III. POUR DIMINUER LA DÉPENSE PUBLIQUE DE MANIÈRE EFFICIENTE, QUE PEUT-ON FAIRE ?

Face à la difficulté de rationaliser l'organisation administrative existante, il apparaît nécessaire au préalable d'instaurer un moratoire sur la création de toute nouvelle entité.

Comme le relève Christian Charpy, président de chambre à la Cour des comptes et ancien directeur général de Pôle Emploi, auditionné par la commission d'enquête283(*), « la première chose à faire, avant de créer un établissement, est d'être certain que cela soit nécessaire ; le supprimer est très compliqué ». Ainsi, avant de créer un nouvel établissement, il est crucial de savoir s'il est possible de « confier cette compétence - si elle est nécessaire - à un établissement existant, plutôt que de créer une nouvelle structure, puis, dix ans plus tard, de songer à les fusionner ».

Le rapporteur rappelle que ce principe de bon sens figure déjà dans la doctrine administrative. En effet, comme évoqué supra, le secrétariat général du Gouvernement (SGG) élabore des circulaires pour encadrer la création de ces structures, qui sont régulièrement révisées : avril 2013, septembre 2014, juin 2015 et juin 2019. Malheureusement, comme l'a souligné la secrétaire générale du Gouvernement, « il arrive que la création d'un opérateur découle avant tout d'un besoin politique pressant, sans qu'il y ait eu le temps d'anticiper, et que l'étude d'impact serve ensuite à rationaliser cette décision a posteriori. »

Recommandation : Instaurer un moratoire sur la création de nouvelles entités, sauf s'il est démontré que le nouvel organisme apporte des économies ou une simplification substantielle de l'action publique.

A. LA FUSION D'OPÉRATEURS OU LA RÉINTERNALISATION, UNE OPÉRATION QUI PEUT CONDUIRE À DES ÉCONOMIES SOUS CONDITIONS

1. Les fusions d'opérateurs dans la période récente en France n'ont pas permis d'enregistrer, au global, de baisse notable des crédits ou des emplois, à la différence de l'exemple du Royaume-Uni
a) L'expérience française 2015-2019 : des fusions sans économies

Ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2021284(*), les réductions du nombre d'opérateurs en France sont loin de se traduire par une baisse homothétique des emplois.

Ainsi, sur la période 2015-2019, diverses suppressions ou fusions d'opérateurs ont eu lieu.

Fusions et suppressions d'opérateurs sur la période 2015-2019

 

Suppressions

Fusion d'opérateurs

Résultat de la fusion

PLF 2015

1 suppression

- Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances

1 fusion de 3 opérateurs

- Université de Bordeaux

PLF 2016

 

0 suppression 

11 fusions concernant 57 opérateurs

- Business France

- 16 ARS285(*)

- Centrale Supélec

- Réseau Canopé (fusion des 30 CRDP et du CNDP)

- Université de Grenoble

- GIP Agence du service civique

PLF 2017

0 suppression

4 fusions concernant 17 opérateurs

- Agence française de biodiversité

- Agence nationale de santé publique

- Université Clermont-Auvergne

- Institut Mines Télécom

PLF 2018 

1 suppression 

Fonds de solidarité

2 fusions concernant 5 opérateurs

- Sorbonne université

- Université de Lille

PLF 2019

5 suppressions 

- 3 COMUE

- GIP Réinsertion et citoyenneté

- Établissement public du Palais de justice de Paris

1 fusion de 2 opérateurs 

- L'Université de Limoges intègre l'École nationale supérieure de céramique industrielle

Source : documents transmis par le secrétariat général du Gouvernement

Or, les fusions d'opérateurs, qui auraient pu conduire à une baisse des effectifs totaux dans le cadre de réorganisation, n'ont conduit, selon le calcul de la Cour des comptes, qu'à une baisse très limitée des emplois (- 0,8 % à périmètre constant286(*)), avec en outre une évolution très différente des emplois sous plafond (en baisse de 1,3 %) et des emplois hors plafond (+ 3,1 %).

b) L'expérience britannique : une économie cumulée de l'ordre de 146 millions d'euros sur 2010-2015, un nouveau mouvement de rationalisation initié en mars 2025

Adoptée en 2011 à l'initiative du Premier ministre David Cameron, la loi sur les organismes publics (Public Bodies Act) poursuivait une réforme globale des agences, notamment par voie de fusions ou de suppressions. Selon un memorandum du ministère de la Constitution de 2016 sur l'évaluation des effets de la loi, sa mise en oeuvre a effectivement permis la baisse du nombre d'agences. Ainsi, entre 2011 et 2016, 52 organismes publics ont été réformés par 33 arrêtés (orders). À titre d'illustration, la Commission des jeux de hasard (Gambling Commission) et la Commission de la loterie nationale (National Lottery Commission) ont été fusionnées.

Cette restructuration d'ensemble des agences britanniques s'est traduite par une économie en termes de coûts administratifs de près de 122 millions de livres sterling (146 millions d'euros) cumulés sur la période 2010-2015. Le Bureau national d'audit (National Audit Office, NAO) retient pour sa part une estimation plus large des économies liées à la réforme des organismes publics (y compris les entreprises publiques) à 793 millions de livres sterling en 2012-2013, contre une évaluation gouvernementale de 3,1 milliards de livres sterling entre 2011 et 2015. Selon le NAO, cette différence s'explique par le fait que la méthodologie retenue par le gouvernement comprend des baisses de dépenses qui ne sont pas directement liées au programme de réforme des organismes publics, par exemple des économies décidées dans le cadre des revues de dépenses en vue de réduire l'activité de certains organismes.

Plus récemment, dans un discours sur la réforme de l'État britannique prononcé le 13 mars 2025 et critiquant le recours trop important aux agences, le Premier ministre Keir Starmer a annoncé la « suppression » (abolition) du Service national de santé en Angleterre (NHS England).

La réforme du Service national de santé britannique

Le NHS England est l'agence en charge de la gestion administrative des services de santé en Angleterre. Organisme public non départemental (OPND) exécutif rattaché au ministère de la santé, elle représente l'agence la plus importante du paysage britannique, ayant reçu un financement gouvernemental de 159 milliards de livres sterling (190,8 milliards d'euros) en 2022-2023.

La question du déclin de la qualité des services du NHS est au coeur des débats politiques depuis sa transformation en OPND en 2012. En effet, la satisfaction citoyenne vis-à-vis de cette agence est actuellement faible. Selon le King's Fund, un groupe de réflexion indépendant, le service n'a jamais été aussi mal évalué par ses utilisateurs depuis 1983, avec seulement 24 % de satisfaction. Les causes de cette insatisfaction sont principalement les longs délais pour obtenir un rendez-vous chez le médecin et à l'hôpital (71 %), le manque de personnel (54 %) et le manque d'investissement financier de l'État (47 %).

Le nouveau Premier ministre Keir Starmer a ainsi annoncé le 13 mars 2025 « l'abolition du NHS » et sa réintégration au sein du ministère de la santé et des services sociaux. L'objectif du gouvernement est d'achever cette réforme dans un délai de deux ans, ce qui nécessitera préalablement l'adoption d'une loi par le Parlement. Les principaux points du projet de réforme sont les suivants :

- la reprise du contrôle de l'agence par l'administration de l'État - elle réintégrera le ministère de la santé et des services sociaux et ne sera plus un OPND exécutif ;

- la suppression de 9 000 emplois au sein de l'agence et du ministère de la santé, soit la moitié des postes dans les deux structures ;

- la déconcentration du processus de prise de décision au niveau régional : cette démarche est expliquée par la nécessité de donner davantage de contrôle aux professionnels de santé locaux sur le système ;

une amélioration du service par une réallocation des fonds publics ;

La question du financement de la réforme sera étudiée cet été. À terme, si les suppressions d'emplois annoncées sont effectives, la réforme permettrait d'économiser environ 500 millions de livres sterling (environ 600 millions d'euros).

Source : commission d'enquête, d'après l'étude de législation comparée

c) L'exemple suédois : un premier mouvement de réduction impulsé par la contrainte financière, suivi d'un mouvement de rationalisation qui montre aujourd'hui ses limites

Comme l'indique l'étude de législation comparée, sous la pression budgétaire du choc pétrolier des années 1980, l'État suédois a amorcé une décentralisation de sa gestion publique en responsabilisant ses agences, notamment par l'instauration d'un régime de rémunération individualisée. Face à la récession sévère des années 1990, une vaste réorganisation a réduit de moitié le nombre d'agences entre 1990 et 2000 (plus de 1 300 à environ 600) et baissé les effectifs de l'État de 375 000 à 240 000 agents, tout en généralisant, dès 1992, un pilotage par les résultats fondé sur des objectifs contractualisés.

À partir de 2005, l'effort se porte moins sur la réduction des moyens que sur la rationalisation de l'architecture étatique : chaque mission confiée à une agence unique, éventuellement dotée d'antennes régionales, donnant naissance aux « guichets communs » dans toutes les communes. Des réformes sectorielles suivent, comme la fusion des 23 services de police en 2015, puis, dès 2012, la consolidation horizontale des fonctions de back-office : la création du Statens servicecenter, chargé de fournir des services partagés (notamment la paie, rendue obligatoire en 2015). Ces transformations, critiquées pour leurs coûts internes, leurs lenteurs et les tensions entre centralisation et autonomie locale, ont relancé début 2025 le débat public, y compris sur l'importation possible aux États-Unis d'un modèle à la DOGE (Department of Government Efficiency).

2. La nécessité d'une approche adaptée à chaque cas particulier d'agence

D'après l'analyse de la direction du budget, il serait « impossible de définir une doctrine générale sur les avantages d'une fusion ou d'une suppression d'opérateurs ». En effet, selon l'administration, les effets d'une telle opération seraient, sur le plan budgétaire, spécifiques à chaque opérateur.

Néanmoins, les mesures de rationalisation de structures peuvent, dans certains cas, permettre une réduction des coûts de fonctionnement, une meilleure maîtrise des emplois, une mutualisation de la trésorerie, une capacité accrue à s'autofinancer par l'obtention de ressources propres, d'atteindre une taille de structure davantage viable, etc.

À cet égard, la direction du budget souligne que, d'une manière générale, les fusions ou suppressions d'opérateurs sont des « processus lents qui impliquent de mener une conduite du changement et d'engager les personnels et leurs représentants ». Ainsi, une telle opération est susceptible de soulever diverses problématiques :

- d'une part, elle peut avoir un coût social, nécessitant un dialogue important et soutenu avec les personnels et leurs représentants ;

- d'autre part, elle peut présenter des effets importants sur les ressources humaines, sans compter les questions techniques posées pour la mobilité des fonctionnaires et des agents contractuels à durée indéterminée ;

- enfin, les conséquences budgétaro-comptables peuvent être significatives : reprise des engagements des structures fusionnées ou supprimées, devenir des contrats pluriannuels, etc.

De fait, la simple application des règles de la fonction publique peut empêcher, du moins à court terme, la réalisation d'économies en dépenses de personnel, à travers le détachement d'office des fonctionnaires dont l'activité est transférée ou encore la reprise des clauses substantielles pour les agents contractuels, en particulier celles concernant la rémunération.

Les conséquences des suppressions ou fusions d'agences
du point de vue des ressources humaines

En cas de suppressions/fusions d'agences, les conséquences sur leurs agents sont variables en fonction du statut et de la position administrative de ces derniers, ainsi que du devenir des missions exercées par les agences concernées.

En application de l'article L. 441-1 du code général de la fonction publique (CGFP), lorsqu'une activité d'une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, un fonctionnaire exerçant cette activité peut être détaché d'office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l'organisme d'accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l'organisme d'accueil.

De même, s'agissant des agents contractuels, le transfert d'activité vers une personne publique impose à celle-ci de proposer aux agents un contrat qui reprend les clauses substantielles du contrat dont ils sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération (article L. 445-1 et suivants du CGFP).

En cas de restructuration d'un service de l'État ou de l'un de ses établissements publics, les fonctionnaires, les ouvriers d'État et les agents contractuels en contrat à durée indéterminée qui y sont affectés peuvent bénéficier de mesures d'accompagnement : accompagnement, accès prioritaires à la formation, priorités de mutation et de détachement (articles L. 442-1 et suivants du CGFP et décret n° 2019-1441 du 23 décembre 2019 relatif aux mesures d'accompagnement de la restructuration d'un service de l'État ou de l'un de ses établissements publics).

Par ailleurs, en cas de restructuration d'une administration de l'État, de l'un de ses établissements publics ou d'un établissement public local d'enseignement, une prime de restructuration de service peut être versée aux magistrats, aux fonctionnaires, aux personnels ouvriers des établissements industriels de l'État, aux personnels militaires détachés sur un emploi conduisant à pension civile ne bénéficiant pas de l'indemnité d'état militaire et agents non titulaires de l'État de droit public recrutés pour une durée indéterminée, au bénéfice des agents mutés ou déplacés dans le cadre de la restructuration du service dans lequel ils exercent leurs fonctions. Les opérations de restructuration de service ouvrant droit à la prime sont fixées par arrêté ministériel, pris après avis des comités sociaux d'administration compétents. Cette prime peut, le cas échéant, être complétée par une allocation d'aide à la mobilité du conjoint (décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint)287(*).

Source : commission d'enquête, d'après la réponse de la DGAFP au questionnaire du rapporteur

À ces données juridiques s'ajoutent également des éléments d'ordre sociologique ou politique, qui tirent les mesures d'alignement des statuts des personnels fusionnés vers le haut, en particulier en matière de rémunération.

À titre d'exemple, la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assédic) pour former Pôle emploi (aujourd'hui France Travail)288(*), est particulièrement révélatrice.

Comme le relève la Cour des comptes dans un rapport de juillet 2020289(*), « la gestion des ressources humaines de Pôle emploi est marquée par les conditions de la fusion entre l'ANPE et les Assédic », « la préservation et le cumul des avantages des deux régimes entraîn[ant] (...) une perte significative de productivité de l'établissement », résultant notamment d'un temps de travail annuel inférieur à la durée légale, d'un niveau très élevé d'absentéisme et de moyens excessifs consacrés au dialogue social.

Interrogé sur ce point en audition par la commission d'enquête, Christian Charpy, ancien directeur général de Pôle Emploi et délégué général de l'instance nationale provisoire chargée de sa mise en place, a rappelé les conditions très favorables aux personnels imposées par le pouvoir exécutif pour la mise en oeuvre de la fusion : « le président de la République avait (...) donné publiquement pour instruction de prendre le meilleur des deux systèmes : autant dire que la négociation n'a pas été facile ! L'alignement s'est donc plutôt fait vers le haut pour l'ensemble des personnels »290(*).

S'agissant du rapprochement d'administrations plus « classiques », la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), s'est également accompagnée d'un alignement par le haut en matière de rémunérations.

D'après un rapport de la Cour des comptes de juin 2018, si les nouvelles règles relatives aux statuts et aux modes de gestion des ressources humaines de la DGFiP ont résulté de compromis entre les deux régimes antérieurs, le principe de l'alignement par le haut a en effet été retenu et appliqué pour les rémunérations et notamment les régimes indemnitaires291(*).

Ainsi, les coûts supportés à court terme dans le cadre d'une fusion entre plusieurs entités publiques peuvent représenter des montants élevés, qui réduisent d'autant le gain net attendu des synergies susceptibles d'être réalisées à moyen-long terme.

Par ailleurs, pour qu'une fusion aboutisse avec succès, plusieurs facteurs clés de réussite apparaissent nécessaires, notamment au regard du temps de préparation en amont et du portage politique du rapprochement.

Facteurs clés de réussite mis en avant par les auditionnés
lors de la table-ronde sur la démarche de fusion

Facteur n° 1 (« critère du projet ») : l'opération doit avoir un sens du point de vue de l'exercice des missions des entités concernées, en s'inscrivant dans un projet clairement défini, et ne doit pas être conduite pour de simples motifs d'économies ou de mutualisation292(*).

Facteur n° 2 (« critère de la préparation ») : la réalisation de l'opération doit pouvoir s'appuyer sur une préfiguration sur un temps relativement long, afin de permettre une maturation sans difficulté et notamment l'adhésion des différentes parties prenantes (en particulier le personnel).

Facteur n° 3 (« critère de la novation ») : la nouvelle entité doit, autant que possible, ne pas juxtaposer les anciennes structures, mais imbriquer réellement les compétences.

Facteur n° 4 (« critère du portage politique ») : compte tenu des contraintes et des délais d'une telle opération, une fusion doit faire l'objet d'un soutien politique au plus haut niveau.

Source : commission d'enquête, d'après les réponses orales des personnes auditionnées

La fusion entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

À la lumière de l'expérience de la fusion en 2022 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), pour former l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la phase de préparation de la fusion est la plus importante. Étalée sur un peu plus d'un an, elle a notamment permis de disposer dès la création de l'Arcom d'une organisation des services immédiatement opérationnelle.

L'association de l'encadrement au projet de préfiguration a facilité son implication dans le dialogue avec les équipes. Chaque agent a ainsi pu, en lien avec son futur encadrement, se positionner assez tôt et se projeter dans ses futures fonctions. Le très faible recoupement des missions des directions métiers de l'Hadopi et du CSA a permis à chacun de trouver sa place dans l'organigramme de l'Arcom et n'a engendré aucune suppression d'emploi.

Le très faible dimensionnement des fonctions support de l'Hadopi n'a généré que quelques « doublons » qui ont été redéployés vers les besoins métiers. Les quelques recrutements de l'année 2021, à l'Hadopi comme au CSA, ont par ailleurs été réalisés en mutualisant les besoins.

Le dialogue social entretenu tout au long de la phase de préfiguration par la réunion conjointe des instances sociales a par ailleurs permis de fluidifier et désamorcer les inquiétudes. Un baromètre social, déployé à trois reprises auprès de l'ensemble des collaborateurs, a permis d'objectiver la nature et l'intensité des problèmes.

Source : commission d'enquête, d'après la réponse de M. Roch-Olivier Maistre, ancien président du CSA et de l'Arcom, au questionnaire du rapporteur

a) Les structures de formation professionnelle pour adultes : fusionner l'AFPA et les Greta, laisser le CNAM autonome

L'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et les Groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta) proposent tous deux des actions de formation sur l'ensemble du territoire. L'Afpa est un opérateur national dédié du ministère du travail, avec un statut d'EPIC, tandis que les Greta sont des réseaux locaux adossés au ministère de l'Éducation nationale, fortement liés aux établissements scolaires.

Bien que relevant de statuts différents, ils poursuivent des objectifs comparables : favoriser la montée en compétences des actifs, notamment les demandeurs d'emploi, dans une logique de service public. Cette proximité de missions conduit parfois à des concurrences locales293(*), à une dispersion des moyens, et à une difficile coordination de l'offre. Elle nuit à la lisibilité du service public de la formation professionnelle pour les bénéficiaires, qui peinent à identifier l'interlocuteur pertinent.

Le CNAM, créé en 1794, pour « perfectionner l'industrie nationale » et visant les emplois qualifiés, dispose également d'un réseau national et international étendu. Rattaché au ministère chargé de l'enseignement supérieur, le CNAM a le statut d'établissement public de l'État à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Lors de son audition, la vice-présidente de la fédération services publics CFE-CGC, Christine Caraty, indiquait elle-même qu'il était possible d'« envisager le regroupement de l'AFPA avec les Groupements d'établissements publics locaux d'enseignements (GRETA) et le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) pour créer un pôle important de formation professionnelle pour adultes au sein de la fonction publique. Cela permettrait potentiellement des économies en termes d'immobilier et de budget. » Des rapprochements sont d'ores et déjà mis en oeuvre ou envisagés entre ces structures, notamment le GRETA et l'AFPA, à l'instar de la mutualisation des plateaux techniques, comme cela a été indiqué au rapporteur.

Afin de clarifier l'offre de formation, de renforcer la complémentarité des dispositifs et de mutualiser les moyens, il est proposé de fusionner l'Afpa et les Greta au sein d'un opérateur public unifié, présent sur l'ensemble du territoire. Cette structure unique incarnerait un véritable service public de la formation professionnelle, avec une gouvernance simplifiée, une stratégie d'implantation rationnalisée, et des parcours de formation mieux articulés avec les besoins économiques et sociaux locaux. Dans un premier temps, le rapprochement avec le CNAM n'apparait pas prioritaire, cette structure appartenant au réseau des grandes écoles et étant très orientée vers les métiers industriels.

Si les GRETA sont situés dans les lycées, leur lien avec l'Éducation nationale est ténu. Les publics accueillis dans les deux structures sont différents. Les professeurs de l'éducation nationale lorsqu'ils enseignent en GRETA sont rémunérés par cette structure. Dans les faits, le rôle des recteurs se limite à vérifier la soutenabilité financière des établissements sans même pouvoir s'opposer aux décisions prises par le conseil d'administration. À l'intérieur d'une académie, les schémas d'organisation peuvent même varier.

Ce mouvement de mutualisation doit permettre de conforter la formation publique en renforçant le réseau de l'APFA. Il y a 20 ans, l'Afpa était l'opérateur unique de l'État pour la formation professionnelle continue et était financée en subvention. La décentralisation de la compétence formation professionnelle aux conseils régionaux et l'ouverture à la concurrence se sont traduites par l'apparition et le développement de très nombreux organismes de formation. La formation professionnelle est devenue un véritable marché, avec des acteurs privés de plus en plus spécialisés.

Cette réforme visant à faire de l'Afpa l'opérateur unique pour l'État doit impérativement être accompagnée d'un changement de gouvernance pour juguler le déficit chronique de l'agence. Comme l'a souligné la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire294(*), « cette crise pérenne de trésorerie intervient alors que les effets du plan de transformation initié en 2018, dans un contexte de déficit cumulé de plusieurs centaines de millions d'euros, étaient censés se traduire sur le plan budgétaire. Bien au contraire, l'Afpa continue de peser davantage sur le budget de l'État. Si la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi avait effectivement été repoussée à décembre 2019, et que le contexte sanitaire a pu retarder l'effectivité de certaines mesures du plan de restructuration de l'établissement, celui-ci a produit des effets qui ne suffisent manifestement pas à retrouver une trajectoire soutenable sans un soutien massif de l'État. » La mutualisation avec les infrastructures des Greta doit permettre d'accélérer la réduction du parc immobilier.

S'agissant des gains possibles en matière de ressources humaines, le rapporteur n'a pas réussi à trouver le nombre d'agents travaillant actuellement dans les Greta. Cette information ne figure même pas dans un rapport récent de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) portant spécifiquement sur ce réseau295(*). En 2016, toutefois, les GRETA et les FCIP GIP comptaient 7 897 équivalents temps plein (ETP) consacrés à l'enseignement, dont plus de la moitié de personnels non permanents, et 3 391 ETP pour les fonctions administratives, techniques ou de service296(*). En conséquence, un gain éventuel de 5 % sur les fonctions d'enseignement de 10 % sur les fonctions autres que d'enseignement permettrait de réduire le nombre d'ETP de près de 400. Par ailleurs, 5 810 ETPT travaillaient à l'AFPA au 31 décembre 2024.

Recommandation : Regrouper les réseaux de l'AFPA et des Greta pour former un opérateur unique tourné vers la formation professionnelle des adultes.

b) Les centres nationaux du ministère de la culture : une réponse à adapter au cas par cas

Au sein de l'écosystème du ministère de la culture, certains opérateurs occupent une position structurante dans l'organisation des filières professionnelles dans lesquelles elles opèrent. Le rapporteur a regardé la situation particulière de trois d'entre eux, chargés de porter une politique publique dédiée à un secteur des industries culturelles : le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ; le Centre national du livre (CNL) ; le Centre national de la musique (CNM). Alors que le CNC et le CNL ont été créés en 1946, le CNM est issu d'une volonté plus récente de structuration sectorielle297(*).

· Le CNC (la Cinémathèque française et la FEMIS) : redéfinir le rôle et la place de l'État avant de définir l'évolution des agences

Plusieurs rapports récents de la Cour des comptes, portant sur le CNC298(*), la Cinémathèque française299(*) ou la FEMIS300(*), ont souligné les fragilités de la politique en faveur du patrimoine cinématographique (conservation/diffusion) par le CNC et la Cinémathèque française, aujourd'hui distincts, ainsi que l'absence de tutelle ministérielle.

La Cour indique dans le rapport relatif à la Cinémathèque française que le statut d'association subventionnée à hauteur de 75 % de ses ressources par l'État (via le CNC, avec une subvention de l'ordre de 20 millions d'euros) rend de facto cette structure dépendante de l'État et la Cour relève que « Rien ne justifie que le ministère de la culture soit absent du conseil d'administration d'un de ses opérateurs et le CNC n'y a au demeurant qu'une voix consultative ».

L'État est également absent de la FEMIS. En effet, une note du secrétariat général du ministère en date du 11 janvier 2012, complétée par une note en date du 22 septembre 2014, indique que le CNC exerce désormais la tutelle financière et de contenu de l'école. Le secrétariat général ne regarde que les aspects administratifs (plafond d'emplois, sujets immobiliers, etc.). Le ministère n'est même pas signataire du COP et en conséquence, comme l'écrit la Cour, « aucun document ne permet de savoir ce que ce dernier attend précisément de la politique publique de formation mise en oeuvre par l'école ni de l'éventuelle hiérarchisation entre les différents objectifs d'excellence, d'ouverture, de volume, etc. »

L'absence de l'État dans la gouvernance de la Cinémathèque française ou de la FEMIS constitue une curiosité institutionnelle qui n'est pas sans conséquence sur la politique du cinéma : pas de stratégie claire ou de visibilité pluriannelle pour l'école ; absence de stratégie de long terme en matière de patrimoine cinématographique.

Si des gains d'efficacité, par la mise en commun de moyens, sont certainement à attendre d'une intégration de la Cinémathèque française au sein du CNC, préalablement à toute évolution du statut des agences, il est impératif de redéfinir le rôle joué par l'État dans la définition de la politique de soutien à la filière cinématographique.

· Le CNL : envisager une reprise des missions par le ministère

Le CNL et le Service du livre et de la lecture de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) interviennent conjointement en faveur du livre et de la lecture.

Pourtant, le partage des compétences entre ces deux entités demeure flou. Ainsi, à titre d'exemple, le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » comportait un plan filière livre qui a été mis en oeuvre par le ministère directement pour le programme EAC « Jeunes en librairie », par le CNL pour le financement des achats de livres auprès des librairies par les bibliothèques, par le CNL et les DRAC pour le soutien aux investissements de modernisation en direction des librairies.

Missions du CNL

« Le Centre national du livre est le 1er soutien du livre et de la lecture en France. Il a pour mission d'encourager la création et la diffusion d'ouvrages de qualité à travers de nombreux dispositifs d'aide aux acteurs de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques, organisateurs de manifestations littéraires) et de favoriser le développement de la lecture, auprès de tous les publics. »

« Le service du livre et de la lecture a pour mission :

· d'élaborer, coordonner et évaluer l'action du ministère de la culture et de la communication dans le domaine du livre et de la lecture ;

· de veiller à l'équilibre entre les différents acteurs qui interviennent dans le domaine du livre et de la librairie et au développement du secteur de l'édition ;

· de suivre les questions économiques, juridiques et sociales intéressant la création, l'édition, la diffusion, la distribution et la promotion du livre ;

· de mettre en oeuvre la tutelle sur les opérateurs relevant de son domaine de compétences ;

· de favoriser le développement de la lecture et de procéder à l'évaluation des politiques dans le domaine de la lecture publique. Il contribue à la modernisation des bibliothèques et des médiathèques, et notamment au renforcement des réseaux et services de coopération. Il veille à la conservation, à l'enrichissement et à la valorisation de leur patrimoine ;

· d'exercer le contrôle technique de l'État sur les bibliothèques et des médiathèques des collectivités territoriales ;

· de réaliser des enquêtes concernant le livre et la lecture. »

Source : Commission d'enquête à partir des sites internet du CNL et du ministère

Malgré les efforts déployés la politique de soutien à la lecture mérite une attention renouvelée alors que la part des Français se déclarant spontanément lecteurs diminue sur toutes les catégories et que la part de lecture quotidienne atteint son niveau le plus bas depuis 10 ans.301(*)

Depuis la suppression en 2019 des taxes affectées qui alimentaient son budget, le CNL est financé par une subvention du ministère de la Culture. Cette évolution renforce sa proximité fonctionnelle avec les services centraux du ministère. Dans ce contexte, une intégration du CNL (65 ETPT) à la DGMIC apparaît pertinente et renouerait avec l'efficacité d'une gouvernance unique de la politique du livre qui avait été mise en place en 1976 lorsque le directeur du livre du ministère était également président du CNL. La DGMIC reprendrait ainsi ses missions afin d'assurer une meilleure cohérence des actions menées en faveur du livre et de la lecture (par une unification des dispositifs d'aide), et de renforcer la gouvernance de la politique publique en faveur de l'ensemble de la filière du livre.

· Le CNM : envisager une fusion avec l'ASTP pour unifier le soutien au spectacle vivant

Un rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), publié en juillet 2024, a mis en évidence les limites du modèle actuel de l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) : « L'Association est cependant, malgré les utiles réformes d'ouverture en cours, gouvernée par un trop petit nombre d'acteurs et insuffisamment ouverte aux professionnels du secteur. Son système d'aide, ancien et complexe, soulève des questions d'équité et de transparence. La mission propose une évolution de la gouvernance de l'Association et une modernisation de ses statuts, ainsi qu'une réforme des aides qu'elle administre en vue notamment de les adapter aux enjeux de la politique publique du ministère de la Culture. » 302(*)

Cet opérateur de statut associatif, financé pour moitié par une taxe affectée prélevée sur les recettes de billetterie des spectacles dramatiques, lyriques et chorégraphiques, partage de nombreux points communs avec le Centre national de la musique (CNM).

Les deux structures sont financées par une taxe sur la billetterie des spectacles qui repose sur une assise législative unique et désormais codifiée. Elles mènent des activités largement similaires de collecte de la taxe, de gestion d'un dispositif de soutien à un secteur culturel du spectacle vivant, d'observation des pratiques et des besoins.

Pendant la crise sanitaire, les deux structures ont soutenu le spectacle vivant. Ainsi, un communiqué de presse du 11 février 2022 portant sur le soutien économique de l'État à la filière indique que « les dispositifs de soutien sectoriels portés par le CNM et l'ASTP seront réactivés, pour tenir compte à la fois des annulations de spectacles liées à ce nouvel épisode de l'épidémie et des mesures de restriction sanitaire (limitation de jauge jusqu'au 2 février, interdiction des concerts en configuration debout jusqu'au 16 février). Le CNM mobilisera à ce titre le Fonds d'urgence du spectacle vivant ; l'ASTP réactivera également son Fonds d'urgence ainsi que le Fonds de compensation annulation ».

Une fusion de l'ASTP et du CNM permettrait de rationaliser les dispositifs de soutien, de simplifier leur gouvernance, et de mutualiser les fonctions support (collecte, instruction, suivi). Elle participerait également à une meilleure allocation des ressources publiques dans le secteur du spectacle vivant, tout en garantissant une équité renforcée entre les filières musicales et théâtrales, du fait d'une simplification de la gouvernance des dispositifs d'aides à la création musicale et au théâtre privé, financés tous deux par des taxes affectées.

* * *

Comme ces trois exemples le montrent, il n'existe pas une réponse unique et automatique au devenir des centres nationaux. Dans un contexte de rationalisation de l'action publique et de recherche d'une meilleure efficacité des politiques culturelles, des réorganisations ciblées pourraient être envisagées pour mettre fin aux doublons susceptibles d'affaiblir la portée des politiques de l'État dans les domaines où agissent ces opérateurs et d'autres structures ou institutions.

3. Les agences de financement peuvent voir leur activité reprise par une structure à spectre plus large sans nuire à la qualité de la politique publique

La commission d'enquête a déjà largement présenté les inconvénients que présentent certaines structures dont la taille, très limitée, est manifestement inadaptée aux enjeux financiers qu'ils représentent.

a) L'Agence de financement des infrastructures de transport de France

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est dépourvue de toute autonomie et s'appuie intégralement sur les effectifs de l'administration centrale. Son existence n'est justifiée que par la volonté d'apporter une visibilité pluriannuelle sur les financements destinés aux infrastructures.

Or ce surcroît de visibilité apparaît largement illusoire. Tant qu'un marché public n'est pas signé, le principe d'annualité budgétaire permet de réduire les crédits, quelle que soit la forme juridique de l'opérateur ; et, une fois le marché signé, l'engagement de l'État - matérialisé budgétairement par la consommation d'autorisations d'engagements - est effectif et, là encore, indépendant de l'existence ou non d'un établissement public qui constitue une entité à côté de l'État, mais indépendante de lui.

Une réinternalisation de l'AFITF donnerait une meilleure visibilité au Parlement sur l'emploi des fonds, qui sont d'un montant considérable, et ne présenterait aucune difficulté administrative, puisque l'agence n'a pas d'administration propre.

Recommandation : réinternaliser l'AFITF.

b) France compétences

De même, France compétences est une structure très réduite (91 ETP) qui gère des crédits d'intervention de 15 milliards d'euros. La quasi-totalité de cette activité, sur le plan financier, consiste en la répartition de taxes entre organismes chargés de la formation professionnelle.

Le financement de la formation professionnelle est assuré de manière partagée entre France compétences, qui joue un rôle de répartition des fonds mutualisés et de régulation du système, et la Caisse des dépôts et consignations, opérateur et financeur central du Compte personnel de formation (CPF).

Comme indiqué supra, la fragilité de l'établissement a été reconnue par le directeur de l'opérateur lui-même, Stéphane Lardy, devant la commission d'enquête. Cette faiblesse de France compétences n'est pas nouvelle. Dans un rapport303(*) de 2020, l'IGAS et l'IGF relevaient que « la nature des missions confiées à France compétences nécessite de repositionner le personnel en veillant à l'adaptation de ses ressources humaines. Bien que France compétences bénéficie de l'expérience et des compétences des agents des entités fusionnées, la nature des missions qui lui sont confiées et les enjeux financiers associés posent la question de l'adéquation des compétences de son personnel et de son plafond d'emploi. En effet, les questions de mise en place d'une comptabilité privée, d'un contrôle de gestion et l'appropriation du métier de la régulation supposent des compétences spécifiques non nécessairement présentes dans l'ensemble des entités préexistantes. » En cinq ans, la situation semble s'est améliorée partiellement, alors même que le plafond d'emplois de l'opérateur a été augmenté de plus de 20%.

Par ailleurs, comme l'a souligné Ghislaine Senée, membre de la commission d'enquête et rapporteure spéciale de la mission « Travail et Emploi », France compétences est régulièrement en déficit, par suite des décisions de l'État car ses ressources sont en déséquilibre structurel avec ses charges304(*). L'opérateur doit donc activer au dernier moment des lignes de trésorerie, qui engendrent des frais, voire des pénalités.

Au regard de son assise financière plus large et du large panel de compétences dont elle dispose, centraliser l'ensemble des flux financier au niveau de Caisse des dépôts apparait pertinent. Les deux organismes entretiennent des liens étroits, comme l'a souligné Stéphane Lardy lors de son audition : comité de trésorerie bimensuel afin de faire le point sur les besoins inhérents à la gestion du CPF, participation de France compétences aux commissions visant le déréférencement des organismes de formation frauduleux, animation conjointe des ateliers de sensibilisation sur les responsabilités des organismes certificateurs.

Une gestion en compte de tiers permettrait à la Caisse des dépôts de ne pas subir les conséquences des déficits de l'activité, même s'il serait souhaitable que celle-ci soit réformée afin d'être équilibrée.

France compétences serait recentrée autour de sa mission première de régulation, de certification et de contrôle. Cette clarification améliorerait l'efficience financière du système, tout en assurant une séparation nette entre opérateurs techniques et autorités de régulation.

Recommandation : transférer les activités de financement de France compétences à la Caisse des dépôts, en lien avec le ministère.

c) Les structures limitées au versement d'aides simples sont supprimées, leurs missions sont reprises par l'ASP

Il convient de constater les conséquences du principe d'instruction et d'attribution des aides par l'ASP. L'ANAH, agence de versement des aides MaPrimeRenov', doit voir une grande partie de son personnel transféré à l'ASP (tous les agents concernés par le contrôle, le versement et la liquidation). Les agents ayant un profil expert pourraient venir renforcer les services déconcentrés de l'État dans les directions départementales des territoires (DDT) ou ceux de l'administration centrale (DHUP).

Recommandation : Transférer les effectifs de l'ANAH vers l'ASP pour l'attribution des aides et vers les services de l'État pour les autres activités.

Par ailleurs, comme indiqué supra, l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom) a des attributions trop limitées pour justifier l'existence d'un établissement public distinct.

Ses missions pourraient être exercées par l'ASP, opérateur par principe du versement d'aide aux particuliers et aux agriculteurs (voir supra), et à FranceAgriMer pour l'organisation d'une concertation locale.

Recommandation : Transférer les missions de l'Odeadom à l'ASP et à FranceAgriMer, et mettre en conséquence fin à l'existence de cet opérateur.

4. Réinternaliser les missions de l'Agence Bio

Comme indiqué supra, la formule du GIP n'a pas permis de faire de l'Agence Bio une structure réellement co-financée par plusieurs partenaires, ni d'aboutir à la création d'une interprofession.

En outre, cette agence ne gère qu'une petite partie du financement public à l'agriculture bio, qui bénéficie de près de 700 millions d'euros de crédits nationaux et européens en 2025. En conséquence, l'existence de cette agence ne se justifie pas et ses missions pourraient aisément être assumées par le ministère chargé de l'agriculture. La commission d'enquête propose donc de supprimer l'Agence Bio en tant qu'entité distincte de l'État et de ramener ses activités dans le ministère.

Recommandation : Supprimer l'Agence Bio et réinternaliser ses missions.

5. Savoir prendre acte de la fin de l'exercice d'une agence de mission

Comme indiqué supra, une revue des missions devrait être conduite tous les cinq ans afin de déterminer si une agence possède toujours un objet et si cet objet nécessité le maintien de cette agence sous la forme actuelle, afin d'éviter la perpétuation de structures administratives qui, par nature, continuent à justifier leur activité.

La lecture du rapport remis en février 2025 à ce sujet, commandé, comme indiqué supra, à trois personnalités dont la directrice générale de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), convainc le rapporteur que la prolongation de cette agence au-delà du PNRU 2 ou nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), qui lui a été confié en 2014, ne relève pas d'une utilité évidente.

Le rapport fait un diagnostic pertinent sur la nécessité d' « une approche par le projet urbain face aux situations de territoires en déprise (villes moyennes, tissu pavillonnaire du périurbain, friches industrielles & zones commerciales désaffectées) ou de territoires confrontés aux conséquences du changement climatique, potentiellement inhabitables demain (inondation, recul du trait de côte, ...) », mais il est difficile de voir en quoi l'ANRU disposerait d'une plus-value par rapport à d'autres établissements en état de conduire l'action publique, telles que les établissements publics fonciers ou le Conservatoire du littoral.

Or la priorité est sans doute moins l'extension de la politique de renouvellement urbain à tous les territoires, suggérée par ce rapport, que le traitement social de ces quartiers qui, malgré la rénovation urbaine, continuent à connaître un très fort écart de revenu et d'emploi avec les quartiers environnants305(*).

Recommandation : Ne pas renouveler l'ANRU au terme de la réalisation du NPNRU et transférer progressivement la gestion de l'achèvement des programmes aux services des préfectures.

6. Réintégrer l'Agence nationale du sport au ministère et à l'INSEP

Le principe d'une nouvelle agence du sport s'est appuyé sur un rapport paru en 2018, intitulé Nouvelle gouvernance du sport306(*), produit par la directrice des sports de l'époque.

Or le travail préparatoire d'évaluation de l'univers institutionnel préexistant ainsi que le travail d'introspection sur la politique publique du sport n'ont pas été effectués à l'époque. Ainsi, la création d'une nouvelle agence du sport, sans regard sur les établissements existants, et notamment l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), a reposé sur une vague approximation des reculs supposés de la performance de haut niveau de l'équipe de France sur les épreuves olympiques.

En outre, la décision de créer cette structure a négligé les alertes et recommandations formulées la Cour des comptes et le Conseil d'État :

- en 2013 déjà, la Cour des comptes, dans un rapport intitulé Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'État, préconisait de « donner à l'INSEP une plus grande capacité d'action », en envisageant de le consacrer comme « tête de réseau opérationnelle » de la politique du sport. Cette approche a été écartée, sans justification claire ;

- en 2019, dans l'avis qu'il a rendu au Gouvernement sur le projet de décret portant création du groupement d'intérêt public (GIP) instituant l'ANS, le Conseil d'État soulignait que « pour atteindre l'objectif qu'il recherche, le Gouvernement aurait pu - de façon expédiente et appropriée - ériger le CNDS en agence conservant le statut d'établissement public national ».

À l'occasion de la parution en septembre 2022 d'un rapport intitulé L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport - Des défis qui restent à relever, la Cour des comptes évoquait « les ambiguïtés et contradictions de la réforme engagée » et regrettait que « la création de l'Agence n'a entrainé à ce stade ni mutualisation des moyens ni coordination des politiques publiques en faveur du sport et l'articulation entre le secteur public et le secteur privé est resté au niveau de l'intention ».

En outre, la commission d'enquête a pu constater, notamment lors de ses déplacements, les difficultés que causent les multiples sources de financement des équipements sportifs, chacune ayant ses propres procédures et calendriers.

La commission d'enquête considère que la création de l'ANS répond d'un pur mécanisme réflexif, en l'absence de vision stratégique. Elle a répondu au triptyque qui résume bien souvent la création d'une agence : un problème, une solution, une création.

Recommandation : Supprimer l'Agence nationale du sport en maintenant ses actions dans le ministère et l'INSEP. Transférer les crédits gérés par l'ANS vers les dotations attribuées aux collectivités territoriales.

7. Réunir les CROUS et le CNOUS en un établissement unique

Les 26 centres régionaux des oeuvres universitaires et sociales (CROUS) paraissent, plus que d'autres organismes, prêts à être fusionnés en un organisme unique, à savoir le Centre national des oeuvres universitaires et sociales (CNOUS).

Ces établissements ont déjà un portail commun et un projet de système d'information de gestion des ressources humaines (SI-RIH) commun. Le CNOUS répartit les dotations de l'État (SCSP, bourses, aides diverses) entre les CROUS, anime leur activité et contrôle leur gestion. Il effectue un véritable suivi des opérations exécutées par les organismes du réseau.

La fusion permettra de supprimer 26 conseils d'administration (à titre d'exemple, le CROUS de Créteil a 51 membres). Ces conseils d'administration seraient remplacés par des comités de gestion locaux, sur le modèle des parcs marins, permettant aux acteurs locaux de participer à la définition et au financement (par exemple via des fonds de concours) de projets locaux conduits en partenariats avec l'établissement.

Le versement des aides sera assuré par l'ASP (aides individuelles). Elles seront accessibles depuis le guichet numérique unique ou les maisons France services (expérimentation lancée dans six départements en avril 2023).

Au total, une fusion des CROUS pourrait constituer un modèle pour des fusions ultérieures : une telle fusion doit en effet être précédée d'une phase progressive de rapprochement entre les organismes pour ce qui concerne les fonctions support et le statut des personnels, plutôt que dans l'urgence en annonçant des plans de réduction « d'un tiers » ou « de la moitié » des opérateurs.

Recommandation : Intégrer les 26 établissements CROUS régionaux au CNOUS, en maintenant un comité de gestion pour permettre la participation des acteurs locaux.

8. Supprimer la société Pass Culture, pour une meilleure lisibilité des aides aux pratiques culturelles

La commission d'enquête considère que la société Pass Culture constitue un exemple de structure non nécessaire et qu'il convient de la supprimer, plutôt que de la transformer en opérateur.

Expérimenté depuis juin 2019 puis généralisé et élargi en 2021, le pass Culture consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les offres culturelles et artistiques accessibles à proximité pour les jeunes âgés de 15 à 18 ans. Ces jeunes disposent d'une somme comprise entre 20 et 300 euros, variant en fonction de l'âge, afin de pouvoir répondre à ces offres.

La société Pass Culture constitue un exemple typique d'opérateur dont les crédits limitent les marges de manoeuvre du gestionnaire de programme, puisqu'il représente 25 % des crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Cette société est le deuxième opérateur du ministère de la Culture, derrière la Bibliothèque nationale de France.

Le pass Culture comporte désormais deux parts :

- une part individuelle applicable à chaque jeune de 15 à 17 ans, financée par le ministère de la Culture ;

- une part dite collective, destinée exclusivement à financer des activités rattachées à l'éducation artistique et culturelle effectuées en groupes et encadrées par des professeurs. Cette part s'applique aux élèves de la sixième à la terminale scolarisés dans un collège ou lycée public ou privé sous contrat, ainsi qu'à tout élève inscrit en certificat d'aptitude professionnelle sous statut scolaire. Cette part est financée au prorata de leurs effectifs concernés par les ministères en charge de l'éducation nationale, de la mer, des armées et de l'agriculture.

Dans leur rapport de contrôle sur le pass Culture en juillet 2023, Vincent Éblé et Didier Rambaud, rapports spéciaux, considéraient que ce dispositif « prend le risque de confirmer les habitudes culturelles et s'avérer être un effet d'aubaine pour ceux qui ont déjà une pratique culturelle ». Toutefois, « le volet collectif semble plus enclin à atteindre l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass que le volet individuel ».

Le pass Culture profite à 56 % au livre, 19 % au cinéma et 25 % aux autres formes culturelles.

La société Pass Culture est une société par actions simplifiée (SAS) créée en 2019. Son capital social est de 1 million d'euros, détenu à 70 % par l'État et à 30 % par la Caisse des dépôts et consignations.

Les frais de fonctionnement de la société sont estimés à 29,2 millions d'euros en 2023307(*), soit 11,2 % des dotations versées à la structure.

Au total, la commission d'enquête considère que la part collective devrait être gérée par le ministère de l'éducation nationale, en cohérence avec les autres actions menées dans les lycées. Quant à la part privée, sa capacité à développer la pratique culturelle n'étant pas acquise, il est proposé de la supprimer.

En conséquence, la société Pass Culture n'aurait plus d'objet et serait supprimée.

Recommandation : Supprimer la société Pass Culture, la part collective du pass Culture étant gérée par le ministère de l'éducation nationale.


* 280 Ademe, Guide des relations médias responsables, 18 avril 2025.

* 281 L'Ademe, l'AFD, l'Agence bio, l'ANR, l'ONF ont ainsi pour sites respectifs : ademe.fr ; afd.fr ; agencebio.fr ; anr.fr ; onf.fr ; en revanche, les sites de l'ANAH, l'ANCT, ou encore de l'OFB relèvent bien du domaine gouvernemental : anah.gouv.fr, anct.gouv.fr, ofb.gouv.fr.

* 282 D'après les éléments transmis par la DGE au rapporteur.

* 283 Audition devant la commission d'enquête, jeudi 10 avril 2025.

* 284 Cour des comptes, janvier 2021, Les relations entre l'État et ses opérateurs.

* 285 Les ARS ont été fusionnées par l'effet de la constitution des nouvelles régions.

* 286 La Cour des comptes a elle-même reconstitué l'évolution à périmètre constant, la direction du budget ne fournissant que l'évolution à titre courant.

* 287 Voir, à titre d'illustration, l'arrêté du 13 mars 2020 désignant une opération de restructuration de service ouvrant droit au versement de la prime de restructuration de service, de l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint et de l'indemnité de départ volontaire au sein de l'Office français de la biodiversité. L'attribution de la prime de restructuration est cependant soumise au contrôle du juge administratif, qui exige que l'opération de restructuration affectant l'agent modifie effectivement les conditions d'exercice de ses fonctions. À cet égard, un simple changement de résidence administrative ne suffit pas à constituer un préjudice d'éloignement ouvrant droit au versement de la prime : https://acteurspublics.fr/articles/carrieres-mardi-pour-toucher-la-prime-de-restructuration-les-fonctionnaires-doivent-justifier-dune-reelle-reorganisation-fonction-publique-pas-de-prime-de-restructuration-sans-reelle-reorganisat/

* 288 Loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l''organisation du service public de l'emploi.

* 289 Cour des comptes, La gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création, juillet 2020.

* 290 Audition du 10 avril 2025.

* 291 Cour des comptes, La DGFiP, dix ans après la fusion, juin 2018.

* 292 Des motifs d'économies ou de mutualisation peuvent cependant justifier des formes intermédiaires de rapprochements, à l'image de la réunion de fonctions supports (voir infra).

* 293 La Cour des comptes note ainsi que, pour les appels d'offres de formation lancés par la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, « pour de nombreux lots, une vive concurrence a été constatée, notamment entre les GRETA et l'AFPA » ( La formation des demandeurs d'emploi, communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, mai 2018).

* 294 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission Travail et Emploi, Cour des Comptes, avril 2025

* 295 Groupement d'intérêt public relatif à la formation continue et à l'insertion professionnelle (GIP FCIP) et Groupement d'établissements (GRETA) : l'organisation de la formation continue des adultes au sein de l'Éducation nationale, Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, octobre 2024.

* 296 Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), La mise en oeuvre de la réforme des GRETA depuis trois ans, rapport n° 2016-063, septembre 2016.

* 297 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

* 298 Cour des comptes, troisième chambre, troisième section, Centre national du cinéma et de l'image animée, exercices 2011 à 2022, rapport n° S2023-0722, mai 2023.

* 299 Cour des comptes, troisième chambre, troisième section, La Cinémathèque française, exercices 2016 et suivants, rapport n° S2024-1569, novembre 2024.

* 300 Cour des comptes, troisième chambre, troisième section, École nationale supérieure des métiers de la musique et du son, exercices 2016 et suivants, rapport n° S2024-0023, novembre 2023.

* 301 Baromètre 2025 « Les Français et la lecture », sixième édition du baromètre bisannuel, étude réalisée par l'IPSOS pour le CNL, avril 2025

* 302 Le système d'aide de l'Association pour le soutien du théâtre privé, IGAC, janvier 2024

* 303 Conséquences financières de la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle, avril 2020, IGAS et IGF

* 304 Emmanuel Capus et Ghislaine Senée, rapporteurs spéciaux, rapport sur les crédits de la mission « Travail et emploi », annexé au rapport général n° 144 (2024-2025), présenté au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2024.

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