B. LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DES RIP EST AUJOURD'HUI FRAGILISÉ ET DOIT ÊTRE ACTUALISÉ AU PLUS VITE

1. La Cour fait le constat d'une inadéquation du modèle économique des RIP par rapport à la réalité des coûts qu'ils doivent supporter

La Cour des comptes a également mis en évidence dans son rapport une situation de déséquilibre du modèle économique des RIP. En effet, les plans d'affaires des RIP ont été construits sur la base de lignes directrices tarifaires établies par l'Arcep en 2015. Toutefois, ces lignes directrices, basées sur le modèle des zones denses, sont inadaptées à la réalité des coûts que doivent supporter les RIP. D'après la Cour des comptes, « 9 RIP sur 10 indiquent avoir constaté des surcoûts par rapport au plan d'affaires initial, concernant pour la plupart tant l'exploitation du réseau que le niveau des investissements ». Les coûts d'exploitation sont en effet significativement plus élevés en zone publique qu'en zone dense, et plusieurs auditionnés ont indiqué que les tarifs d'accès à la fibre sur le marché de gros ne leur permettrait pas de les compenser.

Le modèle économique des RIP a été construit sur la base de lignes tarifaires de l'Arcep non contraignantes mais largement suivies

L'Arcep a défini en 2015 des lignes directrices indiquant des niveaux de tarifs à pratiquer entre opérateurs d'infrastructures et opérateurs commerciaux et visant à ce qu'ils soient homogènes entre RIP et zones d'initiative privée. Les RIP ont ainsi été invités, pour les investissements initiaux, à calibrer leur demande de subvention à l'État pour assurer leur viabilité économique à partir de ces tarifs.

Les lignes tarifaires de 2015 précisent qu'il existe un risque de constater des variations dans les coûts de déploiement par rapport aux anticipations. De même, les coûts d'exploitation, potentiellement proportionnels à la longueur des lignes, pourraient être supérieurs en zone d'initiative publique et générer des surcoûts pénalisant les projections de marges financières de l'opérateur d'infrastructures. Or, ces coûts d'exploitation ne peuvent faire l'objet d'un soutien de l'État et pourraient ainsi déséquilibrer les finances des RIP sur le long terme, en cas de recettes d'exploitation insuffisantes. Ainsi, il est prévu que le régulateur examine au cas par cas les éventuelles demandes d'ajustement à la hausse des tarifs de gros et valide ou non leur justification.

Le document publié par l'Arcep, dépourvu de toute portée prescriptive et contraignante, vise « à guider l'action des collectivités locales » pour fixer des tarifs à appliquer aux opérateurs commerciaux dans des conditions « objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées ». Il précise qu'il sera envisageable de réviser ces préconisations en cas « de modifications significatives des conditions de marché » ou de « changement législatif ou règlementaire » sous réserve d'éléments de justification suffisants.

Malgré leur caractère non contraignant, les lignes directrices de l'Arcep ont été largement suivies par les RIP pour établir leurs plans d'affaires initiaux. Ainsi, sur la base des réponses au sondage réalisé par la Cour des comptes, 80 % des RIP interrogés déclarent avoir utilisé exactement le tarif de l'Arcep, à 15 % légèrement au-dessus et à 5 % légèrement en-dessous.

Source : rapport de la Cour des comptes

2. Des travaux d'objectivation des coûts d'exploitation des RIP à faire aboutir dès 2025

Face à ce constat, les collectivités territoriales, les opérateurs d'infrastructures, mais aussi les opérateurs commerciaux, attendent de la part de l'Arcep un travail d'objectivation des coûts supportés par le RIP, afin d'établir les écarts de coûts constatés entre les modèles initiaux et la réalité. Ce travail permettra, d'après la Cour des comptes, d'envisager d'éventuelles révisions des modèles d'affaires des RIP, voire une mobilisation supplémentaire de fonds publics pour les soutenir.

Pourtant, l'Arcep tarde à faire évoluer ses lignes directrices et refuse pour le moment des hausses tarifaires demandées par certaines collectivités locales, qui doivent dès lors compenser le déficit d'exploitation par des subventions. Certains opérateurs d'infrastructures ont par ailleurs alerté les rapporteurs spéciaux sur l'absence de méthodologie fixée par l'Arcep pour la remontée des informations nécessaires à ces travaux d'actualisation.

Les rapporteurs spéciaux rejoignent la recommandation de la Cour sur le nécessité de faire aboutir ces travaux d'objectification dès 2025. À défaut, les collectivités pourraient être contraintes, au fur et à mesure du renouvellement des délégations de service public, d'assumer seules les charges d'exploitation du réseau. En effet, faute de possibilité pour les RIP de faire évaluer ces tarifs, les collectivités risquent d'être confrontées à un défaut de candidat, puisqu'aucun opérateur d'infrastructures ne souhaitera s'engager dans un modèle ne leur permettant pas de couvrir leurs coûts d'exploitation. Les rapporteurs spéciaux ont été alertés sur le fait que, face à cette impasse, certaines collectivités pourraient être contraintes de céder leurs RIP à vil prix à des opérateurs.

Recommandation n° 2 : Définir un calendrier et une méthodologie clairs pour les travaux d'objectivation des coûts observés dans les réseaux d'initiative publique menés par l'Arcep, afin de favoriser la remontée d'informations fiables par les opérateurs d'infrastructures (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse).

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