C. COMMUNIQUER SUR L'ACTION DE L'ÉTAT ET NON SUR CELLE DES AGENCES

Le brouillage de l'action publique résulte également de l'absence de stratégie de communication décidée par l'État qui engloberait les agences. À l'heure actuelle, chaque agence communique en son nom propre et de sa propre initiative, sans supervision ni coordination particulière de l'administration centrale.

L'agencification produit ainsi une déresponsabilisation des acteurs publics et une opacité de la parole publique. Or, dans une démocratie, seul le Gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement et les élus locaux et les parlementaires devant leurs électeurs.

Il est essentiel d'établir un lien clair et une unicité de la parole pour que la responsabilité soit perceptible. Cela n'est possible que si elle est clairement communiquée.

Le brouillage des rôles contribue à opacifier la responsabilité de l'État, qui est le pilote des politiques publiques. Cette situation est particulièrement visible dans le domaine de la politique familiale, où les actions menées de manière « autonome » par les caisses d'allocations familiales (CAF) illustrent ce phénomène.

Un constat similaire peut être fait avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui communique à la place du ministère de l'aménagement du territoire (ANCTour), brouillant ainsi le message adressé aux élus locaux et accordant une autonomie trompeuse à une agence au détriment du ministère concerné.

Dans le meilleur des cas, l'administration centrale est associée ou consultée en amont de certaines opérations de communication relatives aux dispositifs mobilisant les agences pour le compte de l'État ; les conventions liant l'administration centrale et les agences, d'une part, et les agences et les bénéficiaires, d'autre part, peuvent également comporter des clauses spécifiques afin de garantir que les agences et les bénéficiaires finaux de ces dispositifs communiquent sur l'origine des fonds et assurent la visibilité de leur financement par l'État278(*).

En pratique, toutefois, les agences se contentent souvent de faire figurer leur propre logo, en lieu et place de celui de l'État, notamment sur les panneaux de travaux indiquant les sources des financements.

Ce constat est encore plus problématique s'agissant des actions menées par la France à l'étranger, à travers notamment l'Agence française de développement (AFD) ou encore l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) voire les Instituts français de recherche à l'étranger, dont les logos sont parfois mis sur le même plan que ceux d'entreprises ou de grands groupes internationaux, voire du pays d'accueil ; il est d'autant plus important de réaffirmer le rôle de l'État stratège et de veiller à l'unité de la parole étatique que le financement public bénéficie à des individus et des structures au-delà des frontières nationales.

Ainsi le rapporteur a été étonné lors d'un déplacement en Jordanie, effectué dans le cadre d'une autre structure sénatoriale, que le panneau explicatif portant sur la restauration et la réhabilitation de l'église d'Aqaba, considérée comme la plus ancienne église chrétienne du monde, ne comporte aucun signe caractéristique de l'État français alors même que l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo)est financé sur deniers publics.

Recommandation : Sur le sol national comme à l'étranger, apposer le seul logo de l'État et non celui des agences sur l'ensemble des supports de communication.

Bien plus, certaines agences délèguent leur marché de communication auprès d'organismes privés. Il est ainsi surprenant que, pour contacter une agence aussi importante que l'Ademe, on doive s'adresser à un cabinet privé, lequel diffère même selon la région279(*). Cette agence dispose pourtant d'équipes internes étoffées sur cette fonction et en arrive même à « communiquer sur la communication », puisqu'elle a récemment édité un guide relatif aux bons usages de la communication280(*), dont le lien avec les missions que lui a données la loi mériterait d'être discuté.

Pour la commission d'enquête, il convient de mettre un terme à ces pratiques préjudiciables au bon usage des deniers publics comme à la lisibilité de l'action de l'État.

Recommandation : À court terme, interdire aux agences de recourir à des prestataires extérieurs pour concevoir et mettre en oeuvre leur stratégie de communication.

Fondamentalement, la commission d'enquête estime qu'il revient à l'administration centrale de gérer la communication de l'ensemble de la sphère étatique, agences comprises.

Par exemple, le nouveau circuit d'accès à l'offre d'ingénierie locale décrit précédemment, reposant sur le préfet, implique l'arrêt des dispositifs spécifiques de communication locale de chaque agence autour de leur offre et de leur « marque », au profit d'une communication unifiée au niveau local, en fonction du territoire (échelon régional ou départemental selon le cas).

Recommandation : À moyen terme, recentraliser toute la communication de la sphère étatique, agences comprises, au sein des ministères.

Enfin, ce besoin d'unification ne doit pas oublier les actions de communication et de promotion menées sur Internet. À l'heure actuelle, les intitulés des sites internet des agences ne rendent pas tous explicite l'appartenance de ceux-ci à l'État : tous ne sont en effet pas hébergés par le domaine « gouv.fr »281(*).

De manière similaire, le lien avec l'État n'apparaît pas toujours clairement dans le profil des agences sur les réseaux sociaux, comme dans le cas de l'Ademe.

Page du compte de l'Ademe sur le réseau X

Source : réseau social « X »

Or, les campagnes menées sur les réseaux sociaux constituent aujourd'hui un vecteur important, si ce n'est essentiel, de la communication institutionnelle des agences. Par exemple, 70 % des actions de promotion développées par Atout France passent par Internet282(*).

Recommandation : Inscrire tous les sites Internet des agences de l'État à l'intérieur du domaine gouv.fr ; faire apparaître le logo de l'État dans les profils des agences sur les réseaux sociaux.


* 275 Sur le budget principal 2024 de l'Ademe, les recettes propres s'élèvent à 60,6 millions d'euros pour un montant total de recettes de 1 029,5 millions d'euros (budget réalisé 2024, approuvé par le conseil d'administration en date du 6 mars 2025).

* 276 Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP), opérateur du ministère chargé du logement.

* 277 Article L. 301-5-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 278 Comme indiqué au rapporteur par la direction générale des entreprises (DGE).

* 279 Ademe, site Internet, Contacts presse.

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