N° 686

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur l'application de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes,

Par Mme Anne CHAIN-LARCHÉ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault, secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot.

ESSENTIEL

Un an après l'adoption de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, la commission des affaires économiques a lancé une mission de suivi de l'application de cette loi.

Émanant du groupe LREM, la proposition de loi, non dénuée d'arrière-pensées électorales, n'avait pas bénéficié d'une étude d'impact et n'avait fait l'objet que de très peu de concertation avec les professionnels concernés.

Un an et demi après la promulgation, le travail de contrôle de la commission vise à s'assurer du caractère opérationnel de l'application de la loi, qui compte cinquante articles dans des champs très variés, modifiant le code rural, le code de l'environnement mais aussi le code pénal. Ce travail poursuit en particulier trois objectifs :

1) s'assurer que la parole du législateur a bien été entendue et que le fruit de la délibération parlementaire a bien été respecté par le pouvoir exécutif ;

2) aider l'administration à s'orienter dans l'interprétation de normes qui sont parfois ambiguës. Il faut rappeler en effet que députés et sénateurs étaient parvenus à un accord après de longs pourparlers. Toutes les parties prenantes ayant manifesté leur satisfaction après le vote de cette loi, c'était sans doute au prix de compromis qui pouvaient comporter des ambiguïtés ;

3) insister davantage sur le contrôle et l'application plutôt que de créer de nouvelles normes, la France disposant déjà d'un dispositif de protection animale unique au monde.

Seule parlementaire encore en fonction parmi les quatre rapporteurs de la proposition de loi à l'Assemblée nationale et au Sénat, Mme Anne Chain-Larché est rapporteure de cette mission, dans la continuité de ses travaux de l'automne 2021 lors de l'examen du texte. À l'issue d'un nouveau cycle d'auditions, la rapporteure formule seize observations et souhaite attirer l'attention en particulier sur six mesures qui lui semblent spécialement urgentes pour garantir que la loi soit pour les animaux et non pour les animalistes.

 
 
 
 

Textes réglementaires encore attendus pour l'application de la loi

« Prime à l'abandon » pour un lion ou un tigre de cirque, montant jugé dérisoire par les professionnels

Annonces de vente d'animaux de compagnie en ligne erronées ou frauduleuses

Délai de réflexion obligatoire avant l'acquisition d'un animal de compagnie

Articles de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes

50

dont d'application directe

39

dont appelant des mesures d'application

10

nombre de décrets en Conseil d'État

2

nombre de décrets simples

2

nombre d'arrêtés ministériels

11

Nombre total de mesures attendues

14

nombre de rapports du Gouvernement non remis

2

I. RESPECTER PLEINEMENT LES ÉCHÉANCES ET GARDE-FOUS FIXÉS PAR LE LÉGISLATEUR AFIN D'ASSURER LA TRANSITION LA PLUS SEREINE POSSIBLE VERS LA FIN DE LA DÉTENTION DE CERTAINS ANIMAUX SAUVAGES

A. SAUVEGARDER LES PARCS AQUATIQUES S'INSCRIVANT DANS UN PROGRAMME DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE, EN DÉFINISSANT RAPIDEMENT LE CADRE APPLICABLE À LEURS ACTIVITÉS

S'agissant de la détention de cétacés par les parcs aquatiques - qui ne concerne que 23 dauphins et 4 orques, accueillis dans 2 parcs -, la loi prévoit par principe une interdiction des spectacles, mais pas des présentations pédagogiques (article 46). Les cétacés pourront en outre être conservés dans le cadre de programmes scientifiques.

La loi nécessitait trois arrêtés pour la bonne application de cet article (définition des présentations pédagogiques, définition des programmes scientifiques et relèvement des normes de détention pour le bien-être animal), qui pourraient signifier en pratique la fin de l'activité pour l'un des deux parcs. Or, aucun de ces textes n'a été pris à ce jour.

Aussi, la rapporteure appelle à les publier rapidement (d'ici la fin de l'été), et de préférence d'un bloc, pour stabiliser le cadre normatif sur plusieurs années et permettre aux parcs aquatiques de procéder aux investissements nécessaires à la mise aux normes.

B. PERMETTRE AUX PROFESSIONNELS DU CIRQUE DE POURSUIVRE LEUR ACTIVITÉ TANT QU'ELLE EST AUTORISÉE, ET PRÉVOIR UN ACCOMPAGNEMENT FINANCIER PROPORTIONNÉ À LEUR PRÉJUDICE AU-DELÀ

L'interdiction générale de la détention d'animaux sauvages par les cirques itinérants (article 46) n'a jamais été l'option privilégiée par le Sénat, qui souhaitait des interdictions au cas par cas, pour s'en tenir aux résultats de la recherche scientifique.

À moyen terme, le Gouvernement devra renforcer l'accompagnement, notamment financier, des professionnels s'il veut assurer une transition apaisée, l'enveloppe de 35 millions d'euros n'étant pas à la hauteur du préjudice subi. Le conseil pour l'établissement en cirques fixes devrait également être renforcé pour permettre aux circassiens de garder leurs animaux.

La rapporteure a tenu enfin à témoigner de sa solidarité à l'égard d'une profession qui a été profondément heurtée d'être incluse par défaut, et d'un bloc, dans une loi sur la « maltraitance animale », alors qu'elle n'a, collectivement, contrevenu à aucune loi de la République, et qu'elle a au contraire enchanté les enfants sur plusieurs générations.

« En attendant 2028, il faut appliquer la loi, toute la loi, mais rien que la loi, et veiller à ne pas interdire en fait, sous la pression d'associations, une activité qui reste autorisée en droit. La solution passera nécessairement par un surcroît de concertation locale. »

Anne Chain-Larché, rapporteure

C. EXEMPTER CLAIREMENT LES VOLERIES DES INTERDICTIONS VISANT LES SPECTACLES ITINÉRANTS AVEC ANIMAUX SAUVAGES ITINÉRANTS

Le législateur avait exprimé très clairement en commission mixte paritaire son intention d'exempter la volerie de l'interdiction d'itinérance des animaux sauvages. Composante de notre patrimoine, le vol libre devrait pouvoir avoir lieu à distance plusieurs jours d'affilée.

« Le Gouvernement doit permettre aux voleries d'exercer leur activité lors de spectacles pouvant durer plusieurs jours. »

Anne Chain-Larché, rapporteure

II. AVOIR POUR SEUL HORIZON LA PROTECTION DE NOS ANIMAUX DE COMPAGNIE

A. LE RENFORCEMENT DES CONTRÔLES SERA PLUS EFFICACE QUE L'ÉDICTION DE NOUVELLES RÈGLES OU INTERDICTIONS À MOYENS CONSTANTS

Le relèvement considérable des sanctions pénales contre les actes de maltraitance animale dans la loi du 30 novembre 2021 satisfait, aux yeux de la rapporteure, l'intention des auteurs de la proposition de loi visant à interdire la maltraitance sur les chiens et les chats par l'utilisation de colliers étrangleurs et électriques1(*).

C'est pourquoi, plutôt que d'inscrire ce texte à l'ordre du jour, et pour que l'unité dédiée à la maltraitance animale qui vient d'être créée au sein de la police puisse donner toute sa mesure, la rapporteure appelle à privilégier un renforcement des moyens de contrôle des services vétérinaires en amont, et des moyens de la justice, en aval.

B. DANS LA LUTTE CONTRE L'ABANDON DES ANIMAUX DE COMPAGNIE, LES PROGRÈS À ATTENDRE NE VIENDRONT SANS DOUTE PAS DES MESURES LES PLUS MÉDIATIQUES

Les mesures réglementaires sur les animaux de compagnie, relevant du ministère chargé de l'agriculture, ont dans l'ensemble bien été prises, ce dont la rapporteure se félicite. Elle souhaite cependant observer que :

- le champ des animaux concernés par le certificat d'engagement et de connaissance (article 1er), ne devrait pas être étendu aux lapins et aux furets, mais limité aux chiens et chats comme le souhaitait le législateur ;

- le Gouvernement devrait communiquer davantage sur l'existence du délai de sept jours avant l'acquisition d'un animal et donner des instructions claires aux services vétérinaires pour contrôler le respect de cette obligation, y compris dans les refuges. Les bénévoles et salariés des refuges ou éleveurs subissant des pressions voire des menaces de la part d'acquéreurs trop pressés devraient également être davantage protégés ;

- l'absence de la moindre étude évaluant l'impact économique et sur le nombre d'abandons de l'interdiction de la vente des chiens et chats en animalerie (article 15) demeure toujours aussi préoccupante. Sur ce dernier point, en particulier, elle constate le risque d'un report vers la vente en ligne, en passe de devenir la plus grande animalerie de France, où près de la moitié des annonces sont fausses.

6 POINTS DE VIGILANCE DANS L'APPLICATION DE LA LOI

Les animaux sauvages captifs

Garantir une acception suffisamment large de la notion de « programme scientifique », pour assurer une pérennité de l'activité et une visibilité d'au moins quatre ou cinq ans pour les parcs aquatiques (recommandation n° 2).

Augmenter l'enveloppe provisionnée pour l'accompagnement des professionnels du cirque, afin de garantir une transition la plus sereine possible en sortant les circassiens du désarroi, et exiger en contrepartie la transparence sur le nombre d'animaux sauvages captifs pour un meilleur suivi (recommandation n° 4).

Exempter clairement les voleries des interdictions visant les spectacles itinérants avec animaux sauvages en définissant pour elles un régime spécifique - soit en modifiant l'arrêté du 25 mars 2004 relatif aux zoos, soit, de préférence, en prenant un arrêté spécifique à cette activité (recommandation n° 7).

Les animaux de compagnie

Retirer les lapins et les furets du champ des animaux concernés par le certificat d'engagement et de connaissance et par le délai de réflexion de sept jours avant l'acquisition d'un animal de compagnie (recommandation n° 9).

Demander à l'Observatoire de la protection des animaux de compagnie de procéder enfin à une étude évaluant l'impact de l'interdiction de la vente des chats et chiens en animalerie sur les abandons ; dans le même temps, procéder à une évaluation du coût économique de cette interdiction pour les professionnels (recommandation n° 11).

Augmenter les moyens dédiés au contrôle des services vétérinaires, pour alimenter en dossiers l'unité spécialisée dédiée à la maltraitance animale qui vient d'être créée au sein de la police (recommandation n° 14).


* 1 Voir le dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-243.html