B. UN FINANCEMENT PAR L'ÉTAT QUI N'AVAIT PAS VOCATION À ÊTRE INTÉGRAL
1. Une mécompréhension sur la cible des 0,8 % de la subvention pour charges de service public
Comme indiqué plus haut, les moyens alloués aux COMP représentent pour chacun des établissements concernés entre 0,62 % et 1 % de leur subvention pour charge de service public. Pour autant, les débats sur le caractère très limité de cette proportion reflètent une forme de qui pro quo sur les montants du COMP. Les financements COMP n'ont en effet pas vocation à couvrir l'intégralité des projets décrits dans le contrat, mais à servir d'amorçage. Ils ont pour objectif principal de financer des projets qui n'émargent pas au socle de la SCSP mais qui ne peuvent être intégralement financés par des appels à projet « recherche » classiques.
D'autre part, les COMP ne portent pas uniquement sur les financements : les financements sont « assortis » aux COMP, mais les aspects contractualisés ne font pas nécessairement l'objet d'un financement.
En outre, la cible des 0,8 %, si elle est effectivement arbitraire, doit être mise en perspective. Alors que les dépenses des universités sont en quasi-totalité des dépenses dites « contraintes », les crédits COMP représentent en réalité environ 10 % des crédits libres d'usage. Leur effet de levier est donc d'autant plus important. France universités l'indique ainsi clairement : « depuis une dizaine d'années la SCSP n'a pas été actualisée, faute d'un modèle d'allocation des moyens. Dans ces conditions, pour les établissements, notamment ceux qui ne sont pas à recherche intensive, le COMP en dépit de son montant modeste, peut avoir un réel effet de levier ».
Les établissements regrettent que les COMP ne puissent compenser la progression des dépenses contraintes des établissements. Pour autant, ils ont pour objectif de financer des projets stratégiques spécifiques, et non de constituer une marge d'ajustement budgétaire, même s'ils peuvent de fait avoir ce rôle pour certains établissements en difficulté.
2. Une absence de vision globale sur les co-financements liés au COMP
Un des objectifs des COMP avancés par le ministère était d'inciter les établissements à développer des cofinancements extérieurs. Les collectivités territoriales et les acteurs locaux peuvent en effet être associés à la réalisation de certains objectifs.
Il n'est cependant pas certain que le mode actuel de contractualisation ait incité la majeure partie des établissements à accroître leurs ressources propres. Il est plus vraisemblable que les financements COMP aient été utilisés pour compléter le financement de projets déjà engagés.
Les COMP ont permis de mobiliser des financements de l'AMI CMA, en particulier pour les actions de transformation de l'offre prévues dans l'axe « formation ». Le ministère indique que, pour les établissements ayant bénéficié du COMP en 2023, seuls 17 millions d'euros sont financés au titre des COMP sur 140 millions d'euros de projets portant sur la formation, les 123 millions d'euros restants provenant de l'AMI CMA. L'université Paris Saclay a précisé en audition que les financements obtenus par l'AMI CMA s'élèvent à la moitié du montant total de son COMP, tous objectifs confondus.
Il est en revanche difficile de chiffrer l'effet levier des COMP, en particulier leur capacité à mobiliser des financements extérieurs aux ressources des établissements, notamment les autres sources de financement de l'État. Le ministère indique dans ses réponses au rapporteur spécial que « les cofinancements évoqués par les établissements ne font pas l'objet d'un engagement du cofinanceur dans le COMP. Ils ne sont donc pas recensés ». En effet, si la maquette de la vague 2 des COMP contient un encart « cohérence des projets stratégiques », les établissements sont invités à « inscrire la source de financement et non le montant », ce qui complexifie la remontée d'informations.
Le ministère liste quelques projets co-financés par les collectivités ou par des acteurs privés dans le cadre des COMP, parmi lesquels :
- le Havre université a inscrit dans son COMP la création d'un « Hub Plateformes Numériques et Technologique » dont l'un des enjeux consistera à intensifier la relation entre l'université et les acteurs socio-économiques ;
- l'INSA de Lyon propose de former les cadres et décideurs de la transformation socio-écologique et numérique, avec le soutien de la Région ;
- l'université de Pau et des Pays de l'Adour ambitionne de créer un laboratoire transfrontalier des socio-écosystèmes pyrénéens ayant vocation à fédérer l'ensemble des acteurs dont les collectivités, notamment la région Nouvelle Aquitaine qui financerait le volet lié à l'observation ;
- la Rochelle Université souhaite développer une offre de formation sur le Niortais autour du numérique et de l'intelligence artificielle en prenant appui sur une coopération engagée sur ce territoire à partir de financements de l'agglomération ;
- l'université de Bordeaux s'est engagée dans une formation aux premiers secours en santé mentale financée par la région Nouvelle-Aquitaine.
Il existe vraisemblablement d'importantes différences entre établissements sur leurs capacités à utiliser le COMP pour développer leurs cofinancements. Si, comme l'indique France universités, certains établissements ont su utiliser les COMP comme levier pour renforcer des financements complémentaires, les plus petits établissements manquent parfois des moyens d'ingénierie. Ainsi, les réponses de Paris Saclay au questionnaire du rapporteur spécial démontrent un réel travail sur la complémentarité des financements. Toutes les universités n'ont cependant pas des moyens identiques.
Ce constat rejoint celui effectué plus haut sur l'absence d'inscription des projets COMP dans un contexte économique général. Les prochains COMP devront donc impérativement appuyer sur la nécessité de construire les actions en y intégrant un objectif chiffré de co-financement, afin de garantir la cohérence entre les financements COMP et la stratégie globale de l'établissement. Ce chiffrage contribuera également à améliorer l'articulation des COMP avec France 2030, dès lors que le Secrétariat général pour l'Investissement (SGPI) devrait également être associé à la négociation des contrats lorsque ceux-ci reposent en grande partie sur des financements « relance », notamment sur l'AMI-CMA.
Le cabinet du ministre a indiqué au rapporteur spécial que les prochains COMP avaient vocation à associer l'ensemble des co-financeurs. En particulier, il est souhaitable que les collectivités territoriales soient également signataires des COMP, dans la mesure où elles sont associées au financement de projets.
Recommandation : associer formellement l'ensemble des co-financeurs à la signature du COMP, y compris les organismes nationaux de recherche, les collectivités territoriales et les partenaires économiques, et faire figurer dans le contrat les montants de co-financements attendus (DGESIP, organismes nationaux de recherche, collectivités territoriales, SGPI, entreprises)