B. UNE MASSIFICATION DES GESTES MAIS PAS DES RÉNOVATIONS PERFORMANTES

Selon l'ONRE, 2,1 millions de logements en France métropolitaine ont bénéficié en 2020 de l'une des quatre principales aides à la rénovation énergétique pour les ménages, qui sont le CITE63(*), MaPrimeRénov', les certificats d'économie d'énergie et « Habiter Mieux Sérénité »64(*). Ce chiffre représente une augmentation de 21,5 % par rapport à 2017, où l'ONRE estime que 1,7 million de logements avaient été rénovés grâce à une aide.

Ces chiffres, rapportés au nombre total de logements en France (37,2 millions de logements ordinaires en 2021), sont importants : si ce rythme est maintenu, il signifie que chaque logement en France ferait l'objet d'une rénovation énergétique en moins de 18 ans. Toutefois, les types de rénovation énergétique agrégés dans cette étude sont très différents : leurs conditions d'éligibilité sont distinctes, et leurs conséquences en termes de réduction des gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie sont également très variables.

1. L'augmentation du nombre de demandes a été accompagnée d'une augmentation des crédits consacrés à MaPrimeRénov'
a) L'engouement pour le dispositif MaPrimeRénov'

L'engouement pour MaPrimeRénov' est réel. Alors que le plan de relance visait un objectif de 400 000 demandes de prime validées en 2021, le nombre de dossiers engagés constaté cette année est de 658 464. La différence est importante par rapport à 2020, où 141 144 dossiers avaient été engagés. On observe en revanche un tassement en 2022, où 628 594 dossiers ont été engagés. Le nombre de demandes est également en légère diminution entre 2021 et 2022. Il est possible que MaPrimeRénov' ait atteint « son rythme de croisière », même s'il est difficile de se prononcer réellement sur la question tant que les chiffres complets pour l'année 2023 ne seront pas disponibles.

Par ailleurs, contrairement au CITE, le dispositif touche principalement les ménages modestes et très modestes : « Les ménages très modestes restent les principaux bénéficiaires, avec 45 % des demandes engagées pour 62 % du montant total des primes. Viennent ensuite les ménages intermédiaires qui représentent 30 % des bénéficiaires et 16 % du montant total des primes, suivis par les ménages modestes (23 % des dossiers engagés et 21 % du montant des primes)65(*) », ce qu'a confirmé Thierry Repentin, président de l'Anah, lors de son audition : « Depuis 2020, plus de 1,5 million de ménages en ont bénéficié, dont 68 % appartiennent aux quatre premiers déciles, c'est-à-dire les plus modestes. [...] Quant aux ménages supérieurs, ils sont peu nombreux à recourir au dispositif MPR, avec seulement 2 % de dossiers engagés et moins de 1 % du montant des primes66(*). »

Nombre de demandes, de dossiers engagés et de dossiers soldés
pour les trois volets du programme « MaPrimeRénov' » entre 2020 et 2022

 

2020

2021

2022

Nombre de demandes

MaPrimeRénov'

192 342

765 134

747 553

MaPrimeRénov' Sérénité

33 796

33 789

30 998

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

162

521

Total

226 138

799 085

779 072

Nombre de dossiers engagés

MaPrimeRénov'

141 144

658 464

628 594

MaPrimeRénov' Sérénité

39 859

39 876

32 807

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

152

463

Total

181 003

698 492

661 864

Nombre de dossiers soldés

MaPrimeRénov'

52 964

366 369

530 521

MaPrimeRénov' Sérénité

7 623

27 162

31 394

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

2

72

Total

60 587

393 533

561 987

Source : Commission d'enquête, d'après les réponses de l'Anah
au questionnaire du rapporteur

Au regard du nombre de demandes, il est indéniable que MaPrimeRénov' est un succès populaire, et que la prime a su rapidement trouver sa place dans le paysage de la rénovation énergétique à la suite du CITE. Il convient cependant d'examiner à la fois la réalité des crédits budgétaires qui ont été consacrés à MaPrimeRénov', ainsi que l'efficacité des rénovations permises grâce à celle-ci.

Dans le même temps, MaPrimeRénov' Sérénité connaît une diminution à la fois des demandes et des engagements (- 17,7 % de dossiers engagés entre 2021 et 2022), qui peut légitimement soulever des inquiétudes, au regard de la place que prend le dispositif dans la politique de rénovation globale.

b) Le ralentissement de la hausse des crédits consacrés à MaPrimeRénov'

Les crédits consacrés à MaPrimeRénov' connaissent une forte augmentation depuis 2020. Les chiffres tirés des estimations réalisées par la Cour des comptes et des lois de finances indiquent ainsi une augmentation de 223 % des crédits de paiement consacrés à MaPrimeRénov' (plan de relance inclus) entre 2020 et 2021, et une augmentation de 35,7 % entre 2021 et 2022.

En revanche, le dispositif semble connaître un tassement entre 2022 et 2023 (diminution de 8,4 % des crédits de paiement), en gardant à l'esprit qu'il est possible que la loi de finances rectificative de fin de gestion de 2023 complète les crédits de la prime, comme ce fut le cas lors des exercices budgétaires précédents.

Crédits consacrés à MaPrimeRénov'
(chiffrage de la Cour des comptes)
(en millions d'euros)

 

Budget 2020

Budget 2021

Budget 2022

Budget 2023

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 174

575

575

740

740 

2 100

1 419

2 450

2 300

Programme 362

-

-

2 000

1 115

260

1 092

0

0

Total

575

575

2 740

1 855

2 360

2 511

2 450

2 300

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments,
d'après le projet de loi de finances et les données de la Cour des comptes,
présentées notamment dans les notes d'exécution budgétaire de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables » des exercices 2020, 2021 et 2022

Note : pour ce tableau, et l'ensemble des tableaux qui suivent, les chiffres correspondent aux ouvertures totales de crédits sur l'exercice, c'est-à-dire qu'ils prennent en compte les modifications apportées par les lois de finances rectificatives. Seuls les crédits pour MaPrimeRénov' « nationale » sont pris en compte.

Le programme 174 désigne le programme « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable ». Le programme 362 correspond au programme « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Avec la fin du plan France Relance, l'ensemble des crédits consacrés à MaPrimeRénov' ont ainsi été basculés dans le programme 174.

L'augmentation des crédits destinés à MaPrimeRénov' pourrait être nuancée en prenant en compte les coûts du CITE, que la prime a vocation à remplacer, mais qui, de manière résiduelle, représente toujours un coût pour les finances publiques.

Il faut toutefois remarquer que le CITE était moins ciblé que MaPrimeRénov'. Pour cette raison, le deuxième rapport du comité d'évaluation de France Relance indique qu'en 2021 « MaPrimeRénov' a [...] permis en moyenne 40 % d'économies supplémentaires par logement par rapport au CITE » (tout en soulignant qu'il s'agit de gains théoriques), et Thierry Repentin que « la moyenne d'économies finales par logement et par an est passée de 3,9 mégawattheures (MWh) avec le CITE à 5,6 MWh avec MaPrimeRénov', soit un gain de 44 %67(*). » Ensuite, l'augmentation des dépenses n'en reste pas moins réelle, surtout entre 2021 et 2022, comme le montre le tableau suivant.

Exécution des crédits de MaPrimeRénov'
et coût du CITE entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

MaPrimeRénov'

455

1 298

2 102

CITE

1 084

300

100

Total

1 598

1 539

2 200

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments,
d'après le projet de loi de finances et les données de la Cour des comptes,
présentées notamment dans les notes d'exécution budgétaire de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables » des exercices 2020, 2021 et 2022

MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés ont connu une montée en puissance significative ces dernières années, mais les montants en jeu restent nettement inférieurs à MaPrimeRénov' « nationale », qui représente le coeur de la politique de rénovation énergétique.

Crédits consacrés à MaPrimeRénov' Sérénité
et MaPrimeRénov' Copropriétés
(en millions d'euros)

 

Budget 2020

Budget 2021

Budget 2022

Budget 2023

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

MaPrimeRénov' Sérénité

378,9

102,73

515,4

315 

510,2

418

596

468

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

-

90,7

7

138,7

28

252,1

123

Note : MaPrimeRénov' Sérénité correspond au programme « Habiter Mieux » jusqu'à la fin de l'année 2021. D'après l'Anah, les données relatives aux crédits de paiement concernant MaPrimeRénov' ne prennent pas en compte les CP au titre des engagements des exercices antérieurs à 2020.

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments,
d'après les données transmises par l'Anah

En conclusion, il apparaît que, malgré les limites et incertitudes des données disponibles, la progression des crédits pour la rénovation énergétique des bâtiments est réelle, mais que dans le même temps elle est concentrée sur le dispositif de base de MaPrimeRénov' plutôt que sur MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés. Or, les trois dispositifs présentent des résultats différents en termes d'efficacité énergétique.

2. MaPrimeRénov', une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre mais peu de rénovations globales

Les résultats de MaPrimeRénov' sont significatifs en termes de réduction des gaz à effet de serre, mais ils sont insuffisants pour ce qui concerne la rénovation globale ainsi que la réduction de la consommation d'énergie.

a) Un faible nombre de demandes de rénovations globales

Le nombre de rénovations globales permis par MaPrimeRénov' est faible au regard du nombre de demandes, ce qui laisse craindre une « politique d'affichage ».

Si l'on considère l'ensemble du programme MaPrimeRénov'68(*), l'Anah chiffre à 183 072 le nombre de rénovations globales subventionnées entre janvier 2021 et avril 2023, ce qui représente environ 58 000 rénovations globales par an.

Ce nombre est en augmentation sur ces dernières années. En effet, 65 939 rénovations globales ont été réalisées en 2022, contre 57 117 en 2021 et 51 967 en 2020. Ces chiffres sont cependant loin des objectifs de rénovation globale de 500 000 logements chaque année prévus par la loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015, dans l'objectif que l'ensemble du parc immobilier français soit conforme aux normes « bâtiment basse consommation » (BBC) à l'horizon 2050. Ils ne correspondent pas non plus aux objectifs de la SNBC 2020, dont l'objectif est la rénovation complète de 370 000 logements par an jusqu'en 2030, puis de 700 000 logements par an entre 2030 et 2050.

Ce constat peut étonner, alors qu'il a été vu supra que le nombre de dossiers engagés dépasse désormais les 500 000 par an. Pour bien comprendre cet écart, il importe à ce stade de distinguer au sein du programme « MaPrimeRénov' », le dispositif « MaPrimeRénov' » dite « nationale », et « MaPrimeRénov' Sérénité » et « MaPrimeRénov' Copropriétés ».

MaPrimeRénov' Sérénité est une prime centrée sur les rénovations globales, et elle démontre des résultats significatifs à cet égard. La quasi-totalité des dossiers engagés (39 876 en 2021, 32 807 en 2022) aboutit à des rénovations performantes.

En revanche, MaPrimeRénov' « nationale », qui est le dispositif le mieux identifié au sein de la population générale, présente des résultats décevants en termes de réalisation de rénovations globales. En effet, depuis le début de l'année 2021 jusqu'au 13 avril 2023, le forfait « Rénovation globale »69(*) a été octroyé à seulement 4 368 ménages. Il faut toutefois relever que l'obtention de ce bonus est conditionnée à la réalisation d'un audit énergétique, et que les montants de la prime (avant 2023, 7 500 euros pour les ménages aux revenus intermédiaires, 3 500 euros pour les ménages aisés) n'étaient pas suffisamment incitatifs pour que les ménages fassent les démarches.

La proportion réelle de rénovations globales permises par MaPrimeRénov' « nationale » serait donc plus proche de 20 000 à 30 000 par an, ce qui reste une proportion faible au regard de l'ensemble des dossiers engagés.

La faible proportion des rénovations globales s'explique par la propension de MaPrimeRénov' « nationale » à financer des travaux dits « monogeste ». Dans un audit flash rendu en septembre 2021, la Cour des comptes relève ainsi que 86 % des travaux entrepris grâce à MaPrimeRénov' ne consistent qu'en une seule opération de rénovation. Les magistrats financiers précisent que dans 72 % des cas, il s'agit d'un changement de chauffage. Le deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance de décembre 2022 complète ces informations en évaluation les rénovations globales à moins de 1 % des dossiers soutenus par le dispositif70(*).

Les chiffres plus récents du bilan de l'Agence nationale de l'habitat indiquent qu'au cours de l'année 2022, MaPrimeRénov' a financé à 20 % des travaux d'isolation, et à 66,5 % des chauffages, avec une majorité d'installations de pompes à chaleur air/eau et de poêles à granulés. Par ailleurs, la Cour a répété cette observation dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022 : « on observe que les consommateurs sollicitent essentiellement des aides en faveur de gestes isolés de rénovation, en l'absence d'un plan d'ensemble visant l'atteinte d'une haute performance énergétique. »

Lorsque l'Anah est interrogée à ce sujet, la réponse donnée est que les différents aspects du programme MaPrimeRénov' sont complémentaires, et qu'en particulier, on ne peut pas considérer MaPrimeRénov' sans prendre en compte MaPrimeRénov' Sérénité, qui est effectivement centrée sur les rénovations globales : « Le programme MaPrimeRénov', s'il se divise en trois aides distinctes, forme un tout. En effet les différentes aides se complètent, ne recouvrent pas les mêmes domaines et n'ont pas les mêmes procédures et instruction. [...] il s'agit d'un dispositif global qui n'est pas sécable. »71(*)

Cependant, considérer les trois aides comme un tout soulève plusieurs difficultés :

- la présentation des résultats de MaPrimeRénov' peut prêter à confusion. Lorsqu'il est indiqué que plus de 600 000 logements ont fait l'objet d'une rénovation, on agrège en réalité des types de rénovations très différentes les unes des autres ;

- MaPrimeRénov' Sérénité est centrée sur les ménages modestes et très modestes, et ne couvre donc pas l'ensemble du champ des logements nécessitant une rénovation globale. De plus, le reste à charge des ménages reste significatif, y compris pour les ménages modestes et très modestes, donc l'aide ne peut pas supporter à elle seule l'ensemble de la politique de rénovation globale. MaPrimeRénov' Copropriétés est également une aide spécialisée ;

- les trajectoires budgétaires des différentes aides « MaPrimeRénov' » sont distinctes, même si des crédits peuvent être déplacés d'un dispositif à l'autre, comme cela a été vu supra. Par conséquent, le choix de renforcer les crédits de l'un ou l'autre dispositif a une influence importante sur le sens et les objectifs de la politique de rénovation énergétique menée. En l'occurrence, la massification des aides a été dirigée vers le dispositif MaPrimeRénov' « nationale » plutôt que vers MaPrimeRénov' Sérénité.

Enfin, les réalisations de MaPrimeRénov' « nationale » en termes de rénovation globale n'en restent pas moins inférieures aux prévisions. L'Anah reconnaît ce fait, en indiquant que « désormais, l'enjeu est de permettre un saut qualitatif des rénovations réalisées, en promouvant la rénovation globale des logements. Au 1er trimestre 2023, les forfaits pour la rénovation globale ont été augmentés afin de concourir à cet objectif72(*). »

Dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022, la Cour des comptes déplore néanmoins qu'« au regard de ces montants, la mesure de l'efficacité des financements pour l'atteinte des objectifs de performance énergétique est particulièrement complexe et, en l'état des données disponibles, quasiment hors d'accès73(*) ».

La réforme annoncée de MaPrimeRénov' en deux piliers distincts, pourrait permettre de clarifier le suivi des crédits. Il n'y a toutefois pas d'indications sur la façon dont cette refonte de la prime sera mise en oeuvre dans la pratique. En particulier, il n'est pas clair si cette réforme implique une fusion de MaPrimeRénov' « nationale » et MaPrimeRénov' Sérénité, ou si les deux dispositifs resteront distincts.

b) Des gains énergétiques significatifs, mais imparfaitement mesurés

En termes de gains énergétiques, les chiffres présentés par l'Anah montrent une nette augmentation entre 2020 et 2021 pour MaPrimeRénov', avec de nouveau un tassement entre 2021 et 2022.

Économies d'énergies théoriques permises par les rénovations financées
par le programme « MaPrimeRénov' »

 

2020

2021

2022

MaPrimeRénov'

973,92 GWh/an

9,38 MWh/an

4328,30 GWh/an

6,57 MWh/an

4197,12 GWh/an

6,68 MWh/an

MaPrimeRénov'

Sérénité

647,86 GWh/an

15,71 MWh/an

779,98 GWh/an

18,92 MWh/an

666,52 GWh/an

19,53 MWh/an

MaPrimeRénov'

Copropriétés

60,25 GWh/an

8,47 MWh/an

104,62 GWh/an

8,80 MWh/an

232,40 GWh/an

9,96 MWh/an

Note : les nombres en gras indiquent la réduction d'énergie au total sur l'année, tandis que les nombres en italiques indiquent la réduction moyenne de la consommation d'énergie par logement.

Source : Chiffrage de l'Anah

Les chiffrages proposés par l'Anah sont supérieurs au chiffrage réalisé par plusieurs autres sources. Le rapport Coeuré estime que le gain théorique des dossiers validés en 2021 serait de 3,7 TWh sur un an : « Les dossiers validés en 2021 dans le cadre de MaPrimeRénov' permettraient au total d'obtenir un gain énergétique théorique égal à 3,7 TWh/an (soit 0,8 % de la consommation énergétique des résidences principales en France en 2020) ». L'ONRE en revanche considère que seuls 2,0 TWh auraient été économisés sur l'année 2021.

Comparaison entre les chiffrages des gains théoriques d'énergie

 

2020

2021

2022

ONRE

300 GWh/an

2 000 GWh/an

3 000 GWh/an

Anah

973,92 GWh/an

4 328,30 GWh/an

4 197,12 GWh/an

Source : Chiffrage de l'Anah et chiffrage de l'ONRE

L'Anah explique ces écarts par une différence sur le périmètre retenu : l'Agence calcule les économies d'énergie à partir des dossiers engagés, tandis que l'ONRE prend comme référence les dossiers soldés.

Réponse de l'Anah à la question :
comment expliquez-vous les différences entre vos chiffrages et ceux de l'ONRE ?

La source de l'écart est une différence de périmètre entre les chiffres qui sont communiqués.

L'Anah communique sur les dossiers engagés tandis que l'ONRE communique sur les dossiers soldés. Le choix d'évaluer les dossiers engagés présente l'avantage d'avoir plus rapidement des données pour évaluer la dynamique et l'impact potentiel des aides distribuées. Cependant, ces chiffres peuvent être supérieurs aux gains qui seront effectivement réalisés du fait du taux de chute relatif de ménages ne menant pas à terme leur projet.

À l'inverse, les dossiers soldés permettent d'avoir un gain affiché certain car les travaux sont déjà intégralement réalisés, mais qui est minoré de tous les dossiers en cours, quel que soit l'état de progression ou d'achèvement du chantier. Le délai pour faire les travaux et demander le paiement une fois la prime octroyée étant de 2 ans, le résultat total des projets subventionnés en année N n'est donc observable qu'à N + 2.

Source : Réponses de l'Agence nationale de l'habitat au questionnaire du rapporteur

La moyenne d'économies d'énergie réalisées par logement rénové est plus importante pour MaPrimeRénov' Sérénité que pour MaPrimeRénov' « nationale », ce qui est logique dans la mesure où le premier dispositif est centré sur les rénovations globales.

Toutefois, lorsque l'on compare les gains énergétiques des deux dispositifs au regard des crédits de paiement utilisés, MaPrimeRénov' « nationale » présente une plus grande efficacité en termes de gains énergétiques que MaPrimeRénov' Sérénité.

Rapport entre les gains théoriques d'énergie
et les autorisations d'engagement ouvertes

 

Gains théoriques d'énergie
-
dossiers engagés
(en GWh/an)

Autorisations d'engagement
(en millions d'euros)

Ratio gains d'énergie / autorisations d'engagement
(en KWh/euro dépensé)

2021

MaPrimeRénov'

4328,30

2180

1985,5

MaPrimeRénov' Sérénité

779,98

515,4

1513,3

2022

MaPrimeRénov'

4197,12

2338,5

1794,8

MaPrimeRénov' Sérénité

666,52

510,2

1306,4

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'Anah

La consommation énergétique du secteur résidentiel dans un scénario « Rénovation ABC » proposé par le ministère de la transition écologique, c'est-à-dire un scénario avec 64 % des logements relevant des classes A ou B, et 33 % des logements relevant de la classe C, reviendrait à 182 TWh/an. Sachant que la consommation en 2021 du parc résidentiel était d'environ 492,4 TWh/an, l'effort de réduction des consommations représenterait un effort de réduction de 310,4 TWh, soit une économie de l'ordre de 10,7 TWh par an.

Si l'on additionne les gains d'énergie présentés par l'Anah sur l'ensemble du programme MaPrimeRénov', on obtient 5,2 TWh en 2021 et 5,1 TWh en 2022, ce qui représenterait la moitié de la cible. De plus, il faut rappeler que ces chiffrages présentent des gains théoriques, calculés à partir du type et du nombre de gestes réalisés. En particulier, ils ne prennent pas en compte :

- les effets d'aubaine ; c'est-à-dire les rénovations qui auraient eu lieu même sans l'aide apportée par MaPrimeRénov' ;

- le phénomène d'effet rebond ; c'est-à-dire l'augmentation de la consommation d'énergie constatée du fait du nouveau confort acquis et de la diminution des dépenses d'énergie du ménage ;

- les facteurs qui peuvent rendre plus ou moins efficace un geste de rénovation ; l'installation d'une pompe à chaleur air/eau par exemple est très efficace dans un logement bien isolé, et a contrario, est d'une efficacité limitée, voire contre-productive dans un logement mal isolé ;

- la superficie du logement et la source initiale de chauffage, celles-ci n'étant pas précisées dans les demandes de subvention ;

- les éventuelles malfaçons dans la réalisation d'un geste de rénovation.

Les estimations présentées jusqu'à présent doivent donc être considérées comme optimistes. Le deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance fait ainsi le constat que la propension de MaPrimeRénov' à financer des travaux « monogeste » restreint l'efficacité du dispositif : « La contribution de MPR à l'objectif de réduction de 50 % de la consommation d'énergie finale d'ici 2050 afin de respecter la neutralité carbone est faible74(*). »

c) Des résultats notables en termes de réduction des gaz à effet de serre

D'après le second rapport du Comité d'évaluation du plan de relance, « en 2021, les dossiers engagés dans le cadre de MaPrimeRénov' permettraient ainsi d'économiser 1,85 MtCO2 (soit 3,9 % des émissions totales de CO2 du secteur résidentiel). Au premier semestre 2022, le gain est estimé à 0,9 MtCO275(*). » Ce chiffre est compatible avec la stratégie nationale bas-carbone, qui implique `un peu de plus de 2 MtCO2 par an dans le secteur du bâtiment, en sachant que le secteur du bâtiment est plus large que le champ de MaPrimeRénov'.

Il ne faut toutefois pas oublier que le chiffre de 1,85 MtCO2 évitées est, tout autant, que les chiffrages portant sur les gains d'énergie, un nombre théorique, déterminé à partir des moyennes d'émissions de gaz à effet de serre économisés par certains travaux ainsi que le remplacement de certains dispositifs de chauffage. Les implications au niveau « macro », comme la production d'électricité qui serait requise pour alimenter un parc résidentiel qui serait largement électrifié, ne sont pas non plus prises en compte.

Pour autant, il apparaît que MaPrimeRénov', en se focalisant sur des monogestes du type changement de chauffage, est un dispositif plus efficace en termes de réduction des gaz à effet de serre que pour l'atteinte de l'objectif du parc logement niveau basse consommation à l'horizon 2050.

3. La difficile mesure des résultats des certificats d'économie d'énergie

En raison de la nature du dispositif, qui n'est pas une aide de l'État au même sens que MaPrimeRénov' mais une aide obligatoire des entreprises de l'énergie, il est difficile d'obtenir des chiffres agrégés récents sur les certificats d'économie d'énergie. L'étude la plus récente de l'ONRE sur le sujet présente des chiffres jusqu'en 2020. À ce titre, l'ONRE indique que « certaines données relatives aux CEE remontent avec un délai important76(*) ».

On constate une forte augmentation des CEE distribués en 2019 et en 2020, qui, d'après l'ONRE, correspond à « un contexte de forte augmentation des objectifs quantitatifs qui encadrent ce dispositif entre les 3e et 4e périodes des CEE77(*). » Les gains en termes d'économie d'énergie ont également fortement augmenté, passant de 3,1 TWh à 6,2 TWh.

Nombre de logements aidés et gains d'énergie théoriques
permis par les CEE

 

2016

2017

2018

2019

2020

Nombre
de logements aidés (en milliers)

720

928

1 072

1 798

1 776

Économies
d'énergie théoriques
(en TWh)

2,2

2,7

3,1

5,7

6,2

Source : Observatoire national de la rénovation énergétique

Il faut toutefois à nouveau rappeler que les gains d'énergie formulés sont théoriques, et que toutes les réserves formulées pour les chiffres présentés par MaPrimeRénov' sont également applicables aux CEE. L'ONRE écrit ainsi : « Cette estimation théorique, fondée sur une modélisation technique des logements, peut toutefois différer des économies d'énergie réelles associées aux rénovations, tant pour des raisons liées à la qualité effective des travaux qu'à d'éventuels changements de comportement concernant la température ambiante après rénovation. Le ménage choisit alors de "reconvertir" une partie des gains énergétiques en gains de confort : c'est ce que l'on appelle "l'effet rebond". Plus largement, la consommation conventionnelle peut s'éloigner de la consommation réelle, celle-ci dépendant des usages du ménage occupant. »78(*) Ces mesures sont ainsi dites « conventionnelles79(*) ».

De plus, il est possible que la massification de MaPrimeRénov' ait conduit à une diminution du nombre de CEE accordés. En effet, même si les deux dispositifs sont généralement cumulables, les critères techniques des travaux ne sont pas les mêmes, et des ménages peuvent se retrouver en difficulté pour obtenir à la fois les CEE et MaPrimeRénov' pour les mêmes travaux.

Le rapport de l'Ademe sur les certificats d'économie d'énergie de 2020 estime ainsi que les gains d'énergies réelles ne représentent que 59 % des gains d'énergie théoriques : « l'efficacité est également affectée par les problèmes de qualité, de travaux non réalisés et de surestimation des fiches (particulièrement dans le secteur résidentiel). Pour toutes ces raisons, déterminées par les enquêtes et les visites terrain sur les fiches prépondérantes, on estime ainsi qu'à 100 MWhc comptabilisés par le dispositif correspond une économie réelle de 59 MWhc. »80(*) Le rapport décompose le « manque à gagner » de 41 % de la manière suivante :

- 23 % en raison de la surestimation du volume forfaitaire d'économies d'énergies par les fiches standardisées ;

- 14 % en raison des bonifications et des programmes qui n'entraînent pas d'économie d'énergie ;

- 2 % en raison des travaux non réalisés ;

- 2 % en raison de la qualité insatisfaisante des travaux.

Par ailleurs, l'effet rebond n'est pas intégré à ce décompte, que l'enquête estime concerner un ménage sur 10, ni l'effet d'aubaine, que le rapport chiffre à 12 % en ce qui concerne l'effet d'aubaine certain, et à 20 % l'effet d'aubaine « incertain » ou « possible »81(*).

Décomposition de la mesure de l'efficacité
des certificats d'économie d'énergie

Source : Rapport de l'Ademe,
Évaluation du dispositif des certificats d'économies, 2020, page 17

À partir de cette étude, on peut approximer les gains d'énergie réels à environ la moitié de ce qui est présenté dans le rapport de l'ONRE, c'est à 3,1 TWh en 2020. Ce chiffre est loin d'être négligeable, cependant, combiné aux gains d'énergie estimés pour MaPrimeRénov', il ne permet pas non plus d'atteindre les objectifs d'efficacité énergétique fixés à l'horizon 2050.


* 63 Après que son champ a été réduit en 2020, le CITE a été supprimé pour l'ensemble des dépenses effectuées depuis le 1er janvier 2021.

* 64 Qui est devenue « MaPrimeRénov' Sérénité » depuis 2021.

* 65 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 189.

* 66 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 27 mars 2023.

* 67 Compte rendu de l'audition de l'Anah.

* 68 Qui inclut MaPrimeRénov' « nationale », MaPrimeRénov' Sérénité, et MaPrimeRénov' Copropriétés.

* 69 Pour rappel, ce forfait ne concerne que MaPrimeRénov' « nationale ». Les personnes qui bénéficient de MaPrimeRénov' Sérénité ne peuvent pas y prétendre.

* 70 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 194.

* 71 Réponses de l'Anah au questionnaire du rapporteur de la commission d'enquête.

* 72 Réponses de l'Anah au questionnaire du rapporteur de la commission d'enquête.

* 73 Référé S2022-1527 de la Cour des comptes sur la rénovation énergétique des bâtiments, 28 juillet 2022, page 5.

* 74 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 206.

* 75 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 214.

* 76 « Les rénovations énergétiques aidées du secteur résidentiel entre 2016 et 2020 » - résultats provisoires, Observatoire national de la rénovation énergétique, page 4.

* 77 « Les rénovations énergétiques aidées du secteur résidentiel entre 2016 et 2020 » - résultats provisoires, Observatoire national de la rénovation énergétique, page 6.

* 78 « Les rénovations énergétiques aidées du secteur résidentiel entre 2016 et 2020 » - résultats provisoires, Observatoire national de la rénovation énergétique, page 6.

* 79 Il faut remarquer que l'ONRE indique dans le même rapport (page 6) que « des travaux ultérieurs seront conduits dans le cadre de l'ONRE pour mettre en regard les rénovations énergétiques et l'évolution des données réelles de consommation d'énergie. »

* 80 Ademe, Évaluation du dispositif des certificats d'économies, 2020, page 15. Note : MWhc se lit « Mégawatt-heure cumac », cumac signifiant « cumulé et actualisé ». Cette unité de mesure est utilisée dans le cadre des certificats d'économie d'énergie pour aider à la détermination de la valeur financière des économies d'énergie réalisées.

* 81 Ademe, Évaluation du dispositif des certificats d'économies, 2020, page 16.