défini en 2023.Le succès de ce plan d'action ministériel ambitieux dépendra des moyens qui y seront réellement consacrés , dans un contexte où les universités manquent de ressources depuis dix ans, alors que les effectifs d'étudiants se sont accrus de 20 % tandis que le recrutement d'enseignants-chercheurs titulaires diminuait de près de 50 %.

Ce rapport considère en revanche qu'un label serait prématuré car, outre la charge de travail de la labellisation et la cohérence avec le socle commun de connaissances et de compétences qui doit être assurée, « la valeur ajoutée du label sur l'attractivité de l'établissement, son image de marque et sur l'entraînement d'autres établissements n'est pas toujours établie, à une période où des labels divers co-existent et sont parfois compliqués à interpréter par les étudiants comme par les employeurs ».

Or , et particulièrement au sein des écoles de commerce et d'ingénieurs, on relève un manque de reconnaissance des initiatives mises en place par ces établissements au sein des classements. En effet, à ce jour, « aucun critère discriminant (c'est-à-dire qui modulerait les notes attribuées) n'existe dans les classements lambda, et ce alors qu'ils jouent sur la visibilité médiatique, la renommée et donc les orientations stratégiques des établissements », selon l'association « Pour un réveil écologique ».

Un label permettrait donc de valoriser les formations intégrant la transition écologique dans leur programme afin de permettre une saine émulation entre les établissements se traduisant par une montée collective en compétences au sein des établissements qui ont des formations labellisées.

Recommandation n° 9 :

Instaurer, dans les établissements d'enseignement supérieur, et plus généralement dans les formations professionnalisantes, des modules obligatoires de formation des étudiants aux enjeux de la RSE, en particulier de la transition environnementale.

Labelliser les établissements d'enseignement supérieur, en particulier les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs, engagées dans une telle démarche d'enseignement obligatoire.

C. CONSOLIDER LA RSE DANS LES ENTREPRISES

1. Une RSE équilibrée entre les trois piliers de l'ESG.

Afin de mieux s'approprier les impacts de leurs activités, les entreprises doivent s'intéresser à leur performance globale et intégrer à leurs outils de pilotage interne des métriques contribuant à la quantifier.

L'accent est actuellement fortement mis sur la contribution des entreprises à la lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant, la RSE ne peut se résumer à sa dimension environnementale, laquelle ne doit être une priorité que pour les entreprises ayant un fort impact négatif et qui doivent rendre compatible leur business model avec la lutte contre le changement climatique (limitation de la hausse de la température mondiale à 2°C) ou une gestion durable des ressources.

La dimension sociale et la gouvernance ne doivent pas être négligées, afin de contribuer à transformer profondément l'entreprise.

Dans le précédent rapport de la Délégation aux entreprises consacrée à la RSE, la logique d'approche globale était rappelée, soulignant que l'inclusion du social « constituerait un moyen de mieux impliquer les salariés, de les faire adhérer davantage à la RSE de leur entreprise, et de concilier le global, les enjeux climatiques, et le local, le bien-être en entreprise ».

Cette approche est constante depuis les travaux du Commissariat général du Plan (1997), « évaluer la performance globale d'une entreprise c'est considérer que sa performance économique sans prise en compte des externalités négatives de son activité sur son environnement (social et écologique) ne constitue pas une « juste évaluation » de la performance », et dans les rapports de la Plateforme RSE.

Recommandation n° 10 :

Équilibrer les trois piliers de l'ESG, qui ne peut se résumer aux actions de lutte contre le réchauffement climatique mais doit englober le social et la gouvernance de l'entreprise.

2. Protéger les entreprises s'engageant dans une démarche RSE des fonds spéculatifs

Une entreprise s'engageant dans une démarche RSE doit être protégée de certains investisseurs, d'abord en communiquant clairement : « les dirigeants d'entreprises qui envisagent d'investir dans la RSE doivent être conscients que se démarquer ainsi peut attirer les fonds activistes, surtout lorsque la stratégie de création de valeur n'est pas limpide. C'est pourquoi les dirigeants doivent communiquer clairement leur stratégie de RSE aux actionnaires existants, pour s'assurer de leur soutien lorsqu'ils décident d'allouer des capitaux à des activités de RSE », estimait ainsi HEC dans son communiqué de presse du 24 juin 2020.

Cette démarche peut ne pas suffire. Un abaissement des seuils de déclaration lorsqu'un actionnaire franchit un certain niveau dans le capital d'une entreprise cotée permettrait aux dirigeants et au conseil d'administration de « prendre très tôt la mesure du danger qui les guette avec l'arrivée de fonds activistes » 142 ( * ) .

La position de l'AFEP sur l'activisme actionnarial de décembre 2019 excluait « les propositions visant à abaisser le premier seuil légal à 3 % (actuellement à 5 %) ou à abaisser à 5 % le premier seuil des déclarations d'intention (actuellement à 10 %), mesures jugées trop contraignantes car pesant sur l'ensemble de la communauté des investisseurs ». Toutefois l'AMF, dans sa communication d'avril 2020, relevait que « les contraintes inhérentes à un tel abaissement du seuil légal pourraient être significativement réduites si celui-ci ne s'appliquait pas à toutes les valeurs (par exemple, en exemptant les valeurs inscrites sur un marché de croissance des PME), à tous les détenteurs (par exemple, en exemptant les OPCVM) ou ne visait que les droits de vote ». L'AMF avait toutefois préconisé, en 2008 143 ( * ) , l'instauration d'un nouveau seuil à 3 % du capital ou des droits de vote et une proposition de loi avait été déposée au Sénat en 2011 144 ( * ) . Cette préconisation a également été formulée dans un rapport d'information de l'Assemblée nationale de 2019 145 ( * ) .

Un investisseur devrait préciser ses intentions quant à la société dont il conteste la démarche RSE, afin de permettre à cette dernière d'accélérer l'alignement de sa stratégie sur les objectifs ESG qu'elle se propose d'atteindre, de mieux communiquer, et de rassurer ainsi investisseurs et marchés.

À cet effet, le seuil minimal de déclaration d'intention, actuellement de 10 %, doit être abaissé à 5 % afin d'indiquer clairement :

- s'il agit de concert ;

- sa stratégie vis-à-vis de l'émetteur et les opérations qu'il envisage pour la mettre en oeuvre ;

- s'il envisage de demander des nominations d'administrateur ;

- s'il envisage ou non d'acquérir le contrôle de la société.

L'AMF contrôle le respect de ces obligations de déclarations et de transparence afin d'assurer la clarté de l'information diffusée au marché.

Ce relèvement des seuils pourrait être réservé aux entreprises engagées dans une démarche RSE (celles qui ont entrepris une modification de la raison d'être ou adopté le statut d'entreprise à mission). Elle leur permettrait de la protéger des fonds activistes le temps qu'elles adaptent leurs outils d'évaluation de la performance financière et extra-financière pour rassurer ses actionnaires et les investisseurs.

Recommandation n° 11 :

Abaisser le niveau de déclaration de franchissement de seuil à 3 % du capital ou des droits de vote, et à 5 % pour les déclarations d'intentions, pour les entreprises engagées dans une démarche RSE.

3. Mieux accompagner les ETI et PME dans l'évaluation du risque climatique

Les ETI et PME doivent être davantage sensibilisés, accompagnées, et préparées à l'évaluation du risque climatique, qui constitue un élément essentiel de la RSE.

En matière de risque climatique, si 80 % des dirigeants de PME et ETI françaises disent en avoir conscience , peu intègrent cette donnée dans leur stratégie et seuls 13 % déclarent pouvoir réduire leurs émissions de carbone de manière importante dans les cinq prochaines années, selon BPIFrance 146 ( * ) .

A l'égard du tsunami des informations qu'ils doivent désormais fournir, beaucoup de chefs d'entreprise se sentent démunis . A l'occasion des consultations des CCI pour le Grand Débat, les entrepreneurs avaient fait part de leurs appréhensions et de leur sentiment d'être « insuffisamment outillés » et « mal préparés » pour faire face à ces enjeux.

CCI-France recommande ainsi 147 ( * ) de « renforcer l'accompagnement par les pouvoirs publics des petites et moyennes entreprises afin de les inciter à cartographier leurs risques en matière climatique ». L'Ademe ou les CCI, qui oeuvrent déjà très intensément en ces domaines, pourraient en être chargées.

La diffusion de bonnes pratiques doit être encouragée, à l'exemple du guide d'application de la taxinomie européenne dans le secteur de l'immobilier réalisé en février 2022 par l'Observatoire de l'immobilier durable.

« L'imagination des chefs d'entreprise est fertile. Elle l'est plus encore quand, en réseau, ils échangent ou élaborent des standards à partir de procédures mises en place au sein de leurs entreprises pour limiter les effets du réchauffement climatique. L'appropriation de procédures ciblées, circonscrites et facilement transposables permettra à ceux qui s'y attèlent de s'engager, par la suite, dans des actions de plus grande envergure » selon CCI France, et cette démarche est transposable à l'ensemble de la RSE.

Deux autres pistes, déjà évoquées dans le précédent rapport de la Délégation aux entreprises de 2020, ont été reprises dans un récent rapport de la commission des Finances du Sénat :

- Instaurer une comptabilité carbone pour les entreprises amenées à être couvertes par la future directive européenne sur le reporting de durabilité (CRDS), puisqu'elles auront « déjà fait l'effort en amont de rassembler des données pour ce reporting, appuyé sur les standards proposés par l'Efrag concernant notamment la double matérialité et la mesure des émissions de scope 3 », ce qui permettra que l'externalité carbone ne soit plus « quelque chose que l'entreprise gère « à côté » de ses activités, mais un élément inhérent à sa stratégie et à ses processus ». Le rapport de la Délégation aux entreprises de 2020 avait alors cité la méthodologie CARE (Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l'Environnement), qui met au passif du bilan d'une entreprise, outre le capital financier, le capital humain et le capitale naturel, qui avait jusqu'à présent un coût nul ;

- introduire à moyen terme une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité, « une partie de l'imposition due par les entreprises serait ainsi modulée en fonction du bilan carbone des entreprises, afin de les inciter à devenir les plus efficientes possibles dans leur consommation d'énergie et dans la composition de leur mix énergétique ». Le rapport de la Délégation aux entreprises de 2020 avait regretté qu'une entreprise qui s'investit dans la RSE ne bénéficie d'aucune incitation fiscale par rapport à une entreprise se désintéressant de cette démarche. Cependant, comme les entreprises devront investir fortement pour se décarboner, celles qui ont une haute intensité carbone dans leur processus de production risquent d'être doublement pénalisées par un IS plus élevé. Il faudrait donc préciser que cette modulation s'apprécie par rapport aux efforts moyens de décarbonation du secteur auquel elles appartiennent.

D. MIEUX UTILISER LE LEVIER DE LA COMMANDE PUBLIQUE

La commande publique représente environ 200 milliards d'euros, soit 8 à 10 % du PIB. Elle constitue donc un levier significatif pour engager les entreprises dans la responsabilité sociale et environnementale, y compris pour les inciter à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à toutes les étapes du cycle de vie des biens, produits, services ou travaux qu'elle engendre et contribuer ainsi à l'objectif d'une économie bas carbone.

Outre l'Etat et les établissements publics, , il revient aux collectivités locales, principaux acteurs de la commande publique d'utiliser ce levier pour favoriser la prise en compte de la RSE dans les entreprises.

1. De récentes lois encouragent l'achat public responsable...

La recommandation n°14 du rapport précité de la Délégation aux entreprises de juin 2O2O, portait sur ce sujet majeur : « Faire évoluer les règles et les pratiques de la commande publique afin d'inciter les acheteurs publics à utiliser pleinement les dispositions du code des marchés publics en matière d'achat responsable ; d'encourager les collectivités territoriales à recourir aux entreprises responsables, quel que soit leur statut, lors de la passation de marchés publics ; de refonder une approche plus transversale et globale des marchés publics, en prenant en compte non seulement la construction d'une infrastructure publique mais aussi son exploitation . »

Depuis lors, et comme indiqué au début du présent rapport, de nouveaux textes sont venus renforcer les règles encourageant l'achat responsable au travers des marchés publics, avec en particulier les lois « ASAP » (accélération et simplification de l'action publique) du 7 décembre 2020, et « Climat et résilience » du 22 août 2021.

2. ...mais les bonnes pratiques doivent se généraliser

Les entités publiques disposent désormais de nombreux leviers qu'il convient d'utiliser pleinement pour participer à l'atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale comme le prescrit désormais le Code de la commande publique. CCI France recommande ainsi 148 ( * ) de faire de la commande publique « un levier efficace de la lutte contre le réchauffement climatique », qui constitue l'un des éléments de la RSE.

Le Code de la commande publique permet de mieux répondre aux exigences RSE de l'acheteur public par des spécifications techniques adaptées. La nature et l'étendue des besoins à satisfaire peuvent être déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte les objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. L'acheteur public peut formaliser son besoin par des spécifications techniques, notamment par référence à des normes ou labels ou caractéristiques environnementales.

Les entités publique peuvent également recourir plus fréquemment aux variantes qui permettent à l'entreprise de présenter une offre qui s'écarte des critères définis dans les pièces du marché rédigées par l'acheteur public afin de faire émerger des solutions alternatives innovantes 149 ( * ) .

Les entités publiques pourraient également utiliser davantage les procédures de passation privilégiant la négociation comme le marché de partenariat (public-privé), le partenariat d'innovation, le dialogue compétitif, la procédure avec négociation ou les marchés publics à procédure adaptée.

Les critères d'attribution des marchés publics peuvent 150 ( * ) s'affranchir du critère du prix ou du coût global (lequel intègre le cycle de vie) lorsqu'une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figurent des aspects qualitatifs, environnementaux (« les performances en matière de protection de l'environnement ») ou sociaux (« insertion professionnelle des publics en difficulté »), sont retenus. Toutefois , in fine , le choix doit se porter sur l'offre « économiquement la plus avantageuse » 151 ( * ) .

Par ailleurs , les conditions d'exécution du marché peuvent prendre en compte des considérations relatives à l'économie, à l'innovation, à l'environnement, au domaine social, à l'emploi ou à la lutte contre les discriminations 152 ( * ) . Une méthode d'évaluation, concertée entre les contractants, pourrait consister en une analyse de la prise en compte des enjeux RSE.

Afin d'aller plus loin, le rapport « Pour une commande publique sociale et environnementale : état des lieux et préconisations », de Mme Sophie Beaudouin-Hubière , députée de la Haute-Vienne et de Mme Nadège Havet , sénatrice du Finistère, a été remis au Premier ministre le 20 octobre 2021 a fixé 5 objectifs :

1. Proposer une méthode de suivi afin d'atteindre des objectifs précis en termes d'achat durable, d'intégration de critères sociaux, environnementaux et inclusifs ;

2. Évaluer les externalités positives de la commande publique (gains économiques ainsi qu'environnementaux). Cela nécessite de développer des grilles d'analyse en coût complet des projets ;

3. Proposer des méthodes pour mieux prendre en compte les critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics. Par exemple, développer l'approche en cycle de vie des produits et services ;

4. Améliorer la formation des acheteurs et la diffusion des mesures mises en place et bonnes pratiques d'achats ;

5. Proposer des évolutions tant au niveau français qu'européen tout en garantissant la sécurité juridique pour les acheteurs.

Ce rapport préconise en particulier que les acheteurs publics engagent des mesures incitatives en faveur de l'achat durable , plus rapides à mettre en oeuvre et plus efficaces que l'ajout de nouvelles normes :

- les fonctionnaires des services de l'État ou d'une collectivité territoriale de plus 3 500 habitants réalisant des achats se verraient assigner annuellement des objectifs en termes d'achats durables ;

- les subventions versées par l'État aux communes, aux EPCI et aux départements dans le cadre des dotations annuelles d'équipement des territoires ruraux (DETR), de soutien à l'investissement local (DSIL), de dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) ou des contrats de plan État-Région pourraient être « conditionnées à l'atteinte de certains taux de considérations environnementales et sociales dans les achats publics » ;

- le sourçage 153 ( * ) autorise les acheteurs, pour préparer leurs marchés, donc en amont de toute consultation, à « effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de leur projet et de leurs exigences ». Cette pratique est ainsi à la fois une mesure d'anticipation de la part de l'administration, une action visant à connaître le marché sur un secteur spécifique et une occasion pour les fournisseurs de se faire connaître et de valoriser leur savoir-faire. Il est un levier de la performance environnementale comme de la performance sociale et peut faciliter l'accès des PME à la commande publique. Cette méthode permet à l'acheteur de connaître les entreprises susceptibles de répondre à son besoin spécifique, de prendre connaissance des technologies et des méthodes du secteur, de la structure des prix, mais aussi des impacts environnementaux, sociaux et économiques des achats. Le sourçage pourrait être mutualisé entre collectivités d'un même territoire ;

- la mutualisation des achats (création de centrales d'achats et de groupements de commandes) et le développement de services communs de la commande publique entre les 130 000 acheteurs publics.

Ces préconisations s'inscrivent, dans leur esprit, dans celles du précédent rapport de la Délégation aux entreprises de 2020.

Une modification du Code de la commande publique permettrait de mieux prendre en considération les efforts des entreprises soumettantes en matière de RSE. En cas d'égalité de prix, les offres les mieux disantes en matière de RSE pourraient être retenues. En effet, il n'existe pas de disposition permettant d'attribuer, à prix égal, un marché à une entreprise qui serait mieux disante sur le plan environnemental. Certes, le cas est théorique, car la note finale pour attribuer un marché se fait toujours par la combinaison de plusieurs notes dont la pondération est choisie en amont par l'acheteur, et affichée dans les documents de la consultation (prix, qualité technique de l'offre, qualité de service, délais de livraison, développement durable dont critères environnementaux et sociaux. De fait, il est rare que la combinaison des seuls critères prix et techniques aboutissent à une égalité parfaite. Si le cas venait à se présenter, la note relative au développement durable ferait naturellement la différence, en fonction de la pondération des différentes notes dans la note finale.

Le Code de la commande publique permettant déjà d'intégrer des exigences de la RSE, dont les Objectifs de développement durable, une écoconditionnalité prévoyant que le processus d'attribution du marché dépende plus impérativement d'exigences « bas carbone » introduirait une contrainte potentiellement contre-productive . Pour CCI France, « promouvoir des solutions adaptées à chaque marché en laissant aux parties contractantes, publiques et privées, la flexibilité nécessaire à une prestation de qualité seraient des voies de progrès bien plus efficaces que des contraintes imposées par des textes législatifs ou réglementaires. Cela étant, cette flexibilité peut aussi se traduire par la nécessité de préciser certains textes afin de la favoriser ».

Recommandation n° 12 :

Introduire dans le Code de la commande publique un principe général faisant référence à la « performance sociale et environnementale des biens, des produits et des services ».

Introduire la notion d'« offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales.

Instaurer un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d'offre.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

La Délégation aux entreprises s'est réunie le jeudi 27 octobre 2022 pour l'examen du présent rapport.

M. Serge Babary, président. - Après avoir examiné, le 6 octobre 2022, le rapport de notre délégation sur la transmission d'entreprises, nous nous penchons aujourd'hui sur le sujet de la RSE.

Ce thème avait donné lieu à l'adoption par notre délégation, en juin 2020, d'un rapport intitulé « Responsabilité sociétale des entreprises : une exemplarité à mieux encourager », présenté à l'époque par nos collègues Elisabeth Lamure et Jacques Le Nay. Le suivi de ce rapport a été confié à nos collègues Martine Berthet, Florence Blatrix Contat et Jacques Le Nay.

Comme celui de la transmission d'entreprises, ce sujet est à la fois macroéconomique et social (puisque sont en jeu la transition environnementale, la lutte contre le réchauffement climatique, l'égalité professionnelle, etc.) mais aussi microéconomique, dans la mesure où il impacte - et impactera encore davantage dans un avenir proche - quasiment toutes les entreprises, directement ou indirectement.

L'urgence climatique et environnementale a entrainé tous les acteurs publics et privés dans une marche accélérée. Depuis 2020, la France et l'Union européenne entrainent les entreprises dans un nouveau tourbillon de règles, normes et obligations. Si ce virage doit être pris, les préoccupations de notre délégation sont essentiellement de deux ordres :

• premièrement, faire en sorte que la RSE ainsi renforcée soit accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ;

• deuxièmement, qu'elle le soit dans des conditions économiques et de concurrence supportables et permettant aux entreprises européennes de se battre à armes égales avec leurs concurrentes étrangères - la vertu devant pouvoir se partager et s'exporter.

Je cède à présent la parole à nos rapporteurs, en soulignant qu'il nous faudra continuer à suivre ce sujet complexe dans les années à venir. Nous continuerons ainsi à suivre avec vigilance la mise en application de nos travaux.

M. Jacques Le Nay, co-rapporteur . - Le rapport que nous vous présentons actualise celui que j'avais rédigé en juin 2020 avec la présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises de l'époque, Élisabeth Lamure.

Nous avions alors formulé 18 recommandations, dont certaines ont été relayées par la Plateforme RSE, qui réunit tous les acteurs concernés par ce sujet, mais également par la Convention citoyenne pour le climat.

Ce rapport a été enrichi à l'occasion de notre 6 ème Journée des entreprises le 13 octobre 2022, au cours de laquelle les débats ont montré que la RSE était au coeur de la transformation profonde du modèle européen de l'entreprise.

Pendant la crise sanitaire, certaines entreprises ont mis la RSE en pause. Face aux problèmes d'approvisionnement en matières premières, de tensions inflationnistes et salariales, les entreprises pourraient de nouveau être tentées de reléguer leurs efforts en matière de RSE au second plan. Cependant, cette attitude ne serait guère soutenable.

La vice-présidente et porte-parole du MEDEF, Dominique Carlac'h, que nous avons entendue le 20 septembre 2022, a ainsi souligné « qu'une entreprise qui n'inclurait pas dans sa stratégie des sujets comme l'inclusion, la diversité, et l'innovation managériale ne pourrait plus être performante ou attractive ». Pour le MEDEF, la RSE constitue ainsi de plus en plus « un facteur de différenciation et de compétitivité ».

La ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, a quant à elle formulé le constat suivant lors de son audition le 4 octobre 2022 par notre délégation et la commission des Affaires économiques : « Avec la performance extra-financière, qui deviendra la norme d'ici à 2025, faute d'un diagnostic environnemental et social, nos PME pourraient être évincées de certains marchés en tant que sous-traitants. Il faut anticiper ce risque systémique » .

Pourtant, la RSE a connu quelques soubresauts pendant la période du déroulement de notre mission, en particulier au printemps dernier.

Le P.D.G. de Danone, société ayant adopté le statut d'entreprise à mission dès mai 2020, a été « démissionné » en mars 2021, à l'initiative de deux fonds d'investissement activistes, défendant la primauté de la création de valeur à court terme sur les engagements RSE.

Elon Musk, P.D.G. de Tesla, a quant à lui qualifié sur Twitter l'ESG de « vaste arnaque » et « d'escroquerie », suite à l'expulsion en mai 2022 de sa société de l'indice S & P Dow Jones 500, en raison de l'existence de plaintes pour discrimination raciale contre celle-ci, de l'opposition de sa direction à la création de syndicats et de sa gestion d'une enquête gouvernementale après des accidents liés à ses véhicules à pilotage automatique.

The Economist , dans son édition du 23 juillet 2022, a considéré que les investissements ESG étaient devenus « une mode ».

En octobre 2021, le rapport de M. Bris Rocher, consacré au bilan de la loi PACTE, a pointé un risque de « purpose washing », c'est-à-dire d'affichage d'une raison d'être, d'une mission ou d'un engagement social et environnemental, sans que cela soit sincère, effectif et transparent - l'écoblanchiment ou « greenwashing » existant également.

En juillet 2021, une enquête BVA a indiqué que 69 % des salariés considéraient la raison d'être de leur entreprise avant tout comme une « opération de communication » ; et que 46 % des dirigeants considéraient les changements statutaires associés comme « de l'affichage ne garantissant en rien que l'entreprise s'engage vraiment ».

Enfin, un rapport de l'Inspection générale des finances de décembre 2020 a exigé une évolution radicale du label public ISR (Investissement socialement responsable), sous peine d'exposer celui-ci à « une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».

Depuis les Accords de Paris de 2015, la France veut des entreprises exemplaires en matière de RSE. Cependant, notre pays demeure classé 154 ème sur 163 pays pour le respect des Objectifs du Développement Durable en matière climatique, en raison d'externalités négatives. Ces externalités sont notamment dues à notre niveau élevé d'importations ; ces dernières représentent près de la moitié de nos émissions de carbone - ce constat rejoignant celui fait par la mission de notre délégation sur le commerce extérieur.

Depuis notre rapport de 2020, nous avons assisté à un véritable tsunami d'obligations ou de demandes d'informations, qui pèsent en théorie sur les grandes entreprises mais également sur beaucoup de PME dès lors que celles-ci sont prises dans la chaîne de valeur.

Le règlement SFDR, destiné à mesurer l'impact ESG des investissements, concerne surtout le secteur financier mais entraine des conséquences pour les entreprises en renforçant les besoins d'informations extra-financières des investisseurs. Même pour les acteurs du secteur financier et les gérants d'actifs, la complexité et le calendrier accéléré de mise en oeuvre de ce règlement représentent un défi.

La taxinomie européenne, pilier central du Plan d'action pour la finance durable de l'Union européenne de mars 2018, constitue quant à elle un véritable dictionnaire de durabilité pour orienter les investissements, sur lequel s'adossent de nombreuses législations, comme la directive NFRD et la prochaine directive CSRD (toutes deux porteuses d'obligations en matière de reporting extra-financier) ou encore le règlement SFDR précédemment cité. Ces réglementations obligent ou sont appelées à obliger les différents acteurs économiques et financiers à publier des informations quant à la part durable sur le plan environnemental de leurs activités, sur la base des critères de la taxinomie.

La directive CSRD, devant être examinée par le Parlement européen le 9 novembre 2022, a vocation à harmoniser et à standardiser le reporting ESG, comme l'avait demandé notre délégation dans son précédent rapport. La mise en oeuvre et l'applicabilité aux entreprises de cette directive soulève toutefois des préoccupations. Cette directive est appelée à multiplier par cinq le nombre des grandes entreprises et ETI concernées par le reporting ESG en Europe, mais impactera également indirectement les PME situées dans leur chaîne de valeur. Elle est ainsi appelée à accroître la quantité d'informations à publier par les entreprises - informations qui devront être certifiées par un tiers indépendant, autour du concept de double matérialité (financière et non financière).

Après la loi française de 2017, une proposition de directive pourrait par ailleurs assujettir au devoir de vigilance les entreprises de plus de 500 salariés. Le Sénat, dans sa résolution du 1 er août 2022, a demandé le doublement de ce seuil. L'imprécision du champ d'application de cette directive et de la définition retenue de « relation commerciale établie » inquiète, à juste titre, les PME.

Avec l'affichage environnemental puis l'affichage social, deux nouvelles obligations font descendre le référentiel RSE de l'entreprise, dans sa globalité, vers ses productions de biens agricoles ou manufacturés. Outre les difficultés méthodologiques, les entreprises sont confrontées à une incertitude quant au coût de ces nouvelles obligations.

Enfin, le bilan des émissions de gaz à effet de serre, pratiqué depuis 2010 par les entreprises de plus de 500 salariés, a été étendu, d'une part, aux entreprises de plus de 50 salariés bénéficiant d'une aide dans le cadre du plan de relance (sous forme simplifiée) et, d'autre part, à celles de plus de 250 salariés, lesquelles devront par ailleurs intégrer l'ensemble de leurs émissions indirectes.

Mme Martine Berthet, co-rapporteure . - Notre conviction est que la RSE doit être un atout pour les entreprises et non un handicap. Or nos entreprises se heurtent aujourd'hui à un défaut d'harmonisation en la matière, au sein de l'Union européenne et vis-à-vis du reste du monde, dans un environnement compétitif dégradé par la crise énergétique.

Les normes RSE ne doivent pas créer un décalage compétitif supplémentaire particulièrement dommageable entre les entreprises européennes et extra-européennes. Il faut donc engager résolument un chantier non seulement d'harmonisation mais aussi de simplification en la matière, y compris pour limiter les rentes de complexité se développant au gré de l'inflation des normes et aux dépens des entreprises.

Dans son rapport de 2020, la Délégation aux entreprises avait demandé un moratoire sur les nouvelles informations extra-financières qui pourraient être demandées aux entreprises. Or l'inverse s'est produit. Le coût de ces nouvelles obligations en matière de RSE pour les entreprises est par ailleurs peu pris en compte.

Même les grandes entreprises paraissent à la peine pour satisfaire ces obligations - l'Autorité des marchés financiers ayant mis en évidence que « très peu d'informations relatives aux impacts du changement climatique apparaissent aujourd'hui dans les états financiers » de 19 sociétés françaises cotées membres du SBF 120. Les PME et ETI sont également inquiètes face à ces nouvelles obligations, même lorsqu'elles pratiquent la RSE sans le savoir.

Dans ce contexte, pour que les entreprises aient une vision claire du coût direct et indirect de ces obligations, notre recommandation n° 1 serait que l'État réalise et publie une étude d'impact du coût financier et organisationnel de leur cumul, par catégorie d'entreprises.

Face au choc de complexité annoncé en matière de reporting, notre recommandation n° 2 serait de poser, dans le cadre de la transposition de la future directive CSRD, un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières demandées aux entreprises, en fonction de leur taille et de leurs moyens - ce principe ayant déjà été posé dans la résolution du Sénat du 1 er août 2022 pour ce qui concerne le devoir de vigilance.

Dans le cadre de l'expérimentation du nouvel affichage social prévu par la loi Climat, nous demeurerons attentifs au coût de celui-ci pour les PME, ainsi qu'à son articulation avec les autres obligations en matière de RSE.

Pour permettre à toutes les entreprises de répondre aux exigences de la future directive CSRD, notre recommandation n° 3 serait d'accompagner les ETI et PME par une simplification des normes et une approche sectorielle différenciée. Notre recommandation n° 4 serait d'appliquer progressivement les nouveaux référentiels RSE dans les ETI et PME, après avoir confié la réalisation d'un test d'opérationnalité à un tiers indépendant. Notre recommandation n° 5 serait d'assurer un traitement identique de reporting pour les entreprises non européennes.

Actuellement, il est prévu que seules les entreprises non européennes au chiffre d'affaires net supérieur à 150 millions d'euros et exerçant une activité au sein du marché unique européen doivent publier un reporting sur leurs impacts ESG. Or il conviendrait que les entreprises non européennes soient soumises aux mêmes obligations de publication d'informations que les entreprises européennes de même taille. L'enjeu sera par ailleurs de veiller à ce que la vérification dans les pays non européens par des tiers indépendants soit robuste. À défaut, les PME européennes risquent d'être handicapées pour la préservation de leurs parts de marché ou la conquête de nouveaux marchés, au sein comme en dehors de l'Union européenne.

Pour les entreprises de l'Union européenne, la RSE a vocation à constituer un outil de différenciation. Les normes européennes en la matière sont les plus en avance. L'enjeu serait donc de préserver leur souveraineté et de défendre l'autonomie de l'Europe dans leur définition, au risque de voir, comme pour les normes financières, une harmonisation s'opérer sur la base de standards nord-américains, dans un contexte de rachat massif des agences de notation européennes par des fonds américains.

La directive CSRD est appelée à élargir le champ d'application des normes RSE à de nombreuses entreprises, dont un certain nombre d'ETI (avec un seuil ramené à 250 salariés) et de PME (indirectement, de par leur inclusion dans la chaine de valeur des entreprises assujetties).

Dans ce cadre, il est positif que la crédibilité des informations extra-financières puisse être renforcée et qu'une plus grande ouverture de ces données puisse être envisagée. Toutefois, les entreprises font valoir le risque de devoir divulguer des informations commercialement sensibles alors que leurs concurrents non européens ne sont pas contraints au même degré de transparence.

Avec une mesure de la performance au regard du principe de durabilité ou de soutenabilité, la stratégie économique des entreprises devra par ailleurs s'aligner sur la résilience de leur modèle. Leurs plans devront garantir la compatibilité de leur stratégie et de leur modèle avec la transition vers une économie durable et neutre sur le plan climatique, en cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris de limitation du réchauffement planétaire à 2°C maximum à l'horizon 2100.

L'efficacité de cette directive destinée à concrétiser le concept de RSE sera conditionnée à l'établissement de normes européennes d'information en matière de durabilité, avec un risque de concurrence entre les standards européens et nord-américains.

Pour préserver l'autonomie de l'Union européenne en la matière, notre recommandation n° 6 serait de confier l'évaluation de ces normes à l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), comme le préconisait déjà le rapport de la Délégation de 2020.

Notre recommandation n° 7 serait de poursuivre le dialogue avec les entités nord-américaines chargées de la normalisation RSE, en veillant à ne pas renoncer au concept de double matérialité financière et extra-financière, permettant d'analyser à la fois l'impact des risques ESG sur l'entreprise et l'impact de l'entreprise sur la société.

L'entreprise de demain qui réussit pourra ainsi être celle qui met la question de son impact positif au coeur de sa gouvernance.

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - Pour consolider la RSE des entreprises, notre recommandation n° 8 serait d'implanter la culture RSE au coeur de la gouvernance de celles-ci, au sein des conseils d'administration ou des comités de direction, voire auprès des actionnaires, à travers un effort de formation (y compris des administrateurs salariés), afin que les enjeux de la RSE puissent être évoqués à chaque réunion et que les décisions stratégiques intègrent de façon équilibrée les trois dimensions environnementale, sociale et de gouvernance de la RSE (bien que le risque climatique demeure difficile à intégrer au plan méthodologique).

Notre recommandation n° 9 serait de renforcer la culture RSE dans l'enseignement supérieur et les grandes écoles, à travers le développement de formations obligatoires aux enjeux de la RSE et de la transition climatique - le Gouvernement ayant déjà annoncé, le 20 octobre 2022, la définition en 2023 d'un socle de compétences et de connaissances pluridisciplinaires liées à la transition écologique indispensable pour être diplômé du premier cycle universitaire. En parallèle, l'enjeu serait de pouvoir labelliser les établissements s'inscrivant dans une telle démarche d'enseignement obligatoire, s'agissant notamment des écoles de commerce et d'ingénieurs, pour valoriser leurs efforts et leurs formations et créer une émulation positive entre eux.

Pour que la RSE puisse transformer en profondeur les entreprises, notre recommandation n° 10 serait de veiller à une approche équilibrée de la RSE, donnant toute sa place à la dimension sociale et à la gouvernance, au-delà de la focalisation actuelle sur la lutte contre le réchauffement climatique et la gestion durable des ressources - la dimension environnementale ne devant constituer une priorité que pour les entreprises ayant un fort impact négatif en la matière. À cet égard, le précédent rapport de la Délégation présentait déjà l'inclusion de la dimension sociale de la RSE comme « un moyen de mieux impliquer les salariés, de les faire adhérer davantage à la RSE de leur entreprise, et de concilier le global, les enjeux climatiques, et le local, le bien-être en entreprise ».

Notre recommandation n°  11 serait de mieux protéger les entreprises engagées dans une démarche RSE de l'activisme actionnarial des fonds spéculatifs, à travers un abaissement du niveau de déclaration de franchissement du seuil de participation à 3 % du capital ou des droits de vote, ainsi qu'un abaissement à 5 % du seuil de déclaration d'intentions, en cohérence avec les préconisations formulées par l'AMF dès 2008.

La commande publique constitue par ailleurs un levier important pour engager les entreprises dans la RSE, y compris pour les inciter à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à toutes les étapes du cycle de vie de leurs biens, produits, services ou travaux.

Un « verdissement » de la commande publique a déjà été engagé au travers de la révision en date du 1 er avril 2021 des cahiers de clauses administratives générales (CCAG), de l'article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, ainsi que de l'article 35 de loi du 22 août 2021 dite loi Climat et Résilience.

L'UGAP, se voulant le « bras armé d'un achat public socialement responsable », s'est également dotée d'une feuille de route « stratégie RSE 2025 », prévoyant que d'ici 2025, ses marchés notifiés intègrent à 100 % au moins une considération environnementale et à 30 % au moins une considération sociale.

Le rapport parlementaire « Pour une commande publique sociale et environnementale : état des lieux et préconisations », de Mmes Sophie Beaudouin-Hubière (députée de la Haute-Vienne) et Nadège Havet (sénatrice du Finistère), remis au Premier ministre le 20 octobre 2021, a quant à lui recommandé d'encourager les acteurs de la commande publique, au sein des collectivités locales notamment, à prendre des mesures plus incitatives en faveur de l'achat durable.

Afin de mieux mobiliser ce levier de la commande publique, notre recommandation n° 12 serait d'introduire dans le Code de la commande publique :

• un principe général faisant référence à la « performance sociale et environnementale des biens, produits et services » ;

• la notion « d'offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales ;

• un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d'offre.

M. Jacques Le Nay, co-rapporteur . - Un tableau synthétique reprenant les recommandations formulées, les acteurs concernés, ainsi que des éléments de calendrier sera annexé à notre rapport.

M. Michel Canévet . - Merci aux rapporteurs et aux équipes de la Délégation pour la qualité de ce rapport.

Les obligations en matière de RSE risquent d'être perçues par certains entrepreneurs comme trop contraignantes, au niveau administratif notamment. Néanmoins, elles traduisent la nécessité de prendre en compte les évolutions sociétales et les enjeux climatiques.

Dans le cadre de la commande publique, l'important serait de pouvoir intégrer d'autres considérations que le seul critère économique. Cela, plaide en faveur de l'introduction dans le Code des marchés publics de la notion d'offre « économiquement, écologiquement et socialement la plus avantageuse ».

Lors du récent Salon mondial de l'automobile, nous avons pu constater que les constructeurs automobiles s'efforçant de proposer des véhicules plus propres pour répondre aux enjeux de 2035 étaient confrontés à l'arrivée sur le marché européen de véhicules à bas prix produits en Asie, aux coûts de production ne pouvant être concurrencés. On observe la même problématique dans le secteur des énergies renouvelables, avec des opérateurs étrangers, en provenance de Chine notamment, risquant de s'accaparer le marché européen.

L'introduction de la notion d'offre socialement la plus avantageuse permettrait d'apporter une réponse à cette problématique.

M. Jacques Le Nay, co-rapporteur . - Nous avons débattu de ce sujet. Notre recommandation n°12 viserait à faire en sorte que, dans le cadre de la commande publique, le critère retenu soit le mieux-disant, au regard de l'ensemble des dimensions, et non plus seulement le moins-disant au plan économique, à offre égale.

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - Du reste, les syndicats patronaux nous ont fait remarquer que, dans le cadre de l'attribution des marchés publics, le critère de prix demeurait encore trop souvent prépondérant. L'enjeu sera donc de former les acteurs de la commande publique au sein des collectivités, pour que toutes les dimensions de la RSE soient réellement prises en compte dans la construction et la mise en oeuvre des marchés publics.

Mme Martine Berthet, co-rapporteure . - L'UGAP a déjà intégré la dimension sociale et environnementale dans ses critères de marchés publics. Il conviendrait d'aller le plus loin possible dans cette logique, face à une concurrence extérieure à l'Union européenne risquant de devenir de plus en plus problématique.

M. Serge Babary, président . - Je propose de matérialiser ce principe dans notre rapport, en faisant référence à la notion d'offre « économiquement, écologiquement et socialement la plus avantageuse ».

Annick BILLON - Serait-il opportun de créer une « matière RSE » au sein des établissements d'enseignement supérieur, alors que la démarche RSE des entreprises a vocation à être transversale et à évoluer dans le temps, au gré des innovations technologiques notamment ?

Ne faudrait-il pas par ailleurs distinguer les difficultés rencontrées par les ETI et les PME vis-à-vis des normes RSE, au regard de leur capacité à exporter et des exigences associées à ces normes ? En pratique, ces entreprises pourraient ne pas toutes être confrontées aux mêmes obligations.

Au niveau de la commande publique, la démarche RSE apparait effectivement intéressante. Dans ce cadre, il conviendrait toutefois d'éviter l'engagement de certaines entreprises dans une démarche purement cosmétique. L'enjeu serait également de veiller à ce que les critères RSE n'excluent pas les entreprises de proximité des appels d'offres des collectivités, s'agissant notamment des ETI et PME.

Enfin, il a été fait état d'une possible distorsion de la concurrence à l'échelle de l'Union européenne. La démarche RSE aurait-elle vocation à mettre les entreprises en capacité de répondre aux marchés européens ?

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - La RSE est effectivement transversale et pluridisciplinaire. Néanmoins, certains établissements font aujourd'hui état d'un enseignement autour de la RSE, au travers de modules facultatifs. L'enjeu serait d'aller plus loin, pour ancrer véritablement la RSE dans l'enseignement supérieur et en faire un élément de différenciation pour les établissements engagés dans cette démarche. À cet égard, nous suivrons la mise en oeuvre des propositions du Gouvernement visant à définir une formation obligatoire en premier cycle.

Mme Martine Berthet, co-rapporteure . - Le développement d'un tel enseignement pourrait également permettre de mieux valoriser les éléments de RSE déjà mis en oeuvre par certaines entreprises, pour les accompagner dans le respect des obligations associées.

Mme Annick Billon . - Pour mettre la RSE à la portée des ETI et PME, cet enseignement nécessiterait d'être également développé dans la filière de l'apprentissage.

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - Cet enseignement aurait effectivement vocation à être développé dans la formation technique supérieure et la formation technique professionnalisante.

Mme Martine Berthet, co-rapporteure . - De fait, les ETI, PME ou TPE sous-traitantes sont appelées à être concernées indirectement par les normes RSE. À terme, certaines d'entre elles pourraient également y être soumises directement.

Pour ce qui est de distinguer les enjeux auxquels sont confrontés les PME et les ETI, il convient de rappeler que la notion d'ETI n'existe pas au niveau européen. Nous proposerions donc d'inscrire une proportionnalité des obligations dans le cadre de la transposition en France de la directive CSRD. L'enjeu serait ainsi d'éviter d'engendrer des contraintes supplémentaires trop importantes pour les entreprises françaises, afin d'éviter des distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne, ainsi qu'entre les entreprises européennes et extra-européennes.

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - Les PME ne devraient pas être concernées directement par la directive CSRD, celle-ci ayant vocation à s'appliquer aux entreprises de plus de 250 salariés. Elles pourraient néanmoins être concernées indirectement en tant que sous-traitantes de grandes entreprises soumises à la directive.

M. Jacques Le Nay, co-rapporteur . - Dans le cadre des appels d'offres des collectivités, le critère « circuit court » a vocation à permettre l'attribution de marchés publics à des entreprises locales.

M. Serge Babary, président . - La recommandation n° 5 du rapport, insistant sur la nécessité d'exigences de reporting identiques pour les entreprises extra-européennes pourrait être développée, s'agissant d'éviter de la part de ces dernières une concurrence déloyale, organisée par l'Union européenne elle-même. Comment faire valoir ce principe ?

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - L'enjeu sera avant tout de veiller à ce que le cadre normatif européen en matière de RSE, constituant aujourd'hui un « mieux-disant » à l'échelle mondiale, s'impose au niveau international. Il conviendra ensuite d'être vigilant quant au respect de ce cadre par les entreprises extra-européennes.

Mme Martine Berthet, co-rapporteure . - S Se posera également la question de la vérification de l'application des obligations de reporting par des tiers indépendants dans les pays extra-européens. Ce levier pourrait être complexe à mobiliser.

M. Jacques Le Nay, co-rapporteur . - La mise en pratique de ce principe sera en effet complexe vis-à-vis d'entreprises évoluant sur des marchés aux règles différentes, en Chine ou en Afrique par exemple.

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - Nous pourrions proposer une résolution européenne relative à la proposition de directive CSRD, afin d'affirmer encore davantage cette nécessité de protéger nos entreprises.

M. Serge Babary, président . - Il serait effectivement important d'affirmer ce principe, pour ne pas mettre en difficulté nos entreprises. Le risque serait que les efforts de celles-ci en matière de RSE soient balayés par la concurrence de productions à bas coûts, ne respectant pas les mêmes exigences.

M. Rémi Cardon . - Le sigle RSE est aujourd'hui connu des entreprises françaises. Il conviendrait cependant d'en clarifier et d'en démocratiser la déclinaison pratique. Tel me semble être l'intérêt de ce rapport et des recommandations formulées. De fait, la RSE n'a pas vocation à être qu'un label, mais à constituer une démarche reposant sur de vrais objectifs.

Du reste, comment mesurer le taux de transformation des objectifs de la RSE ? Comment mesurer la capacité des entreprises à passer de la compréhension des enjeux de la RSE à la mise en oeuvre de mesures concrètes ?

Dans le cadre des nombreux sondages réalisés autour de la RSE, les entreprises indiquent souvent avoir le « sentiment » de poursuivre une démarche RSE. Comment objectiver ce sentiment, au-delà des certifications existantes ?

Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure . - De nombreuses entreprises mettent en oeuvre sans le savoir des éléments de RSE. L'enjeu serait donc de leur permettre de s'inscrire dans une démarche structurée. Le reporting appelé à être mis en place devrait permettre de mesurer cet engagement. Les entreprises concernées devront également solliciter un certain nombre d'indicateurs auprès de leurs sous-traitants - certains sous-traitants s'étant déjà engagés dans une démarche de certification pour répondre aux exigences de leur donneur d'ordres.

Mme Martine Berthet, co-rapporteure . - Il nous faudra ainsi être attentifs à la déclinaison en 2023 de la directive CSRD. Nous suivrons également la mise en oeuvre de l'affichage social sur les produits.

M. Jacques Le Nay, co-rapporteur . - De fait, les PME s'inscrivent souvent dans une démarche RSE sans le savoir. L'enjeu serait donc de les sensibiliser, pour permettre à leurs personnels de s'approprier la démarche - la démarche RSE ayant également vocation à créer une dynamique et à favoriser l'esprit d'entreprise.

M. Serge Babary, président . - Les fédérations et branches professionnelles auront également un rôle à jouer. Certaines s'efforcent déjà de définir des modèles d'analyses des procédures, pour que leurs entreprises qui ne sont pas soumises règlementairement aux normes RSE puissent s'en approcher et, le cas échéant, se prévaloir d'une démarche RSE dans le cadre d'appels d'offres.

Je vous propose de conclure l'examen de ce rapport, en le soumettant à votre approbation.

La délégation adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET/OU DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Jeudi 17 février 2022

- Plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises (Plateforme RSE): Mme Frédérique LELLOUCHE, présidente, et de M. Gilles BON-MAURY, secrétaire général.

- Autorité des normes comptables : M. Patrick de CAMBOURG, président, président de la commission climat et finance durable de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Mercredi 4 mai 2022

- Convention des entreprises pour le climat (CEC) : M. Yannick SERVANT, cofondateur, Mme Emilie RIESS, membre du CEC, directrice RSE du groupe Pierre & Vacances - Center Parcs et M. Sebastien HOURS, membre du CEC, président de Keria groupe.

- France Invest : Mme Noella DE BIRMINGHAM, présidente de la Commission Sustainability .

- Fondation Croissance Responsable : M. Christian NOUEL, président.

Lundi 30 mai 2022

- Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) : Yannick OLLIVIER, président.

Mardi 21 juin 2022

- VEOLIA : Mme Yolande AZZOUT, ambassadrice RSE, Innovation & Transformation, et Mme Agnès LE GRAND, responsable ressources humaines.

- Association française de normalisation (AFNOR) : M. Alain JOUNOT, responsable du département RSE.

Mardi 19 juillet 2022

- Union des groupements d'achats publics (UGAP) : M. Edward JOSSA, président-directeur général.

Mardi 20 septembre 2022

Table ronde « RSE : entre nouvelles obligations et atouts pour les entreprises » en trois séquences : le devoir de vigilance ; la nouvelle directive CSRD ; l'affichage social ; en présence des intervenants suivants :

- Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : M. Arnaud HAEFLIN, président de la commission affaires européennes, Mmes Sandrine BOURGOGNE, secrétaire générale adjointe, et Béatrice BRISSON, directrice des affaires européennes et internationales ;

- Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : Mmes Dominique CARLAC'H, vice-présidente et porte-parole, et Pauline FIQUEMONT, directrice de mission RSE ;

- Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire (METI) : Mme Sylvie GRANDJEAN, vice-présidente et M. Alexandre MONTAY, délégué général ;

- Union des entreprises de proximité (U2P) : M. Pierre BURBAN, secrétaire général.

Mercredi 21 septembre 2022

- Plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises (Plateforme RSE) : M. Jean-Pierre CHANTEAU, animateur du groupe de travail « Affichage social sur les biens et services », et MM. Geoffroy DE VIENNE, et Benjamin PERDREAU, rapporteurs du groupe de travail et auteurs du rapport « Affichage social sur les biens et services ».

Mardi 4 octobre 2022

- Cabinet Mazars : Mme Maud GAUDRY, experte technique du reporting extra-financier - gestionnaire principal de projet de la Task-Force du Groupe consultatif européen sur l'information financière (EFRAG) en charge de la normalisation du reporting extra-financier.

Jeudi 13 octobre 2022

Table ronde « Transition environnementale des entreprises : comment en faire un levier de compétitivité ? » en présence des intervenants suivants :

- Ministère de l'Économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique : M. Thomas COURBE, directeur général des entreprises ;

- Groupe Cheval : Mme Véronique DEGOTTEX, directrice générale ;

- La Fenêtrière : Mme Catherine GUERNIOU, dirigeante ;

- Prophil : M. Vincent WISNER, directeur général délégué.

ANNEXE : LES PROJETS DE STANDARD DE REPORTING NON FINANCIER DE L'EFRAG

ESRS 1 - Principes généraux, Principes de divulgation

DP 1-1 -Sur les politiques adoptées pour gérer les questions matérielles de durabilité

DP 1-2 - Sur les objectifs, les progrès et le suivi de l'efficacité

DP 1-3 - Actions, plans d'action et ressources en relation avec les politiques et les objectifs

6.2 Structure des déclarations relatives à la durabilité : présentation des informations requises par les ESRS transversales

6.2 Structure des déclarations relatives à la durabilité : présentation des informations requises par les ESRS sectorielles

6.2 Structure des déclarations relatives à la durabilité : présentation des informations spécifiques à l'entité requises par l'ESRS

6.2 Structure des déclarations relatives à la durabilité : présentation des divulgations en application de l'article 8 du règlement Taxonomie (2020/852)

ESRS 2 - Général, stratégie, gouvernance et évaluation de la matérialité - exigences de divulgation

DR 2-GR 1 - Caractéristiques générales du reporting de durabilité de l'entreprise

DR 2-GR 2 - Secteur d'activités

DR 2-GR 3 - Principales caractéristiques de la chaîne de valeur

DR 2-GR 4 - Principaux moteurs de la création de valeur

DR 2-GR 5 - Utilisation d'approximations sur la divulgation des limites et de la chaîne de valeur

DR 2-GR 6 - Divulgation sur l'estimation significative d'incertitude

DR 2-GR 7 - Changements dans la préparation et la présentation

DR 2-GR 8 - Erreurs relatives à la précédente période

DR 2-GR 9 - Sur les autres référentiels de reporting de durabilité

DR 2-GR 10 - Déclaration générale de conformité

DR 2-SBM 1 - Aperçu de la stratégie et du modèle économique

DR 2-SBM 2 - Visions, intérêts et attentes des parties prenantes

DR 2-SBM 3 - Interaction des impacts

DR 2-SBM 4 - Interaction des risques et opportunités et la stratégie et le modèle économique de l'entreprise

DR 2-GOV 1 - Rôles et responsabilités des organes de gouvernance

DR 2-GOV 2 - Information des organes d'administration, de gestion et de surveillance sur les questions de durabilité

DR 2-GOV 3 - Questions de développement durable traitées par les organes d'administration, de gestion et de surveillance de l'entreprise

DR 2-GOV 4 - Intégration des stratégies de développement durable et de la performance dans les programmes d'incitation /intéressement

DR 2-GOV 5 - Déclaration sur la diligence raisonnable

DR 2-IRO 1 - Description des processus d'identification des impacts, risques et opportunités matériels sur le développement durable

DR 2-IRO 2 - Résultat de l'évaluation par l'entreprise des impacts, risques et opportunités significatifs sur le développement durable, tels qu'identifiés par référence et en conformité avec les normes ESRS transversales et sectorielles

DR 2-IRO 3 - Résultat de l'évaluation par l'entreprise des impacts, risques et opportunités significatifs sur le développement durable qui ne sont pas couverts par un ESRS (niveau spécifique à l'entité)

ESRS E1- Changement climatique

DR E1-1- Plan de transition pour l'atténuation du changement climatique

DR E1-2 - Politiques mises en oeuvre pour gérer l'atténuation et l'adaptation au changement climatique

DR E1-3 - Objectifs mesurables pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique

DR E1-4 - Plans d'action et ressources pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique

DR E1-5 - Consommation et mix énergétique

DR E1-6 - Intensité énergétique par chiffre d'affaires net

DR E1-7 - Scope 1 émissions GES

DR E1-8 - Scope 2 émissions GES

DR E1-9 - Scope 3 émissions GES

DR E1-10 - Total des émissions GES

DR E1-11 - Intensité GES par chiffre d'affaires net

DR E1-12 - Diminutions des GES dans les opérations propres et la chaîne de valeur

Optional DR E1-13 - Projets d'atténuation des GES financés par des crédits carbone

Optional DR E1-14 - Émissions de GES évitées des produits et services

Taxonomy DR - Règlement taxonomie pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique

DR E1-15 -

Disclosure Requirement E1-16 - Effets financiers potentiels des risques matériels de transition

Disclosure Requirement E1-17 - Effets financiers potentiels des opportunités liées au climat

ESRS E2 - Pollution

DR E2-1 - Politiques mises en oeuvre pour prévenir et contrôler les pollutions

DR E2-2 - Objectifs mesurables pour la pollution

DR E2-3 - Plans d'action et ressources pour la pollution

DR E2-4 - Pollution de l'air, de l'eau et du sol

DR E2-5 - Substances préoccupantes et substances les plus nocives

DR E2-6 - Impacts et risques liés aux incidents et dépôts liés à la pollution, et exposition financière de l'entreprise

DR E2-7 - Effets financiers potentiels des impacts, risques et opportunités liés à la pollution

ESRS E3 - Eau et ressources marines

Dr E3-1 - Politiques mises en oeuvre pour gérer les ressources en eau et marines

DR E3-2 - Objectifs mesurables pour l'eau et les ressources marines

DR E3-3 - Plans d'actions et ressources pour l'eau et les ressources marines

DR E3-4 - Performance de la gestion de l'eau

DR E3-5 - Performance de l'intensité de l'eau

DR E3-6 - Performance relative aux ressources marines

DR E3-7 - Effets financiers potentiels des impacts, risques et opportunités liés aux ressources hydriques et marines

ESRS E4 - Biodiversité et écosystèmes

DR E4-1 - Plan de transition en ligne avec les objectifs de perte nette nulle d'ici 2030, de gain net à partir de 2030 et de rétablissement complet d'ici 2050

DR E4-2 - politiques mises en oeuvre pour gérer la biodiversité et les écosystèmes

DR E4-3 - Objectifs mesurables pour la biodiversité et les écosystèmes

DR E4-4 - Plans d'actions en matière de biodiversité et écosystèmes

DR E4-5 - Mesures de pression

DR E4-6 - Mesure d'impacts

DR E4-7 - Métriques de réponses

DR E4-8 - Mesures de la consommation et la production respectueuses de la biodiversité

DR E4-9 - Compensations de biodiversité

DR E4-10 - Effets financiers potentiels des impacts, risques et opportunités liés à la biodiversité

ESRS E5 - Utilisation des ressources et économie circulaire

DR E5-1 - Politiques mises en oeuvre pour l'optimisation des ressources et en faveur de l'économie circulaire

DR E5-2 - Objectifs mesurables pour l'optimisation des ressources et l'économie circulaire

DR E5-3 - Plans d'action pour l'optimisation des ressources et l'économie circulaire

DR E5-4 - Intrants

DR E5-5 - Extrants

DR E5-6 - Déchets

DR E5-7 - Optimisation des ressources

DR E5-8 - Soutien à la circularité

DR E5-9 - Effets financiers potentiels de l'utilisation des ressources et impacts, risques et opportunités liés à l'économie circulaire

ESRS S1 - Force de travail

DR S1-1 - Politiques relatives à sa force de travail

DR S1-2 - Processus pour dialoguer avec ses propres travailleurs sur les impacts

DR S1-3 - Canaux permettant aux propres travailleurs et aux représentants des travailleurs de faire part de leurs préoccupations

DR S1-4 - Objectifs liés à la gestion des impacts négatifs importants, à la promotion des impacts positifs et à la gestion des risques et opportunités importants

DR S1-5 - Mesures prises sur les impacts matériels relatifs à sa propre main-d'oeuvre et à l'efficacité de ces actions

DR S1-6 - Approches pour atténuer les risques matériels et saisir les opportunités matérielles liées à ses propres travailleurs

DR S1-7- Caractéristiques des employés de l'entreprise

DR S1-8- Caractéristiques des travailleurs non salariés dans l'effectif propre de l'entreprise

DR S1-9- Indicateurs de formation et de développement des compétences

DR S1-10- Couverture du système de gestion de la santé et de la sécurité

DR S1-11- Performance du système de gestion de la santé et de la sécurité

DR S1-12- Temps de travail

DR S1-13 - Indicateurs d'équilibre vie professionnelle/privée

DR S1-14 - Rémunération équitable

DR S1-15 - Couverture d'éligibilité à la sécurité sociale

DR S1-16 - Écart de rémunération entre les femmes et les hommes

DR S1-17 - Ratio de rémunération totale annuelle

DR S1-18 - Incidents de discrimination liés à l'égalité des chances

DR S1-19 - Emploi des personnes handicapées

DR S1-20 - Différences dans la fourniture d'avantages aux employés avec différents types de contrats de travail

DR S1-21 - Griefs et plaintes relatifs à d'autres droits liés au travail

DR S1-22 - Couverture de la négociation collective

DR S1-23 - Arrêts de travail

DR S1-24 - Dialogue social

DR S1-25 - Cas identifiés de problèmes graves et incidents liés aux droits de l'homme

DR S1-26 - Confidentialité au travail

ESRS S2 - Travailleurs de la chaîne de valeur

DR S2-1 - Politiques relatives aux travailleurs de la chaîne de valeur

DR S2-2 - Processus de dialogue avec les travailleurs de la chaîne de valeur sur les impacts

DR S2-3 - Canaux permettant aux travailleurs de la chaîne de valeur de faire part de leurs préoccupations

DR S2- Objectifs liés à la gestion des impacts négatifs matériels, à la progression des impacts positifs et à la gestion des risques et opportunités matériels

DR S2-5 - Actions sur les impacts matériels relatifs aux travailleurs de la chaîne de valeur et à l'efficacité de ces actions

DR S2-6 - Approches pour atténuer les risques matériels et saisir les opportunités matérielles liées aux travailleurs de la chaîne de valeur

ESRS S3 - communautés impactées

DR S3-1 - Politiques relatives aux communautés impactées

DR S3-2 - Processus de dialogue avec les communautés impactées sur les impacts

DR S3-3 - Canaux permettant aux communautés impactées de faire part de leurs préoccupations

DR S3-4 - Objectifs liés à la gestion des impacts négatifs matériels, à la progression des impacts positifs et à la gestion des risques et opportunités matériels

DR S3-5 - Actions sur les impacts matériels relatifs aux communautés impactées et à l'efficacité de ces actions

DR S3-6 - Approches pour atténuer les risques matériels et saisir les opportunités matérielles liées aux communautés impactées

ESRS S4 - utilisateurs finaux et consommateurs

DR S4-1 - Politiques relatives aux utilisateurs finaux et consommateurs

DR S4-2 - Processus de dialogue avec les consommateurs et les utilisateurs finaux sur les impacts

DR S4-3 - Canaux permettant aux utilisateurs finaux et consommateurs de faire part de leurs préoccupations

DR S4-4 - Objectifs liés à la gestion des impacts négatifs matériels, à la progression des impacts positifs et à la gestion des risques et opportunités matériels

ESRS G1 - Gouvernement, gestion du risque et contrôle interne

DR G1-1 - Structure de la gouvernance et composition

DR G1-2 - Code ou politique de gouvernance d'entreprise

DR G1-3 - Processus de nomination

DR G1-4 - Politique de diversité

DR G1-5 - Processus d'évaluation

DR G1-6 - Politique de rémunération

DR G1-7 - Processus de gestion des risques

DR G1-8 - Processus de contrôle interne

DR G1-9 - Composition des organes d'administration, de direction et de surveillance

DR G1-10 - Réunions et taux de participation

ESRS G2 - Conduite des affaires

DR G2-1 - Culture de la conduite des affaires

DR G2-2 - Politiques et objectifs relatifs à la conduite des affaires

DR G2-3 - Prévention et détection de la corruption

DR G2-4 - Prévention et détection des comportements anticoncurrentiels

DR G2-5 - Formations anti-corruption

DR G2-6 - Evènements anti-corruption

DR G2-7 - Événements sur le comportement anticoncurrentiel

DR G2-8 - Propriété effective

DR G2-9 - Engagement politique et activités de lobbying

DR G2-10 - Pratiques en matière de paiement


* 1 « Repenser la place des entreprises dans la société : bilan et perspectives deux ans après la loi Pacte », rapport de Bris Rocher au ministre de l'Economie et des finances, octobre 2021.

* 2 « Repenser la place des entreprises dans la société : bilan et perspectives deux ans après la loi Pacte », », rapport de Bris Rocher au ministre de l'Economie et des finances, octobre 2021.

* 3 « Danone, une illustration des fragilités du statut d'entreprise à mission », par Bertrand Valiorgue Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne (UCA), The Conversation, 8 mars 2021.

* 4 « Why activist hedge funds target socially responsible firms : The reaction costs of signaling corporate social responsibility », Mark R. DesJardine, Emilio Marti, & Rodolphe Durand. 2020. Academy of Management Journal : forthcoming. Access via : https://tinyurl.com/yd2v6tey

* 5 « La France est le seul grand pays à s'être limité au seuil de 5 % prévu par la directive européenne ; des seuils à 1, 2 ou 3 % ont en effet été introduits dans de nombreux pays européens, notamment l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l'Italie » selon la communication de l'Autorité des marchés financiers sur l'activisme actionnarial d'avril 2020.

* 6 L'indice S&P 500 (SPX), créé par Standard & Poor's en 1962, est le plus représentatif de l'économie américaine parmi les trois principaux indices, puisqu'il couvre environ 80 % du marché boursier américain par sa capitalisation boursière. Sa valeur est calculée en pondérant chaque entreprise en fonction de cette dernière, puis en appliquant un diviseur, déterminé par l'agence S&P. Le calcul, de manière simple, est le suivant : somme de la capitalisation de l'ensemble des composantes divisée par le diviseur, soit le total des capitalisations/diviseur.

* 7 « ESG should be boiled down to one simple measure: emissions. Investment and sustainability: Three letters that won't save the planet ».

* 8 Instrument financier hybride qui regroupe les caractéristiques de deux instruments : (i) un fonds : comme une SICAV ou un FCP, un ETF collecte l'épargne des investisseurs et émet des parts. À la différence des OPCVM (SICAV ou FCP), où chaque souscription (rachat) donne lieu à l'émission (destruction) d'une ou plusieurs parts, les parts d'un ETF sont créées avant tout achat par les investisseurs finaux et (ii) une action : un ETF est un titre négociable en bourse, dont le prix de négociation dépend de l'offre et de la demande. L'investissement dans un fonds constitue une souscription et implique des frais plus importants car l'opération est plus lourde sur le plan administratif.

La valorisation d'un ETF est particulière. En effet, comme l'ETF a pour fonction de répliquer un indice de référence du marché, son actif est constitué des valeurs qui composent l'indice, dans les mêmes proportions. L'ETF a donc une valeur liquidative égale à la valorisation pondérée des valeurs qui composent son actif, divisée par le nombre de parts, comme n'importe quel fonds. Cependant, comme l'ETF est également un actif coté sur le marché, il a aussi un prix qui varie en fonction de l'offre et de la demande sur le marché.

* 9 « Observatoire Quantalys de la Gestion ETF 2021-2022», en partenariat avec BNP Paribas Asset Management, 7 avril 2022.

* 10 Pages 146 et suivantes.

* 11 « Repenser la place des entreprises dans la société : bilan et perspectives deux ans après la loi Pacte ».

* 12 Réalisée du 14 juin au 2 juillet 2021 pour le compte du comité Impacte auprès de 1 500 salariés.

* 13 bit.ly/IGF-label-ISR

* 14 « Propriétaire du label ISR, l'État définit son contenu, organise et anime la consultation des parties prenantes. Le ministre chargé des finances a compétence pour établir par arrêté le référentiel et le plan de contrôle et de surveillance du label. Il nomme également les membres de la comitologie, la DG Trésor étant chargée du secrétariat et de l'animation de leurs travaux », rapport précité.

* 15 « Le défaut d'harmonisation des notations ESG s'observe à plusieurs niveaux : sur la finalité de la notation (matérialité financière ou extra-financière, risques ou opportunités) ; sur la méthodologie d'agrégation des données (notation absolue en fonction de critères ou relative au sein d'un secteur, pondération des trois piliers E, S et G) ; sur les données elles-mêmes (indicateurs quantitatifs et informations qualitatives, publication par l'émetteur ou estimation à partir de sources externes) », idem.

* 16 Mercredi 5 janvier 2022, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a organisé une table ronde sur les enjeux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en matière environnementale sur le thème : « Comment la France peut-elle influencer le Pacte vert ? ».

* 17 « La méthode « best in class » actuelle permet de s'assurer d'un résultat « moyen » sur les trois piliers E, S et G, mais ce résultat peut être atteint de manière très déséquilibrée, avec un très bon résultat dans un ou deux des trois domaines ESG et de bien moins bons résultats dans les autres. Or, la recherche de l'équilibre et de la cohérence est au coeur des démarches de développement durable. Il faut donc pouvoir s'assurer, par des notes ou des niveaux planchers, que les résultats sur les trois piliers sont équilibrés et que les fonds ne font pas l'impasse sur l'une ou l'autre de ces trois dimensions ».

* 18 « La possibilité d'un système de gradation, permettant de proposer, au-delà de ce socle à l'exigence renforcée, des niveaux d'exigences supplémentaires du label ISR, aurait un effet probablement stimulant pour les gestionnaires de fonds mais au risque peut-être de nuire à la lisibilité de l'ensemble ».

* 19 Le réseau SDSN France a été lancé le 13 novembre 2018 à Paris par l'université PSL, KEDGE Business School et CY Cergy Paris Université (ex-université de Cergy-Pontoise). Ces établissements d'enseignement supérieur s'engagent à trouver et diffuser des solutions pour atteindre les objectifs de développement durable.

* 20 https://www.sdgindex.org

* 21 Les Échos, 26 octobre 2022.

* 22 « L'Entreprise Full-RSE à horizon 2030 », Institut de l'entreprise, juin 2022. Ce programme d'étude s'est matérialisé par la tenue de dix ateliers de partage et de co-construction entre pairs, de septembre 2020 à novembre 2021 - chaque atelier portant sur l'une des fonctions de l'entreprise : Ressources humaines, Marketing, Finance, Systèmes d'information, Communication, Supply chain, Achats, Direction générale, Administrateur, RSE, et son évolution à horizon 2030. Ces ateliers ont réuni plus d'une centaine d'entreprises, dix associations professionnelles, une trentaine d'académiques et en tout près de 240 participants.

* 23 Selon une étude du NewClimate Institute & Data-Driven Envirolab. Par ailleurs, 542 ont vu leur stratégie climat validées par la Science Based Targets Initiative qui vérifie leur alignement avec les objectifs de l'Accord de Paris de 2015.

* 24 Audition du 17 février 2022.

* 25 Table-ronde du 20 septembre 2022 organisée par la Délégation aux entreprises.

* 26 Par le décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021 relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique, qui pérennise, au nouvel article R. 2122-9-1 du code de la commande publique , le dispositif mis en place à titre expérimental et pour une durée de trois ans par le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018.

* 27 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924

* 28 https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=BrE-UuPQJRFrRcLJ25MprSJ8wJorJFT_MbK-JkEwE60=

* 29 Selon le rapport « Pour une commande publique sociale et environnementale : état des lieux et préconisations » de Mmes Nadège Havet - Sophie Beaudouin-Hubière , remis au Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance le 20 octobre 2021.

* 30 Edward Jossa, Acteurs Publics, 16 novembre 2021.

* 31 Rapport n° 634 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 15 juillet 2020.

* 32 La sanction, consistant en une amende de 375 000 euros, s'applique uniquement en cas de non-respect des obligations de publication , et non si les objectifs fixés ne sont pas atteints.

* 33 N°4040 du 31 mars 2021, de M. Saïd AHAMADA, Mme Barbara BESSOT BALLOT, M. Dominique DA SILVA et Mme Laurianne ROSSI, rapporteurs.

* 34 Le rapport de l'Assemblée nationale propose d'exiger des entreprises plus de 500 salariés de définir un plan de transition écologique et des indicateurs par le biais de négociations sectorielles à l'échelle de la branche. Elles s'engageraient ainsi sur la réduction de leurs émissions de scope 3, avec une trajectoire compatible avec la SNBC, l'ensemble faisant l'objet d'un dispositif de suivi. Le bilan des émissions de gaz à effet de serre serait maintenu au niveau de scope 1 pour les petites entreprises recevant des aides d'un niveau modeste. Des feuilles de route de décarbonation pourraient être établies au niveau des comités stratégiques de filières du Conseil national de l'industrie pour les secteurs industriels les plus émetteurs, déclinées pour les principales entreprises, sous forme d'engagements contractuels entre l'État et la filière, la filière s'engageant sur une trajectoire et l'État mobilisant à l'appui de cette trajectoire les aides à la décarbonation du plan de relance.

* 35 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045570594

* 36 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045570611

* 37 Voir la note réalisée par la DG Trésor le 7 décembre 2020 :

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/12/07/une-nouvelle-norme-pour-un-nouveau-capitalisme-l-extra-financier-accelerateur-des-entreprises-responsables

* 38 L'IASB ou Bureau international des normes comptables est l'organisme international chargé de l'élaboration des normes comptables internationales.

* 39 Le Financial Accounting Standards Board ou Comité des normes comptables et financières, est une association à but non lucratif , non gouvernementale , dont le but est de développer les principes comptables des États-Unis dans l'intérêt du public. La Securities and Exchange Commission a désigné le FASB comme l'organisme responsable de l'établissement des normes comptables pour les entreprises cotées aux États-Unis.

* 40 « Le capitalisme responsable, une chance pour l'Europe », septembre 2020.

* 41 Autorité bancaire européenne, European Banking Authority .

* 42 European Securities and Markets Authority .

* 43 European Insurance and Occupational Pensions Authority .

* 44 Entité à but non lucratif mais enregistrée dans l'État du Delaware.

* 45 Présentée de façon plus détaillée, voir infra.

* 46 « Information "extra-financière" : reconquérir la souveraineté européenne », Martin Richer, Metis, 7 juin 2021.

* 47 Normalisateur.

* 48 Rapport d'information n°773 du 13 juillet 2022 de la commission des Finances sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes, par M. Jérôme Bascher.

* 49 Olivia Grégoire, secrétaire d`État chargée de l'économie sociale.

* 50 Position de l'AFEP sur la proposition de directive sur le reporting des entreprises en matière de durabilité (CSRD), juillet 2021.

* 51 GRI, du SASB ou du UN Global Compact.

* 52 Audition du 17 février 2022.

* 53 L'article 29 de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat remplace l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier et donc l'article 173-VI de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

* 54 Pour le « Groupe de travail sur la publication d'informations financières relatives au climat ». Créée en décembre 2015 par le Conseil de stabilité financière du G20 et présidée par M. Michael Bloomberg , fondateur de la société d'information financières éponyme, il définit des recommandations concernant la publication, à destination des investisseurs, d'informations par les entreprises sur leur gouvernance et leurs actions pour réduire leurs risques liés au changement climatique . Les recommandations en matière de publication d'informations sont structurées autour de quatre thèmes : la gouvernance , la stratégie , la gestion des risques , les indicateurs-clés et objectifs.

* 55 « Étude sur l'état des pratiques - informations et données - de reporting climat (2019) », ADEME.

* 56 Étude ADEME susmentionnée.

* 57 « Pas de développement durable sans mesure d'impact ! », par Rim Tehraoui, chief data officer du groupe BNP Paribas, Côme Perpere, directeur du développement durable de Microsoft France et Romain Mouton, président du Cercle de Giverny. Le tribune est cosignée par les membres du groupe de travail « Le rôle de la data dans l'industrialisation du développement durable » du Cercle de Giverny, La Tribune, 2 septembre 2022.

* 58 Bastien Rosspopoff, de la division supervision transversale à l'AMF.

* 59 Pascal Durand, rapport du 22 mars 2022 A9-0059/2022 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2013/34/UE, 2004/109/CE et 2006/43/CE ainsi que le règlement (UE) n° 537/2014 en ce qui concerne la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises.

* 60 « La fourniture de données extra-financières : cartographie des acteurs, produits et services ».

* 61 Le standard ARISTA (ex CSRR-QS) est une norme de qualité volontaire européenne créé en 2002 par l'Association for Independent Corporate Sustainability and Responsibility Research (AI CSRR) en concertation avec l'ensemble des parties prenantes (fournisseurs de données, émetteurs, investisseurs) et avec le soutien de la Commission européenne.

* 62 En l'absence d'objection, l'acte délégué entrera en vigueur et s'appliquera. Au sein du Conseil, l'objection au texte est possible par un vote à la majorité qualifiée renforcée inversée (au moins 20 États membres, représentant au moins 65% de la population de l'UE).

* 63 Des exemptions de calcul sont prévues pour les entreprises non financières en cas de non-matérialité des Opex.

* 64 Selon le rapport de l'ADEME Parlements sur le bilan de l'expérimentation de l'affichage environnemental des produits alimentaires.

* 65 Certains indicateurs spécifiques aux entreprises financières seront requis uniquement à compter de 2026 (sur les données 2025).

* 66 Les produits de l'article 6 ne tiennent pas compte des enjeux environnementaux et sociaux et qui n'ont pas d'objectif d'investissement durable, ceux de l'article 8 tiennent compte des enjeux environnementaux et sociaux, et les produits de l'article 9 ont pour objectif l'investissement durable avant l'objectif de rentabilité financière.

* 67 Jean-Pierre Gomez , Responsable des Affaires Publiques et Réglementaires, SGSS Luxembourg, Option Finance, 29 avril 2022 .

* 68 KPIs : Key Performance Indicators , ou Indicateurs Clés de Performance, mesure quantitative qui permet de suivre la progression d'une équipe ou d'une organisation au regard d'objectifs stratégiques.

* 69 Incidences négatives sur les facteurs de durabilité.

* 70 Communication de la Commission - Plan d'action: financer la croissance durable (europa.eu)

* 71 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020R0852&from=EN

* 72 1. Atténuation du changement climatique

2. Adaptation au changement climatique

3. Protection et utilisation durable des ressources hydriques et marines

4. Transition vers une économie circulaire

5. Prévention et contrôle de la pollution

6. Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

* 73 Foresterie, activités de protection et de restauration de l'environnement, industrie manufacturière, production et distribution d'énergie, transport, construction et immobilier, information et communication, activités financières et d'assurance, éducation, santé et économie sociale, culture et divertissement, activités scientifiques et techniques, production et distribution d'eau, nucléaire et gaz.

* 74 « Une activité économique est considérée comme « éligible » si elle est incluse dans la liste évolutive des activités figurant dans les actes délégués du règlement Taxinomie. Il s'agit des activités sélectionnées à ce stade par la Commission européenne, qui sont susceptibles d'apporter une contribution substantielle à chaque objectif environnemental. Une activité économique éligible ne respecte pas nécessairement les critères techniques permettant de considérer qu'elle est alignée avec la taxinomie européenne » selon l'Autorité des marchés financiers.

* 75 https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/taxinomie

* 76 Comme les questions-responses (FAQ) publiés par la Commission européenne en décembre 2021 et février 2022, visant à éclairer les parties prenantes sur le contenu des dispositions de l'acte délégué Article 8, et à aider dans l'implémentation de ces obligations de reporting ou comme l'outil développé par la Commission européenne, l'EU Taxonomy Compass, qui permet aux utilisateurs de vérifier les activités incluses dans la taxinomie de l'UE (activités éligibles à la taxinomie), et les critères à respecter par chaque activité pour que celle-ci soit considérée comme alignée.

* 77 Dans ce contexte, les impacts positifs équivalent à des opportunités, quand les impacts négatifs constituent des risques.

* 78 RSE Reporting, 8 février 2022 .

* 79 « Devoir de vigilance : analyse comparée de la loi française et de la proposition de directive », Candice Hulo, Observatoire de la justice pénale, 23 mars 2022.

* 80 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220627/europ.html#toc3

* 81 Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937, COM(2022) 71 final.

* 82 https://www.senat.fr/leg/tas21-143.html

* 83 « Projet de directive concernant un devoir de vigilance européen : quels défis pour les entreprises assujetties ? », Bernard Cazeneuve et Pierre Sellal , Dalloz Actualité, 2 Juin 2022.

* 84 Cette exonération de responsabilité trouve à s'appliquer dès lors que les entreprises sont en mesure de démontrer (i) qu'elles ont inséré des garanties contractuelles suffisantes obligeant leurs partenaires commerciaux à respecter leur code de conduite ou leur plan de vigilance et (ii) qu'elles ont également réalisé des audits suffisants pour s'assurer que ces garanties seront respectées.

* 85 Ces points de vigilance sont détaillés dans cet article :

https://www.dalloz-actualite.fr/node/projet-de-directive-concernant-un-devoir-de-vigilance-europeen-quels-defis-pour-entreprises-ass

* 86 Contribution adressée à la Délégation aux entreprises le 26 septembre 2022.

* 87 Directive n° 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive n° 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

* 88 « Déclaration pour une directive ambitieuse de l'Union européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de droits de l'Homme et d'environnement dans les chaînes de valeur mondiales » adoptée lors de l'assemblée plénière le 24 mars 2022.

* 89 « Avec le devoir de vigilance européen, l'UE s'équipe d'un levier pour lutter contre le dumping social et environnemental » Yann Queinnec, Directeur général de l'agence de conseil Affectio Mutandi, Le Monde, 22 février 2022.

* 90 « Ce contrôle pourrait prendre différentes formes, qui resteraient à définir précisément :

- contrôle du contenu des plans - sans préjudice de leur mise en oeuvre - ainsi que du respect des règles relatives à leur élaboration et à leur publicité ;

- réception de signalements ;

- recommandations, voire mises en demeure ou injonction de pallier les manquements constatés par l'autorité ».

* 91 Relatives « au suivi de l'application du devoir de vigilance ; à l'accompagnement des entreprises et parties prenantes concernées ; au contrôle du respect des obligations légales, sous réserve que cela ne conduise pas à une forme d'homologation des plans de vigilance qui se ferait au détriment des recours contentieux ».

* 92 Ainsi libellé : « Afin de garantir la qualité de l'information environnementale mise à la disposition du consommateur, les producteurs réalisant volontairement une communication ou une allégation environnementale concernant leurs produits sont tenus de mettre à disposition conjointement les principales caractéristiques environnementales de ces produits ».

* 93 Ainsi libellé : « Une expérimentation est menée pour une durée de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi afin d'évaluer différentes méthodologies et modalités d'affichage environnemental ou environnemental et social. Cette expérimentation est suivie d'un bilan, qui est transmis au Parlement, comprenant une étude de faisabilité et une évaluation socio-économique de ces dispositifs. Sur la base de ce bilan, des décrets définissent la méthodologie et les modalités d'affichage environnemental ou environnemental et social s'appliquant aux catégories de biens et services concernés ».

* 94 https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/5465-affichage-environnemental-des-produits-alimentaires.html

* 95 L'analyse du cycle de vie (ACV), une méthodologie multi-étapes et multi-critères de quantification des impacts d'un produit sur l'environnement tout au long de son cycle de vie.

* 96 La PEF ( Product Environmental Footprint ) ou EEP (Empreinte Environnementale de Produit) est le résultat d'une étude d'empreinte environnementale fondée sur la méthode générale pour mesurer et indiquer l'impact environnemental potentiel d'un produit tout au long de son cycle de vie.

* 97 « S'agissant de la question des coûts, il est essentiel de défini r, plus précisément que ne le fait le rapport, des démarches de mutualisation et autres voies permettant, sinon de réduire, au moins de maîtriser les impacts financiers de l'affichage. Pour les TPE et PME notamment, un dispositif d'aide devrait être mis en place quel que soit le scénario retenu, de manière à ne pas les exclure du dispositif » ; avis du CNC sur le bilan de l'expérimentation nationale de l'affichage environnemental des produits, 9 juillet 2013.

* 98 « Il faut en effet trouver un juste milieu permettant une mise en oeuvre de l'affichage respectant divers paramètres allant du respect du droit de la concurrence à la mobilisation des acteurs économiques ainsi qu'au coût du déploiement », CESE. « L'affichage environnemental, levier pour la mise en oeuvre de l'économie circulaire », Philippe Dutruc, 26 mars 2019.

* 99 « Les entreprises face au risque climatique : quelles incitations ? Quels accompagnements ? », janvier 2021 - CCI France.

* 100 Labels Environnementaux | Particuliers | Agir pour la transition écologique | ADEME

* 101 « Affichage social sur les biens et services », février 2022.

* 102 Article L.229-25 code de l'environnement.

* 103 Il prévoit également la publication annuelle de l'ensemble des indicateurs composant l'Index de l'égalité professionnelle.

* 104 ISO 14064-1:2018 « Gaz à effet de serre -- Partie 1: Spécifications et lignes directrices, au niveau des organismes, pour la quantification et la déclaration des émissions et des suppressions des gaz à effet de serre ».

* 105 9 ème étude Tennaxia sur les pratiques de reporting et rapports RSE.

* 106 « PME, les enjeux du reporting climatique : comment accompagner le changement ? », décembre 2021.

* 107 Article R.225-105 du Code de l'environnement.

* 108 https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/evaluating-and-improving-existing-laws/refit-making-eu-law-simpler-less-costly-and-future-proof_fr

* 109 Publiées en juin 2019, les « lignes directrices relatives aux informations en rapport avec le climat » sont un guide pour répondre aux exigences de la Directive 2014/95/UE sur la publication d'informations non financières (NFRD). Elles intègrent les recommandations de la Taskforce on climate-related financial disclosures (TCFD) et prennent en compte la taxinomie européenne des activités durables.

* 110 Panorama financier et extra-financier du reporting carbone des entreprises, AMF, décembre 2021.

* 111 En annexe du présent rapport.

* 112 Table-ronde du 20 septembre 2022, organisée par la Délégation sénatoriale aux entreprises.

* 113 Dont le contenu est précisé par l' article R225-105 du code de commerce.

* 114 Mme Maud Gaudry, Associée Global Sustainability Services, Experte technique sustainability reporting - Lead project manager du groupe de travail de l'EFRAG en charge de la normalisation du reporting , Baromètre RSE, Mazars, septembre 2022.

* 115 « Cocher les cases », synonyme de respect du formalisme.

* 116 Table-ronde du 20 septembre 2022, organisée par la Délégation aux entreprises.

* 117 « La RSE, un enjeu européen Contribution aux travaux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne », avis d'octobre 2021.

* 118 Selon le dossier interinstitutionnel 2021/0104(COD) du 18 février 2022.

* 119 Ce nouveau texte se lit comme suit : « En outre, pendant les trois premières années d'application de la présente directive, si toutes les informations nécessaires relatives aux relations commerciales et à la chaîne d'approvisionnement ne sont pas disponibles, l'entreprise inclut les informations dont elle dispose ainsi qu'une déclaration indiquant que les relations commerciales et les entreprises de sa chaîne de valeur n'ont pas mis à disposition les informations nécessaires ».

* 120 « comme la combinaison et la simplification d'ESRS 1 et 2 ou encore un regroupement des indicateurs de gouvernance contenus dans ESRS 2 avec le standard ESRS G1 »

* 121 « La RSE, un enjeu européen. Contribution aux travaux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne », avis d'octobre 2021.

* 122 L'absence de référence à un seuil de salariés s'explique par l'absence de définition commune du salariat et par un calcul difficile de ce seuil au niveau mondial.

* 123 Directive (UE) 2021/2101 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les revenus des sociétés, appelée « directive concernant les déclarations pays par pays » (DPPP ou « Country-by-Country Reporting », ou « CbCR»), entrée en vigueur le 21 décembre 2021.

* 124 « Le conseil d'administration et l'information extra-financière », rapport de l'IFA - 22 avril 2021.

* 125 « La fourniture de données extra-financières : cartographie des acteurs, produits et services », décembre 2020.

* 126 Table-ronde du 20 septembre 2022, organisée par la Délégation aux entreprises du Sénat.

* 127 Rapport n° 666 (2020-2021) de MM. Philippe TABAROT , Pascal MARTIN et Mme Marta de CIDRAC , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets du 2 juin 2021.

* 128 Avis sur « l'affichage social des biens et services », février 2022.

* 129 « Standards shall not specify disclosures that would require undertakings to obtain information from small and medium-sized undertakings in their value chain that exceeds the information to be disclosed according to the sustainability reporting standards for small and mediumsized undertakings. ».

* 130 Indice boursier de la bourse de Paris, déterminé à partir des cours de 40 actions du CAC 40 et de 80 valeurs des compartiments A et B Euronext. Cet indice est représentatif du marché dans son ensemble.

* 131 « La Responsabilité Sociétale des Entreprises, nouvelle priorité stratégique des administratrices et administrateurs ? », IFA, ORSE et PwC France et Maghreb, mars 2022.

* 132 « Changing the Climate in the Boardroom », Rapport de Heidrick & Struggles et de l'INSEAD, décembre 2021. Données recueillies sur questionnaire fin 2021 parmi 301 répondants originaires de 43 pays et membres du Conseil d'administration d'entreprises basées pour les trois quarts dans les pays occidentaux : Europe de l'Ouest (30 %), Grande-Bretagne (21 %) et Amérique du Nord (23 %).

* 133 « Boards Are Obstructing ESG -- at Their Own Peril », Tensie Whelan, Harvard Business Review, 18 janvier 2021.

* 134 « Climat : les Conseils d'administration sont loin du compte », Mangement & RSE, 3 mai 2022.

* 135 « US Corporate Boards Suffer from Inadequate Expertise in Financially Material ESG Matters », Tensie Whelan, NYU Stern Center for Sustainable Business, janvier 2021.

* 136 Heidrick & Struggles, « Board Monitor US 2021 », 8 juin 2021

* 137 « Accélérer la transformation écologique et sociale de la France : 30 propositions pour une RSE systémique », septembre 2022. Le Cercle de Giverny est un laboratoire d'idées qui agit en faveur du déploiement opérationnel de la RSE systémique. Ses travaux sont placés sous le haut-patronage du ministère de l'Économie, des Finances.

* 138 Association française créée en 2010 et un laboratoire d'idées qui s'est donné pour objectif l'atténuation du changement climatique et la réduction de la dépendance de l'économie aux énergies fossiles, particulièrement au pétrole.

* 139 « Référentiel de développement durable et de responsabilité sociétale des établissements d'enseignement, de recherche et d'innovation ». Apprendre & agir ensemble, version 2021.

* 140 « L'écologie aux rattrapages. L'enseignement supérieur français à l'heure de la transition écologique : état des lieux et revue des pratiques », février 2021.

* 141 « Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique dans l'Enseignement supérieur », rapport de Jean Jouzel et Luc Abadie, 16 février 2022.

* 142 « Danone, une illustration des fragilités du statut d'entreprise à mission », par Bertrand Valiorgue Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne (UCA), The Conversation, 8 mars 2021.

* 143 Rapport du groupe de travail présidé par Bernard Field, sur les déclarations de franchissement de seuil de participation et les déclarations d'intention, octobre 2008.

* 144 Proposition de loi de M. Philippe Marini, n° 695 (2010-2011), du 29 juin 2011, tendant à améliorer l'information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier.

* 145 Rapport n°2287 du 2 octobre 2019 publié en conclusion des travaux d'une « mission d'information relative à l'activisme actionnarial », constituée par la Commission des finances de l'Assemblée nationale, qui avait pour co-rapporteurs Eric Woerth et Benjamin Dirx.

* 146 « Les dirigeants de PME-ETI face à l'urgence climatique », juin 2020.

* 147 « PME, les enjeux du reporting climatique : comment accompagner le changement ? », décembre 2021.

* 148 « Les entreprises face au défi climatique : quelles incitations ? Quels accompagnements ? », janvier 2021.

* 149 Dans les procédures formalisées, il incombe au pouvoir adjudicateur de les autoriser expressément dans le document de la consultation. Il conviendrait donc de recommander aux acheteurs publics d'autoriser, voire d'encourager les variantes proposant des solutions favorables à la transition bas carbone. Dans les procédures non formalisées (marchés publics à procédure adaptée, MAPA), très prisées des PME, les variantes sont par principe autorisées ; les entreprises devraient s'en saisir davantage pour proposer des solutions innovantes en termes de performances climatiques.

* 150 En application de l'article R.2552-7 du Code de la commande publique.

* 151 Article L. 2152-7 du Code de la commande publique.

* 152 Article L. 2112-2 du Code de la commande publique.

* 153 Article R. 2111-1 du code de la commande publique, qui transpose l'article 40 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014.

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