EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 31 mai 2023, sous sa présidence, la commission a entendu une communication de Mme Catherine Deroche sur la mission en Martinique sur le vieillissement.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, j'ai conduit du 18 au 22 avril une mission de la commission en Martinique. Notre délégation était composée de Philippe Mouiller, rapporteur de la branche autonomie pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), Jocelyne Guidez, Corinne Féret, Colette Mélot et moi-même.

L'objet de notre mission était d'étudier les questions relatives au vieillissement de la population et aux modalités de prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Le programme de travail élaboré par les équipes de l'agence régionale de santé (ARS) nous a permis de « toucher du doigt » la situation, les problèmes concrets posés par le vieillissement de la population et la nécessité de prendre en charge un nombre croissant de personnes âgées dépendantes. Nous avons pu visiter plusieurs modes d'accueil : établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), publics ou privés, expérimentation d'Ehpad Hors Les Murs, services d'accueil de jour, service de baluchonnage, école des aidants. Nous avons rencontré le préfet, les services de l'ARS, la collectivité territoriale de Martinique, le président de l'association des maires et la présidente de l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité. Nous avons participé à deux tables rondes, avec les représentants des employeurs et avec l'ensemble des acteurs. Je remercie les services de l'ARS pour l'organisation de ces rencontres ainsi que l'ensemble des acteurs locaux rencontrés.

Nous travaillons régulièrement sur ces sujets. Nos travaux soulignent la nécessité de déployer une politique publique volontariste pour faire face à un vieillissement de la population annoncée par toutes les projections démographiques.

La situation de la Martinique illustre les efforts à accomplir pour faire face aux enjeux du vieillissement de la population. En 2050, la Martinique sera la collectivité territoriale la plus âgée de France (elle était 74ème en 2013). Les personnes de 65 ans et plus représenteront 42,3 % de la population, contre 16,9 % en 2013. Cette évolution de la pyramide des âges révèle une transformation radicale et un déséquilibre grandissant dans la composition par âge.

Ce vieillissement de la population est imputable à plusieurs facteurs.

Tout d'abord, la Martinique perd des habitants sous l'effet de mouvements migratoires défavorables et de la diminution de la fécondité. Les départs sont principalement le fait des jeunes, au moment de leurs études supérieures ou de la recherche d'un premier emploi. A contrario, les installations de nouveaux habitants sont plutôt le fait d'actifs expérimentés proches de la retraite.

L'île a perdu plus de 20 000 habitants entre 2006 et 2016 et perd encore près de 4 000 personnes par an. Les projections montrent que cette tendance se poursuivra jusqu'en 2050. La population diminue d'environ 1 % par an. Catherine Conconne souligne que les écoles perdent 800 élèves chaque année.

Parallèlement, la population vivant sur l'île vieillit. Les seniors de plus de 60 ans représentaient 25 % de la population en 2016 : ils seraient 40 % en 2030. La part des moins de 20 ans passerait de 23 % en 2018 à 15 % en 2040. En 2030, les 75 ans et plus représenteraient 15 % de la population totale, contre 11 % aujourd'hui et 9 % en 2016. Le nombre de décès dépasserait celui des naissances dès 2026.

Le vieillissement de la population se traduit également par une augmentation du nombre de personnes âgées en situation de dépendance. En 2020, plus de 20 000 personnes de 60 ans et plus étaient concernées en Martinique (+ 7 % par rapport à 2016). En 2030, ils seraient plus de 25 000 supplémentaires.

Les actifs sont présents au centre et au sud de l'île (22 % de la population vit à Fort-de-France), les retraités se concentrent au nord et à l'extrême sud tandis qu'une population de plus de 75 ans se trouve dans le nord. Si une forte concentration des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) s'observe autour de Fort-de-France, en lien avec la densité de la population, la proportion des bénéficiaires est nettement plus élevée dans la communauté d'agglomération Cap Nord (339 bénéficiaires pour 1 000 personnes âgées de 75 ans ou plus, contre 276 pour 1 000 en Martinique et 209 pour 1 000 en moyenne nationale).

Le défi démographique porté par la Martinique ne s'arrête pas au vieillissement massif et accéléré de sa population. Notre attention a été attirée par le fait que le vieillissement de la population présente des caractéristiques spécifiques, avec une entrée en dépendance plus rapide qu'en France hexagonale.

Le contexte socio-économique de la Martinique se traduit par un taux de pauvreté deux fois supérieur à celui de l'Hexagone et un taux de chômage supérieur de cinq points. Selon l'Insee, 23,4 % des personnes âgées de 60 à 74 ans et 31,2 % des 75 ans et plus vivaient sous le seuil de pauvreté en 2018 (contre 10,5 % et 9,7 % en France hexagonale). Le minimum vieillesse est plus répandu en Martinique (13,2 % des 60 ans et plus en 2018) que dans l'Hexagone (2,9 %).

Les personnes âgées sont aussi confrontées à un risque de perte d'autonomie précoce et plus fréquent en raison notamment d'un état de santé plus dégradé. D'ici 2030, la Martinique connaîtra une augmentation de 30 % du nombre de personnes âgées de 60 ans et plus en dépendance sévère.

En 2016, le taux d'institutionnalisation était de 30 % chez les niveaux d'autonomie dits groupes iso-ressources (GIR) 1-2 et de 5 % pour les GIR 3-4, contre respectivement 65 et 20 % en France hexagonale. Un mécanisme de solidarités familiales permet le maintien à domicile. Toutefois, les phénomènes démographiques et migratoires limitent le nombre d'aidants familiaux. À cela s'ajoute une forte prévalence des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou des troubles apparentés. En 2019, 9 000 personnes étaient touchées par la maladie d'Alzheimer en Martinique et plus de 500 nouveaux cas sont comptabilisés chaque année. Selon l'Insee, cette population devrait tripler d'ici 2040.

En 2016, les personnes handicapées vieillissantes représentaient un tiers des personnes de 60 ans et plus et plus de la moitié des 75 ans et plus.

L'enjeu du maintien à domicile de ces personnes âgées fortement dépendantes deviendra majeur dans les prochaines décennies au regard des différents scénarios d'évolution des taux d'institutionnalisation et du taux d'équipements en places.

L'accroissement du niveau de dépendance se traduit par une progression du nombre de bénéficiaires de l'APA à domicile. La part des bénéficiaires de cette aide (à domicile et en établissement) est plus élevée que dans l'Hexagone (9 % des 60 ans et plus et 26,1 % des 75 ans et plus contre respectivement 7,5 % et 20,9 % en 2019). Sur le territoire martiniquais, l'APA est plus de huit fois sur dix perçue à domicile alors qu'elle l'est moins de six fois sur dix dans l'Hexagone. 20,5 % de ces bénéficiaires de la région sont fortement dépendants.

Le « reste à charge » pour les patients en Martinique est l'un des plus élevés, à 7,50 euros par heure d'aide à domicile environ. Lors de notre visite, Madame Thaly-Bardol, élue en charge de ces questions, a souligné les difficultés rencontrées pour faire passer le montant de l'aide à domicile de 14 euros - tarif pratiqué avant 2022 - à 23 euros.

Nous notons également une part bien plus importante de bénéficiaires de l'aide sociale - entre 96 % et 97 % des résidents d'Ehpad de Martinique perçoivent cette aide.

Les moyens humains nécessaires à une politique de prise en charge des personnes âgées efficace sont insuffisants. La question est beaucoup plus aigüe qu'en France hexagonale.

En Martinique, une grande majorité des personnes âgées dépendantes est prise en charge à domicile, par un ensemble de prestataires de services. Tous nos interlocuteurs ont insisté sur le fait que le maintien à domicile faisait partie intégrante de la culture locale. Il mobiliserait environ 6 000 ETP en 2030. Entre 2020 et 2030, les besoins en emplois augmenteraient d'environ 25 %, soit 1 180 ETP supplémentaires à domicile et 240 en institution.

La situation démographique de l'île ajoute une tension sur ces besoins en personnel. Il n'est pas certain que la population active puisse répondre à cette demande. Catherine Conconne a ainsi pris des initiatives pour encourager le retour des jeunes Martiniquais sur l'île.

Le caractère insulaire de la Martinique constitue une difficulté spécifique. Les acteurs locaux soulignent que le recrutement d'une infirmière suppose « de lui offrir un pont d'or ». Les représentants de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap) - qui gèrent 35 établissements sur l'île - ont exprimé une difficulté propre à leur secteur : la prime de vie chère s'élève à 20 % dans le privé et 40 % dans le public.

La crise de la démographie médicale est aigüe. La formation des infirmières et des aides-soignants reste calée sur une logique hospitalière. Des initiatives émergent (Semaine de l'attractivité des métiers du médico-social, réflexion sur la possibilité d'augmenter les places de formation pour les infirmières, etc.).

Les difficultés de recrutement se répercutent sur les familles et les aidants. Si le maintien à domicile reste privilégié, les aidants sont âgés.

La Martinique doit ouvrir des places en établissements. Un plan de rattrapage avait déjà été lancé dans les années 2000 : ces ouvertures deviennent indispensables. En 2017, l'île comptait 49 places en hébergement et 45 places en lits médicalisés pour 1 000 personnes de 75 ans et plus, contre respectivement 124 %o et 104 %o dans l'Hexagone.

Le parc des Ehpad est très vieillissant. Certains établissements sont vétustes, voire délabrés, et ne répondent pas aux normes en vigueur. Le climat impose une contrainte supplémentaire dans la gestion et l'entretien du bâti.

Le nombre de places en établissements étant limité et les besoins en croissance, les tarifs tendent à être élevés, pénalisant une population dont le niveau de vie est inférieur à la moyenne nationale.

Le taux d'équipement en places dans les services de soins infirmiers à domicile est également très bas : 13 %o personnes âgées de 75 ans et plus en 2017, contre 22 %o en Guadeloupe et 21 %o en France métropolitaine.

La stratégie de développement de l'offre médico-sociale ne se limite pas à rattraper un taux d'équipement cible. L'enjeu, au-delà du maillage territorial, est de disposer d'une offre pertinente, en termes de prestations et de capacité. L'action des acteurs locaux s'envisage dans une perspective de réponses territorialisées aux besoins. Les objectifs sont les suivants :

- lutter contre la multiplication de structures non autorisées ;

- offrir des lieux de prise en charge à taille humaine avec un reste à charge moins important ;

- offrir des solutions d'hébergement temporaire pour permettre le répit des aidants et éviter des retours à domicile non préparés ;

- mieux articuler les services entre Ehpad et dispositifs d'accompagnement ;

- ouvrir les Ehpad sur leur environnement (tiers lieux, etc.).

À terme, ce plan doit intégrer la spécificité des personnes âgées en situation de handicap.

Nous avons trouvé un paysage médico-social en cours d'ajustement. Le vieillissement de la population impose une restructuration importante de l'offre de service anticipant l'augmentation des besoins, l'accroissement de l'âge des aidants et l'insuffisance de l'offre de service.

Ce plan se heurte à des difficultés de financement. L'enveloppe régionale « Ségur CNSA » pour rénover et construire des Ehpad s'élève à 15,4 millions d'euros pour la période 2021-2025. Cette dotation soutiendra un programme de travaux d'environ 135 millions d'euros dans neuf établissements. Les besoins d'aide à l'investissement sur le volet « personnes handicapées », estimés à plus de 50 millions d'euros, ne font l'objet d'aucun financement à ce jour. Les plans de financement des opérations médico-sociales « personnes âgées » et « personnes handicapées » font apparaître des restes à financer s'élevant respectivement à 100 millions et 52 millions d'euros.

La collectivité territoriale de Martinique privilégie le secteur sanitaire. En conséquence, sa capacité à soutenir l'investissement dans le secteur médico-social sera réduite. La capacité des établissements à recourir à l'endettement étant limitée, le risque d'ajournement ou d'étalement des investissements est réel, d'autant que la conjoncture inflationniste engendre des surcoûts.

L'alternative est de recourir à des partenariats avec les bailleurs sociaux ou les promoteurs immobiliers pour le volet médico-social. Toutefois, l'opérateur HLM présent à la table ronde centrait plutôt son activité sur l'adaptation des logements que sur le financement de places d'Ehpad.

Nous nous interrogeons sur les modèles de financement qui permettront l'accroissement du nombre de places. La Martinique ne compte qu'une offre privée limitée de quatre établissements pour lesquels il n'existe aucune liste d'attente.

La prépondérance du secteur public ou associatif s'explique par la situation sociale et financière de la population. Le plus souvent, les résidents bénéficient de l'aide sociale à l'hébergement (jusqu'à 98 % dans certains établissements).

Cette situation soulève la question de l'équilibre financier de la section hébergement. Les établissements de nos départements éprouvent des difficultés comparables. Toutefois, lorsque nous avons évoqué une logique de mutualisation des fonctions - un directeur pour plusieurs établissements, par exemple -, nous avons constaté que les acteurs concernés rejetaient une telle perspective. Sortir d'une logique mono-établissement semble difficile, alors que ces mêmes interlocuteurs concèdent que la taille critique des établissements (60 ou 80 places) suppose des regroupements.

La difficulté de financement du plan de restructuration de l'offre interroge le modèle économique des Ehpad et des services d'accueil ou de relayage destinés aux personnes âgées ou handicapées. Un consensus se dégage néanmoins sur la nécessité d'ouvrir des places supplémentaires pour répondre à plusieurs enjeux :

Rénover ou remplacer l'existant : l'un des plus importants Ehpad de l'île propose des chambres à quatre lits dotées d'une douche pour huit patients. Au-delà, nous avons observé des locaux inadaptés aux besoins (chambres trop exiguës pour accueillir des personnes à mobilité réduite, par exemple).

Anticiper une augmentation des besoins : si nous n'avons pas été informés de longs temps d'attente entre la demande et la mise en institution, les prévisions démographiques doivent être prises en compte.

Traiter la problématique de répartition géographique des solutions sur le territoire.

Notre visite aux centres hospitaliers de Saint-Esprit et de Saint-François synthétise ces différents points. Placés sous une direction commune, ils ont lancé un projet médico-soignant qui aboutira à la reconstruction du centre hospitalier de Saint-Esprit. Ce projet intercommunal porte sur un Ehpad de 33 places et un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) de 40 places. Il répond à trois besoins :

- l'état de délabrement avancé des bâtiments, susceptible d'exposer les patients et les personnels aux risques d'inondation, de sismicité et à l'amiante ;

- la nécessité de combler les lacunes de l'offre de soins et médico-sociale sur cette partie de l'île à l'écart des principaux axes routiers ;

- la mise en commun de fonctions logistiques (cuisine centrale, pharmacie, transports).

Cet effort ne signifie pas que rien n'est fait pour soutenir les modalités de maintien à domicile. Nous avons visité des structures d'accueil de jour classiques. Je souhaite centrer mon propos sur trois exemples donnant des pistes d'innovation.

Le premier est une « école des aidants », gérée par l'association martiniquaise des aidants familiaux, qui propose de fédérer l'offre d'accompagnement proposée aux aidants familiaux pour améliorer le soutien apporté. L'association propose par ailleurs trois types de services : une aide au répit, des ateliers de soutien psychologique et des formations (relever une personne en cas de chute, accompagner ses déplacements, etc.).

Le second est une expérimentation en cours depuis 2019 d'Ehpad « Hors Les Murs ». Elle propose, depuis un Ehpad, une série de services à domicile (soins, aide, repas, sécurité à domicile), d'animations collectives ou personnalisées, de services de transports ou d'accompagnement nutritionnel ou psychologique. Cet Ehpad Hors Les Murs compte seulement treize résidents, d'un âge moyen de 84 ans. Le premier retour d'expérience fait apparaître les points suivants :

- la majorité des résidents bénéficie de deux à trois prestations ;

- les résidents souhaitent vivre chez eux même lorsqu'ils basculent en GIR 2 ;

- l'APA ne couvre pas toutes les prestations et le reste à charge est de 150 euros par mois ;

- certaines familles tendent à démissionner de leur rôle d'aidant ;

- le trafic routier est difficile sur le secteur de Fort-de-France ;

- le sigle « Ehpad » effraie.

Le troisième exemple de maintien à domicile relève de l'association « Les ailes des anges », qui développe deux types d'activités : le répit et le développement de l'habitat inclusif. Elle promeut une formule de relayage
- ou « baluchonnage » - permettant à l'aidant de s'absenter du domicile pendant une à six nuits en étant remplacé par une personne unique. Des sujets de droit du travail et de financement freinent le développement de ces solutions de répit. En Martinique, l'association est en cours de liquidation faute de modèle économique robuste. Un colloque sur le baluchonnage s'est tenu au Sénat après notre retour. Je pense que Jocelyne Guidez, Catherine Féret et Laurent Burgoa aborderont ce sujet lorsqu'ils évoqueront le droit au répit des familles de personnes atteintes de troubles du neuro-développement (TND). Nous serons certainement sollicités prochainement si nous avons à examiner une loi « bien vieillir » ou « grand âge ».

Voici les principaux points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Confrontée à un vieillissement accéléré de sa population, la Martinique doit adapter son offre. Cette problématique générale est rendue plus aigüe par une configuration particulière : insularité, population plus pauvre et dont la santé se dégrade plus rapidement, déficit d'offre. Notre mission cherche à accompagner le territoire dans cette démarche et à nous inspirer de ses bonnes pratiques.

Je conclurai en remerciant Catherine Conconne et Jocelyne Guidez pour leur accueil et leur présence tout au long de nos déplacements sur l'île.

M. Philippe Mouiller. - Lors des visites, j'avais en tête les paroles de Charles Aznavour : « La misère serait moins pénible au soleil ». Dans beaucoup d'établissements, la qualité constitue une réelle difficulté, compensée par un cadre de vie sympathique et par la dimension humaine. Très peu de nos compatriotes en métropole accepteraient d'être accueillis dans une chambre de quatre lits.

Aucun établissement n'atteint l'équilibre financier. Aucun n'a même de perspective d'équilibre. Une dotation de l'État est attendue pour mettre à l'équilibre un système économique défaillant, sans volonté de remise à plat.

Je note aussi le manque de moyens apportés par les collectivités territoriales, qui priorisent le sanitaire - ce dernier présente également des manques considérables. En outre, compte tenu du support familial, il n'entrait pas dans la culture de consacrer des moyens importants à la prise en charge des aînés.

Mme Colette Mélot. - Merci, madame la Présidente, pour ce rapport exhaustif. Ce séjour a été très instructif pour appréhender une situation qui se révèle inquiétante. Il y a urgence à trouver des solutions : vous venez d'en lister plusieurs.

La différence de niveaux socio-économiques entre ceux qui quittent l'île et ceux qui restent est alarmante. Les premiers travaillent pour beaucoup dans la fonction publique, notamment hospitalière, dans l'Hexagone tandis que les seconds restent peu formés et peinent à trouver un travail en Martinique. Nous avons entendu que les écoles ne disposent pas des moyens suffisants, ce qui me paraît très grave. Les établissements devraient recevoir les dotations nécessaires pour éduquer les enfants, comme cela est le cas en métropole.

Un travail important mérite d'être mené, y compris pour améliorer l'attractivité de l'île. Les infrastructures touristiques m'ont semblé peu développées.

Je vous remercie, madame la Présidente, de nous avoir guidés dans cette mission.

Mme Corinne Féret. - Cette mission était extrêmement importante. Vous l'avez rappelé : la Martinique sera bientôt le département français le plus âgé. Cette situation est incroyable. Nous devons la prendre en compte sans attendre.

Culturellement, la solidarité familiale est extrêmement forte. La question de l'accompagnement des personnes âgées vieillissante ne se posait donc pas réellement. Nous observons aujourd'hui deux phénomènes : un vieillissement de la population et le départ des populations plus jeunes, qui ne seront plus là pour s'occuper de leurs parents.

J'ai été marquée par les conditions d'hébergement dans les établissements accueillant les personnes âgées. Certains hébergent deux à quatre résidents dans une même chambre. Dans l'Hexagone, plus aucun établissement n'existe sous ce format inacceptable. Il y a urgence absolue à rénover ces lieux pour assurer un hébergement digne.

La Martinique est un département français. La situation ne peut pas y être aussi différente que dans l'Hexagone.

Mme Jocelyne Guidez. - De métropole, la Martinique est une carte postale. Malgré les difficultés, nous devons conserver cette vision au fond de notre coeur.

Nous n'avons pas le même regard sur les personnes âgées. En Martinique, nous veillons sur nos aînés pour qu'ils ne restent pas seuls.

Les établissements sont en faillite, mais continuent comme si de rien n'était, anticipant qu'ils seront aidés tôt ou tard.

Les jeunes quittent l'île, mais qui ici est resté dans sa région natale ? Ma famille est originaire de Martinique, mais vient dans l'Hexagone pour les études avant de retourner sur l'île pour la retraite. De fait, la population est vieillissante.

Le taux de chômage des jeunes atteint 45 %. Tous n'ont pas les capacités à devenir infirmiers ou aides-soignants. Nous devons leur offrir une scolarité « normale » dès leur plus jeune âge. Trop de jeunes boivent ou se droguent : comment remettre cette population au travail ?

La Martinique est le seul département français dans lequel les jeunes doivent payer leurs livres scolaires. Il s'agit d'une inégalité de territoire.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Notre séjour a été très dense. Nous avons visité plusieurs Ehpad et rencontré des personnes extrêmement impliquées. En revanche, j'ai trouvé la collectivité territoriale frileuse, alors qu'elle a la compétence dans le secteur médico-social.

Mme Michelle Meunier. - Lors de travaux sur la malnutrition et l'obésité, il a souvent été question de la Martinique et des îles environnantes. Avez-vous échangé sur ces aspects avec des professionnels ? Les personnes âgées sont-elles concernées ? Les produits fabriqués sur l'île présentent-ils un taux de sucre élevé ?

Mme Jocelyne Guidez. - Nos anciens ne sont pas gros. La jeunesse est concernée, car elle consomme énormément de sodas. Le taux de sucre a été réduit, mais certains boivent jusqu'à dix ou quinze canettes par jour. La nourriture n'est pas en cause.

Par ailleurs, je tiens à souligner que les billets d'avion vers la Martinique sont inabordables. Pour que les touristes reviennent, nous devons agir sur ce volet.

Mme Viviane Malet. - La situation est globalement similaire à La Réunion. Le taux de personnes âgées a été multiplié par 1,5 entre 1999 et 2014. Cette tendance se poursuit. En 2030, environ 30 % de la population aura plus de 65 ans. Nous sommes aussi confrontés à une perte d'autonomie plus précoce, un parc d'Ehpad vieillissant, une insuffisance de places, des difficultés de déplacement, un tarif et un reste à charge élevés pour une population plus précaire qui peine à accéder à ses droits. Le maintien à domicile est favorisé.

Un rapport global sur les Outre-mer mériterait d'être rédigé. La Guyane et Mayotte rencontrent également des problématiques d'habitat et de structure. Je m'étais battue pour que les résidences autonomie soient autorisées dans ces territoires. L'Assemblée nationale a repris cette proposition l'année dernière. Malgré l'inscription de cette disposition dans la loi, nous n'en savons pas plus quant à son application.

Pour rattraper ce retard, je plaide pour une ligne budgétaire unique en faveur du logement (LBU) dédiée aux personnes âgées.

En revanche, les jeunes souhaitent rester à La Réunion, grâce au service militaire adapté (SMA) et aux investissements du département dans la formation.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je remercie à nouveau l'ensemble des personnes qui nous ont accueillis et accompagnés.

Je vous demande d'approuver formellement la publication de notre rapport.

La commission unanime autorise la publication du rapport.