B. LES AIDES TRANSITANT PAR DES ORGANISMES PRIVÉS FINANCÉS PAR DES FONDS PUBLICS

1. L'IFCIC et l'ADELC, des outils méconnus du grand public contribuant à garantir à la filière du livre un accès au financement bancaire
a) Le fonds de soutien à la transmission et la reprise des commerces de librairie

L'association pour le développement de la création de librairie de création (ADELC) est une association créée par des éditeurs ayant vocation à soutenir les librairies indépendantes. L'ADELC bénéficie notamment de financements publics par le biais d'une subvention versée par le CNL.

Montants accordés par le CNL à l'ADELC

(en milliers d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

228

216

200

190

190

80

80

80

80

80

Source : CNL

L'ADELC gère depuis 2008 le fonds de soutien à la transmission et la reprise des commerces de librairie. Ce fonds permet à l'association d'intervenir essentiellement sous forme d'apport en compte courant d'associé remboursable. L'ADELC prend une participation au capital de librairies d'environ 5 %, remboursables habituellement sur 6 ans après 2 ans de franchise.

L'ADLEC contribue aux projets ayant trait à la transmission et la création de librairies, au développement et la rénovation de la surface de vente, aux déménagements, et enfin à la restructuration de fonds propres (capitaux) ou de fonds de roulement (trésorerie).

De façon extrêmement marginale, l'ADELC peut également distribuer des subventions. Elle accompagne aussi les librairies aidées sur les questions liées à leur gestion et à l'exercice de leur métier. Il ressort des auditions du rapporteur spécial que les aides de l'ADELC sont considérées comme un soutien déterminant à la transmission de librairies, l'ADELC étant bien identifiée par les libraires.

b) L'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles

L'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) est une société anonyme détenue à 50,5 % par des établissements bancaires et à 49,5 % par l'État (30 % de l'IFCIC étant détenu par Bpifrance).

La mission de l'IFCIC est de permettre l'accès au crédit des entreprises de l'ensemble des secteurs culturels et créatifs relevant du champ du ministère de la culture, dans des secteurs qui ont des difficultés structurellement plus importantes d'accès au secteur bancaire. L'IFCIC intervient sous forme de garantie de crédit auprès des banques ou de prêts à moyen ou long terme.

En dehors du cinéma, qui représente le gros de l'activité de l'IFCIC, le livre est le 2e secteur accompagné par l'IFCIC après le spectacle vivant. La filière du livre représente 19 % des prêts garantis et octroyés au 31 décembre 2024, soit de près de 200 bénéficiaires à date.

L'IFCIC intervient exclusivement sur les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises de la filière du livre. Les montants des prêts sont moins élevés que dans les autres secteurs (le montant d'encours moyen des prêts garantis et octroyés sur le secteur du livre s'élève à 64 000 euros en 2024, contre 202 000 euros en moyenne pour l'ensemble des secteurs culturels). En conséquence, le livre ne représente par contre que 6 % des montants de prêts et garantie (11,0 millions d'euros). L'IFCIC indique qu'un prêt en librairie a une maturité d'environ trois à quatre ans, contre 10 à 15 ans pour un prêt dans d'autres industries culturelles.

Sur la période 2014-2024, pour la seule filière du livre, l'IFCIC a garanti et octroyé un total de 39,3 millions d'euros en faveur de 411 bénéficiaires, soit une moyenne de près de 4,0 millions d'euros par an. L'octroi de garanties représente deux-tiers des montants, l'activité de prêt étant plus tardive (ouverture à l'ensemble de la filière livre en 2017 seulement).

Le volume des prêts est donc historiquement inférieur à celui des garanties, à l'exception de la crise sanitaire.

Évolution du volume de prêts garantis et octroyés par l'IFCIC au secteur du livre

(en milliers d'euros)

Source : IFCIC

S'agissant de la répartition entre la librairie et l'édition, la librairie représente la majorité des entreprises accompagnées par l'IFCIC (65 % des montants, soit 25,4 millions d'euros). Il faut cependant reconnaître que cela ne représente qu'un petit nombre d'entreprises (311 librairies en dix ans). Plusieurs raisons expliquent ce constat. D'une part, l'IFCIC demeure moins identifié par les libraires que l'ADELC. D'autre part, l'action de l'IFCIC et celle de l'ADELC étant complémentaires, l'IFCIC a vocation à intervenir sur les plus gros projets.

Depuis 2017, l'IFCIC a octroyé et garanti près de 10,0 millions d'euros de prêts en faveur de 91 maisons d'édition. Ces prêts ont principalement soutenu des renforcements de fonds de roulement Le nombre restreint de maisons d'édition soutenues s'explique par une ouverture de l'activité de prêt plus tardive que pour les librairies et par la concentration du secteur de l'édition. Les opérateurs de l'édition ont en règle générale moins besoin d'intermédiation pour accéder à des financements bancaires classiques.

Évolution du volume de prêts octroyés et prêts garantis

(en milliers d'euros)

Librairies Édition

Source : IFCIC

Les prêts représentent en outre une plus grande part des accompagnements de l'IFCIC pour les librairies.

Répartition entre prêts octroyés et prêts garantis sur la période 2014-2024

(en %)

Librairies Édition

Source : IFCIC

L'IFCIC agit en complémentarité avec le CNL, dont l'avis est sollicité sur les demandes en garantie et d'intervention en prêt. La sinistralité pour la filière du livre est très faible : le montant de pertes cumulées sur la période 2014-2024 s'élève à seulement 500 000 euros, ce qui représente un taux de défaillance inférieur à 2 % du volume de prêts garantis et octroyés. L'IFCIC souligne en outre que près de la moitié des défaillances sont intervenues entre 2019 et 2020.

Il faut souligner que l'IFCIC est avant tout un organisme bancaire, avec une lecture prudentielle des dossiers, qui n'a pas une connaissance aussi fine du secteur que le CNL et l'ADELC. Toutefois, dans la mesure où, comme indiqué plus haut, l'activité de prêt du CNL n'apparaît pas pleinement justifiée, l'IFCIC pourrait être amenée à prendre le relais. Cela suppose d'accroître la connaissance du secteur sur les possibilités ouvertes par l'IFCIC, alors qu'il ressort des auditions que l'IFCIC n'est pas toujours bien identifié par la filière, en particulier par les éditeurs.

L'accompagnement du secteur du livre par l'IFCIC devrait en outre se renforcer mécaniquement au cours des prochains mois, dans la mesure où les tensions actuelles sur la trésorerie des librairies accroissent leurs besoins de financement. L'IFCIC a déjà indiqué au rapporteur spécial participer à des travaux avec le syndicat national de la librairie « afin d'évoquer les pistes de mesures structurelles pouvant être mises en oeuvre par ces librairies pour regagner des points de marges nécessaires au correct remboursement » des dettes des librairies, afin de limiter les cas de défaillances.

2. Le soutien aux professionnels du secteur du livre, une répartition confuse entre le CNL et le ministère

Parmi les aides aux structures, le CNL et le ministère versent un certain nombre de subventions à des structures et associations représentatives du secteur, qui peuvent à leur tour redistribuer une part de ces financements sous forme d'aides.

Certaines de ces associations assurent pour le compte du ministère ou du CNL des missions d'intérêt général. Ainsi, la société des gens de lettres (SGDL) assure par convention avec le CNL diverses actions d'accompagnement social et juridique des auteurs.

La société des gens de lettres

La Société des Gens de Lettres est une association loi 1901, reconnue d'utilité publique depuis 1892.

Son budget annuel s'élève à 1,6 million d'euros, dont 10 % de subvention du CNL. Ces financements sont accordés au titre des missions d'intérêt général de la SGDL : défense du droit d'auteur ; conseil juridique et assistance sociale aux auteurs en difficulté ; organisation de formations professionnelles à destination des auteurs. Sur la subvention du CNL, 25.000 euros sont chaque année affectés au budget de la commission d'aide sociale aux auteurs en difficulté.

La SGDL a également géré le dispositif d'urgence aux auteurs en difficulté pendant la crise sanitaire. Le CNL justifiait cette délégation par la connaissance des auteurs de la SGDL. Il peut toutefois être interrogé.

La SGDL occupe également un bâtiment public, l'Hôtel de Massa, mis à la disposition de la société dans le cadre d'un bail emphytéotique depuis 1927. La SGDL tire environ 150 000 euros par an de ressources de l'occupation du bâtiment, affectée à son entretien et à sa rénovation. Un compte rendu annuel de gestion est produit et adressé à la DRFIP et à la DRAC Ile-de-France, qui justifie de l'ensemble des dépenses engagées au titre de l'entretien du bâtiment et des recettes tirées de son exploitation. Si les recettes dépassent les dépenses, le solde est reversé chaque année à la DGFIP.

Le bail emphytéotique arrivant à échéance en 2026, la SGDL a sollicité la reconduction anticipée de son titre d'occupation afin de disposer d'une visibilité avant d'engager ces travaux. L'État a donc proposé à la SGDL une convention de gestion d'une durée de 50 ans.

Source : commission des finances d'après la SGDL

Ces financements sont loin d'être négligeables rapportés aux ressources globales des structures subventionnées. Ainsi, la subvention de l'État au syndicat de la librairie française représente un quart de ses ressources.

Montants versés par l'État aux principales associations représentatives
du secteur en 2023-2024

(en euros)

Acteurs

Association

Montant

Auteurs

Société des gens de lettres

160 000

Ligue des auteurs professionnels

20 000

Éditeurs

Syndicat national de l'édition

150 000

Librairies

Syndicat de la librairie française

215 000

Source : commission des finances

La Cour des comptes soulignait dans son rapport de 2022 que la distinction entre les structures soutenues par le CNL et celles soutenues par le ministère n'était pas très claire. La Cour des comptes recommandait en 2022 de transférer au CNL le financement des associations professionnelles d'auteurs, qui, à l'exception de la SGDL, était assurée par le ministère. En effet, au-delà des auteurs, le ministère continue à financer :

- la Centrale de l'édition, groupement d'intérêt économique chargé à la fois de favoriser l'exportation à l'étranger des livres en langue française ;

- le Syndicat de la librairie française ;

- le Bureau international de l'édition française (BIEF) qui est chargé de faciliter et d'encourager les exportations et les échanges de droits pour l'édition française.

Le CNL finance les autres structures. Les raisons de cette distinction ne sont pas explicites, d'autant que le BIEF était financé par le CNL avant 2019.

Recommandation n° 8 : transférer au CNL le financement de l'ensemble des structures professionnelles subventionnées afin de rendre plus lisible la répartition des compétences entre tutelle et opérateur (ministère de la culture)

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