II. LES MOYENS CONSACRÉS À L'ÉDUCATION PRIORITAIRE MULTIPLIÉS PAR 2,5 EN MOINS DE 10 ANS
A. UN COÛT DE 2,6 MILLIARDS D'EUROS EN 2023
1. L'Éducation nationale, principal ministère financeur de la politique d'éducation prioritaire
Le ministère de l'Éducation nationale constitue le principal financeur de la politique de l'éducation prioritaire. Elle représente à la rentrée 2023 un coût pour les finances publiques évalué à 2,6 milliards d'euros, en hausse de 86 % par rapport à 2016.
L'essentiel des coûts de la politique de l'éducation nationale provient de la politique d'encadrement renforcé des élèves dans l'éducation prioritaire, à hauteur de 83 %, les classes ayant une taille plus petite que dans les établissements hors éducation prioritaire. Une part importante des coûts provient également des indemnités spécifiques versées aux personnels des REP et REP +, pour un montant de 483 millions d'euros en 2023 (CAS Pensions inclus). Enfin, Les décharges d'enseignement spécifiques aux établissements REP et REP + représentent un coût de 65,7 millions d'euros dans le premier degré, et de 88,9 millions d'euros dans le second degré.
Les dépenses hors titre 2 ne représentent que 0,7 % des coûts de la politique d'éducation nationale, essentiellement pour les dispositifs spécifiques tels que les cités éducatives (10,5 millions d'euros) et la formation des enseignants (7 millions d'euros). La Cour des comptes estime qu'il existe également des coûts connexes pour le ministère de l'Éducation nationale, liés aux dispositifs annexes tels que « devoirs faits » pour 6,5 millions d'euros et « école ouverte » pour 19,9 millions d'euros, qui existent également dans l'éducation prioritaire.
Évolution du coût de la politique de
l'éducation prioritaire
pour le ministère de
l'Éducation nationale
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances d'après la Cour des comptes
La forte hausse des dépenses liées à l'éducation prioritaire, multipliées par 2,5 en 10 ans, est liée essentiellement :
- à la hausse des indemnités versées aux personnels des établissements classés REP + à partir de 2022, pour un montant de 291 millions d'euros ;
- à la politique de dédoublement des classes de CP, CE1 et grande section de maternelle mise en oeuvre progressivement à partir de 2017, qui représente un surcoût de près de 800 millions d'euros. Près de 16 000 équivalents temps plein (ETP) ont été mobilisés pour la mise en oeuvre du dédoublement ;
- à une baisse du temps de travail devant élèves des enseignants, pour prendre en compte le travail en équipe. Ainsi, les enseignants du premier degré bénéficient de 18 demi-journées de décharge ; quant aux enseignants du second degré, leur temps de service hebdomadaire a été diminué de 1h38. Cette réforme représente un surcoût annuel de plus de 200 millions d'euros.
Décomposition de la hausse des coûts de la politique de l'éducation prioritaire pour le ministère de l'Éducation nationale entre 2016 et 2023
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances d'après la Cour des comptes
Au vu de l'ampleur des coûts de la politique de l'éducation prioritaire, une évaluation de l'efficience de la politique, ainsi qu'une révision des modes d'allocation des moyens, est indispensable.
2. La politique de la ville, une source supplémentaire de financements
La politique de la ville contribue également à l'amélioration de la réussite scolaire des élèves scolarisés dans les QPV, relevant très souvent de l'éducation prioritaire. Le budget total consacré par le ministère de la ville aux élèves de l'éducation prioritaire est de 152 millions d'euros en 2022, dont 61,3 millions d'euros pour le programme réussite éducative instauré par la loi6(*) de programmation du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale afin d'offrir aux enfants les plus en difficulté le soutien d'une équipe pluridisciplinaire, et 80,9 millions d'euros pour le volet éducation des contrats de ville.
3. Les collectivités territoriales, une contribution élevée mais difficile à évaluer
Les collectivités territoriales contribuent également à la politique de l'éducation prioritaire en finançant les bâtiments afférents. En particulier, la politique de dédoublement des classes a entrainé une hausse des besoins en termes d'espace, génératrice de surcoûts élevés pour les collectivités. Toutefois, comme le relève la Cour des comptes, « la contribution des collectivités territoriales ne peut être chiffrée, faute de données ».
Les coûts pour les collectivités territoriales pourraient toutefois être estimés à 1 milliard d'euros. En effet, les dépenses locales représentent au total 22,8 % de la dépense intérieure d'éducation, alors que l'État prend en charge 54,8 % de la dépense, ici évaluée à 2,6 milliards d'euros.
* 6 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.