G. ASSURER UN PILOTAGE PAR LA DONNÉE EFFICACE ET TRANSPARENT DE LA COMMANDE PUBLIQUE POUR ATTEINDRE SES OBJECTIFS ET AMÉLIORER SON PILOTAGE

1. Le recensement économique très partiel de la commande publique
a) À l'échelle nationale, l'Observatoire économique de la commande publique se transforme afin de proposer un panorama plus précis des achats publics et de leur performance

Dans un contexte où la commande publique est de plus en plus appelée à jouer un rôle de levier stratégique au service des politiques publiques, la mise à disposition de données exhaustives, centralisées et exploitables relatives aux achats publics apparaît comme un nouvel impératif pour améliorer son pilotage.

De fait, sans constituer une fin en soi, la mise au point d'une base de données statistiques de la commande publique constitue un outil désormais indispensable à des fins d'évaluation de ses effets, tant sur le volet économique qu'en matière de performance environnementale et sociale. Un tel instrument, pour le législateur, doit permettre de mesurer l'effet de ses politiques et guider ses décisions à venir, tandis qu'il offre des informations précieuses pour les acteurs économiques qui pourront mieux prendre en compte les opportunités que représentent ces marchés. Enfin, il offre, à tout citoyen, un droit de regard légitime et démocratique sur les dépenses publiques, et relève à ce titre du « service public de la donnée » dont l'État a la charge en vertu de la loi pour une République numérique764(*).

La mise à disposition des données de la commande publique doit, en outre, s'articuler avec le processus de dématérialisation des achats publics, qui impose, depuis le 1er octobre 2018, que tous les marchés publics dont le montant estimé est égal ou supérieur à 40 000 euros HT765(*) fassent l'objet d'une procédure dématérialisée. Depuis, les profils d'acheteur, plateformes de dématérialisation, permettent aux pouvoirs adjudicateurs de mettre les documents de la consultation à disposition des opérateurs économiques par voie électronique et de réceptionner par cette même voie les documents transmis par les candidats et les soumissionnaires766(*).

Les différents profils d'acheteur

Le profil d'acheteur est un site centralisant les outils nécessaires à la dématérialisation des procédures de passation et la mise à disposition des acheteurs et des opérateurs économiques. Il se compose d'une interface à disposition de l'acheteur lui permettant de rendre publics ses procédures de mise en concurrence ainsi que les documents de sa consultation, puis de récupérer les candidatures et les offres. Il offre également un espace dédié aux opérateurs économiques afin qu'ils puissent consulter les avis de publicité, télécharger les documents de la consultation et déposer leur candidature.

L'acheteur public, pour se conformer aux exigences de dématérialisation, peut se doter d'un profil d'acheteur qu'il développe lui-même, acquérir un profil d'acheteur auprès d'un prestataire ou mutualiser les moyens avec d'autres acheteurs afin d'acquérir un profil d'acheteur (plateforme mutualisée).

Les administrations centrales et déconcentrées de l'État ont en revanche l'obligation d'utiliser la plateforme des achats de l'État, Place. Créée par un arrêté du 11 octobre 2012767(*) et désormais régie par un arrêté du 20 mai 2020768(*), la plateforme est mise à la disposition à titre gratuit des services de l'État, des établissements publics de l'État, des autorités publiques indépendantes, des autorités administratives indépendantes, des groupements d'intérêt public, des groupements d'intérêt économique investis d'une mission de service public d'intérêt national, des organismes de sécurité sociale, de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), de la Caisse des dépôts et consignations et de certains opérateurs économiques.

En 2024, 2 400 services d'acheteurs publics utilisaient Place dont 650 services d'établissements publics de l'État, 415 services d'établissements publics de santé, 130 services d'organismes de sécurité sociale et 240 services acheteurs des organismes consulaires, de groupements d'intérêt public (GIP), d'autorités constitutionnelles, d'autorités administratives indépendantes (AAI) et d'autorités publiques indépendantes (API), ainsi que d'associations déclarées soumises à la commande publique. Cela représente 39 400 consultations par an concernant des marchés de plus de 40 000 euros HT.

Pour les autres acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales, une multitude de plateformes, privées ou mutualisées, sont disponibles afin de dématérialiser leurs procédures d'achats.

En raison de la diversité des plateformes de dématérialisation, l'annexe 7 du code de la commande publique769(*) prévoit à ce titre que les profils d'acheteurs respectent certaines exigences en matière d'interopérabilité.

Les données publiées sur data.gouv.fr recensent à ce jour plus de 700 profils d'acheteur hors sites internet institutionnels, les dix principaux regroupant 50 % des donneurs d'ordre publics.

Le processus de publicité des marchés peut également être complété par un support matériel. Beaucoup de collectivités s'appuient ainsi sur les éditeurs de la presse quotidienne régionale (PQR), qui proposent la publication d'annonces officielles et légales pour amplifier l'audience de leurs procédures de la commande publique. De fait, selon une étude Ifop de janvier 2023, 65 % des élus estiment que la PQR est l'acteur le plus légitime pour faire connaître les marchés publics770(*).

La centralisation et la publication des données de la commande publique sont confiées, depuis 2005, à un organisme rattaché à la direction des affaires juridiques du ministère de l'Économie, l'Observatoire économique de l'achat public (OEAP), auquel s'est substitué, en 2016, l'Observatoire économique de la commande publique (OECP). Ce dernier est chargé de suivre la mesure de l'impact économique de la commande publique, ainsi que de garantir la transparence des données relatives aux contrats de la commande publique.

Avant la réforme initiée en 2022, détaillée ci-après, l'OECP pilotait deux dispositifs visant à garantir une transparence des données relatives aux contrats de la commande publique : la publication des données essentielles en données ouvertes (open data) et la publication des données du recensement économique de la commande publique.

S'agissant premièrement du recensement, celui-ci s'appuyait sur l'obligation, pour tout acheteur dont le marché atteint le seuil de 90 000 euros HT, de renseigner les caractéristiques de cet achat auprès de l'OECP. Ces déclarations étaient effectuées selon trois canaux différents en fonction des acheteurs :

- les données de l'État étaient transmises à l'OECP sous forme de fichiers trimestriels élaborés par l'Agence de l'informatique financière de l'État (AIFE) ;

- les données des collectivités territoriales étaient transmises par la direction générale des finances publiques (DGFIP) ;

- les données des autres acheteurs publics étaient directement collectées par l'OECP via l'application de recensement économique des achats publics, dite « REAP ».

En complément, le dispositif de publication des données en données ouvertes771(*) (open data) reposait sur deux modalités de déclaration, les acheteurs pouvant, au choix, publier les données essentielles de leurs contrats notifiés et conclus sur leur profil d'acheteur pour une durée de cinq ans, ou déverser ces éléments directement dans le portail national des données ouvertes (data.gouv.fr). La transmission des données sur le portail national des données ouvertes peut s'effectuer par trois circuits d'alimentation :

- l'utilisation de l'interface applicative dite « API AIFE » à laquelle certains profils d'acheteur, dont la plateforme Place, sont connectés et qui transmet à data.gouv.fr ;

- l'utilisation du protocole d'échange standard de la DGFiP dit « PES Marchés » qui déverse les données qui proviennent des systèmes d'information des collectivités territoriales ;

- le dépôt d'un fichier structuré directement sur data.gouv.fr.

Le système de recueil et de publication des données de la commande établi en 2016 présentait néanmoins plusieurs lacunes, tenant premièrement au périmètre des données recueillies - le recensement ne concernant que les marchés supérieurs à 90 000 euros HT et excluant de son champ les concessions - mais également à son incroyable complexité, par la coexistence de plusieurs canaux de déclaration et des règles d'application disparates, suscitant inévitablement la confusion chez les acheteurs.

L'évolution rapide du cadre juridique de la commande publique, avec l'introduction de nouvelles exigences environnementales, ainsi que la lourdeur que suppose le renseignement de données multiples pour chaque marché, se sont ajouté à ces difficultés qui limitent l'obtention de données complètes sur l'impact économique de la commande publique.

Il convient néanmoins de souligner que, contrairement aux idées reçues et en dépit de la charge administrative forte que ces obligations supposent pour elles, les collectivités territoriales sont parmi les plus engagées dans la déclaration de leurs marchés. La hausse sensible du nombre annuel de marchés notifiés entre 2020 et 2023 (de 169 060 marchés en 2020 à 243 731 en 2023), est à attribuer à un fort engagement de leur part pour parvenir à des déclarations plus exhaustives - le nombre de marchés notifiés par les collectivités étant passés de 115 866 en 2020 à 194 993 en 2023 -, tandis que le nombre de marchés déclarés par l'État et le secteur hospitalier connait dans le même temps un recul qui interroge, le nombre de marchés notifiés en 2020, de 24 139, étant en recul constant depuis, pour atteindre 19 545 en 2023772(*).

Face à ces difficultés ainsi qu'à des fins de simplification et d'amélioration de la connaissance des achats publics, l'OECP a procédé à l'unification des procédures de déclaration, sur la base du décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique, entré en vigueur le 1er janvier 2024. Ce nouveau cadre prévoit :

- la publication des données essentielles de la commande publique sur le portail national des données ouvertes773(*) pour tout marché dont le montant est supérieur ou égal à 25 000 euros HT ;

- l'élargissement de l'obligation de publication des données essentielles aux contrats de concession ;

- un enrichissement qualitatif des données essentielles sur les marchés publics, qui passent de 23 à 45 données, avec l'objectif d'obtenir une précision plus importante des informations sur les considérations environnementales et sociales ou le caractère innovant de l'achat.

Néanmoins, pour les marchés dont le montant est égal ou supérieur à 25 000 euros HT et inférieur à 40 000 euros HT, l'acheteur peut choisir de ne pas publier les données essentielles sur le portail national des données ouvertes mais se contenter de publier, au cours du premier trimestre de chaque année, sur le support de son choix, la liste des marchés conclus l'année précédente. Cette liste mentionne l'objet, le montant HT et la date de conclusion du marché ainsi que le nom de l'attributaire et son code postal ou le pays de son principal établissement s'il n'est pas établi en France774(*).

Procédure de collecte des données pour la plateforme data.gouv.fr depuis 2024 

Source : Direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Si l'évolution du système de recueil des données de la commande publique permettra indéniablement d'obtenir un panorama plus représentatif des achats publics, ce dernier ne sera pas pour autant complet, étant rappelé, d'une part, que les marchés de moins de 25 000 euros HT demeurent encore exempts de toute obligation déclarative et, d'autre part, qu'un grand nombre de marchés soumis à de telles obligations ne sont pas renseignés via les circuits dédiés par manque d'informations, de temps ou d'implication des acheteurs publics, parfois peu sensibles à la nécessité de voir émerger une réelle « culture de la donnée ».

b) La stratégie européenne de la donnée se saisit finalement des enjeux d'achat public

Le recueil des données de la commande publique connaît des limites encore plus prononcées à l'échelle de l'Union européenne.

En mars 2023, la Commission européenne a annoncé la constitution d'un espace de données relatif aux marchés publics, conformément à sa stratégie européenne de la donnée, devant le constat que « seules les données provenant de 20 % de tous les appels d'offres lancés par les acheteurs publics sont disponibles à des fins d'analyse en un seul endroit, les données provenant des 80 % restants sont dispersées, sous différents formats, aux niveaux national et régional et il est difficile, voire impossible, de les réutiliser aux fins des politiques, de la transparence et de l'amélioration des dépenses »775(*).

L'espace de données relatif aux marchés publics prend la forme d'une plateforme digitale permettant d'accéder à l'ensemble des données relatives aux marchés publics disponibles à l'échelle européenne, proposant également des indications relatives à la qualité, la disponibilité et l'exhaustivité des données, grâce à « une coopération étroite entre la Commission et les États membres et à l'introduction de nouveaux formulaires électroniques »776(*), permettant une harmonisation des déclarations.

Parmi les effets attendus d'une telle réforme, la Commission souligne les possibilités décuplées en matière de mutualisation des achats, la lutte contre la collusion et la corruption- ainsi que le partage de connaissances et l'autonomisation de certaines tâches.

Au niveau national, ce nouvel objectif européen impose de poursuivre les efforts en matière de constitution du socle de données. La DAJ indique ainsi oeuvrer à la convergence de la base nationale de données de la commande publique avec la base européenne ainsi qu'au chaînage des données de passation (données de dépenses prévues) avec l'exécution (dépense effective) afin de disposer d'une vision enrichie des données de la commande publique avec la réalité de leur exécution financière. Pour ce faire, la DAJ envisage un travail conjoint avec les services de la DGFIP pour étudier la faisabilité d'un chainage des données de contractualisation avec les données de dépenses qui sont enregistrées dans les systèmes d'information des comptables publics.

Si la commission d'enquête salue cette initiative, force est de constater que cet outil laissera de côté plus de 80 % des marchés publics conclus en Europe, inférieurs aux seuils européens. Elle n'exonère donc aucunement les acteurs nationaux du besoin de poursuivre, à l'échelle nationale, la constitution d'une véritable base exhaustive de données de la commande publique.

c) Le pilotage par la donnée pour les collectivités : un défi récent

Enfin, à l'échelle locale également, la volonté de disposer d'un jeu de données complet s'agissant des achats des collectivités émerge, devant les perspectives de pilotage stratégique que permettraient de tels outils. Néanmoins et comme souligné par l'association France urbaine, « le pilotage par la donnée de la commande publique est un sujet récent sur lequel les collectivités manquent encore de maturité »777(*).

Les associations de collectivités souhaitent également jouer un rôle pour l'amélioration de la transparence des données de la commande publique. Départements de France a ainsi indiqué que de nombreux départements, à l'instar du Gard ou de la Gironde, ont établi, depuis plusieurs années, un ensemble de requêtes interfacées qui leur permettent de disposer de données clés en matière de commande publique. La formalisation de cartographie d'achats est également en cours dans plusieurs autres départements, afin de pouvoir les regrouper par famille d'achats, par fournisseur ou encore par localisation géographique. L'association travaille en interne à la constitution d'un « GIP de la donnée », destiné à recueillir et permettre aux départements d'en disposer778(*).

France urbaine a indiqué avoir monté un groupe de travail spécifique sur ce sujet, notamment afin d'étudier les potentialités de l'intelligence artificielle en la matière.

À l'échelle communale, les initiatives sont plus éparses, bien que la commission d'enquête ait identifié plusieurs acteurs très engagés dans cette démarche. À titre d'exemple, la métropole Nice Côte d'Azur s'est dotée depuis plusieurs années d'un logiciel métier, développé en interne, en capacité de fournir un suivi des indicateurs du Spaser (part des marchés contenant des clauses sociales ou environnementales, part des marchés intégrants des critères environnementaux, nombre de marchés réservés), en temps réel.

L'exemple de la région Bretagne, pionnière du pilotage par la donnée

Depuis plusieurs années, la région Bretagne, dans le cadre de ses schémas d'achat public responsable, a pris le parti de la digitalisation de la fonction achat et de l'élaboration d'une plateforme de données à des fins de performance et d'efficience de la commande publique.

En complément du profil d'acheteur Mégalis, la région a mis en ligne au printemps 2022 son observatoire des données de l'achat public, qui donne accès à sa programmation des achats sur une période de quatre ans, avec des moteurs de recherche dédiés en fonction des centres d'intérêt des opérateurs économiques, à l'ensemble des données relatives aux marchés passés et exécutés par la région en open source ainsi que, en temps réel, aux performances d'achat de la collectivité, conformément aux indicateurs cibles et engagements de publication qui figurent dans son Spaser.

Au-delà des obligations règlementaires, la région Bretagne a ainsi fait le choix de publier les données essentielles des marchés publics dès le premier euro dépensé, tout en intégrant des données qualitatives telles que le nombre de clauses sociales, la qualité des produits ou les délais de paiement. L'observatoire des données de l'achat public de la région Bretagne constitue ainsi un outil permettant de rendre compte aux citoyens de l'atteinte des objectifs fixés en matière d'achat public, notamment sur les volets environnementaux et sociaux, ainsi que sur les achats auprès de petites et moyennes entreprises et d'acteurs locaux.

Bien que ces initiatives soient extrêmement louables et marquent la prise de conscience, par certains acheteurs publics, des enjeux stratégiques liés à la commande publique, la commission d'enquête estime qu'il revient à l'État de poursuivre sa réforme du pilotage par la donnée afin de disposer, au niveau national, de données complètes et exploitables.

2. Une prise de conscience tardive qui doit céder la place à une mobilisation générale pour un pilotage efficient par la donnée

La commission d'enquête a ainsi identifié trois axes de travail afin de permettre à tous les acteurs de la commande publique de disposer d'une visibilité suffisante pour assurer un pilotage efficace de la commande publique par la donnée.

Premièrement, il conviendrait, pour garantir un pilotage par la donnée pleinement effectif, de systématiser les remontées statistiques dès le premier euro - tandis que le seuil de déclaration est aujourd'hui à 25 000 euros HT. Ce pas supplémentaire en matière de transparence est une garantie indispensable de la fiabilité et de l'exhaustivité des données présentées par le système. Une telle mesure apparaît également comme un gage de vérité à l'heure où, comme cela a été mis en lumière pas les travaux de la commission d'enquête, l'évolution rapide du cadre juridique se fait souvent au détriment de la prise en compte de son effet sur les plus petits acheteurs, les décideurs publics n'ayant accès qu'à un suivi de la mise en oeuvre de ces mesures nouvelles sur les plus gros marchés.

Recommandation n° 61. - Organiser le recensement des données de la commande publique dès le premier euro dépensé, tout en modulant les obligations de remontée des données en fonction du montant du marché.

Une telle mesure, aussi indispensable soit-elle, doit néanmoins s'accompagner d'un accompagnement approfondi des petits acheteurs, afin de ne pas représenter une charge administrative supplémentaire. Pour ce faire, la commission d'enquête préconise en outre la mise au point d'une interopérabilité complète entre l'ensemble des profils d'acheteur, ainsi que la remontée automatique de ces données vers le portail de données ouvertes de l'État.

Pour mémoire, en effet, les données de la commande publique sont aujourd'hui, par essence, disséminées sur une multitude de plateformes territoriales ayant pour objet la publication des consultations lancées par les collectivités. Si l'annexe 7 du code de la commande publique précitée exige déjà que chaque profil d'acheteur réponde aux exigences d'interopérabilité, force est de constater que l'application de celles-ci demeure très partielle, nuisant à une portabilité des données.

Il convient dès lors que l'État travaille à garantir une parfaite portabilité de ces offres, et des données qu'elles contiennent, vers des plateformes nationales, et permette un transfert facilité de ces données vers les DECP.

Recommandation n° 62. - Garantir l'interopérabilité des profils d'acheteur au bénéfice des opérateurs économiques afin de leur faciliter l'accès à l'information sur les procédures de la commande publique en cours.

Recommandation n° 63. - Organiser la remontée automatisée des données vers le portail national de données ouvertes en prenant appui sur les initiatives de recensement des données de la commande publique déjà conduites par les collectivités territoriales.

Enfin, la DAE, dans le cadre du plan de transformation numérique de la commande publique (TNCP) initié en 2016, a développé un ensemble de services digitaux relevant de son système d'information des achats (applications Appach, Approch, Place) ou du système d'information financier de l'État permettant de disposer d'une information détaillée sur l'ensemble des marchés publics de l'État. Ces chantiers numériques semblent néanmoins ralentis par des enjeux techniques, sans que la DAE ne s'engage sur une date d'achèvement de la réforme.

Le système d'information des achats de l'État

Source : DAE.

La commission soutient, sur la base de ces outils, l'élaboration d'un infocentre, portail de données, que projette de réaliser la DAE dans les meilleurs délais, afin de disposer d'une vision d'ensemble du nombre et des caractéristiques des achats de l'État, et souhaite en outre qu'un tel outil soit rendu public et accessible en ligne. Une telle transparence, déjà à l'oeuvre dans certaines régions mentionnées précédemment, semble indispensable pour piloter stratégiquement la commande publique relevant des administrations centrales ainsi que des établissements et groupements publics relevant de l'État.

De même, alors que l'Observatoire économique de la commande publique est le détenteur des données les plus exhaustives sur la commande publique en France, ses publications se limitent à des « chiffres clés » produits annuellement, qui offrent certes un panorama global sur les achats publics en France mais ne permettent pas leur analyse plus fine. Il lui appartient d'approfondir son analyse de ces données, qui pourraient être géographiques ou sectorielles, et surtout de publier ses travaux, dans un souci de transparence et de meilleure information des acteurs économiques et des citoyens.

Recommandation n° 64. - Achever dans les meilleurs délais la mise au point du portail de données des achats publics de l'État et rendre public et facilement accessible à tous l'ensemble de son contenu, avec une publication détaillée par segment d'achat et par origine des titulaires, en particulier pour les achats en matière numérique.

Recommandation n° 65. - Rendre publiques et facilement accessibles les données sur la commande publique détenues par l'Observatoire économique de la commande publique et ses analyses.

3. La transparence tout au long du processus d'achat : l'enjeu de la programmation

La démarche de transparence ayant conduit aux évolutions en matière de recensement des marchés publics doit par ailleurs se développer à l'égard de l'ensemble des étapes de la procédure d'achat, et notamment en amont de la procédure de passation. De fait, la mise à disposition des acteurs économiques d'informations sur les besoins à venir des pouvoirs adjudicateurs est déterminante afin qu'ils puissent s'organiser et proposer une offre pertinente, dans le cadre d'un dialogue vertueux entre les acheteurs et les candidats.

Dans cette perspective, la direction des achats de l'État a créé le portail Approch, interconnecté au reste du système d'information des achats (SIA) de l'État, qui vise à permettre aux entreprises d'identifier les projets d'achats des services de l'État et de leurs établissements publics, des établissements hospitaliers et des collectivités territoriales afin d'anticiper les marchés à venir dans leurs domaines d'activité. La programmation publiée demeure prévisionnelle et non engageante pour les services concernés.

Exemple de projet de programmation d'achat sur le portail Approch

Source : Présentation de la DAE devant la commission d'enquête.

Les entreprises intéressées par les marchés à venir peuvent ainsi signaler leur intérêt et transmettre leurs coordonnées, qui sont directement intégrées sur Appach, interface permettant aux acheteurs de piloter leurs procédures de passation et d'échanger avec les candidats.

Lors d'une visite dans les locaux de la DAE, la commission d'enquête s'est ainsi vue présenter les différentes interfaces du SIA de l'État visant à renforcer la transparence et le pilotage des marchés publics.

Source : Présentation de la DAE à la commission d'enquête.

Cette démarche contribue ainsi directement à augmenter le nombre de soumissionnaires ainsi qu'à atteindre les objectifs fixés en matière de performance environnementale et d'achat local.

La commission d'enquête salue ces initiatives en faveur d'une meilleure transparence de l'achat public et appelle à leur renforcement, afin que la programmation de l'achat devienne un réflexe pour les acheteurs publics.

Pour les achats publics de l'État et de ses établissements publics, qui présentent en moyenne des volumes plus importants que ceux des collectivités territoriales et qui disposent d'outils de pilotage, la commission estime que la programmation doit devenir la norme. Sur un modèle a minima triennal, il pourrait ainsi être prévu que ces acheteurs publient des projets programmatiques permettant aux entreprises d'anticiper les besoins à venir des administrations et entament un échange d'informations préalables à l'ouverture de la procédure de passation du marché.

Pour les acheteurs, un tel engagement incite par ailleurs à développer une réelle stratégie d'achat, facilitant le sourçage et l'inclusion de considérations sociales et environnementales, qui engendrent des économies mais également des progrès en matière d'achat local.

Recommandation n° 66. - Développer chez les acheteurs publics la programmation des achats et sa publicité et exiger de l'État et de ses opérateurs la réalisation d'une programmation de leurs achats, a minima triennale.

4. Évaluer l'impact de l'achat, dernière étape d'un chaînage vertueux pour la transparence et le pilotage de la commande publique

Enfin, dans la perspective de faire de la commande publique un véritable instrument en faveur du développement économique des territoires, de la transition écologique et sociale et de l'innovation, la mesure de son impact économique doit désormais tenir compte de la création de valeur réelle à l'échelle des territoires.

De fait, si la plupart des marchés publics sont aujourd'hui conclus auprès de fournisseurs relativement proches géographiquement des acheteurs - 165 kilomètres en moyenne selon l'OECP, avec 50 % des marchés attribués à moins de 49 kilomètres - cet indicateur demeure en réalité assez peu pertinent pour mesurer l'effet concret de l'achat sur l'économie locale, une entreprise locale pouvant tout à fait réaliser la majorité de sa production sur un territoire distinct, notamment à l'étranger, et ne créer aucune valeur sur sa région d'implantation.

Dès lors, s'il est avancé que 97 % des fournisseurs de l'État sont des entreprises établies en France, l'effet d'entraînement réel de ces fournisseurs sur l'emploi français reste aujourd'hui incertain. Interrogé à ce sujet par la commission d'enquête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Éric Lombard reconnaissait que malgré la volonté de sélectionner des fournisseurs dont le siège est implanté en France, les marchés s'inscrivent « dans des chaînes de valeur internationales, qui limitent parfois la possibilité de choisir des produits français »779(*).

Pour pallier ces effets de bord, des outils de mesure de l'impact économique réel des achats tendent à se développer, notamment grâce à des dispositifs d'intelligence artificielle. À titre d'exemple, le ministère de l'intérieur assure désormais, grâce à une solution développée par la start-up IN France, une évaluation de l'impact territorial de ses achats. Pour 2024, les achats du ministère, qui se sont élevés à 5,8 milliards d'euros, auraient ainsi permis de soutenir indirectement 14 500 ETP, engendré une fiscalité locale de 175 millions d'euros et représenté un impact carbone de 1,08 MtCO2.

Cette méthodologie d'évaluation présente l'intérêt de donner un aperçu plus fidèle de l'effet réel de l'achat sur un territoire, alors que beaucoup d'acheteurs publics, pensant soutenir des entreprises françaises sur le seul indicateur de la localisation de leur siège, ne disposent en réalité que de peu d'informations sur les lieux de production et l'impact de leurs achats sur l'emploi local et peuvent en fait, involontairement, défavoriser la production nationale au profit d'opérateurs économiques implantés à l'étranger.

La commission d'enquête appelle donc à développer l'évaluation de la création de valeur de la commande publique, grâce à la mise au point par l'État d'instruments de mesure facilement mobilisables par les collectivités.

Recommandation n° 67. - Développer des outils permettant d'assurer une traçabilité de la création de la valeur de la commande publique.


* 764 Article 14 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 765 Entre le 1er octobre 2018 et le 1er janvier 2020, le seuil de dématérialisation était fixé à 40 000 euros HT.

* 766 Article R. 2132-3 du code de la commande publique.

* 767 Arrêté du 11 octobre 2012 portant création d'un traitement dénommé « plateforme des achats de l'État » (NOR : EFIZ1236620A).

* 768 Arrêté du 20 mai 2020 portant création d'un traitement dénommé « Plateforme des achats de l'État » (PLACE) (NOR : CPAZ1933912A).

* 769 Arrêté du 22 mars 2019 relatif aux fonctionnalités et exigences minimales des profils d'acheteurs (NOR : ECOM1831551A).

* 770 Étude de l'institut IFOP menée du 13 décembre 2022 au 16 janvier 2023 pour le GIE Publication des marchés. L'étude a été menée auprès d'un échantillon de 406 élus locaux hors Ile-de-France.

* 771 Ce dispositif a été introduit par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 pour les marchés publics et l'ordonnance n° 2016-65 du 29 juillet 2016 pour les contrats de concession.

* 772 Données OECP.

* 773 data.gouv.fr

* 774 Article R. 2196-1 du code de la commande publique.

* 775 Communication officielle 2023/C 98 I/01, Marchés publics : un espace de données pour améliorer les dépenses publiques, stimuler l'élaboration de politiques fondées sur des données et faciliter l'accès des PME aux appels d'offres.

* 776 Ibid.

* 777 Réponse de France urbaine au questionnaire de la commission d'enquête.

* 778 Réponse de Départements de France au questionnaire de la commission d'enquête.

* 779 Audition de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, devant la commission d'enquête, le 11 juin 2025.

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