C. L'ADMINISTRATION CENTRALE DOIT PLEINEMENT JOUER SON RÔLE DE PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Faute d'une tutelle exercée de manière rigoureuse, les agences ont fini par exercer des prérogatives qui ne leur reviennent pas, à l'instar de l'édiction de normes. Cette dernière partie vise à redonner les moyens aux ministères d'être les seuls à concevoir les politiques publiques, notamment par l'élaboration de la réglementation, puis à les piloter. Les agences doivent redevenir des structures au service de la mise en oeuvre desdites politiques.
1. L'administration centrale doit disposer de l'ensemble des données nécessaires à la conception et au pilotage des politiques publiques
Il ressort des auditions menées par la commission d'enquête un constat pour le moins surprenant : l'État, en dépit du service statistique public existant, est tributaire, dans certains domaines, des données détenues par ses agences, auxquelles il n'a pas accès directement.
Le service statistique public Le service statistique public comprend l'Institut national de la statistique et des études économique (Insee) et seize services statistiques ministériels (SSM), dont la liste figure en annexe du décret n° 2009-250 du 3 mars 2009 relatif à l'Autorité de la statistique publique. (insérer le tableau qui suit dans l'encadré). Source : décret n° 2009-250 du 3 mars 2009 et site Internet de l'Insee |
Par exemple, la direction générale des entreprises (DGE) a indiqué au rapporteur n'avoir pas immédiatement accès au suivi des aides versées aux entreprises. Se dessine ainsi une relation déséquilibrée où l'administration centrale manque de moyens d'expertise face à des agences tels que la Banque publique d'investissement (BPI).
Dans le domaine de la culture, comme souligné par la Cour des comptes177(*), les données récoltées par la société pass Culture sont « sans commune mesure avec les enquêtes ou les bases de données éparses exploitées par les services du département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) en administration centrale [...] » : il s'agit d'une source d'information inédite tant sur l'offre disponible dans l'ensemble du territoire, que sur les pratiques culturelles de la population âgée de 15 à 20 ans.
La Cour des comptes déplore en conséquence le fait que « ces données exploitées par la société pass Culture font aujourd'hui l'objet d'un partage insuffisant avec le ministère, que ce soient les directions centrales ou les DRAC178(*), en dépit d'une convention entre la société et le DEPS censée faciliter l'accès aux données ».
En résulte la nécessité identifiée, pour les systèmes d'information de la société, de « pouvoir exporter plus facilement leurs bases vers celles du ministère, financeur quasi-exclusif, afin de créer ce `commun numérique', en conformité avec les exigences réglementaires, par la voie d'une interface de programmation d'application (API) spécifique », l'objectif final étant que les données puissent être mises au service des politiques publiques portées par le ministère.
Dans ces conditions, la commission suggère de renforcer les services statistiques ministériels et d'en faire l'outil centralisateur de l'ensemble des données collectées par les agences, en s'assurant de l'interopérabilité des bases de données des agences et de l'administration centrale.
Recommandation : Renforcer les services statistiques ministériels et en faire l'outil centralisateur de l'ensemble des données collectées par les agences , en s'assurant de l'interopérabilité des bases de données des agences et de l'administration centrale.
2. Le rôle de pilotage et de contrôle de l'État vis-à-vis de l'action des agences doit être renforcé
Afin d'asseoir son rôle de pilotage des politiques publiques, l'État doit exercer une tutelle plus efficace sur ses agences. Ce renforcement de la tutelle peut s'appuyer sur les leviers principaux suivants : clarification et unification ; responsabilisation et contractualisation.
a) Clarifier et unifier les modalités d'exercice de la tutelle
Comme vu plus haut, les cas de tutelles multiples, c'est-à-dire l'exercice partagé de la tutelle entre plusieurs ministères, posent des difficultés d'ordre pratique - dans la mesure où une même agence se retrouve face à plusieurs interlocuteurs179(*) - et stratégique - en ce qu'une co-tutelle est souvent confrontée à deux écueils : des orientations trop vagues et générales, ou au contraire trop précises voire contradictoires. De surcroît, la co-tutelle paraît également problématique en tant qu'elle matérialise le fait que l'agence ne met pas en oeuvre une seule politique publique, mais plusieurs, ce qui entre en contradiction avec le principe de spécialité par lequel devraient être régies les agences.
Dans ces conditions, la commission d'enquête juge nécessaire de clarifier l'organisation actuelle en soumettant chaque agence, par principe, à une seule administration de tutelle.
Recommandation : Soumettre chaque agence à une seule administration de tutelle. |
Dans cette même optique de clarification des champs de compétence, il semble opportun à la commission d'enquête de renforcer le rôle de pilotage qui incombe aux secrétariats généraux des ministères, notamment en leur confiant la mission de planification des études faites par les agences, afin d'éviter la production d'études en doublon par l'administration centrale, d'une part, et les agences, d'autre part - ces derniers décidant eux-mêmes, à ce jour, de leur programme d'études.
Recommandation : Renforcer le rôle de pilotage des agences par les secrétariats généraux en leur confiant notamment la planification des études faites par celles-ci. |
Cet effort de clarification doit aller de pair avec une démarche d'unification.
De manière générale, il est plus que temps pour l'État de définir, au niveau national, une méthodologie de la tutelle qui aurait vocation à s'appliquer à l'ensemble des administrations centrales et à leurs agences. Afin de garantir que la doctrine ainsi définie ne constitue pas seulement un texte de plus, à l'image des circulaires qui se sont succédé sur la question depuis une quinzaine d'années180(*), mais qu'elle soit bel et bien suivie d'effet, la commission d'enquête recommande d'obliger le Gouvernement à rendre compte au Parlement de l'application de cette doctrine.
Recommandation : Au niveau national, définir et publier une méthodologie de la tutelle s'appliquant à l'ensemble des administrations centrales et de leurs agences ; rendre compte au Parlement de l'application de cette doctrine. |
Cet effort d'unification doit également porter sur les modalités particulières du contrôle budgétaire, économique et financier. En théorie, la répartition des attributions, ainsi que des établissements contrôlés, entre le contrôleur général économique et financier (CGefi), d'une part, et les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM), d'autre part, obéit à des règles claires découlant du modèle économique de la structure.
En pratique, toutefois, comme vu plus haut, le modèle économique, la nature du contrôle et l'autorité chargée du contrôle sont loin d'être toujours cohérents, si bien que la direction du budget a indiqué au rapporteur mener, depuis plusieurs années, des démarches de rationalisation en ce sens. Fondamentalement, la frontière entre ces deux types de contrôle est poreuse, et les règles de répartition plus souples qu'il n'y paraît à première vue :
- d'une part, l'exercice du contrôle budgétaire peut être confié aux CBCM, aux directeurs régionaux des finances publiques représentés par les CBR, ou aux responsables des missions de contrôle du CGefi, désignés par un arrêté du ministre chargé du budget ;
- d'autre part, l'exercice du contrôle économique et financier peut être confié aux missions de contrôle du CGefi, aux CBCM ou aux CBR.
Afin de remédier au manque de lisibilité du système actuel, la commission d'enquête propose ainsi d'unifier les modalités de contrôle budgétaire, économique et financier des agences en regroupant le CGefi et les CBCM en un seul organe de contrôle portant, selon l'organisme, sur les aspects budgétaires, économiques ou financiers.
Recommandation : Afin d'unifier les modalités de contrôle, regrouper le CGefi et les CBCM en un seul organe de contrôle portant, selon l'organisme, sur les aspects budgétaires, économiques ou financiers. |
b) Valoriser les enjeux de la tutelle pour les responsables de l'administration centrale
L'exercice de la tutelle sur ses agences par l'administration centrale n'est pas qu'une affaire de procédures : c'est également une affaire d'hommes et de femmes et, en l'occurrence, d'agents publics.
Clarifier et unifier les modalités d'exercice de la tutelle constitue assurément une première étape afin de rendre celle-ci plus efficace ; il importe, également, à cette fin, de consacrer l'exercice de la tutelle comme une mission à part entière des hauts fonctionnaires de l'administration centrale, de manière à ce que ces derniers soient acculturés et formés à ces enjeux.
Dans cette perspective, la commission d'enquête suggère d'approfondir les modules de formation à la tutelle aussi bien dans la formation initiale des fonctionnaires et dans les écoles de service public, que dans leur formation continue, une fois en poste. Afin de favoriser le développement d'une culture de la tutelle chez les directeurs d'administration centrale, la commission d'enquête préconise également que leur évaluation professionnelle tienne compte de leur implication dans l'exercice de la tutelle sur les agences qui relèvent de leur périmètre, par exemple en faisant figurer expressément dans leur lettre de mission des objectifs à ce sujet181(*).
Recommandations : Approfondir les modules de formation à la tutelle dans les écoles de service public et dans l'offre de formation continue à l'attention des chargés de tutelle. Évaluer les directeurs d'administration centrale en fonction (notamment) de leur implication dans l'exercice de la tutelle sur les agences relevant de leur périmètre. |
c) Faire du conseil d'administration un lieu de contrôle et de débat
Si les règles de fonctionnement et de composition des conseils d'administration des agences sont régies par des dispositions particulières, variables d'un établissement à l'autre182(*), un certain nombre de limites communes ressortent des travaux du rapporteur.
Tout d'abord, le rapport de force entre les représentants de l'État, d'une part, et les représentants de l'agence et personnalités qualifiées siégeant au conseil d'administration, d'autre part, peut être déséquilibré en défaveur des premiers, au regard de l'expérience et de la reconnaissance dont jouissent les secondes dans le domaine en question. Dans ces conditions, l'État peut avoir du mal à asseoir sa légitimité, et en conséquence à faire entendre sa voix.
En l'état du droit, les conditions fixées pour le choix des représentants de l'État dans le conseil d'administration des établissements publics semblent assez peu contraignantes : l'ensemble des fonctionnaires de l'État de catégorie A ainsi que les agents contractuels de l'État d'un niveau équivalent, qu'ils soient en activité ou en retraite, sont éligibles dès lors qu'ils sont âgés de trente ans au moins ou qu'ils ont huit ans de services publics183(*) . Les représentants de l'État sont ensuite nommés par arrêté ministériel.
De façon probablement plus surprenante encore, les représentants de l'État peuvent également être choisis parmi « les présidents, directeurs généraux, directeurs généraux adjoints ou délégués ou membres du directoire des établissements publics de l'État ou des entreprises du secteur public dont l'État détient directement ou indirectement la majorité du capital »184(*) : peut ainsi se trouver le cas d'un conseil d'administration ne comportant pas de membre de l'administration centrale.
Pour la commission d'enquête, il conviendrait, afin de rééquilibrer le rapport de force entre les différents collèges siégeant au conseil d'administration de chaque agence, de s'assurer que siège, du côté de l'État, un représentant dont l'expérience et la stature soient comparables avec celles des représentants de l'établissement public en question. Aussi la commission d'enquête préconise-t-elle d'imposer que les représentants de l'État dans les conseils d'administration des établissements publics soient choisis parmi les fonctionnaires de l'État de catégorie « A + » ou les agents contractuels de l'État d'un niveau équivalent.
Recommandation : Prévoir la présence, dans les conseils d'administration des établissements publics, d'au moins un représentant de l'État relevant de la catégorie « A + ». |
Par ailleurs, certaines modalités de fonctionnement des conseils d'administration paraissent devoir être ajustées afin d'en faire des lieux de débats, et non pas de simples chambres d'enregistrement de décisions qui ont déjà été prises antérieurement.
Le rapporteur, sur ce point, a complété les informations recueillies au cours des auditions de la commission d'enquête par le témoignage d'une vingtaine de sénateurs membres de conseils d'administrations d'organismes extra-parlementaires, qui permettent de dégager les marges d'amélioration à ce titre.
En premier lieu, les sénateurs sollicités font généralement état de la qualité des documents transmis à l'attention des administrateurs en amont des conseils d'administration. Souvent - mais pas toujours - ils indiquent que les délais dans lesquels ces documents sont envoyés - entre sept et dix jours en moyenne - permettent généralement d'en prendre connaissance avant la tenue du conseil.
En revanche, certaines réponses mettent avant le manque d'efficacité des réunions, dont la durée est jugée trop longue, en raison, notamment, des interventions des dirigeants des établissements qui confinent aux « monologues », ainsi que d'un ordre du jour trop fourni. Le caractère relativement espacé des réunions - la plupart des conseils d'administration se réunissant une fois par trimestre185(*) - favorise indéniablement leur longue durée ; pour autant, la « bonne » fréquence est, pour la commission d'enquête, celle qui répond à la fois à l'exigence de régularité, et à la contrainte de la disponibilité des administrateurs : des conseils d'administration trop fréquents risqueraient de se solder par un absentéisme élevé.
À ce sujet, la commission d'enquête identifie tout de même deux points d'attention particulièrement importants pour garantir la présence des parlementaires aux conseils d'administration dont ils sont membres : le jour retenu ainsi que la nécessité de prévoir des suppléants. Ainsi, compte tenu de l'organisation hebdomadaire des travaux parlementaires, les députés et sénateurs sont davantage susceptibles d'être disponibles un lundi ou un vendredi qu'un mardi ou mercredi ; en outre, la désignation de suppléants pour les parlementaires n'est pas systématiquement prévue186(*).
Par ailleurs, les réponses transmises par les sénateurs sollicités par le rapporteur déplorent, pour certaines d'entre elles, le caractère essentiellement formel de la réunion : dans la majorité des cas, les décisions semblent avoir été préparées en amont et sont simplement entérinées par le conseil d'administration sans réel débat187(*) ; et même lorsqu'il y a un débat, « il est difficile, voire impossible, de faire évoluer les décisions au cours de la séance ». Ce manque global de discussion n'est du reste pas dépourvu de lien avec le fait que « l'implication des administrateurs est à géométrie variable ». En tout état de cause, la dimension technique et spécialisée de certains sujets peut rendre difficile leur appropriation par les administrateurs extérieurs à l'établissement public concerné, ne permettant pas un débat « à armes égales » avec les représentants de l'établissement.
Se dégage en tout cas de la consultation lancée à l'initiative du rapporteur la volonté de ne pas se limiter, en tant que parlementaire, à une simple présence ponctuelle au conseil d'administration, mais d'être mieux associés en continu au suivi et à la mise en oeuvre des projets décidés, ainsi qu'à l'élaboration et au suivi du contrat d'objectifs et de performance.
Enfin, le levier indemnitaire pourrait également être utilisé de manière à favoriser l'implication des administrateurs ne faisant pas partie de la tutelle, en particulier les experts et personnalités qualifiées dont l'appui est utile à la définition des orientations de l'organisme.
Recommandations : Pour la tenue du conseil d'administration, choisir un jour compatible avec l'organisation du travail parlementaire. Systématiser la désignation des suppléants pour les parlementaires. Mieux informer les membres du conseil d'administration de la mise en oeuvre des projets décidés. Adapter la rémunération des administrateurs (hors représentants de l'État) en conséquence de la charge de travail attendue afin de favoriser leur implication dans la préparation et le suivi des conseils d'administration. |
d) Généraliser et améliorer les instruments du pilotage stratégique (COP et COM)
(1) Généraliser le recours aux contrats d'objectifs et de performance (COP) pour l'ensemble des opérateurs
La circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État a consacré le contrat d'objectifs et de performance (COP) comme document clé de l'exercice du pilotage stratégique de l'opérateur par le ministère de tutelle. Issu d'un échange entre l'administration de tutelle, l'opérateur et la direction du budget, le COP précise les priorités fixées à l'organisme ainsi que les modalités de suivi de son action. Il ne contient aucun engagement financier de la part de l'État : l'opérateur s'engage sur des résultats.
La circulaire du Premier ministre du 23 juin 2015 préconise la généralisation des COP pour les « organismes à enjeux ».
Pourtant, le taux de couverture en COP des opérateurs reste largement perfectible, malgré des efforts accomplis ces dernières années : lors de la publication du « jaune » budgétaire annexé au PLF pour 2025, moins de la moitié des opérateurs (environ 43 %) disposaient d'un COP couvrant la période allant au moins jusqu'en 2024, mais seulement 30 % des opérateurs avaient un COP couvrant l'année 2025. Ce taux est certes supérieur à celui constaté par la Cour des comptes en 2020, où seuls 22 % des opérateurs disposaient d'un contrat à jour188(*).
Ces chiffres incluent l'absence systématique de COP pour l'ensemble des opérateurs liés au monde universitaire (universités, communautés d'universités, chancelleries, réseau régional des oeuvres universitaires - soit 78 opérateurs au PLF pour 2025), qui résulte de l'autonomie qui a été reconnue par la loi aux universités189(*). La grande majorité des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), tels que les écoles nationales supérieures d'architecture, n'en disposent pas non plus compte tenu de leur régime de tutelle spécifique.
Ces cas de figure spécifiques mis à part, figurent, parmi les opérateurs ne disposant pas de COP à jour, des opérateurs importants au regard des financements de l'État qu'ils représentent ou des enjeux des politiques publiques associées. Peuvent ainsi être cités : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ; l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe) ; l'Agence de services et de paiement (ASP) ; l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ; l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ; ou encore, France compétences ou l'Institut national du service public (INSP). En outre, aucune agence régionale de santé ne dispose d'un COP à jour.
De plus, la proportion d'opérateurs disposant d'un COP varie fortement selon les missions budgétaires : ainsi, aucun des deux opérateurs de la mission « Immigration, asile et intégration » ne dispose d'un COP à jour190(*) ; c'est le cas également d'un nombre important d'opérateurs de la mission « Culture », dont en particulier de nombreux musées191(*).
Au total, pour une large majorité d'opérateurs, le COP n'est pas renouvelé de manière systématique ; et quand il est renouvelé, il n'est pas rare que sa validation intervienne en plein milieu de la période qu'il est censé couvrir : ainsi, le contrat de l'AEFE pour 2021-2023 a été validé en janvier 2022, si bien qu'il a porté en pratique sur seulement deux exercices budgétaires.
Pour la commission d'enquête, le constat de l'absence d'anticipation dans la préparation, l'établissement et la validation des COP - pouvant se solder par un délai de latence de plus de trois ans entre deux COP192(*) - n'est pas satisfaisant, en ce qu'il reflète un effort variable et inégal de la part de l'administration dans l'exercice de la tutelle sur l'opérateur.
Recommandation : Définir un contrat d'objectifs et de performances (COP) ou un contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour les opérateurs. Évaluer les charges de réalisation et de suivi de ces contrats. |
En outre, le rapporteur souligne que les outils de suivi de l'élaboration des COP sont eux-mêmes perfectibles : si la détention d'un COP par les opérateurs figure au sein du jaune budgétaire « Opérateurs », dans la partie relative à la « gouvernance », elle repose sur la seule base déclarative de la part des opérateurs eux-mêmes. Cette limite méthodologique explique probablement pourquoi seuls 374 opérateurs figurent dans cette base de données, loin des 434 listés par le « jaune » en octobre 2024.
Par ailleurs, l'implication du Parlement dans la mesure de la performance de la plupart des opérateurs est actuellement insuffisante. Il existe certes quelques procédures particulières, comme rappelé par les députés Lise Magnier et Jean-Paul Mattei dans leur rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques en juin 2021193(*) : s'agissant des opérateurs de la mission « Action extérieure de l'État », « le projet de convention pluriannuelle conclu entre l'État et l'établissement public est transmis aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines »194(*). Ainsi, les contrats de performance de l'AEFE, d'Atout France, de Campus France et de l'Institut français sont systématiquement examinés par les commissions des affaires étrangères des deux assemblées.
La commission d'enquête suggère d'étendre cette pratique, afin que les COP de l'ensemble des opérateurs soient transmis, pour avis, aux commissions parlementaires compétentes.
Recommandation : Transmettre les projets de contrats d'objectifs et de performance et les projets de contrats d'objectifs et de moyens des opérateurs aux commissions parlementaires compétentes des deux assemblées. |
En tout état de cause, disposer d'un COP ne constitue assurément pas une fin en soi : l'intérêt du COP dépend à la fois du degré d'implication de la tutelle lors de la phase d'élaboration, d'une part, et de la pertinence des indicateurs retenus, d'autre part.
Il peut en effet arriver que l'opérateur élabore seul le COP et le soumette ensuite à sa tutelle, alors qu'il revient aux directions métiers d'être à l'origine de ce document. Ceci suppose pour l'administration centrale de disposer aussi bien des compétences nécessaires à ce travail de conception - mené en concertation avec les organismes - que de temps, l'élaboration d'un COP nécessitant un investissement conséquent. Lorsque le COP couvre une durée de trois ans seulement, la préparation des COP peut s'apparenter à un exercice continu, un COP ayant à peine débuté qu'il conviendrait déjà de préparer le suivant. Comme indiqué à la commission d'enquête, l'Onisep est par exemple en train de travailler à un avenant au COP des années 2021-2023, destiné à couvrir les années 2024 et 2025, tout en amorçant la préparation du COP 2026-2028. En pratique, ce rythme ne permet pas d'aboutir à un enchaînement continu de COP, en témoignent les délais fréquents entre deux COP successifs.
Dans ce contexte, la commission suggère d'allonger la durée des COP, qui couvre aujourd'hui une période comprise entre trois et cinq ans selon les opérateurs, et de prévoir, par défaut, une durée de cinq ans, avec une clause de revoyure au bout de trois ans. Ainsi, la tutelle pourrait mieux anticiper l'exercice de conception du COP, et conserverait la possibilité, à l'initiative de la tutelle, d'ajuster en tant que de besoin certains objectifs, tandis que les cas de carence entre deux COP devraient, en toute logique, se réduire.
Une telle durée n'est pas sans exemple : l'opérateur Voies navigables de France dispose actuellement d'un COP couvrant la période 2023-2032, qui constitue une modification d'un précédent COP de même durée portant sur la période 2020-2029.
Recommandation : Prévoir pour tous les COP et COM une durée par défaut de cinq ans avec une clause de revoyure au bout de trois ans. |
Selon la circulaire de 2010, le contrat d'objectifs doit s'accompagner d'une lettre de mission de la tutelle adressée à chaque dirigeant d'opérateur, qui peut être déclinée en lettres annuelles d'objectifs.
L'envoi de la lettre de mission est pourtant encore loin d'être systématique : selon le « jaune » budgétaire, 175 dirigeants d'établissements publics n'en ont pas reçu ; en soustrayant les entités relevant de l'enseignement supérieur (universités, instituts d'études, écoles nationales), on arrive à une trentaine d'opérateurs dont le dirigeant n'a pas reçu de lettre de mission initiale, dont l'AFPA, le Collège de France, la Comédie française, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ou encore l'Opéra national de Paris.
Or, l'envoi systématique d'une lettre de mission initiale à chaque dirigeant d'opérateur, ainsi que d'une lettre d'objectifs annuelle, permettrait de garantir un niveau minimal d'implication de la part de la tutelle. Certains dirigeants d'opérateurs ont eux-mêmes regretté, devant la commission d'enquête, de ne pas en avoir reçu une.
Recommandation : Prévoir l'envoi systématique d'une lettre de mission initiale et d'une lettre d'objectifs annuelle aux dirigeants d'opérateurs. |
Enfin, l'efficacité des COP et des COM en tant qu'outils de pilotage stratégique dépend de la qualité des indicateurs retenus. Or, les trois écueils identifiés par la Cour des comptes en 2021 conservent leur actualité :
- les indicateurs ne sont pas toujours en lien avec les indicateurs de performance des programmes budgétaires qui les financent ;
- certains indicateurs ont une portée trop générale, ou sont axés sur les moyens plutôt que sur les résultats ;
- les indicateurs sont parfois en trop grand nombre.
Si le nombre moyen d'indicateurs semble aujourd'hui varier entre la douzaine et la trentaine195(*), leur pertinence paraît inégale au regard de l'enjeu de pilotage stratégique de l'opérateur par l'État196(*).
Dans ce contexte, il paraîtrait utile de mieux hiérarchiser et réduire les objectifs stratégiques.
En outre, afin que le suivi des indicateurs ne se limite pas à un exercice abstrait, mais qu'il permette au contraire de prendre des mesures correctives quand les objectifs du COP ou du COM ne sont pas atteints, il conviendrait de généraliser la pratique de la présentation annuelle des résultats des indicateurs en conseil d'administration.
Recommandation : Présenter chaque année les résultats des indicateurs du COP ou COM en cours lors du conseil d'administration. |
Enfin, dans le même objectif de tenir compte des résultats obtenus pour améliorer le pilotage, la commission d'enquête suggère de systématiser l'évaluation des COP et COM à l'issue de la durée du contrat.
Recommandation : Systématiser l'évaluation des COP et COM à l'issue de la durée du contrat ; en faire le préalable à l'adoption du contrat suivant. |
(2) Étendre les contrats d'objectifs et de moyens (COM), tout particulièrement pour accompagner les trajectoires financières en baisse
La circulaire du 26 mars 2010 a prévu que le contrat d'objectifs peut être assorti d'engagements financiers de l'État dans trois cas :
- s'il s'agit d'un opérateur de l'État qui vient d'être créé ou dont les missions, ou encore l'organisation, ont fait l'objet d'une modification substantielle ;
- si l'opérateur exerce une activité comportant, à une échelle pluriannuelle, des enjeux budgétaires et financiers élevés ;
- si sa situation financière est fragile.
Dans ces cas-là, le contrat doit être cosigné par le ministre du budget et sa mise en place doit être « réalisée en concomitance avec le cycle budgétaire triennal, afin de garantir la cohérence des deux exercices ». En outre, l'engagement de l'État doit « obligatoirement trouver sa contrepartie dans des engagements précis, souscrits par l'organisme, de maîtrise ou de réduction de ses dépenses et de ses emplois et, le cas échéant, d'amélioration de sa performance ».
Comme rappelé par la Cour des comptes, le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 1er février 2018 a proposé d'expérimenter des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (COM) entre le ministère chargé du budget et certains opérateurs. L'opérateur en retire une plus grande visibilité concernant ses moyens financiers et ses effectifs sur la durée du contrat ainsi qu'une plus grande souplesse dans leur utilisation sur la période du contrat ; en contrepartie, il doit s'engager sur des objectifs précis de performance, d'efficience et de transformation, matérialisés par des indicateurs.
En février 2019, la direction du budget a lancé un appel à candidature auprès des secrétaires généraux des ministères afin de développer les COM, dont le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale a rappelé le cahier des charges :
- l'existence d'un projet stratégique clair et explicite ;
- une pratique vertueuse sur la période récente, seuls les opérateurs financés sur le budget général étant éligibles ;
- une solide fonction financière.
Du fait de ces conditions précises à remplir, les COM concernent très peu d'opérateurs. Lors de son audition par le rapporteur, la direction du budget a ainsi cité le COM de Météo France, conclu pour accompagner le projet de transformation de l'établissement entre 2018 et 2022, ainsi que le COM de Business France pour les périodes 2018-2022, puis 2023-2026, visant notamment à optimiser les moyens alloués à l'action publique en faveur de l'internationalisation des entreprises françaises.
La commission d'enquête a aussi entendu avec intérêt les représentants des administrations de sécurité sociale197(*) présenter le fonctionnement des conventions d'objectifs et de gestion (COG) auxquels sont soumis leurs établissements sur une durée de cinq années, ce qui selon eux donne à ces établissements une véritable vision de moyen terme sans empêcher des évolutions ponctuelles dans le cadre du dialogue de gestion annuel.
Comme l'a indiqué le directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), qui avait précédemment occupé le même poste à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), « lorsqu'il s'agit de convaincre des élus de s'engager dans des projets ambitieux, qui nécessitent dix années de travail et transforment durablement leur ville, il est indispensable d'apporter des garanties. Si l'on ne peut pas assurer que des moyens seront disponibles dans deux ans, aucun élu ne s'engagera ».
Tout en étant bien conscient que la signature d'un COM n'exclut pas la remise en cause soudaine, par des décisions ministérielles ou dans le cadre du projet de loi de finances, des trajectoires stratégiques et financières qui y sont définies, le rapporteur estime que le COM constitue un outil intéressant en ce qu'il concilie le besoin de programmation pluriannuelle de l'activité de l'opérateur avec la détermination annuelle de ses moyens dans le PLF. En outre, il s'agit d'un outil de juste négociation, dans la mesure où, « en cas de réduction de la trajectoire de crédits, l'opérateur serait [...] fondé à demander la révision de ses objectifs »198(*).
En conséquence, la commission d'enquête partage la recommandation formulée par la Cour des comptes en faveur de l'extension du recours aux COM. Elle suggère la mise en place d'un COM tout particulièrement lorsque le contrat prévoit une trajectoire financière en baisse, de manière à rendre les économies plus prévisibles, et donc plus supportables à l'opérateur.
Recommandation : Étendre le recours aux contrats d'objectifs et de moyens (COM), en particulier pour accompagner une trajectoire financière en baisse. |
Dans cette hypothèse, il conviendra également de prendre en compte les conséquences que la fixation d'une stratégie pour un opérateur aurait sur les autres opérateurs d'un même ministère, qui se retrouveraient en charge de l'intégralité de la régulation budgétaire. Dans son rapport de 2021, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale souligne ainsi que « le ministère de la transition écologique craint [...] la régulation de ses marges de manoeuvre au motif qu'une trajectoire fixe pour un opérateur transfère la régulation budgétaire sur les autres opérateurs du programme à partir d'une base réduite aboutissant à un effort plus douloureux pour eux »199(*).
Afin que la réserve de précaution ne pèse pas plus lourdement sur les autres missions budgétaires du ministère, la commission d'enquête suggère donc de réduire en proportion le montant de la réserve de précaution pesant sur les crédits de la mission budgétaire correspondante : par exemple, si un programme transfère 20 % de ses crédits à des opérateurs disposant d'une COM, alors il conviendra de réduire de 20 % la réserve de précaution du programme en question.
Recommandation : Réduire le montant de la réserve de précaution pesant sur les crédits d'une mission budgétaire en proportion du montant des crédits transférés aux opérateurs qui ont signé un contrat d'objectifs et de moyens parmi ceux relevant de la mission budgétaire en question. |
3. L'État doit réaffirmer et se réapproprier son rôle d'employeur unique de l'ensemble des agents publics, de l'administration centrale aux agences
Un dernier levier sur lequel doit s'appuyer l'État pour renforcer son rôle de pilotage des politiques publiques et son contrôle des agences est celui des ressources humaines : l'État doit réaffirmer son rôle d'employeur unique de l'ensemble des agents publics, qu'ils travaillent dans l'administration centrale ou dans un établissement public.
À cette fin, se dessinent deux axes principaux d'évolution : l'encadrement des procédures de recrutement dans les agences, d'une part ; le renforcement de l'attractivité de l'administration centrale, d'autre part.
a) Encadrer davantage les procédures de recrutement dans les agences
En conséquence de l'article 13 de la Constitution, les dirigeants d'établissements publics sont nommés par décret du Président de la République selon deux types de procédures :
- une nomination en conseil des ministres, en application du quatrième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'État ; la liste des emplois concernés figure en annexe du décret n° 59-587 du 29 avril 1959 relatif aux nominations aux emplois de direction de certains établissements publics, entreprises publiques et sociétés nationales.
Parmi les 45 emplois listés, se trouvent notamment les emplois de directeur de l'Agence centrale des organismes de la sécurité sociale (Acoss), de directeur général de l'Établissement français du sang, de directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP), d'administrateur général de la Comédie française ou encore de directeur de FranceAgriMer ;
- une nomination après avis public de la commission permanente de la chaque assemblée, conformément à la procédure du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; le Président ne peut procéder à la nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
Aux termes de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, 21 emplois ou fonctions à la tête d'établissements publics sont concernés, dont les emplois de président du conseil d'administration de l'AFITF, de directeur général de l'ANRU, de directeur général de France Travail, ou encore de président du conseil d'administration de Voies navigables de France.
En outre, pour d'autres emplois dirigeants d'établissements publics, le Président de la République nomme les dirigeants par décret sur proposition du ministre de tutelle : il en va ainsi de la nomination du directeur général de l'Onisep ou encore de celle du président du CNOUS, sur les propositions respectives des ministres chargés de l'éducation national et de l'enseignement supérieur, et celle du ministre chargé de l'enseignement supérieur200(*).
En comparaison des directeurs d'administration centrale, qui sont tous nommés en Conseil des ministres en application de l'article 13 de la Constitution, la procédure de nomination des dirigeants d'agences apparaît donc plus hétérogène.
En outre, il n'existe pas, pour ces emplois-là, de comité d'audition analogue à celui existant pour les directeurs d'administration centrale201(*) ; si un comité avait été prévu en 2016 pour les emplois de chefs de service et de sous-directeurs des administrations centrales ainsi que pour ceux des établissements publics administratifs de l'État202(*), il semble avoir été supprimé en 2019203(*).
Pour la commission d'enquête, cette asymétrie entre les règles applicables aux directeurs d'administration centrale et celles applicables aux dirigeants d'établissements publics n'est pas justifiée ; a contrario, un alignement des règles lui paraît de nature à restaurer l'unité du fonctionnement de l'État comme employeur. Aussi préconise-t-elle, pour les a d'une taille minimale, de prévoir l'audition des candidats aux emplois de dirigeants d'agences par un comité présidé par le secrétaire général du Gouvernement et au sein duquel siègerait le délégué interministériel à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE).
Recommandation : Prévoir l'audition des candidats aux postes de directeurs d'agences par un comité présidé par le SGG et au sein duquel siègerait le DIESE. |
Par ailleurs, afin de limiter les écarts de rémunération entre les fonctionnaires travaillant dans un ministère et les agents travaillant au sein d'une agence relevant de la tutelle de ce même ministère, la commission d'enquête suggère de généraliser le recours à la position normale d'activité, plutôt qu'au détachement204(*). Une telle recommandation faciliterait, en outre, la gestion administrative des agents, et pourrait également favoriser les allers-retours entre l'administration centrale et les agences.
Recommandation : Afin de limiter les écarts de rémunération et faciliter la gestion administrative des agents, généraliser le recours à la position normale d'activité, plutôt qu'au détachement pour les fonctionnaires qui rejoignent un établissement public administratif. |
b) Au-delà, renforcer l'attractivité des emplois en administration centrale
Dans le contexte d'une baisse de l'attractivité, pour les hauts fonctionnaires, de l'administration centrale au profit des agences, la commission d'enquête juge nécessaire de prendre des mesures concrètes afin que les agents en administration centrale retrouvent du sens et de l'intérêt à leurs fonctions.
À ce titre, il convient d'aller plus loin que les formules à visée performative telles qu'énoncées par la secrétaire générale du Gouvernement ; lors de son audition par la commission d'enquête, elle a ainsi souligné qu'« il est important de dire qu'il existe aussi, au sein de l'administration centrale, des marges de manoeuvre, des leviers d'action, de la confiance avec le politique : répondre à la commande politique n'empêche pas de pouvoir faire des propositions. Il faut corriger l'impression de déséquilibre entre les administrations centrales, où l'on serait contraint, et les opérateurs, où l'on serait très libre. Au sein des opérateurs, il doit être clair que l'on reste contraint par une commande politique et par une tutelle ; au sein des administrations centrales, on doit disposer de leviers stratégiques et exercer correctement la tutelle ».
Pour la commission d'enquête, le rééquilibrage dans l'attractivité entre l'administration centrale et les agences nécessite, outre les mesures déjà présentées visant à renforcer le contrôle de la première sur les secondes, un changement de culture au sein de l'administration centrale, dans le but de donner davantage de responsabilités et de marges de manoeuvre aux détenteurs des postes d'encadrement supérieur.
En outre, afin d'éviter les départs définitifs de l'administration centrale vers les agences, et donc les pertes définitives de talents, il conviendrait de favoriser les reclassements et les allers-retours en proposant, dans l'administration centrale, des postes à niveau équivalent de responsabilités aux fonctionnaires qui ont effectué une mobilité dans une agence. La commission d'enquête est certes consciente des difficultés pratiques en la matière, eu égard à l'organisation pyramidale de l'administration centrale et au nombre, somme toute limité, de postes avec des responsabilités managériales importantes.
Recommandation : Donner davantage de responsabilités et de marges de manoeuvre aux détenteurs des postes d'encadrement supérieur dans l'administration centrale ; s'assurer que les fonctionnaires de retour dans l'administration centrale après une mobilité dans une agence disposent d'un poste à niveau de responsabilités au moins équivalent. |
En tout état de cause, il paraît indispensable - et plus que temps - que la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) joue enfin le rôle de direction des ressources humaines de l'État qui lui a été formellement confié en 2016205(*), et que soient mis en place un suivi et une gestion unifiée des ressources humaines à l'échelle de l'administration centrale et des agences.
L'ignorance du nombre d'agents publics travaillant dans les agences que le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification a reconnu devant la commission d'enquête, ou encore l'incapacité de la DGAFP à connaître la part de fonctionnaires effectuant une mobilité au sein d'une agence sont à ce titre symptomatiques du manque de vision unifiée de la part de l'État de l'ensemble de ses agents.
La mise en oeuvre d'un outil de suivi de l'ensemble de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, dont la DIESE a indiqué qu'elle était un objectif « à terme »206(*), constitue à tout le moins une première étape indispensable.
Recommandation : À court terme, mettre en place un outil de suivi de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, visant l'administration centrale ainsi que les agences. À moyen terme, étendre cet outil à l'ensemble de la fonction publique de l'État. |
* 174 Aussi dénommé Observatoire économique de la Défense (OED).
* 175 Rattaché au commissariat général au développement durable (CGDD).
* 176 Rattaché au service à compétence nationale Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP).
* 177 Cour des comptes, Premier bilan du « pass Culture », rapport public thématique, décembre 2024.
* 178 Directions régionales de l'action culturelle.
* 179 Et ce en dépit du principe qui avait été posé par la circulaire n° 5454/SG du Premier ministre en date du 26 mars 2010 en vertu duquel « dans les cas où il existe, pour un même établissement, plusieurs ministères de tutelle, le ministère dont relève le programme finançant à titre principal l'opérateur sera chargé d'animer le dialogue entre les ministères et sera l'interlocuteur unique de l'organisme) ».
* 180 Voir plus haut.
* 181 À noter par ailleurs que, depuis l'arrêté du 28 juin 2024, l'évaluation des directeurs d'administration centrale (ainsi que des secrétaires généraux des ministères et des directeurs généraux) est assurée par un comité interministériel placé auprès du Premier ministre.
* 182 Voir par exemple les articles R. 321-4 et suivants du code de la construction et de l'habitation pour l'Agence nationale de l'habitat ; les articles R. 1232-1 et suivants du code général des collectivités territoriales pour l'Agence nationale des collectivités territoriales ; etc.
* 183 Article 3 du décret du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994.
* 184 Idem.
* 185 Tel est le cas de l'Office français de la biodiversité (OFB), du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), ou encore de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Il peut aussi arriver que le conseil d'administration se réunisse une fois par mois, comme pour l'Agence française de développement (AFD).
* 186 Aux termes de l'article R. 321-4 du code de la construction et de l'habitation, le conseil d'administration de l'ANAH prévoit ainsi la nomination d'un nombre égal de suppléants à celui des membres des trois collèges (collège des représentants de l'État et de ses établissements publics ; collège des élus et des représentants locaux ; collège des personnalités qualifiées) ; en revanche, la désignation de suppléant des membres du conseil d'administration de l'ANCT exclut les parlementaires (article R. 1232-1 du code général des collectivités territoriales).
* 187 Même si une partie des décisions peuvent avoir donné lieu à des discussions lors des conseils d'administration précédents.
* 188 C'est-à-dire courant jusqu'à l'année 2020 au moins (Cour des comptes, Les relations entre l'État et ses opérateurs - rapport demandé par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, janvier 2021).
* 189 Articles 17 et 18 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU).
* 190 Le dernier COP de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), comme celui de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), couvre la période 2021-2023 ; le jaune budgétaire indique, pour l'OFPRA, qu'un nouveau COP est « en cours d'élaboration ».
* 191 À la date de publication du jaune budgétaire annexé au PLF pour 2025, ne disposaient pas d'un COP à jour : la Cité de l'architecture et du patrimoine ; le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ; le Centre national des arts plastiques ; la Cinémathèque française ; la Comédie française ; l'Ensemble intercontemporain ; l'Établissement public du château de Fontainebleau ; l'Établissement public du musée et du domaine de Versailles ; l'Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette.
* 192 Le dernier COP des instituts régionaux d'administration remonte ainsi à 2022, tout comme celui de l'Institut français ; le dernier COP de l'Établissement public de la cité de la céramique remonte même à 2021.
* 193 Rapport d'information n° 4236 (XVe législature) déposé le 9 juin 2021 par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale sur l'évaluation des relations entre l'État et ses opérateurs
* 194 Article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État.
* 195 À titre d'exemple, voici les nombres d'indicateurs présents dans les derniers COP des agences suivantes : Centre national de la musique : 13 ; Réseau Canopé : 13 ; Ademe : 22 ; OFB : 32.
* 196 Voir notamment les indicateurs « taux de satisfaction au travail sur la question spécifique du sens au travail » (COP de l'Ademe) ; « Publication d'un recueil annuel et de notes (ondes longues et courtes) du CNMlab faisant état des connaissances sur les questions d'avenir pour la filière (COP du Centre national de la musique).
* 197 La commission d'enquête a auditionné, sous la forme d'une table ronde, MM. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et Damien Ientile, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS - Urssaf Caisse nationale).
* 198 Rapport d'information précité de Lise Magnier et Jean-Paul Mattei, p. 65.
* 199 Idem, p. 64.
* 200 En application du décret n° 2019-254 du 27 mars 2019 relatif aux conditions de nomination des personnels dirigeants de certains établissements publics nationaux à caractère administratif.
* 201 Le décret n° 2016-633 du 24 mai 2016 a créé un comité d'audition pour la nomination des directeurs d'administration centrale. Présidé par le secrétaire général du Gouvernement, ce comité procède à l'audition des personnes sélectionnées par le Premier ministre et le ministre sous l'autorité duquel est placé l'emploi à pourvoir ; à l'issue des auditions, il communique au ministre son avis sur l'aptitude de chaque personne entendue à occuper l'emploi à pourvoir.
* 202 Articles 1er et 7-1 du décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l'État.
* 203 Les dispositions concernées ayant été abrogées par le décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019.