AVANT-PROPOS

Dans quelques jours, le Gouvernement devrait annoncer une nouvelle étape de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement (TND), près de vingt ans après le premier plan autisme.

Initiés à partir de 2005, les trois premiers plans ont concentré les efforts en direction des troubles du spectre de l'autisme (TSA). Ils ont ainsi cherché à répondre à une situation insuffisamment prise en charge et à renouveler les modalités d'intervention.

Les troubles du neuro-développement sont un ensemble d'affections, qui débutent durant la période du développement (enfance) et se caractérisent par des déficits du développement entrainant une altération du fonctionnement personnel, social, scolaire ou professionnel.

Définis en 2013 par la cinquième version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'association américaine de psychiatrie (DSM-V), ils regroupent des affections qui se cumulent fréquemment et engendrent des symptômes très variés : ceux du trouble du spectre de l'autisme (TSA), du trouble de l'attention, avec ou sans hyperactivité (TDAH), des troubles du développement intellectuel et des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), dits troubles « dys », tels que la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie ou la dyspraxie. Ces maladies du neuro-développement ont pour point commun d'affecter les synapses et les systèmes d'échanges d'informations cérébraux.

Les enjeux relatifs aux troubles du neuro-développement sont nombreux et variés. Il s'agit tout d'abord de rendre effectif le repérage précoce de ces troubles. Le retard diagnostique peut en effet conduire à une aggravation des conséquences psychologiques, scolaires et sociales. La prise en charge des adultes présentant un trouble doit également s'étoffer, puisqu'il s'agit de troubles chroniques qui ont une forte probabilité de persister à l'âge adulte.

À partir de 2017, la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement a eu pour objectif d'étendre les dispositifs de prise en charge de l'autisme à l'ensemble des troubles du neuro-développement.

Une telle évolution était indispensable. Même si les données épidémiologiques sont parcellaires, tout comme celles sur la prévalence, ces troubles représentent un problème de santé publique majeur, puisqu'ils touchent près de 100 000 enfants chaque année. Parmi ces troubles, le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un de ceux dont la prévalence est la plus importante : il concerne entre 3 % et 6 % des enfants. En France on estime à 2 millions le nombre de personnes souffrant d'un TDAH. Il se traduit, tant chez les enfants que les adultes, par des niveaux élevés d'inattention, d'agitation et d'impulsivité, sources d'un handicap cognitif et social souvent sévère et persistant. Les troubles dys concerneraient quant à eux 4 % à 5 % d'une classe d'âge.

La poursuite de cette action en direction de tous les troubles du neuro-développement doit franchir un nouveau cap. Le passage d'une stratégie pour l'autisme à une stratégie étendue à tous les troubles du neuro-développement se heurte à des difficultés bien identifiées : équilibre entre politiques transversales et adaptations spécifiques, priorité accordée au repérage précoce et difficulté de prendre en charge les adultes.

C'est donc la question de la fabrication d'une politique publique permettant de faire face à des besoins en forte croissance qui est posée, dans un environnement complexe caractérisé par : une crise de la démographie médicale, une offre médico-sociale inégalement répartie sur le territoire, des besoins financiers croissants et par le défi que constitue la répartition des rôles et l'articulation des interventions entre sanitaire, médico-social et Éducation nationale.a souhaité procéder à un état des besoins. Pour mener à bien ce travail, les rapporteurs ont auditionné de nombreux : les associations représentant les familles, les adultes et les enfants concernées par les troubles du neuro-développement ; les acteurs publics en charge du dossier comme la déléguée interministérielle à l'autisme et aux troubles du neuro-développement, les agences régionales de santé, les maisons départementales du handicap, des représentants du ministère de l'éducation nationale, les professionnels de santé et des représentants du secteur social et médico-social. Les rapporteurs retiennent de ces travaux, en premier lieu, le témoignage de familles en grande difficulté pour arriver à faire prendre en charge leurs enfants, constat connu des autorités publiques et qui appelle une réponse.

I. IL EST NÉCESSAIRE DE POURSUIVRE L'EXTENSION DU DISPOSITIF AUTISME A L'ENSEMBLE DES TROUBLES DU NEURO-DÉVELOPPEMENT

À l'issue du comité interministériel du handicap du 6 octobre 2022, le Gouvernement a annoncé son intention de poursuivre et d'intensifier la politique menée depuis 2018 en faveur des personnes présentant un trouble du spectre de l'autisme et/ou un autre trouble du neuro-développement (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, troubles dys et trouble du développement intellectuel) ainsi que de leurs familles.

Cette évolution est indispensable au regard de données épidémiologiques qui révèlent l'ampleur de la population à prendre en charge. Par ailleurs, les données médicales et scientifiques qui avaient justifié une prise en charge prioritaire des troubles du spectre de l'autisme ont également fait apparaître le caractère associé de ces troubles au sein de l'ensemble plus large des troubles du neuro-développement justifiant cette extension.

Cet élargissement à l'ensemble des troubles du neuro-développement répond aussi à une demande forte des personnes concernées par les troubles TDAH et les troubles dys, situations jusque-là insuffisamment prises en charge.

Au-delà des risques de confusion au sein de cet ensemble plus large des TND, et des ajustements nécessaires dans les modalités de prise en charge, cette extension permet une unification des activités de recherche et doit faciliter la synergie des acteurs.

Dans le rapport d'évaluation du troisième plan autisme, l'Igas1(*) (Inspection générale des affaires sociales) considérait que : « La mise en oeuvre d'une politique spécifique avec l'existence des plans autisme successifs mais séparée de la catégorie générale des troubles neuro-développementaux n'a pas permis de les intégrer à la catégorie générale des troubles du neuro-développement » et estimait que la construction du quatrième plan devait « veiller à l'avenir à ne pas disjoindre la question de l'autisme des autres troubles cognitifs et comportementaux, volontiers regroupés aujourd'hui sous le terme troubles du neuro-développement, dans un souci d'équité et aussi pour ne pas mettre en oeuvre une prise en charge inadaptée des troubles associés, des diagnostics tardifs (par crainte d'erreur quand les symptômes peuvent renvoyer à différents types de troubles neuro-développementaux), et un sur-diagnostic d'autisme pour assurer l'accès aux prestations et prises en charge ».

Ce choix d'un plan, ou d'une stratégie, en faveur de l'ensemble des TND répond à un besoin pressant et vient combler un angle mort des politiques publiques.

Sa réussite passe par la poursuite d'objectifs déjà identifiés (formation des professionnels, structuration de parcours, coopérations renforcées avec l'Éducation nationale, solvabilisation de la dépense). Elle suppose un engagement fort et constant de l'ensemble des acteurs ainsi que des moyens financiers supplémentaires.

Décidée en 2017, cette extension à l'ensemble des troubles du neuro-développement ne s'est pas encore imposée en raison de l'ampleur des rattrapages à effectuer et de difficultés qui touchent l'ensemble du secteur médico-social et sanitaire.

A. DES TAUX DE PRÉVALENCE QUI OBLIGENT LES POUVOIRS PUBLICS À AGIR

Aujourd'hui les troubles du neuro-développement (TND) pâtissent d'un manque de données, notamment épidémiologiques, qui freinent, empêchent, la prise de conscience de l'ensemble des acteurs face à l'ampleur des besoins à prendre en charge.

Les rares données épidémiologiques et de prévalence font pourtant apparaître un véritable continent oublié. Selon les données disponibles dans la littérature internationale, et citées par les personnes auditionnées, ce sont près de 10 à 15 % des enfants naissants chaque année qui seraient atteints d'un TND. Devant l'Assemblée nationale le 3 mai dernier, Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement, évoquait même une prévalence supérieure (un enfant sur six), faisant des TND le handicap le plus fréquent chez les enfants.

Cette prévalence impose le renforcement de l'action publique en faveur de ces personnes atteintes de troubles du neuro-développement. Il est impératif de construire une prise en charge globale, à la bonne dimension, pour répondre aux besoins des enfants, des adultes, et de leurs familles.

Recommandation n° 1 : Poursuivre une stratégie visant à prendre en charge tous les troubles du neuro-développement (TND).

Consolider la phase de mutualisation (recherche, PCO, (Plateforme de coordination et d'orientation) Forfait d'intervention) et développer à une logique d'ajustement des besoins, par exemple créer un parcours spécifique pour les personnes atteintes d'un Trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

1. Des troubles neuro-développementaux aux diagnostics complexes et en forte augmentation

L'analyse des données disponibles fait apparaître non seulement une prévalence importante de ces troubles dans la population, mais également une augmentation de cette prévalence. Alors que la littérature internationale considérait qu'environ 1 % des enfants étaient atteints par des troubles du spectre autistique, les travaux les plus récents font apparaître une doublement de ce taux.

Cette augmentation de la prévalence serait due pour partie à un meilleur diagnostic, mais cet « effet thermomètre » ne suffit pas à expliquer le doublement des taux.

a) Des troubles variés au diagnostic complexe

Une des nombreuses difficultés auxquelles se heurte la construction de l'action publique en direction des personnes atteintes de troubles du neuro-développement est l'ampleur du champ à embrasser, le risque de confusion entre des situations qui n'appellent pas des réponses uniformes et bien sûr un risque de concurrence, ou de rivalités, si les moyens mis en oeuvre ne s'avéraient pas suffisants.

Les TND apparaissent comme un spectre (continuum) plutôt que comme une collection de maladies isolées et reposant sur une liste de symptômes spécifiques.

Les deux classifications des troubles mentaux actuellement les plus utilisées dans le monde sont, d'une part, la cinquième édition de la classification américaine connue sous le nom de DSM et publiée par l'Association Américaine de Psychiatrie, et d'autre part la onzième révision de la classification internationale des maladies. C'est dans la cinquième révision du DSM que la catégorie « troubles du neuro-développement » est apparue, en 2013.

Les TND sont responsables de troubles de l'adaptation et de handicaps avec difficultés d'inclusion et d'apprentissages scolaires, et d'intégration dans la société.

Néanmoins, derrière cette appellation sont regroupées des affections plus ou moins sévères, aux conséquences variées. Le caractère neuro-développemental de l'origine des troubles produit des manifestations très hétérogènes dans leur nature ou dans leur ampleur. Chaque TND a par ailleurs des comorbidités propres.

Les troubles du neuro-développement sont très fréquemment associés chez une même personne. Ainsi, entre un tiers et la moitié des personnes présentant un trouble du spectre autistique sont également atteintes de TDAH. Plus de 50 % des enfants qui présentent des déficits de l'attention présentent d'autres troubles des apprentissages associés. Dans environ 40 % des cas, un enfant concerné par un trouble spécifique des apprentissages présente plusieurs TSLA.

• Les troubles du spectre autistique

Depuis sa description princeps par le psychiatre américain Léo Kanner en 1943, les caractéristiques de l'autisme ont fortement varié en fonction des nosographies. Le changement le plus récent et significatif est celui apporté par le DSM-V en 2013, dans lequel la catégorie des « troubles du spectre de l'autisme » (TSA) a succédé à celle des « troubles envahissants du comportement » (TED).

Les critères diagnostiques des troubles du spectre autistique sont désormais définis dans les deux dimensions symptomatiques suivantes :

- les déficits persistants de la communication et des interactions sociales ;

- le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités.

Cette définition dimensionnelle doit être complétée par la définition d'un niveau de sévérité. L'autisme s'exprime désormais avec ou sans déficience intellectuelle. On note ces dernières années, suite à l'élargissement des critères diagnostics dans le DSM-V, une diminution significative de la proportion d'enfants présentant un retard dans le développement intellectuel associé aux diagnostics de TSA.

En appliquant ces nouveaux éléments diagnostiques, on estime que les troubles du spectre de l'autisme s'élève à 1% de la population, soit vingt fois celle de l'autisme tel qu'il était défini par les critères du DSM-IV, et cent fois plus que l'autisme de Kanner, qui toucherait un enfant sur 10 000. D'après les chiffres de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l'autisme concernerait actuellement 700 000 personnes en France, dont 100 000 de moins de 20 ans.

• Le trouble de l'attention, avec ou sans hyperactivité (TDAH)

Le trouble déficitaire de l'attention est apparu dans la troisième révision du DSM, en 1980, en se substituant à l'appellation « réaction hyperkinétique de l'enfance ».

À l'instar du DSM-V, la Haute Autorité de santé (HAS) définit le TDAH comme associant à des degrés divers trois groupes de symptômes :

- le déficit attentionnel, caractérisé par l'incapacité de terminer une tâche, la fréquence des oublis, la distractibilité et le refus ou l'évitement des tâches exigeant une attention soutenue ;

- l'hyperactivité motrice, constituée d'une agitation incessante, d'une incapacité à rester en place quand les conditions l'exigent (notamment en milieu scolaire) et d'une activité désordonnée et inefficace ;

- l'impulsivité, définie par la difficulté à attendre, le besoin d'agir et la tendance à interrompre les activités d'autrui.

Chez les enfants qui présentent un TDAH, ces symptômes sont observés dans plusieurs milieux (école, maison, lieux de loisirs) et ont un retentissement préjudiciable à leur bon développement, aussi bien dans le cadre de leurs interactions sociales ou familiales que dans leur apprentissage scolaire ou extra-scolaire.

Il existe trois types de TDAH : avec prédominance « déficit attentionnel », avec prédominance « hyperactivité/impulsivité » ou de type mixte (hyperactivité/impulsivité et troubles attentionnels associés).

Ces différents symptômes représentent souvent une grande souffrance pour l'enfant et son entourage, et peuvent s'avérer source de handicap. L'errance diagnostique s'ajoute souvent aux difficultés induites par le trouble.

Le délai de survenue des premiers symptômes a évolué, passant de, « avant 7 ans » dans la version du DSM-IV à « avant 12 ans » dans la cinquième version.

Les principales conséquences d'un TDAH non diagnostiqué et non traité à l'âge adulte sont la perte d'emploi, un niveau de vie inférieur à celui qu'ils auraient pu avoir en regard de leur potentiel, des poursuites judiciaires (26 % de la population carcérale serait atteinte d'un TDAH selon certaines études internationales), des accidents, des problèmes relationnels, des conduites addictives ou encore une faible estime de soi.

• Le trouble du développement intellectuel

Le trouble du développement intellectuel revêt trois critères :

- des limitations significatives du fonctionnement intellectuel (raisonnement, résolution de problème, capacité d'abstraction, de jugement, etc.). Ces limitations ont des effets directs sur les apprentissages ;

- des limitations significatives, de sévérité suffisante pour nécessiter un besoin de soutien, des fonctions adaptatives affectant les habiletés conceptuelles, sociales et pratiques. Ces limitations altèrent les capacités de communication, de participation sociale et d'indépendance ;

- il débute pendant la période de développement (enfance) et non à l'âge adulte.

• Les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA)

Communément appelés « troubles dys », ils sont la conséquence de troubles cognitifs neuro-développementaux. Les troubles spécifiques du langage et des apprentissages ont été élargis par le DSM-V à un ensemble comprenant :

- les troubles du langage ou dysphasies ;

- les troubles spécifiques des apprentissages : dyslexie, dysorthographie, dyscalculie ;

- les troubles moteurs : dyspraxies, dysgraphies.

L'appellation TSLA est une dénomination fonctionnelle, visant à rappeler la spécificité de ces troubles qui ne sont pas causés par une déficience intellectuelle globale. Ces troubles affectent une ou plusieurs fonctions cognitives mais pas l'ensemble du fonctionnement cognitif de l'enfant ou de la personne. Ils sont durables : à l'inverse d'une simple difficulté d'apprentissage, ils persistent depuis au moins six mois en dépit d'une prise en charge individualisée. Ils interfèrent de manière significative avec la réussite scolaire, le fonctionnement professionnel ou les activités de la vie courante.

b) Mieux prendre en compte les facteurs de risques des TND

Les facteurs de risques de présenter un TND sont multiples : génétiques, environnementaux, anté, péri et post-nataux, agissant à toutes les étapes du développement infantile.

• La prématurité et les facteurs environnementaux périnataux

Sont considérés comme prématurés les enfants nés avant le terme de 37 semaines d'aménorrhée (SA). Le nombre de naissances prématurées a continuellement augmenté ces dernières décennies : de moins de 5 % il y a trente ans, elles représentent désormais plus de 7 % du total des naissances annuelles en France, soit environ 60 000. Cette augmentation est liée à différents facteurs : augmentation de l'âge gestationnel moyen, augmentation des grossesses multiples liées elles même au recours à la procréation assistée, précarité, stress. Elle est aussi la conséquence d'une meilleure prise en charge médicale des nouveau-nés prématurés et d'une diminution de leur mortalité.

L'enfant né prématurément cumule des facteurs le conduisant à être particulièrement à risque de présenter des difficultés neuro-développementales. D'une part, la naissance prématurée est une première rupture dans la trajectoire neuro-développementale de l'enfant, dont le cerveau se développe normalement neuf mois pleins in utero. Les maladies somatiques spécifiques de la prématurité (inflammatoires, respiratoires, hémorragiques, métaboliques) et les agressions sensorielles (douleurs, bruits, lumière, stress, séparation mère-enfant) sont autant de facteurs de risque additionnels de trouble neuro-développemental.

Le tiers de l'ensemble des enfants nés prématurément présenteront une difficulté neuro-développementale ; cette proportion passe à 50 % quand la naissance intervient avant 32 SA. Pour ces derniers, le risque de développer un trouble du neuro-développement est multiplié par 4 et celui de développer un trouble du spectre autistique est multiplié par 5. Un quart des adultes anciens grands prématurés présentent des déficits cognitifs persistants.

Difficulté neurodéveloppementale globale (en %age)

 

Prématurité extrême

24-26 SA

Grande prématurité

27-31 SA

Prématurité modérée

32-34 SA

Prématurité tardive

35-36 SA

Enfants nés à terme (supérieur à 37 semaines)

 

2 % des naissances

Haut facteur de risque de TND

d'après la HAS

5 % des naissances

Facteur de risque modéré

de TND d'après la HAS

93 % des naissances

Sévère

11,9

6,7

3,0

n.c

1,1

Modéré

15,8

12

8,6

n.c

3,9

Mineure

38,5

35,7

33,8

n.c

23,7

Aucune

33,7

45,5

54,6

n.c

71,3

Source : Enquête Epipage 2

Quelques pistes semblent intéressantes pour limiter les atteintes neuro-développementale des enfants nés prématurément :

- les soins de développement, tel que le programme Nidcap, visent d'une part à adapter l'environnement physique (bruit, lumières) aux capacités de la gestion de ces stress par le bébé, et d'autre part à faire des parents les soignants principaux de leur enfants. Ce programme présente de bons résultats quant au développement de l'enfant à 9 et 12 mois, une réduction de la durée d'hospitalisation à la naissance (et donc de la séparation), et un meilleur lien d'attachement, primordial pour le développement comportemental, relationnel, cognitif et affectif futur de l'enfant. Il présente moins de preuve sur le développement à l'âge scolaire. Seuls 30 % des centres de néonatalogie français comprennent des professionnels certifiés Nidcap.

- pareillement, les programmes d'intervention précoce post-hospitalisation (Ibaip ou Top) semblent avoir un impact positif à plus long terme sur le développement des enfants nés prématurément.

- un effort de recherche doit être mené : en effet, les balances bénéfices immédiats / risques à long terme de certains médicaments utilisés en obstétrique et en néonatalogie ne sont pas suffisamment connus.

L'enquête Épipage 22(*) révèle l'insuffisante prise en charge des enfants nés prématurément à 5 ans et demi. Tous les nouveau-nés vulnérables et à risque de développer des TND ne sont pas suivis dans les réseaux de suivi périnatal, qui sont des réseaux de dépistage proposant un suivi jusqu'à l'âge de 7 ans. Faute de moyens, les enfants nés entre 35 et 36 semaines ne sont pas suivis par ces réseaux ; il arrive même fréquemment que seuls les enfants nés grand-prématurés (avant 32 SA) y soient suivis.

Recommandation n° 2 : Développer les réseaux de périnatalité d'aval dans toutes les régions et élargir le suivi à tous les enfants nés avant 37 semaines d'aménorrhée

• L'existence avérée de TND dans la fratrie

La présence d'un trouble du neuro-développement chez l'un des parents ou dans la fratrie est un facteur de risque connu dans les troubles neuro-développementaux. Ainsi, la prévalence de l'autisme, d'1 % en population générale, est estimée autour de 20 % dans les fratries d'enfant autiste.

C'est pourquoi la Haute Autorité de santé classe les antécédents familiaux de trouble neuro-développemental sévère au 1er degré (frère, soeur ou parent) dans la catégorie des facteurs de haut risque de TND.

c) Des recommandations de bonnes pratiques maintenant largement acceptées

L'accompagnement des troubles autistiques a fait l'objet de débats extrêmement vifs. Depuis les années 1990, les pouvoirs publics ont été mis sous pression par les associations de parents qui s'inquiètent du retard pris par la France dans la prise en charge de l'autisme alors que les pays scandinaves et anglo-saxons ont radicalement changé leurs modes de prises en charge promouvant une approche éducative en lieu et place de la théorie psychogénétique. En 1995, l'autisme est reconnu comme un handicap et non plus comme une maladie. En 1996 un avis du Comité consultatif national d'Éthique (CCNE) va dans le même sens et observe un défaut de prise en charge et la situation dramatique à laquelle sont confrontées de la plupart des familles. Une analyse que le CCNE confirmera dix ans plus tard

La proposition de résolution du député Daniel Fasquelle, rejetée par l'Assemblée nationale en 2013, a sans doute marqué l'acmé de ces polémiques sur la prise en charge de l'autisme. Elle invitait le Gouvernement français à prendre « des mesures immédiates pour assurer que les recommandations de la Haute Autorité de santé de 2012 soient juridiquement contraignantes pour les professionnels qui travaillent avec des enfants autistes » et à « fermement condamner et interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes, dans la prise en charge de l'autisme ».

La Haute Autorité (HAS) a édité, depuis 2005, de nombreuses recommandations de bonnes pratiques relatives à l'ensemble des troubles du neuro-développement. Les recommandations de bonnes pratiques sont des propositions non impératives développées par la HAS pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données.

• Les recommandations de bonnes pratiques sur les troubles du spectre autistique.

Les premières recommandations relatives à l'autisme ont été éditées par la HAS en 2005 et contribuent à faire évoluer les modalités de prise en charge des personnes souffrant de troubles du spectre autistique. Elles ont été actualisées en 2012 puis en 2018, dans un document intitulé « repérage et diagnostic chez l'enfant et l'adolescent ». Ces recommandations et ces évolutions des modalités de prise en charge ne suffisent pas à étendre toutes les polémiques.

• Les recommandations de bonnes pratiques sur les troubles du neuro-développement ont été éditées en février 2020 avec le concours de la société française de néonatalogie.

Elles visent à harmoniser les pratiques de repérage en fonction des facteurs de risques (modérés ou hauts) et précisent le contenu de la consultation spécialisée en neuro-développement et les orientations à établir en fonction des troubles repérés. Elles insistent également sur les conditions de l'annonce des résultats aux familles et sur leur information. En vertu de ce document, la période d'attente d'un diagnostic ne doit pas être une période « perdue » : les interventions doivent débuter dès les premiers signes d'alerte.

• Les recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge des troubles du développement intellectuel

Le premier volet, paru en septembre 2022, fournit des repères et une définition du TDI. Il comprend des éléments sur la collaboration entre les professionnels et la famille. Le second volet paraîtra prochainement et portera sur la scolarisation et l'emploi.

• Les recommandations de bonnes pratiques sur le TDAH

La HAS a publié en 2015 des recommandations sur le repérage et la conduite à tenir par le médecin de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible de présenter un TDAH. Puis en 2021 une note de cadrage, à destination des spécialistes, sur le diagnostic et la prise en charge des enfants et adolescents présentant un trouble du neuro-développement ou un TDAH.

De nouvelles recommandations de bonnes pratiques devraient paraître à l'été 2023. Elles réétudieront les liens entre thérapeutique médicamenteuse et non médicamenteuse.

En 2023, la question du respect des bonnes pratiques de la HAS par les professionnels en charge des personnes souffrant de TSA et de TND est encore une question très sensible.

Aucun des professionnels de santé auditionnés par notre mission d'information n'a fait état de fortes dissensions au sujet de la prise en charge des troubles du neuro-développement. Tous ont dit suivre les recommandations de la HAS. Pourtant, plusieurs acteurs, dont les associations de parents et des professionnels de santé, dénoncent encore des soins administrés dans certaines structures ou par certains professionnels libéraux qui ne seraient pas conformes aux recommandations de bonnes pratiques. Pareillement, et même si les conflits sur la prise en charge des troubles neuro-développementaux nous ont semblé être en voie de régulation, certains professionnels se sentent encore stigmatisés.

La délégation interministérielle et les responsables des centres d'expertise auditionnés nous ont fait part de leur préoccupation quant au non-respect des recommandations de bonnes pratiques par tous les professionnels intervenant auprès des personnes avec suspicion ou trouble du neuro-développement avéré. Cette préoccupation s'est d'ailleurs traduite par la mention du respect de ces bonnes pratiques dans l'arrêté du 16 avril 2019 relatif au contrat type entre professionnels de santé et la structure désignée par l'agence régionale de santé (plateforme de coordination et d'orientation, ou PCO) pour l'accompagnement des enfants présentant des troubles du neuro-développement : « le professionnel libéral s'engage à respecter les recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité de Santé (HAS) ».

En parallèle de la question de l'application des recommandations de bonnes pratiques élaborées par la HAS, toutes les personnes auditionnées travaillant dans le champ des troubles neuro-développementaux, qu'ils soient personnel soignant, scolaire, ou administratif, ont pointé les difficultés à prendre correctement en charge les patients, faute de formation des professionnels (qui souhaiteraient se former mais ne le peuvent pas, par manque de temps ou de moyens) et faute de personnels suffisamment nombreux pour appliquer effectivement les recommandations de bonnes pratiques.

2. Des instruments de mesure limités

Outre un objectif de compréhension des mécanismes biologiques associés aux troubles du neuro-développement, la structuration de la recherche académique devrait aussi avoir pour objectif de fournir des données sur l'épidémiologie et la prévalence des TND. Il est en effet frappant de constater la pauvreté de données disponibles sur la situation française. Interrogés sur l'épidémiologie ou la prévalence des TND, tous nos interlocuteurs ont répondu par le biais d'une transposition des études internationales à la situation démographique française.

Cette situation n'est malheureusement pas isolée dans le domaine des politiques d'autonomie ou de la santé mentale. Elle est dommageable car elle provoque des retards dans l'évaluation des besoins à satisfaire, leur connaissance étant subordonnée à des études menées à l'étranger, et retarde ainsi, sans aucun doute, la prise en charge de ces troubles.

a) L'absence de données épidémiologiques pertinentes en France

Dès le premier plan autisme de 2005, cette question de l'épidémiologie était mise en avant. Il semble que les différentes alertes à ce sujet n'aient pas porté leurs fruits. Il n'existe en effet à ce jour aucune enquête épidémiologique nationale sur les troubles neuro-développementaux. Ce défaut n'est pas propre au seul champ des TND. La première proposition de la mission d'information sénatoriale sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France3(*) (avril 2017) consistait à « soutenir la recherche en épidémiologie afin d'acquérir une connaissance plus fine de la population des mineurs touchés par des troubles psychiatriques ».

Les principales études françaises disponibles, toutes parcellaires, sont les suivantes :

- l'enquête Épipage 2 (étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels) est une étude nationale destinée à mieux connaître le devenir des enfants prématurés. Cette étude a été lancée le 28 mars 2011 par des chercheurs de l'Inserm et les équipes médicales de santé publique et de recherche de 25 régions françaises. Elle porte sur les enfants nés entre 22 et 34 semaines d'aménorrhée. Ces enfants sont suivis de la naissance jusqu'à l'âge de 13 ans. Cette étude fait suite à l'étude Epipage 1, menée sur l'ensemble des enfants nés grands prématurés dans neuf régions de France à partir de 1997 ;

- les deux registres français des handicaps de l'enfant, qui couvrent les départements de la Haute-Garonne pour l'un, de l'Isère et des deux Savoies pour l'autre, ont pour mission un enregistrement systématique des enfants présentant un trouble du spectre autistique. L'évolution de ces deux registres indiquent une augmentation des diagnostics de TSA entre 1995-1997 et 2007-2009 chez les enfants de 8 ans, avec une prévalence de 8 à 10 enfants / 1 000 pour les natifs de 2010.

- la cohorte Elena : pour ce projet de recherche, 900 enfants ayant un diagnostic formel de trouble du spectre autistique ont été recrutés entre 2013 et 2019 dans neufs régions. La cohorte comprend 83 % de garçons et 17 % de filles. 30 % des enfants ont une déficience intellectuelle sévère à modérée et 70 % ont une déficience intellectuelle légère ou n'ont pas de déficience intellectuelle. Leur suivi s'achèvera en 2025. Les objectifs principaux de l'étude sont d'identifier les phénotypes et trajectoires développementales du TSA, d'identifier les déterminants du TSA aux plans clinique, biologique et environnemental, d'identifier des marqueurs cliniques et biologiques du TSA et les facteurs de risques environnementaux. Des études médico-économiques sont également prévues pour estimer les coûts des prises en charge, le reste à charge pour les familles et étudier les inégalités sociales de santé ;

- une étude a également été menée pour estimer la prévalence des TSA à partir du recours aux soins dans le système national des données de santé entre 2010 et 2017. Cette étude portait sur les troubles envahissants du comportement (l'ancienne catégorie nosographique englobant l'autisme dans la précédente version du DSM) ;

- la stratégie autisme a lancé un projet ambitieux avec la cohorte Marianne qui vise à comparer le développement de la naissance à 6 ans chez les enfants présentant un TND d'une part et les enfants neurotypiques d'autre part. Elle permettra aussi de décrire l'accès et le parcours de soins des cas de TSA et TND et les modalités de prise en charge. L'étude vise également à identifier les facteurs de risque prénataux et périnataux des TND liés à l'exposome externe (santé et mode de vie des parents, catégorie socio-économique, régime alimentaire et prise de médicaments par la mère pendant la grossesse, complications éventuelles lors de la grossesse et de l'accouchement...).

Toutefois, pour intéressantes qu'elles soient, l'ensemble de ces études ne permet pas un suivi global.

b) Des données à exploiter pour mieux appréhender l'épidémiologie des troubles du neuro-développement

Le caractère limité des informations disponibles est dommageable, cette situation ne permet pas de disposer d'une vision consolidée et susceptible d'être suivie dans le temps de la prévalence des TND. Cette situation est même susceptible de faire reposer la construction des actions en direction des TND sur des bases incomplètes et d'induire ainsi des problèmes de dimensionnement de l'action publique.

À titre d'exemple, les données épidémiologiques qui sont disponibles sur les pages stratégie autisme du site handicap.gouv.fr font apparaître les chiffres suivants : les troubles du neuro-développement touchent 5 % de la population, soit environ 35 000 naissances par an, selon la Haute Autorité de santé. Les troubles du spectre de l'autisme (TSA) représentent, eux, entre 0,9 % et 1,2 % des naissances, soit environ 7 500 nouveau-nés chaque année. La HAS estime donc qu'environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes sont autistes en France.

Les données de prévalence des différents TND sont quant à eux présentés comme en constante augmentation :

- TSA : 1 % en population générale ;

- TDAH : 5 % des enfants et adolescents, 2,5% des adultes ;

- dyslexie : 5 à 17 % des enfants en âge d'être scolarisés ;

- trouble développemental de la coordination (anciennement appelé dyspraxie) : jusqu'à 6 % en population générale ;

TDI : environ 1 % en population générale.

Auditionnée par l'Assemblée nationale, la déléguée interministérielle Claire Compagnon a rappelé le manque de données et la nécessité de disposer de chiffres consolidés. Elle a indiqué s'être adressée à un groupe d'épidémiologistes pour disposer d'un point sur les données internationales de prévalence de ces troubles du neuro-développement. Selon les dernières études internationales, un enfant sur six présente des troubles du neuro-développement, soit 18% des naissances annuelles. Pour les troubles du spectre autistique les chiffres habituellement avancés sont de 700 000 personnes (dont 100 000 enfants) mais les données récentes laissent penser que le taux est plus proche de 2 % des naissances, soit un doublement du nombre de cas à prendre en charge.

Lors de la même audition, Claire Compagnon a indiqué que : « les troubles qui augmentent le plus sont les TSA, l'autisme et les TDAH. Sans doute, les meilleurs diagnostics et repérages expliquent ces augmentations. Les scientifiques disent ces éléments contextuels insuffisants pour expliquer une telle augmentation de prévalence et qu'il y a donc, sans que nous en ayons les certitudes, d'autres facteurs liés à nos modes de vie, à notre alimentation, à des choix de vie. »

Elle a conclu en soulignant : « Quand on réfléchit à une politique publique, il est important de disposer d'éléments scientifiques relatifs à ces troubles, de savoir ce dont nous disposons et ce dont nous ne disposons pas. Les chiffres sont abyssaux ».

Au-delà des chiffres relatifs à la prévalence, les données relatives à la prise en charge pourraient également faire l'objet d'une consolidation et d'une exploitation. Cela pourrait notamment être le cas :

- des données des Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH) ;

- des rapports d'activité harmonisés, édités par les Centres d'action médico-social précoce (CAMSP), qui ne sont pas exploités au plan national. Ces données fourniraient des renseignements pourtant utiles à la fois sur la prévalence des troubles et sur leur prise en charge ;

- des données relatives à l'activité des Plateformes de coordination et d'orientation (PCO). Cette activité est mesurée chaque trimestre et recueillie sur la plateforme gouvernementale symbiose. Néanmoins, selon les associations de parents d'enfants TDAH ou autistes, cette plateforme n'est renseignée que par un tiers des PCO existantes. Cette base concernait jusqu'au printemps 2022 quatre indicateurs seulement (nombre de demande reçues, nombre d parcours validés, nombre d'enfants bénéficiant d'au moins un forfait et nombre de forfaits d'intervention précoce validés au total). Depuis, de nouveaux indicateurs ont été introduits et pourraient rassembler les diagnostics de l'ensemble des TND en vue d'une visibilité épidémiologique pour chaque région. La comorbidité entre TND entrave néanmoins ce recueil épidémiologique.

Recommandation n° 3 : Élaborer une politique de recueil des données. Les données relatives à la prévalence sont extrapolées à partir d'études internationales, les données des Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), des Centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) ou encore des services du ministère de l'éducation nationale sont peu ou pas exploitées. Une politique de recueil des données est indispensable pour dimensionner cette politique à la hauteur des besoins et suivre les parcours.


* 1 Évaluation du 3ème plan autisme dans la perspective de l'élaboration d'un 4ème plan, Claire Compagnon, Delphine Corlay, membres de l'Inspection générale des affaires sociales, Gilles Petreault, membre de l'Inspection général de l'éducation nationale, Mai 2017.

* 2 Étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels, Inserm.

*Rapport d'information de M. Michel Amiel fait au nom de la mission d'information sur la situation psychiatrie mineurs en France (n° 494, 2016-2017).

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