B. LE CONTRÔLE DE SUBSIDIARITÉ : UNE DES RARES PRÉROGATIVES EUROPÉENNES DES PARLEMENTS NATIONAUX INSCRITE DANS LES TRAITÉS EUROPÉENS MAIS DONT L'AVENIR EST AUJOURD'HUI MENACÉ
1. En 2023, le Sénat s'est affirmé comme la troisième assemblée parlementaire de l'Union européenne pour le contrôle du respect du principe de subsidiarité
Rappelant qu'elle tient toujours compte des principes de subsidiarité et de proportionnalité dans les analyses d'impact de ses propositions stratégiques, la Commission européenne, dans son rapport sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité et sur ses relations avec les parlements nationaux pour l'année 2023148(*), indique que le comité d'examen de la réglementation, organisme indépendant qui conseille le collège des commissaires, a examiné 50 analyses d'impact en 2022 (contre 70 en 2022 et 83 en 2021). Elle précise également qu'elle a été destinataire de 22 avis motivés en 2023.
Le Parlement européen veille également au respect du principe de subsidiarité. En 2023, il a ainsi été destinataire de 294 documents divers issus des parlements nationaux des États membres (contre 249 en 2022), dont les 22 avis motivés précités. En pratique, sa commission des affaires juridiques désigne un rapporteur pour la subsidiarité pour un mandat de six mois, sur la base d'une rotation entre les groupes politiques149(*). Ce rapporteur suit les avis motivés reçus et a la possibilité de se saisir de questions qu'ils soulèvent pour en débattre en commission et pour adresser d'éventuelles recommandations à la commission compétente sur le texte concerné. La commission des affaires juridiques formule aussi des observations sur les rapports annuels de la Commission relatifs aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Dans plusieurs initiatives récentes, le Parlement européen a souhaité rappeler que la participation active des parlements nationaux aux affaires européennes et le contrôle renforcé des gouvernements nationaux par les parlements nationaux étaient essentiels pour garantir la responsabilité démocratique et la légitimité du système institutionnel de l'Union européenne150(*).
De son côté, le Conseil informe aussi les États membres des avis motivés des Parlements nationaux sur les propositions de règlement et de directive.
Dans son rapport annuel 2023 précité, la Commission européenne a pris acte de la baisse de l'utilisation de la procédure de contrôle de subsidiarité par les parlements nationaux des États membres, qui s'inscrit « dans une tendance à la baisse à long terme... ».
Autre spécificité sur l'année 2023 : le Parlement italien est responsable, à lui seul, de l'émission de 9 des 22 avis motivés adoptés par les parlements nationaux des États membres (6 issus de la Camera dei Deputati et 3 issus du Senato della Repubblica). Suivent le Riksdag suédois (5 avis motivés), puis le Sénat français (3 avis en 2023).
Seuls 9 chambres ou parlements parmi les 39 parlements ou chambres des États membres de l'Union européenne ont adopté et envoyé au moins un avis motivé au titre du contrôle de subsidiarité en 2023151(*).
Ces avis ont porté sur 14 initiatives différentes de la Commission européenne :
- la proposition de règlement relative aux emballages et aux déchets d'emballages a fait l'objet de 3 avis motivés (dont 1 du Sénat français) ;
- six propositions de textes ont fait l'objet chacune de 2 avis motivés (propositions de règlement sur les NTG, sur la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, sur la filiation (2 avis motivés dont 1 adopté par le Sénat), sur les normes de performance en matière d'émission de CO2, pour les nouveaux véhicules lourds et sur la surveillance des sols ; proposition de directive contre la corruption (2 avis motivés) ;
- sept propositions de textes ont fait l'objet chacune d'un avis motivé (propositions de règlement établissant des règles de procédure complétant le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), établissant un régime d'imposition en fonction du siège central pour les micro, petites et moyennes entreprises, sur les normes Euro 7 d'émission des véhicules à moteur, sur la réduction du coût de déploiement de réseaux gigabit de communications électroniques, sur la protection de l'Union européenne contre la manipulation du marché de gros de l'énergie (dont un avis du Sénat français) et sur les produits de technologie « zéro net » ; proposition de directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal).
En 2022, plusieurs initiatives avaient donné lieu à quatre avis motivés (acte européen sur la liberté des médias ; propositions de révision des textes relatifs aux marchés du gaz et de l'hydrogène) et la réforme du droit électoral européen en avait suscité cinq.
2. Un rôle de contrôle du respect du principe de subsidiarité essentiel au bon fonctionnement démocratique de l'Union européenne...
En effectuant rigoureusement ce contrôle des initiatives normatives européennes les plus importantes au titre du contrôle de subsidiarité, le Sénat, comme ses homologues des autres parlements, joue un rôle essentiel de gardien des traités et, plus particulièrement, de la répartition des compétences entre États membres et Union européenne prévue par ces derniers. Par là même, il s'assure du bon fonctionnement de la démocratie en Europe, alors même que le volontarisme de l'Union européenne alimente le risque d'une « dérive normative ». Ce constat sans appel a été établi par la commission des affaires européennes du Sénat dans un rapport d'information publié le 4 décembre 2024152(*).
Ce rapport a d'abord observé l'intensité inédite de l'activité normative de la Commission européenne « von der Leyen I » depuis 2019, tant au regard de ses aînées que des autres grands ensembles politiques mondiaux : la Commission européenne, entre 2019 et 2024, a ainsi adopté 13 000 nouvelles normes pendant que le Congrès américain adoptait 3 500 textes législatifs et 2 000 résolutions sur la même période. L'adoption des règlements et directives a connu une augmentation sensible de 23 %, avec des textes ayant un fort impact sur les États membres, les collectivités territoriales et les entreprises, tels que « ceux instaurant un devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale, interdisant la commercialisation en Europe des produits issus de la déforestation ou encore le règlement sur la gestion des déchets et des emballages »153(*).
À cet emballement normatif est venu s'ajouter une série d'évolutions qui, cumulées, ont pour effet de diminuer la transparence du processus d'adoption des textes européens et les moyens de contrôle des parlements nationaux des États membres sur ces derniers.
Première évolution : le volontarisme politique de la Commission européenne la conduit désormais à intervenir dans des domaines inédits, avec, le plus souvent, le soutien des États membres, mais parfois contre la lettre et l'esprit des traités européens.
Ainsi, depuis 2019, à traité constant, l'Union européenne a gagné - souvent pour des motifs d'intérêt général, mais pas toujours, de nouvelles prérogatives. Ce fut le cas pour tirer les conséquences des crises liées à la pandémie de covid-19 et à la guerre en Ukraine.
À titre d'exemple, en juillet 2020, l'Union européenne a mis en oeuvre un plan de relance européen inédit (Next generation EU)154(*) afin de stimuler la reprise de la croissance économique et fournir un soutien massif aux secteurs fragilisés ou innovants, garanti par un emprunt exceptionnel de l'Union européenne. Or, cette capacité d'emprunt n'était pas inscrite dans les traités. A contrario, l'article 310 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) met en avant la nécessité pour le budget européen d'être « équilibré » et l'interdiction, pour l'Union européenne, d'adopter des « actes susceptibles d'avoir des incidences notables sur le budget sans donner l'assurance que les dépenses découlant de ces actes peuvent être financés dans la limite des ressources propres de l'Union et dans le respect du Cadre financier pluriannuel ». Ce dispositif, qui s'est finalement imposé en raison de l'urgence et de l'intérêt des États membres, a donc donné lieu un débat juridique justifié.
La Commission européenne, à compter de 2019, a également développé une politique inédite de « l'État de droit » sur la base d'une interprétation « constructive » de l'article 2 du traité de l'Union européenne (TUE), qui recense les valeurs de l'Union européenne. Elle a ainsi institué, à compter de 2020, un suivi annuel de l'État de droit dans les États membres, qui conduit la Commission européenne à évaluer politiquement et « éthiquement » leur organisation judiciaire, leurs actions de lutte contre la corruption, leurs règles applicables aux médias et leurs procédures législatives, ainsi qu'à conditionner explicitement l'octroi de fonds européens aux États membres à leur respect préalable de l'État de droit155(*).
Par ailleurs, dans le cadre du soutien de l'Union européenne à l'Ukraine, la Commission européenne a pris plusieurs initiatives pour faciliter la coopération des industries de défense européennes et conforter leur production afin d'accélérer la production de munitions. Le nouveau programme pour l'industrie de la défense (EDIP), présenté le 5 mars dernier avec une stratégie dédiée (EDIS), pour instaurer une nouvelle capacité européenne de programmation et de passation conjointe de marchés, étendre la logique d'intervention des règlements EDIRPA et ASAP et lancer des projets européens d'intérêt commun dans le secteur de la défense, est fondé sur plusieurs articles du TFUE. À cet égard, le cumul d'articles visé en l'espèce souligne la difficulté de trouver une base juridique pertinente et de respecter la compétence des États membres dans le domaine de la défense. Elle est ainsi fondée à la fois sur l'article 114 précité du TFUE (développement du marché intérieur), sur son article 173 (relatif à l'industrie, au titre de la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense européenne - BITDE), sur son article 212 (relatif à la coopération économique, financière et technique avec des pays tiers, pour le renforcement de la BITD ukrainienne) et sur son article 322 (relatif aux règles financières de l'Union européenne) du TFUE.
Voilà pourquoi, tout comme le Conseil d'État156(*), la commission des affaires européennes du Sénat prône l'insertion d'une « clause bouclier » préservant la compétence des États membres en matière d'ordre public et de sécurité nationale dans toute nouvelle initiative normative européenne (proposition n° 2 du rapport précité sur la « dérive normative » de l'Union européenne).
Deuxième évolution préoccupante : contrairement à ses engagements, la Commission européenne omet désormais très souvent de présenter une analyse d'impact pour accompagner ses nouvelles initiatives et démontrer que ces dernières respectent le principe de subsidiarité. La Commission invoque le plus souvent « l'urgence » de la présentation d'une réforme ou un niveau suffisant de consultations, ou encore, renvoie à des études plus anciennes, dont les constats demeureraient valables, pour justifier cette absence d'analyse d'impact.
Or, la Commission a de plus en plus souvent tendance à « ignorer » cette étape démocratique majeure dans son processus d'adoption des normes, au sujet de ses réformes les plus importantes. Parmi les textes récents d'importance dépourvus d'une telle analyse d'impact, on peut citer la proposition de règlement établissant des mesures pour renforcer la solidarité et les capacités dans l'Union européenne à détecter les menaces et les incidents liés à la cybersécurité, à s'y préparer et à y répondre (dite « cybersolidarité »)157(*) la proposition de directive de lutte contre la corruption158(*) ou encore la proposition de règlement précitée établissant un système commun de retour des migrants irréguliers159(*).
Voilà pourquoi le Sénat demande régulièrement la mise en place d'une règle simple de bonne gouvernance et de transparence : la publication systématique, par la Commission européenne, d'une analyse d'impact pour accompagner chacune de ses nouvelles initiatives normatives. Il recommande également de prévoir une évaluation ex post des règlements et des directives adoptés. Dans un souci d'allègement du « fardeau réglementaire » pesant sur les entreprises européennes, il souhaite enfin la mise en place d'un « test de compétitivité » et d'un « test PME renforcé » pour chaque nouveau projet de norme.
En troisième lieu, la Commission européenne exprime désormais sans complexe sa préférence pour les règlements, textes d'application directe et d'effet immédiat, plutôt que pour les directives, qui nécessitent des mesures de transposition en droit national. En 2019, la Commission a ainsi présenté 90 règlements pour 33 directives. Et, en 2024, 70 règlements pour 38 directives. Selon le rapport précité sur la « dérive normative » de l'Union européenne, « le nombre de règlements a donc été en moyenne de deux à trois fois supérieur à celui des directives depuis dix ans. »
Ce faisant, la Commission européenne souhaite remplir deux objectifs : d'une part, faciliter une action européenne plus homogène et plus rapide au bénéfice du bon fonctionnement du marché intérieur et, d'autre part, accroître l'influence et la puissance de l'Union européenne.
Simultanément, « par essence », les directives sont « plus respectueuses de la diversité nationale puisqu'elles permettent de mieux prendre en compte les réalités du terrain et d'articuler objectifs européens et traditions juridiques nationales. Le choix d'un règlement peut soulever des difficultés juridiques et politiques supplémentaires lorsqu'il pose des lignes directrices strictes dans des domaines sensibles (protection des données personnelles, coopération policière, coopération judiciaire pénale, immigration...), sans prendre en considération les spécificités nationales.
Il en est allé ainsi avec la présentation, déjà évoquée, de la proposition de règlement dite « cybersolidarité », en avril 2023, qui complexifie et doublonne partiellement avec l'architecture de cybersécurité européenne posée par la directive (SRI2), alors même que cette dernière n'est pas encore entrée en vigueur et qu'elle préserve mieux les impératifs de sécurité nationale. Il en a été de même avec la proposition de règlement concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales ou encore la proposition de règlement sur les emballages et déchets d'emballages160(*), qui a conduit à remettre en cause les choix effectués de longue date par le législateur national et les collectivités territoriales pour le recyclage, alors que ces derniers avaient nécessité des investissements élevés et donnaient des résultats satisfaisants161(*).
Il faut également citer la refonte attendue du système commun de retour des migrants irréguliers installés dans l'Union européenne vers des pays tiers sûrs, qui a été présentée, le 11 mars dernier par la Commission européenne sous la forme d'un règlement, qui remplacerait l'actuelle directive 2008/115/CE162(*). De nouveau, il s'agit d'uniformiser les procédures pour gagner en efficacité, mais l'un des enjeux des négociations au Conseil sera de s'assurer qu'une telle piste est compatible avec les spécificités des dispositifs nationaux (exemple de la procédure de l'assignation à résidence, qui peut être appliquée aux étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une décision de retour en France mais qui n'existe pas dans d'autres États membres).
C'est pourquoi, on peut observer que lorsqu'un règlement européen est adopté, le législateur national, pourtant censé le mettre en oeuvre sans mesure de transposition en droit national, est, dans les faits, très souvent amené à prendre des « mesures d'adaptation » de ces textes en droit national, faute pour le règlement initial d'avoir pu prévoir l'ensemble des situations nationales dans les 27 États membres. Cependant, sa marge de manoeuvre est alors très limitée, toute disposition contrevenant à la Commission européenne pouvant être censurée par la justice si elle est considérée comme « entravant » le bon fonctionnement du marché intérieur.
En quatrième et dernier lieu, si, en principe, ce sont les États membres qui ont la charge de la mise en oeuvre du droit européen au niveau national, les articles 290 (actes délégués)163(*) et 291 (actes d'exécution)164(*) du TFUE confèrent régulièrement de grands pouvoirs d'exécution et/ou de délégation à la seule Commission européenne pour mettre en oeuvre voire pour compléter et modifier le dispositif des règlements et directives165(*). En principe, les actes délégués ne peuvent être pris en application des dispositions essentielles de ces textes mais, en pratique, la tentation est grande pour la Commission de s'octroyer la délégation la plus large possible. Ainsi, dans son avis motivé relatif à la proposition de règlement relative au « certificat européen de filiation »166(*), le Sénat a estimé que la délégation de compétences octroyée à la Commission européenne ne pouvait concerner le contenu de ce certificat, ce dernier étant à l'évidence, la disposition essentielle de la réforme. Autre exemple : dans la proposition de règlement créant un « réservoir européen de talents »167(*), la liste des secteurs et métiers en tension serait fixée par la seule Commission européenne par un acte délégué.
C'est pourquoi, dans plusieurs résolutions européennes et dans son rapport précité sur la « dérive normative » de l'Union européenne, la commission des affaires européennes du Sénat a répété qu'il fallait « limiter le recours abusif » par la Commission européenne à ces actes (proposition n° 4 du rapport précité sur la « dérive normative » de l'Union européenne).
Le contrôle de subsidiarité est donc essentiel pour préserver une marge d'appréciation nationale et le rôle des parlements nationaux dans le vote des lois et le contrôle du pouvoir exécutif.
3. ...mais de moins en moins utilisé par les parlements nationaux
Comme le rappelait le rapport d'information de la mission d'information du Sénat sur la judiciarisation de la vie publique168(*), plusieurs obstacles, souvent cumulatifs, se présentent aux Parlements nationaux lorsqu'ils souhaitent contrôler les initiatives législatives européennes au titre du contrôle de subsidiarité :
- « en raison du fait majoritaire dans nombre de démocraties européennes, les chambres peuvent être conduites à renoncer à leurs prérogatives en matière de subsidiarité afin de ne pas gêner les positions diplomatiques défendues par le pouvoir exécutif dans les négociations européennes » ;
- « la mise en oeuvre du contrôle de subsidiarité est cantonnée dans un délai de huit semaines incompressibles et ce délai est court, voire trop court, pour adopter un avis motivé puis pour convaincre les autres Parlements nationaux de la pertinence de la position adoptée... » ;
- » le seuil à atteindre pour former un « carton jaune » (un tiers des voix attribuées aux Parlements nationaux) est également dissuasif » ;
- enfin, « le contrôle de subsidiarité n'est pas un contrôle au fond des projets d'actes législatifs examinés. (...) Pour des raisons de délai et de cohérence, le Sénat, en premier lieu sa commission des affaires européennes, peut être conduit à privilégier l'adoption de (...) résolutions et avis politiques en y insérant des éléments de subsidiarité. »
Le Sénat, conscient de la possible « mort lente » du contrôle de subsidiarité, et du risque démocratique que comporte une telle évolution, plaide donc depuis plusieurs années pour sa réhabilitation afin de garantir une réelle évaluation de la nécessité et de la proportionnalité des initiatives législatives européennes et de... respecter les traités !
Il souhaite plus généralement un développement du rôle européen des Parlements nationaux.
Ainsi, les conclusions du groupe de travail de la COSAC sur le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne, adoptées, comme déjà précisé, par consensus par les parlementaires qui en étaient membres - hormis les eurodéputés - le 14 juin 2022, ainsi que la mission d'information sénatoriale précitée, ont parallèlement proposé un aménagement des modalités pratiques du contrôle de subsidiarité (proposition d'allongement du délai d'examen, de huit à dix semaines) et un assouplissement des conditions de déclenchement du « carton jaune » (qui serait effectif dès lors que les avis motivés adoptés sur un texte rassemblent un quart des voix attribuées aux Parlements nationaux, comme c'est déjà le cas dans le domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale).
Considérant que l'expression politique européenne du Sénat devait être non seulement « défensive » avec le contrôle de subsidiarité mais également « offensive », les conclusions du groupe de travail et la mission d'information précitée ont demandé la création d'un « carton vert » (droit d'initiative indirect permettant aux parlements nationaux d'émettre des propositions législatives européennes).
En complément, le groupe de travail de la COSAC a souhaité également « inscrire dans le marbre » le droit de questionnement écrit auprès des institutions européennes qui existe déjà de manière officieuse à l'heure actuelle mais qui, en raison de cette nature officieuse, engage peu lesdites institutions.
À l'initiative du Sénat français, ces préconisations ont été formellement reprises dans la contribution de la COSAC, lors de sa LXXIIème réunion plénière, à Budapest (27-29 octobre 2024).
Quant au Parlement européen, désormais lui aussi convaincu de la nécessité de renforcer les prérogatives européennes des parlements nationaux, il a soutenu le principe du mécanisme du « carton vert » et a demandé l'allongement à 12 semaines, du délai d'examen des textes européens par les parlements nationaux au titre du contrôle de subsidiarité169(*).
Enfin, il faut souligner que la mission d'information précitée préconisait la mise en oeuvre, dès que possible, d'un recours pour non-conformité d'un projet de texte européen au principe de subsidiarité devant la CJUE afin de faire vivre cette procédure et d'enclencher « un dialogue opérationnel » avec la Cour au sujet du contrôle de subsidiarité.
* 148 Rapport COM(2024) 493 final du 12 novembre 2024.
* 149 En 2023, ces rapporteurs ont été successivement M. Gilles Lebreton (ID/FR) et Mme Karen Melchior (Renew/DK).
* 150 Voir en particulier la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2024 sur la mise en oeuvre des dispositions du traité relatives aux parlements nationaux.
* 151 Outre les chambres citées, il s'agit des assemblées suivantes : Poslanecka snemovna tchèque ; Orzaggyulés de Hongrie ; Vouli ton Antprosopon de Chypre ; Eerste Kamer et Tweede Kamer des Pays-Bas.
* 152 Rapport d'information n° 190 (2024-2025) de MM. Jean-François Rapin et Didier Marie, et de Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires européennes, sur la dérive normative de l'Union européenne.
* 153 Rapport d'information du Sénat sur la « dérive normative » de l'Union européenne, p 5.
* 154 Ce plan, d'un montant de 750 milliards d'euros, est venu compléter le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 (1 074,3 milliards d'euros dans sa version initiale).
* 155 Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union [européenne].
* 156 « La Souveraineté », étude annuelle du Conseil d'État, 11 septembre 2024.
* 157 COM(2023) 209 final.
* 158 COM(2023) 234 final.
* 159 Proposition de règlement COM(2025) 101 final du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2025 établissant un système commun pour le retour des ressortissants de pays tiers installés irrégulièrement dans l'Union et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive du Conseil 2001/40/CE et la décision du Conseil 2004/191/CE.
* 160 COM(2022) 677 final.
* 161 Rapport précité sur la « dérive normative » de l'Union européenne, p 21.
* 162 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
* 163 « Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. »
* 164 « Les États membres prennent toutes les mesures de droit interne nécessaires pour la mise en oeuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union. Lorsque des conditions uniformes d'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d'exécution à la Commission... ».
* 165 En 2010, la Commission européenne avait adopté 4 actes délégués et 1 677 actes d'exécution. En 2023, elle en a adopté respectivement 171 et 1 916.
* 166 COM (2022) 695 final.
* 167 COM(2023) 716 final.
* 168 Rapport d'information n°592 (2020-2021) de Mme Cécile Cukierman (présidente) et de M. Philippe Bonnecarrère (rapporteur), au nom de la mission d'information du Sénat sur le thème « La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l'État de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie ? »
* 169 Résolution du Parlement européen du 22 novembre 2023 sur les projets du Parlement européen tendant à la révision des traités.