B. LE FONDS BARNIER DOIT ÊTRE MOBILISÉ POUR LES EXPÉRIMENTATIONS LES PLUS ABOUTIES, AFIN DE PRÉPARER LA GÉNÉRALISATION DE CELLES DONT L'EFFICACITÉ SERAIT CONFIRMÉE

1. Le fonds Barnier peut être mobilisé pour évaluer les techniques les plus pratiquées, tandis que les techniques les plus expérimentales peuvent faire l'objet de financements par le 4ème programme d'investissements d'avenir

Le retrait-gonflement des argiles ne fait pas l'objet de financement dans le cadre du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM - fonds Barnier). Selon la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la raison est que le RGA présente des caractéristiques différentes de celles des risques pris en charge par le fonds : « Le RGA n'est pas considéré comme un risque naturel majeur au sens où il ne présente pas d'impact direct sur les vies humaines, ce qui est par essence la philosophie d'intervention première du fonds Barnier . » 17 ( * )

Cette affirmation est contestable. Le fonds Barnier est également employé pour financer des mesures de prévention des biens exposés aux risques naturels majeurs. De plus, si le RGA est maintenu au sein du régime CatNat en raison de ses conséquences exceptionnelles sur le bâti, la même logique pourrait être appliquée pour le fonds Barnier.

Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs
(FPRNM - fonds Barnier)

Le Fonds de préventions des risques naturels majeurs (FPRNM), plus communément appelé fonds Barnier, a été créé par la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Le champ d'intervention du fonds Barnier comprend les axes majeurs de la prévention des risques naturels, et il est devenu la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels de l'État et un élément central de sa structuration et connu des collectivités. Le FPRNM s'articule avec le régime CatNat.

Le FPRNM soutient également, sous conditions, des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises.

Le budget du fonds Barnier a été intégré au programme 181 « Prévention des risques », par loi de finances pour 2021. Jusqu'à cette intégration, le FPRNM était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « surprime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile. Avec la budgétisation du fonds, le prélèvement affecté directement au FPRNM a été supprimé et remplacé par un prélèvement annuel d'un taux identique au profit du budget général de l'État.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial pour l'examen du projet de loi de finances pour 2023

La DGPR souligne également que : « la prévention financée par le FPRNM au-delà de la priorité donnée à la sauvegarde des vies humaines repose sur le principe selon lequel chaque euro investi doit générer « x euros d'économies » » 18 ( * ) ; ce qui signifie que les mesures financées doivent avoir un impact avéré, et que les techniques de prévention doivent être moins coûteuses que le coût des réparations. Les techniques qui sont encore au stade expérimental sont donc exclues des financements octroyés par le fonds.

Il ne faut toutefois pas interpréter cette condition de manière trop stricte. Il faut rappeler que par définition, il n'est pas certain que des mesures de prévention génèrent des économies, puisque dans de nombreux cas la matérialisation des risques n'est pas une certitude.

Dans le cas du RGA, les mesures de préventions « verticales » ont une efficacité avérée. Si leur coût est proche des mesures curatives lorsque les fissures commencent à apparaître, en revanche ces mesures peuvent être plus avantageuses lorsque l'habitation connaît un véritable risque d'effondrement.

Quant aux mesures horizontales, si leur efficacité n'est pas encore complètement évaluée, plusieurs d'entre elles sont bien connues et déjà pratiquées par les entreprises du BTP. La société SMABTP a ainsi affirmé en audition devant le rapporteur que des techniques comme l'imperméabilisation des sols étaient déjà régulièrement utilisées. Des techniques portant sur l'environnement font d'ailleurs partie des recommandations du guide de « bonnes pratiques » du ministère de la transition écologique 19 ( * ) . Le rapport bénéfice/ risque de faire financer des expérimentations et évaluations de mesures horizontales courantes apparaît positif.

Comme le préconisait déjà le rapport précité de la mission d'information sénatoriale en 2019, le fonds Barnier pourrait donc être utilisé pour confirmer l'efficacité des mesures horizontales les plus communément pratiquées, tandis que les mesures plus expérimentales , comme l'hydratation des sols et certaines techniques de drainage, pourraient quant à elles être financées via le 4 ème programme d'investissements d'avenir . La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a également signifié au rapporteur spécial la mise en oeuvre d'un appel à projet mené avec l'ADEME dans le cadre de France 2030 , qui consisterait à tester de nouvelles mesures préventives, comme des techniques visant à « cuire » les argiles.

Le fonds Barnier serait ainsi réservé aux mesures de prévention dont la preuve de l'efficacité est la plus avancée, ce qui permettrait à un nombre significatif de logements de bénéficier de ces mesures, et d'accélérer la généralisation de celles dont l'efficacité aura été complètement confirmée. Cet usage serait cohérent avec la compétence de la direction générale de la prévention des risques. L'usage du fonds Barnier permettrait également d'éviter de passer par des fonds ad hoc , dont le pilotage avait posé des difficultés dans le passé, comme supra .

Les mesures plus expérimentales, financées pour le PIA 4, pourraient quant à elles être menées par la DHUP, le BRGM, le Cerema et l'ADEME, comme c'est le cas actuellement.

Recommandation n° 4 : mobiliser le fonds Barnier pour financer des expérimentations sur les techniques de prévention portant sur l'environnement du bâti les plus abouties, en vue de leur éventuelle généralisation.

Recommandation n° 5 : mobiliser les financements du 4 ème programme d'investissements d'avenir pour développer de nouvelles techniques de prévention du RGA.

2. Les financements doivent concerner en priorité les communes ayant fait une demande non satisfaite de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse

Il reste néanmoins à déterminer le champ de ces financements. À ce stade, le fonds Barnier ne peut pas à lui seul financer ces mesures sur l'ensemble des logements exposés. Le rapport CGEDD-IGA-IGF de mars 2021 propose de cibler en priorité des communes volontaires, pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle a été demandé mais non reconnu , ce qui est un avis partagé par la Cour des comptes 20 ( * ) . Le rapporteur spécial soutient cette recommandation.

Il faut également noter que certaines mesures horizontales, jusqu'alors considérées seulement comme « préventives », sont susceptibles d'avoir également des effets « curatifs » , c'est-à-dire de favoriser le redressement de la structure des bâtiments. Ces effets ne sont pas prouvés aujourd'hui, et ils diffèrent vraisemblablement selon les techniques utilisées, mais ils peuvent potentiellement avoir des conséquences importantes sur la soutenabilité du régime CatNat.

Se focaliser sur les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle permettra donc à la fois de tester la viabilité de certaines techniques , autant d'un point de vue préventif que curatif, et d'apporter un premier remède à des logements qui ne peuvent pas bénéficier de l'indemnisation dans le cadre du régime CatNat.

Recommandation n° 6 : financer en priorité des expérimentations de techniques de prévention du risque RGA dans les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse mais qui ne l'ont pas obtenu.


* 17 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 18 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 19 « Construire en terrain argileux », La réglementation et les bonnes pratiques, novembre 2021.

* 20 Cour des comptes, Rapport « Sols argileux et catastrophes naturelles », février 2022, page 66.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page