B. UNE NOUVELLE ORGANISATION PEU LISIBLE, À REBOURS DE L'OBJECTIF DE SIMPLIFICATION
Cette proposition a été immédiatement écartée par le ministère de l'intérieur, qui a maintenu le calendrier initial. La généralisation des DDPN a été mise en oeuvre à marche forcée pour aboutir au 1er janvier 2024 et au prix d'une grande confusion.
Alors que l'ancien directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, estimait que la nouvelle organisation serait « plus simple, plus lisible et plus efficace »1(*), force est de constater que c'est plutôt l'inverse qui est advenu concernant la police judiciaire. Concrètement, la nouvelle organisation se décompose en cinq strates distinctes :
- un échelon central repositionné sur un rôle essentiellement stratégique : la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) est chargée de l'animation et de la coordination de l'ensemble de la filière ainsi que des investigations sur la criminalité dite du très haut du spectre ;
- un échelon zonal principalement dédié à la coordination : le service zonal de police judiciaire (SZPJ), dirigé par un directeur zonal adjoint (DZA-PJ) en charge de la police judiciaire assure, au niveau de la zone, des fonctions de coordination et d'arbitrage. Il exerce une autorité fonctionnelle sur l'ensemble des services de police judiciaire de la zone ;
- un échelon départemental et interdépartemental dédié à l'opérationnel : les services départementaux et interdépartementaux de la police judiciaire (SIPJ et SDPJ) rassemblent des unités d'investigation qui relevaient précédemment à la fois de la police judiciaire - via les divisions de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS) traitant des affaires dites de niveau 3 (pour les SIPJ) - et de la sécurité publique - via les divisions de la criminalité territoriale (DCT) ou de l'action judiciaire compétentes pour les affaires dites de niveau 2. Placé sous l'autorité hiérarchique du DDPN ou du DIPN et fonctionnelle du DZA-PJ, il exerce lui-même une autorité fonctionnelle sur tous les services locaux de police judiciaire (SLPJ) implantés dans le département. Dans 49 départements, la direction locale de la police nationale est dite « interdépartementale » (DIPN) : elle exerce une autorité sur un service interdépartemental de la police judiciaire (SIPJ), comportant systématiquement une DCOS ainsi que des services spécifiques dont le champ d'action dépasse le ressort du département (telles que les brigades de recherches et d'intervention) ;
- un échelon local d'investigation qui réplique cette autorité duale : les SLPJ sont hiérarchiquement rattachés au chef de circonscription de police nationale (CPN) dépendant lui-même du DDPN/DIPN, mais sous l'autorité fonctionnelle du chef du SDPJ/SIPJ.
Schéma simplifié de la nouvelle
architecture de la filière judiciaire
dans la police
nationale
Source : commission des lois
Les rapporteurs constatent que cette nouvelle organisation, particulièrement complexe voire à la limite de la lisibilité, a en pratique créé au moins autant de difficultés qu'elle en a résolues. La coexistence systématique de l'autorité fonctionnelle et hiérarchique s'est notamment révélée particulièrement perturbante pour des personnels de la police nationale qui ne connaissaient traditionnellement qu'une autorité hiérarchique.
* 1 Courrier à destination du ministre de l'intérieur du 28 août 2021.