CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
LES EAUX MINÉRALES ET EAUX DE SOURCE,
UNE RESSOURCE PRÉCIEUSE, FRAGILE ET PÉRISSABLE

I. QUE SONT LES EAUX MINÉRALES ET LES EAUX DE SOURCE ?

Comme le rappelait devant la commission Marie-Pierre Sauvant Rochat, responsable du laboratoire santé publique et environnement à l'université Clermont Auvergne : « à la fin du XIXe siècle, on associait aux eaux minérales naturelles le thermalisme, l'idée d'une eau qui soigne, d'une eau miraculeuse. C'était à part entière un produit de santé ».

Par la suite, au cours du XXe siècle, ces eaux sont devenues des produits alimentaires de grande consommation, mais auxquels s'applique une réglementation précise et contraignante, destinée à garantir la sécurité sanitaire des produits et la confiance des consommateurs, qui les achètent, à des prix élevés, pour leurs qualités perçues sur leur santé.

Conformément à la définition prévue par le droit européen et sa transposition nationale, les eaux minérales naturelles et les eaux de source doivent être microbiologiquement saines et être embouteillées telles qu'elles sont à l'émergence, sans traitement susceptible d'altérer leurs caractéristiques9(*). Naturellement pures, elles ne doivent en aucun cas faire l'objet d'une désinfection.

Ces deux types d'eau se distinguent des eaux rendues potables par traitement, lesquelles sont également des denrées alimentaires et peuvent faire l'objet d'un conditionnement (mise en bouteilles ou en bombonnes), mais ne sauraient être présentées et vendues comme des eaux minérales naturelles ou des eaux de source, dans la mesure où elles peuvent faire l'objet des mêmes traitements que l'eau du robinet, y compris subir une désinfection. Encadrées par les articles R.1321-91 à R.1321-93 du code de la santé publique, ce sont classiquement des eaux de réseaux publics mises en bouteille. Il en existe quatre en France (une à Mayotte, deux en Guadeloupe et une dans le Doubs).

En France, la consommation d'eau embouteillée était de 135 litres par habitant en 2018, soit une consommation de 9 milliards de litres pour l'ensemble de la population française, qui se partage pour moitié entre les eaux minérales naturelles et les eaux de source, les eaux rendues potables par traitement étant très peu commercialisées dans notre pays.

Les habitants du Nord de la France sont les plus grands consommateurs d'eau en bouteille en France. Ils privilégient la consommation d'eau minérale naturelle en raison de la pollution des eaux souterraines et des eaux de surface causée par les pesticides et les nitrates (notamment en Picardie, dans le Nord-Pas-de-Calais ou en Bretagne).

La gestion de la sécurité sanitaire des eaux minérales naturelles et des eaux de source repose avant tout sur la directive européenne 2009/54/CE sur les eaux minérales naturelles et, dans une moindre mesure, sur la directive 2020/2184. Cette dernière concerne principalement les eaux destinées à la consommation humaine, mais elle s'applique également pour partie aux eaux de source.

Ces directives sont transposées en droit français par des dispositions législatives et réglementaires, complétées par sept arrêtés d'application.

Textes européens et nationaux applicables aux eaux conditionnées

Au niveau européen, plusieurs textes réglementaires encadrent les eaux conditionnées, dont :

- la directive européenne 2009/54/CE (définition de l'eau minérale naturelle, exigences de qualité microbiologique à la ressource et sur l'eau conditionnée pour l'eau minérale naturelle et l'eau de source, conditions d'exploitation de la ressource, traitements autorisés pour l'eau minérale naturelle et l'eau de source, mentions d'étiquetage) ;

- la directive européenne 2003/40/CE (limites de qualité physicochimique pour 16 constituants naturellement présents dans les eaux minérales naturelles) ;

- la directive 98/83/CE (modifiée par la directive (UE) 2015/1787) qui concerne les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), dont les eaux de source et les eaux rendues potables par traitement conditionnées (limites de qualité microbiologiques et physicochimiques) ;

- les règlements du « Paquet Hygiène » (règlements européens N° 178/2002, N° 852/2004 et N° 882/2004) applicables aux denrées alimentaires (règles d'hygiène, surveillance par l'exploitant, contrôles officiels exercés par les États membres, etc.).

Les directives européennes spécifiques aux eaux conditionnées ainsi que la réglementation européenne en vigueur pour les denrées alimentaires ont été traduites dans le droit national. Les dispositions édictées par ces textes ont été intégrées au code de la santé publique.

En outre, plusieurs arrêtés ministériels, constituant le corpus réglementaire national régissant ces eaux, ont été adoptés, dont :

- l'arrêté du 22 octobre 2013 modifié qui porte sur le contrôle sanitaire mis en oeuvre par les ARS et sur la surveillance par l'exploitant ;

- l'arrêté du 14 mars 2007 modifié qui porte sur les exigences de qualité, les traitements autorisés et les mentions d'étiquetage ;

- l'arrêté du 5 mars 2007 qui porte sur les demandes d'autorisation d'exploitation d'une ressource à des fins de conditionnement en eau minérale naturelle ou de distribution d'une eau minérale naturelle en buvette publique ;

- l'arrêté du 20 juin 2007 qui porte sur les demandes d'autorisation d'exploiter d'une ressource à des fins de conditionnement en eau de source ou en eau rendue potable par traitements ;

- l'arrêté du 4 mai 2007 qui porte sur les demandes d'autorisation d'importation d'une eau conditionnée ou de glace alimentaire étrangères.

Source : direction générale de la santé (DGS)

A. LES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX MINÉRALES NATURELLES

1. Des eaux issues de nappes souterraines, qui se caractérisent par leur teneur en minéraux et par leur pureté originelle

Les eaux minérales naturelles sont définies aux articles R.1322-1 à R.1322-4 du code de la santé publique.

Une eau minérale naturelle est une eau microbiologiquement saine, provenant d'une nappe ou d'un gisement souterrain exploité à partir d'une ou de plusieurs émergences naturelles ou forées constituant la source.

Une eau minérale naturelle doit témoigner, dans le cadre des fluctuations naturelles connues, d'une stabilité de ses caractéristiques essentielles, notamment de sa composition et de sa température à l'émergence, qui n'est pas affectée par le débit de l'eau prélevée.

Elle se distingue des autres eaux destinées à la consommation humaine :

- par sa nature, caractérisée par sa teneur en minéraux, oligoéléments ou autres constituants ;

- par sa pureté originelle.

Ces deux caractéristiques doivent, par construction, avoir été conservées intactes en raison de l'origine souterraine de cette eau qui a été tenue à l'abri de tout risque de pollution. Elles doivent en outre avoir été appréciées sur les plans géologique et hydrogéologique, physique, chimique, microbiologique et, si nécessaire, pharmacologique, physiologique et clinique.

Quelles qu'elles soient, les eaux minérales naturelles, dont l'origine est souterraine, ont une composition liée à leur provenance et aux roches avec lesquelles elles ont été en contact. Elles contiennent dans des proportions variables huit minéraux, quatre cations majeurs - sodium, potassium, calcium, magnésium - et quatre anions majeurs - chlorures, sulfates, bicarbonates, carbonates -, qui en constituent le « faciès hydrochimique », c'est-à-dire la composition minérale. On y trouve également des éléments présents en plus petites quantités, dont des oligoéléments, qui donnent à ces eaux leur signature particulière. S'y ajoute enfin toute la flore microbienne, ou plus précisément bactérienne, qui caractérise la ressource dont elles proviennent.

Les eaux minérales naturelles doivent enfin témoigner d'une stabilité de leurs caractéristiques essentielles : celles-ci doivent être stables dans le temps (tel n'est pas nécessairement le cas des eaux de source).

La Commission européenne tient à jour la liste de toutes les sources d'eau minérale naturelle reconnues comme telles par les États membres et qui peuvent être commercialisées sur le marché de l'Union européenne après notification par les autorités françaises. En France, c'est la direction générale de la santé (DGS) qui tient à jour cette liste.

2. Des eaux qui ne peuvent subir que des traitements très limités

La notion de pureté originelle est au coeur de ce qui fait une eau minérale naturelle.

Elle justifie une dénomination spécifique revendiquée par les exploitants et le prix de vente de 100 à 400 fois plus élevé que celui de l'eau du robinet.

C'est la raison pour laquelle les traitements que les eaux minérales naturelles peuvent subir sont extrêmement limités. Ciblés, ils doivent répondre à un objectif particulier. Ils ont pour objet d'éliminer certains composants pour des raisons sanitaires ou esthétiques - la présence de fer ou de manganèse peut, par exemple, provoquer une coloration de l'eau.

Ces traitements sont définis à l'article 4 de la directive 2009/54/CE relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles. Ils sont transposés en droit français par l'article 5 de l'arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnées.

Celui-ci prévoit que l'eau minérale naturelle, l'eau de source conditionnée ainsi que l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique ne peuvent ainsi faire l'objet d'aucun traitement ou adjonction autres que ceux relatifs à :

- la séparation des éléments instables, par décantation ou filtration, éventuellement précédée d'une oxygénation, ce traitement ne devant pas avoir pour effet de modifier la composition de l'eau dans ses constituants essentiels. La filtration, en particulier, est autorisée uniquement pour agir sur la suppression des particules en suspension et non sur les paramètres microbiologiques ;

- l'élimination de gaz carbonique libre par des procédés exclusivement physiques ;

- l'incorporation ou la réincorporation de gaz carbonique ;

- la séparation des composés du fer, du manganèse, du soufre et de l'arsenic, à l'aide d'air enrichi en ozone ;

- la séparation de constituants indésirables, à savoir l'élimination de l'arsenic et du manganèse par adsorption sélective sur support de filtration recouverts d'oxyde métallique.

Cet article 5 précise très clairement que ces traitements ou adjonctions ne doivent pas modifier la composition de l'eau minérale naturelle dans ses constituants essentiels ni avoir pour but de modifier les caractéristiques microbiologiques de l'eau.

3. Des eaux qui présentent des bienfaits pour la santé, variables selon leurs caractéristiques

La concentration en minéraux présents dans les eaux minérales naturelles plates ou gazeuses, représentée par le résidu sec, est très variable.

Quand une eau comme celle de Mont Roucous ne contient que quelques milligrammes de sels minéraux, une eau telle qu'Hépar en renferme plus de 2,5 grammes par litre. L'eau minérale gazeuse d'Hydroxydase est actuellement, en France, l'eau embouteillée la plus minéralisée, avec plus de 9 grammes par litre.

Chaque eau présente de ce fait des caractéristiques uniques liées à son terroir d'origine et certaines d'entre elles voient leurs effets favorables à la santé reconnus par l'Académie nationale de médecine.

Évian et Mont Roucous, faiblement minéralisée, sont recommandées pour les bébés. Contrex, dont la teneur en calcium et en magnésium est élevée, est conseillée pour ses vertus diurétiques et ses bénéfices pour la perte de poids. Badoit est reconnue pour ses teneurs en bicarbonate. La forte teneur en magnésium de l'eau Hépar est utilisée pour favoriser la digestion et le transit. La Salvetat est très faible en sodium tandis que Vittel est recommandée pour le traitement des troubles digestifs et urinaires.

Le corps humain a besoin des minéraux : l'alimentation ou les eaux embouteillées les lui apportent. Ceux des eaux sont pris en compte lorsque sont définies les références nutritionnelles pour la population française. Cependant, consommées très régulièrement, les eaux très minéralisées peuvent conduire à des surcharges de certains minéraux dans l'organisme et, le cas échéant, à des effets néfastes sur la santé. Il est donc important que des professionnels de santé accompagnent par des messages de prévention le choix des eaux minérales naturelles consommées au quotidien.


* 9 Sauf de rares exceptions limitativement énumérées.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page