C. DES DÉPENSES CONTRAINTES EN GRANDE PARTIE LIÉES AUX DÉPENSES DE PERSONNEL
Conséquence partielle de l'accroissement du nombre d'étudiants, mais aussi de mesures salariales, les dépenses des établissements d'enseignement supérieur disposant de l'autonomie financière (« responsabilités et compétences élargies », RCE) ont davantage augmenté que leurs ressources sur la période 2018-2024 (+ 23 % pour les recettes contre + 29 % pour les dépenses).
Évolution des charges des établissements RCE
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances d'après les données du ministère
Les universités ayant désormais accédé aux RCE) les emplois et dépenses de masse salariale afférentes à ces opérateurs ont été transférés aux établissements au cours des dernières années. Ces dépenses sont donc dorénavant couvertes par les SCSP versées aux opérateurs.
En conséquence, les dépenses de personnel représentent de très loin le premier poste de dépense dans l'enseignement supérieur, aux alentours de 77 % en moyenne au cours des dernières années.
Proportion des recettes des universités consacrées aux dépenses de personnel
(en %)
Source : commission des finances d'après les données du ministère
Cette proportion est relativement stable depuis 2018, en dépit de la forte augmentation en valeur des charges salariales sur la même période. En effet, les dépenses de personnel ont augmenté rapidement au cours des dernières années (+ 6,3 % en 2022 et + 6,6 % en 2023).
Taux d'évolution des dépenses de personnel
(en %)
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Taux d'évolution en valeur (en euros de l'année) |
1,8 % |
0,1 % |
4,9 % |
6,3 % |
6,6 % |
6,3 % |
Taux d'évolution hors inflation |
0,9 % |
- 0,1 % |
3,3 % |
0,9 % |
1,7 % |
4,1 % |
Source : commission des finances
Deux types de facteurs expliquent cette croissance : le glissement vieillesse technicité (GVT) d'une part et les revalorisations salariales d'autre part.
S'agissant du GVT, celui-ci n'est plus compensé aux établissements d'enseignement supérieur dotés des RCE depuis plusieurs années, alors qu'il l'était partiellement au cours des années précédentes. Cette non-compensation découle des conclusions d'une mission commune d'inspection sur le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités7(*) de 2019.
Le rapport indiquait ainsi que « compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n'a plus lieu d'être s'agissant d'opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d'emploi ; qu'il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l'impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d'indice [...] ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale ». En d'autres termes, les opérateurs autonomes sont libres de procéder, sous réserve du respect de leur plafond d'emplois et de masse salariale, aux créations, transformations et suppressions qu'ils estiment nécessaires.
Évolution de la prise en charge du GVT pour les établissements RCE
Années |
Prise en charge du glissement vieillesse technicité |
2010-2011 |
Compensation intégrale et intégration au socle de la SCSP |
2012-2014 |
Compensation partielle sans intégration au socle de la SCSP |
2015 |
Compensation partielle et intégration au socle de la SCSP |
2016-2017 |
Pas de compensation |
2018 |
Compensation intégrale |
2019 |
Compensation partielle sans intégration au socle de la SCS |
Depuis 2020 |
Pas de compensation |
Source : commission des finances
Le ministère indique cependant procéder à des compensations du GVT au cas par cas pour les établissements les plus en difficulté : « les établissements les moins bien dotés ont par ailleurs bénéficié d'un rééquilibrage de leur dotation qui a contribué à alléger la charge du GVT entre 2020 et 2023 ». Ainsi, en 2023, 11 millions d'euros supplémentaires ont été alloués au titre de l'accompagnement de la trajectoire financière et salariale. Il faut cependant noter que cette somme ne peut accompagner qu'une très petite partie des établissements.
Outre le GVT, les dépenses de personnel ont fortement augmenté sous l'effet des mesures de revalorisations salariales. Doivent à ce titre être distinguées les revalorisations générales, conséquence des hausses du point d'indice successives en 2022 et 2023, des mesures de revalorisation catégorielles, dont une partie sont prévues par la LPR.
Concernant la hausse du point d'indice de 3,5 % au 1er juillet 2022, l'impact sur l'année 2022 de 250 millions d'euros n'a pas été compensé aux établissements. En revanche, son coût sur les années suivantes (500 millions d'euros en année pleine) a été intégralement compensé de façon pérenne. Concernant les mesures dites du « rendez-vous salarial » en 2023, dont la revalorisation du point d'indice de 1,5 %, elle n'a pas été compensée sur 2023 (120 millions d'euros) et l'est à hauteur de 58 % sur les années suivantes (254 millions d'euros en année pleine dont 148 millions d'euros de compensés en 2025). Au total, en année pleine et depuis 2024, les revalorisations « fonction publique » auront pesé sur l'évolution du programme 150 à hauteur de 770 millions d'euros.
Les dépenses de personnel continuent également à croître en 2025 du fait de l'impact de la hausse de 4 points en 2025 des cotisations de l'État employeurs destinée à équilibrer le CAS « Pensions », correspondant à 200 millions d'euros sur le programme 150 (dont 180 millions d'euros pour les universités). Si le projet de loi initial ne comprenait pas de compensation de cette hausse, les montants correspondants ont finalement été intégralement compensés dans la LFI pour 2025.
Par ailleurs la masse salariale a cru au cours des dernières années sous l'effet des mesures de créations d'emplois prévues par la loi de programmation de la recherche (LPR) : augmentation du nombre de recrutement de contrats doctoraux ou création des chaires de professeurs juniors (CPJ). S'y ajoutent les mesures LPR regroupant à la fois des dispositions statutaires et indemnitaires de revalorisation salariale.
* 7 Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités, rapport de l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, avril 2019.