III. UN SUIVI COMPLEXE QUI COMPROMET LA PERSPECTIVE D'UNE RÉELLE CONDITIONNALITÉ DES FINANCEMENTS

A. RÉPONDRE À L'IMPÉRATIF DE SIMPLIFICATION DES CONTRATS EN LES RESSERRANT SUR UN PETIT NOMBRE D'INDICATEURS

1. Des indicateurs si nombreux qu'ils sont contreproductifs

L'apport principal des COMP, sur le principe, est que les contrats reposent sur des objectifs de performance, donnant in fine lieu à un ajustement des financements. Le guide méthodologique de la vague 1 précise que l'atteinte des objectifs du COMP doit être quantifiable par des indicateurs et des jalons annuels associés, matérialisant leur réalisation.

Les indicateurs des COMP sont de deux ordres :

- d'une part, des indicateurs choisis librement par les établissements, sous le contrôle des rectorats ;

- d'autre part, des indicateurs nationaux construits par le ministère. Ces derniers sont une minorité. Pour la vague 2, il n'existait que 3 indicateurs communs : le nombre de formations transformées parmi les moins performantes ; la formation de tous les étudiants de premier cycle à la transition écologique et au développement soutenable et le dépôt de demandes de financements et taux de succès au European Research Council (ERC).

La Cour des comptes a effectué un recensement des indicateurs, en soulignant leur « dispersion », dès lors qu'il existait plus de 650 indicateurs différents. Les informations fournies par le ministère indiquent que le nombre d'indicateurs recensés par le ministère a continué de croître depuis les travaux de la Cour des comptes. En mars 2025, on en dénombrait 850. Lors des auditions fin mai 2025, la DGESIP évoquait un nombre supérieur à 900.

Nombre total d'indicateurs par objectif début 2025

(Ensemble des COMP vagues 1 et 2)

Source : commission des finances

Les indicateurs sont nettement plus nombreux dans les objectifs sur lesquels des indicateurs nationaux sont obligatoires. A contrario, l'axe « signature » ne représente que 10 % des indicateurs, ce qui semble indiquer que les établissements se sont moins engagés dans la réalisation d'actions concrètes sur cet aspect.

Répartition des indicateurs par objectif

(en %)

Source : commission des finances

Le nombre d'indicateurs peut varier du simple au double selon les établissements, sans qu'il n'y ait de corrélation directe avec leur taille ou avec les moyens accordés. Ainsi, pour les établissements de la vague 1, le nombre moyen d'indicateurs par établissement est de 13.

Nombre d'indicateurs dans les COMP des établissements de la vague 1

 

Nombre d'indicateurs dans le COMP

Aix-Marseille Université

17

Université Gustave Eiffel

8

Université de Montpellier

8

Nantes Université

12

Université de Lille

14

INSA Centre - Val de Loire

13

Université de La Rochelle

13

Université Paris Sciences & Lettres

14

Sorbonne-Université

10

Université de Bordeaux

17

Université Clermont Auvergne

16

Université de Guyane

14

Université Le Havre Normandie

12

Université de Strasbourg

17

Université Paris-Saclay

16

Université de Rennes

11

Université de Poitiers

13

Total

225

Source : commission des finances

Ce foisonnement n'est cependant pas signe de qualité, mais rend extrêmement complexe leur consolidation au niveau national et, in fine, leur suivi par le ministère quasi impossible. Le sur-mesure attendu par les établissements se heurte à la nécessité de piloter au niveau national et engendre la multiplication d'indicateurs « anecdotiques », qui semblent davantage relever de la gestion interne de l'établissement que de la contractualisation avec l'État.

En conséquence, il est impératif de recentrer les contrats sur un petit nombre d'indicateurs, communs à l'ensemble des établissements. Cela n'empêchera d'ailleurs pas les établissements qui le souhaitent de conserver leurs propres indicateurs de performance en interne.

Enfin, au-delà de la diversité des indicateurs, il n'existait pas non plus de modalités communes de définition des objectifs. Ainsi, si les indicateurs mesurant le taux de réussite des étudiants, il n'existe pas de définition de la réussite au niveau national, comme l'avait indiqué le rapporteur spécial dans son rapport sur la loi ORE précédemment mentionné. Afin de s'assurer de la cohérence du pilotage, il sera nécessaire que les prochains indicateurs s'appuient également sur des définitions et des méthodes de calcul communes.

Recommandation : limiter le nombre d'indicateurs nationaux présents dans les contrats, dont l'atteinte sera calculée sur la base d'une méthode de calcul harmonisée au niveau national (DGESIP, Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES))

2. Des indicateurs dont la qualité est hétérogène

La circulaire de la vague 2 mettait l'accent sur la nécessité de distinguer les indicateurs de réalisation de l'action des indicateurs de résultat « si l'établissement souhaite installer des compteurs électriques qui permettront de mieux vérifier (et donc réguler) la consommation électrique de chaque bâtiment, l'indicateur ne doit pas être « Installation de X compteurs » mais pourrait être « Réduction de X % de la consommation électrique » ». Les rectorats ont cependant indiqué avoir dû mener un travail approfondi sur ce point avec les établissements.

Dans certains cas, les indicateurs du COMP ont pu faire écho aux travaux menés en amont par les établissements. Paris Saclay indique ainsi que « le COMP a ainsi été l'opportunité de poursuivre nos efforts en matière de définition et de choix d'indicateurs de résultat ». Là encore, le résultat est variable selon la maturité des établissements.

Il est fréquent, pour ne pas dire systématique, que les cibles chiffrées figurant dans les COMP ne fassent l'objet d'aucune justification concernant leur niveau ou leur méthode de calcul. Faute d'explication, il ressort donc de l'analyse des contrats une impression générale de fixation arbitraire ou factice d'un grand nombre de cibles ou de jalons.

Certains établissements admettent le caractère irréalisable de certains indicateurs. Par exemple, l'URCA a fait figurer dans son COMP une réduction des gaz à effets de serre de 20 % en 3 ans, dont l'université indique qu'il est « absolument impossible à tenir ».

Tout aussi étonnant, plusieurs établissements font figurer dans leur contrat des indicateurs dont la cible reste « à déterminer ». 5 des 14 indicateurs du COMP de PSL ont ainsi des cibles 2025 notées comme « à déterminer ». D'autres indicateurs sont peu fiables : le rectorat délégué de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur indique ainsi que, pour la vague 1, « on constate cependant que certaines valeurs initiales sont erronées, ce qui fausse l'objectif cible fixé ».

Une partie de ces limites découle du peu de temps de négociation des contrats. Cet aspect est par exemple explicité Paris Saclay : « les périodes d'arbitrage dans le cadre d'échanges pas toujours normés n'ont pas permis une adaptation progressive des indicateurs. En résulte une certaine décorrélation entre les indicateurs retenus et les actions explicitées dans la version définitive ».

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