LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Recommandation 1 : recentrer les COMP sur les objectifs liés au pilotage et à la gestion des établissements d'une part, et à la formation et à la recherche d'autre part (DGESIP)
Recommandation 2 : limiter à deux au total les indicateurs au choix de l'établissement et assurer une harmonisation de la qualité des actions et des indicateurs (DGESIP et rectorats)
Recommandation 3 : associer formellement l'ensemble des co-financeurs à la signature du COMP, y compris les organismes nationaux de recherche, les collectivités territoriales et les partenaires économiques, et faire figurer dans le contrat les montants de co-financements attendus (DGESIP, organismes nationaux de recherche, collectivités territoriales, SGPI, entreprises)
Recommandation 4 : limiter le nombre d'indicateurs nationaux présents dans les contrats, dont l'atteinte sera calculée sur la base d'une méthode de calcul harmonisée au niveau national (DGESIP, Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES))
Recommandation 5 : développer un outil informatique spécifique à la négociation et au suivi des COMP, permettant des échanges entre la DGESIP, le rectorat et les établissements à tous les stades du processus (DGESIP, SIES)
Recommandation 6 : prévoir au sein des prochains contrats sur 5 ans une revoyure à 3 ans, complétant le suivi réalisé par le ministère tout au long du contrat (DGESIP, établissements)
Recommandation 7 : inclure dans les prochains COMP des moyens spécifiques pouvant être attribués par les recteurs, qui ne devrait pas être supérieur à 100 millions d'euros au total, les arbitrages budgétaires sur l'essentiel des moyens continuant à relever du niveau national (DGESIP, rectorats)
Recommandation 8 : intégrer dans les prochains COMP un objectif chiffré de développement des ressources propres, proportionné aux capacités des établissements (DGESIP)
Recommandation 9 : articuler davantage les COMP avec les évaluations du HCÉRES, non seulement en coordonnant les calendriers mais également en reliant formellement les indicateurs et les cibles figurant dans les contrats aux évaluations (DGESIP, établissements)
Recommandation 10 : à plus long terme, construire un nouveau modèle d'allocation des moyens, transparent et équitable, en intégrant un volet variable selon le profil des établissements, leur performance et leur territoire (DGESIP)
PRÉAMBULE : LE CONTEXTE FINANCIER DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR RENFORCE L'IMPORTANCE DE LA CONTRACTUALISATION À LA PERFORMANCE
Alors que l'ensemble des opérateurs de l'État sera appelé au cours des prochaines années à un effort budgétaire significatif, le pilotage à la performance des établissements d'enseignement supérieur, qui représentent l'essentiel des opérateurs, constitue un enjeu majeur. Pour cette raison, il a semblé nécessaire, avant l'analyse détaillée des contrats d'objectifs, de moyens et de performance ainsi que de leur évolution, de rappeler le contexte budgétaire général de l'enseignement supérieur.
I. DES BUDGETS EN HAUSSE CONTINUE DEPUIS DIX ANS
Depuis l'autonomie accordée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités1(*), les établissements d'enseignement supérieur ont vu leurs ressources et leurs charges croître considérablement, dans un contexte de massification de l'accès aux études supérieures et de diversification des cursus universitaires.
A. LE MONTANT TOTAL DE LA SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC A AUGMENTÉ DE 2,5 MILLIARDS D'EUROS EN 10 ANS
La principale ressource des établissements d'enseignement supérieur public demeure la subvention pour charges de service public (SCSP). Versée à chaque établissement, elle est pour l'essentiel le résultat de l'histoire : elle se compose pour l'essentiel d'une part « socle », qui est le résultat sédimenté des années précédentes. Celle-ci évolue ensuite d'une année sur l'autre pour y intégrer les nouveaux moyens pérennes.
Au cours des dernières années, la SCSP a donc intégré des moyens nouveaux découlant des dispositions de la loi de programmation de la recherche2(*) ou de la loi ORE3(*), ainsi que de la réforme des études de santé. En outre, la part compensée des mesures de revalorisation des personnels est également « soclée » au sein de la SCSP, de même que les mesures de revalorisation catégorielles mises en place par le ministère au cours des années.
Entre 2024, le ministère a versé aux établissements d'enseignement supérieur 14,19 milliards d'euros par le biais du programme 150 « Enseignement supérieur » de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur ». Cela représente 2,47 milliards d'euros de plus que dix ans plus tôt, soit une hausse de 21 % (et donc une augmentation de 2 points par an en moyenne entre 2014 et 2024).
Évolution
de la subvention pour charges de service public (SCSP)
versée aux
établissements du programme 150
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances d'après les données du ministère
Pour autant, le poids relatif de la SCSP dans les ressources des universités diminue tendanciellement au cours des dix dernières années : elle représentait 81 % des recettes des établissements d'enseignement supérieur financés par le programme 150 en 2014, contre seulement 73 % dix ans plus tard.
En effet, l'augmentation des SCSP s'inscrit dans un contexte de croissance des ressources des établissements d'enseignement supérieur. Toutes recettes confondues, celles-ci ont augmenté de plus de 5 milliards d'euros sur la même période 2014-2024, soit une hausse de 35 %. Pour autant, la diminution du poids relatif de la SCSP dans les ressources des établissements ne saurait être analysée comme un signe du retrait de la part des financements de l'État vers les établissements d'enseignement supérieur. Une nette part de cette augmentation est liée au déploiement par l'État de financements dits « extrabudgétaires », c'est-à-dire liés aux programmes d'investissement d'avenir (PIA) et France 2030 (cf. infra).
Rapportée à l'inflation, la croissance de la SCSP est plus limitée. Par exemple, si la hausse entre 2016 et 2017 atteint 3,9 % en valeur, l'augmentation n'est plus que de 0,8 % une fois tenu compte de l'inflation.
Le rythme de croissance de la SCSP est toujours resté supérieur à l'inflation depuis 2014, à l'exception de 2018 (- 0,2 %) et plus encore de 2022 (- 1 %) et 2023 (- 0,7 %), dans un contexte inflationniste alors très fort.
Évolution de la SCSP sur la dernière décennie
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances d'après les données du ministère
En outre, les moyens consacrés aux établissements d'enseignement supérieur doivent être rapportés aux évolutions démographiques. Au cours des dix dernières années scolaires, les effectifs étudiants dans l'enseignement supérieur, tout type d'établissements et toutes filières confondues, ont augmenté de 15 %.
Le nombre d'étudiants est passé de 2,58 millions en 2015 à 2,97 millions en 2024.
Évolution des effectifs d'étudiants dans l'enseignement supérieur
(en nombre d'étudiants et en %)
Année scolaire |
2015-2016 |
2016-2017 |
2017-2018 |
2018-2019 |
2019-2020 |
2020-2021 |
2021-2022 |
2022-2023 |
2023-2024 |
Effectif total |
2 579 450 |
2 627 186 |
2 698 365 |
2 763 071 |
2 815 282 |
2 900 410 |
2 982 721 |
2 941 633 |
2 969 162 |
Évolution du nombre d'étudiants par rapport à l'année précédente |
47 736 |
71 179 |
64 706 |
52 211 |
85 128 |
82 311 |
- 41 088 |
27 529 |
|
Évolution du pourcentage d'étudiants par rapport à l'année précédente |
2 % |
3 % |
2 % |
2 % |
3 % |
3 % |
- 1 % |
1 % |
Source : commission des finances d'après les données du ministère
Ces chiffres traduisent toutefois une stabilisation depuis environ 3 ans, voire une diminution en 2022-2023, du nombre d'étudiants après les fortes hausses d'effectifs des années précédentes.
S'agissant des comparaisons internationales, la France consacre 18 880 $ en parité de pouvoir d'achat (PPA) par étudiant, soit légèrement plus que la moyenne des pays de l'OCDE (18 100 $ PPA)4(*). La dépense totale des établissements d'enseignement supérieur représentait en 2020 1,61 % du produit intérieur brut (PIB) français, proportion supérieure à celle de l'Espagne, de l'Italie ou de l'Allemagne.
* 1 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007.
* 2 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
* 3 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.
* 4 L'État de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation en France 2024, juin 2024.