D. LES ÉTATS-UNIS
Aux États-Unis, le droit fédéral de la commande publique - codifié dans le Code des États-Unis et dans le code des règlements fédéraux - prévoit trois types de procédures de dévolution concurrentielle : les appels d'offres fermés (sealed bids), les propositions concurrentielles (competitive proposals) ou une combinaison de procédures concurrentielles (combination of competitive procedures), par exemple un appel d'offres fermé en deux étapes (two-step sealed bidding). Il existe également des procédures de passation simplifiées en dessous de certains seuils et, en dessous de 10 000 dollars (8 800 euros), le régime de « micro-achat » permet de recourir à une procédure de gré à gré.
Le droit de la commande publique est largement empreint de protectionnisme. Si les grands principes du droit suivent une logique similaire aux autres pays membres de l'accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce, notamment en ce qui concerne les procédures de passation concurrentielle, les États-Unis se démarquent par différents dispositifs de préférence nationale. Les principaux régimes de préférence nationale sont le Buy American Act, introduit en 1933, le Trade Agreement Act de 1979 qui permet l'articulation entre le principe de préférence nationale et les engagements contractés dans le cadre d'accords commerciaux, et le Berry Act et diverses restrictions supplémentaires propres aux achats du ministère fédéral de la défense. En outre, le principe de préférence nationale en matière d'approvisionnement a été élargi à un champ plus large de projets d'infrastructures (notamment en matière énergétique et numérique) et de matériaux de construction par le Build America, Buy America Act, adopté en 2021 dans le cadre de l'Infrastructure Investment and Jobs Act prévoyant plus de 1 000 milliards de dollars de nouveaux investissements fédéraux.
Ces divers régimes de préférence nationale en matière d'achat public prévoient néanmoins d'assez larges exceptions, en particulier en cas de prix « déraisonnable » de l'offre domestique, de quantité ou de qualité insuffisante ou, dans certains cas, d'accords commerciaux.
Le droit américain de la commande publique, depuis l'introduction du Small Business Act de 1953, se caractérise également par un large système de préférences accordées aux petites entreprises, qui prennent notamment la forme de marchés réservés (contract set-asides) ou de possibilités d'attribution directe jusqu'à des seuils plus élevés.
1. Les spécificités du droit américain de la commande publique
a) La place de la commande publique aux États-Unis
Au cours de l'année fiscale 2023, le montant total des contrats de la commande publique passés par le gouvernement fédéral s'est élevé à 759,2 milliards de dollars (668 milliards d'euros), ce qui représente une augmentation de 33 milliards de dollars (après ajustement lié à l'inflation) par rapport à l'année fiscale précédente950(*). Parmi ces contrats, la majorité est conclue par le ministère fédéral de la défense (456 milliards d'euros)951(*).
À l'échelle des États fédérés, les contrats de la commande publique - dits SLED, pour State, Local and Education, puisqu'ils sont conclus par les États, les collectivités territoriales, les académies ainsi que les établissements scolaires et universitaires - représentent environ 1 500 milliards de dollars chaque année, soit 10 % du PIB américain952(*).
b) Les sources du droit américain de la commande publique
Selon que l'on se situe à l'échelle fédérale ou au niveau des États fédérés, différents corpus juridiques s'appliquent. Chaque État dispose en effet de ses propres lois, réglementations et politiques en matière de marchés publics. Les textes qui se sont développés au fil du temps présentent à la fois des similitudes et des différences importantes, ce qui s'avère complexe pour les entreprises qui proposent leurs produits à plusieurs États953(*). La présente étude se concentre sur le droit fédéral de la commande publique.
Au niveau fédéral, le droit américain de la commande publique est essentiellement issu de deux sources :
- en matière législative, le Code des États-Unis comporte des dispositions générales sur la commande publique dans son titre 41 relatif aux contrats publics954(*). D'autres dispositions pertinentes, s'agissant des contrats publics relevant du domaine de la défense, sont contenues dans le titre 10 relatif aux forces armées du même code955(*) ;
- en matière réglementaire, le Code des règlements fédéraux codifie en son titre 48, chapitre 1, le règlement sur la commande publique fédérale (Federal Acquisition Regulation, FAR)956(*) de 1984. Ce texte est la principale source juridique pour les agences exécutives de l'État fédéral souhaitant acquérir des fournitures et services. Le FAR définit notamment les critères devant être remplis par les entreprises pour participer à un marché public, les types de contrats, les programmes pour les petites entreprises et les contrats de fourniture fédérale. Selon son article 1.102957(*), le système fédéral de la commande publique vise à satisfaire le « client » en termes de coût, de qualité et de respect des délais, par exemple en maximisant l'utilisation de produits et de services commerciaux, faisant appel à des contractants qui ont fait leurs preuves dans le passé ou qui démontrent une capacité de performance supérieure, tout en promouvant la concurrence, diminuant les coûts administratifs de fonctionnement et conduisant les affaires avec intégrité, équité et ouverture.
Le FAR est complété par les règlements en matière de commande publique propres à chaque ministère et agence fédérale958(*). Ces quelque 32 textes apportent des précisions mais aussi répètent, paraphrasent ou reformulent le FAR - parfois inutilement du point de vue de l'administration générale fédérale959(*).
En outre, le droit américain de la commande publique se démarque par l'existence de dispositions en matière de préférence nationale dans les contrats publics, introduites principalement par deux lois : le Buy American Act (1933) et le Build America, Buy America Act (BABA, 2021), codifiées dans les textes législatifs et réglementaires susmentionnés.
c) Les procédures de dévolution concurrentielle
En vertu de l'article 3301 du titre 41 du Code des États-Unis960(*), l'attribution des contrats de la commande publique doit s'effectuer dans un cadre de concurrence totale et ouverte (full and open competition) au moyen de procédures de passation concurrentielles. La procédure la plus adéquate est déterminée en fonction des circonstances et caractéristiques de l'appel d'offres.
À cet égard, l'article 6.102 de la partie 6 du Code des règlements fédéraux961(*) établit une liste des différentes procédures de passation par ordre de priorité qui permettent de remplir cet objectif de concurrence totale et ouverte : les appels d'offres fermés (sealed bids), les propositions concurrentielles (competitive proposals) ou une combinaison de procédures concurrentielles (combination of competitive procedures), par exemple un appel d'offres fermé en deux étapes (two-step sealed bidding). Il existe enfin des procédures de passation simplifiées en dessous de certains seuils.
(1) La procédure d'appel d'offres fermé
S'agissant tout d'abord des appels d'offres fermés, l'alinéa b de l'article 3301 précise que l'autorité adjudicatrice (ie. au niveau fédéral, un ministère ou une agence) doit y recourir de façon prioritaire dès lors que l'ensemble des conditions suivantes sont remplies : i) les délais le permettent, ii) l'attribution s'effectuera sur la base du prix, iii) des négociations précontractuelles ne sont pas nécessaires et iv) il y a des raisons raisonnables de croire que plus d'un opérateur économique entend soumettre une candidature. Lorsque ces conditions sont remplies, la procédure par appel d'offres fermé doit impérativement être mise en oeuvre.
Les différentes étapes qui composent cette procédure sont décrites à l'article 14.101 du titre 48 du Code des règlements fédéraux962(*) :
- rédaction de l'appel d'offres : les caractéristiques du projet d'acquisition doivent y être décrites de façon claire, exacte et complète. Les critères restrictifs non nécessaires qui pourraient indûment aboutir à une limitation du nombre de candidatures sont interdits. L'appel d'offres inclut en outre tous les documents pertinents, directement joints ou sous forme de références ;
- publication de l'appel d'offres : l'information doit être accessible à tous les candidats potentiels, donc l'appel d'offres doit faire l'objet d'une publication dans l'espace public ou sur une plateforme appropriée, et ce suffisamment tôt, de sorte que les candidats potentiels aient la possibilité de constituer puis de soumettre leurs offres ;
- soumission de l'offre : les candidats soumettent leurs offres dont le contenu n'est dévoilé qu'au moment où la phase de candidature prend fin - cette date est mentionnée dans l'appel d'offres. Toutes les offres sont alors consultées concomitamment par le pouvoir adjudicateur ou l'entité à l'origine de l'appel d'offres ;
- évaluation de l'offre : les offres sont évaluées telles quelles et ne font pas l'objet de négociations ;
- attribution finale du contrat : après analyse publique des offres, l'attribution du contrat revient au candidat dont l'offre est la plus avantageuse pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, eu égard au seul prix ou à des facteurs connexes au prix.
(2) La procédure de proposition concurrentielle
Dans l'hypothèse où les conditions de mise en oeuvre de la procédure par appel d'offres fermé ne sont pas remplies, les entités fédérales doivent recourir à des propositions concurrentielles, qui sont des procédures au cours desquelles ont lieu des négociations, contrairement à l'appel d'offres fermé. L'article 15.002 du titre 48 du Code des règlements fédéraux963(*) détermine les deux types de procédure par proposition concurrentielle possibles :
- la procédure d'acquisition à source unique (sole source acquisition) : si, pour des raisons techniques, il s'avère qu'un seul candidat est en mesure de remplir les attentes énoncées par l'autorité adjudicatrice, on parle d'acquisition à source unique. Étant donné que ce candidat est le seul à soumettre une offre, le prix et les caractéristiques de l'offre font l'objet de négociations entre ce dernier et l'administration. Aussi, dans le cadre d'une telle procédure, l'appel d'offres doit être adapté afin de supprimer les informations et les exigences inutiles, par exemple les critères d'évaluation et les instructions volumineuses relatives à l'élaboration des propositions ;
- la procédure d'acquisition concurrentielle (competitive acquisition) : dans le cas plus classique où plusieurs candidats sont susceptibles de soumettre une offre, cette procédure vise à réduire au minimum la complexité de l'appel d'offres, de l'évaluation et de la décision de sélection de la source, tout en maintenant un processus conçu pour favoriser une évaluation impartiale et complète des propositions des soumissionnaires, conduisant à la sélection de la proposition représentant la meilleure valeur pour l'État fédéral.
(3) Les procédures de passation simplifiées
Outre les procédures susmentionnées, le droit fédéral américain de la commande publique prévoit des procédures de passation simplifiées (simplified acquisition procedures) lorsque le montant du contrat n'excède pas certains seuils, afin de réduire les coûts administratifs, améliorer l'accès des petites entreprises aux marchés publics, garantir une plus grande efficience de la commande publique et éviter des charges superflues pour les agences et leurs co-contractants964(*).
Le cadre juridique des procédures de passation simplifiées est défini dans la partie 13 du titre 48 du Code des règlements fédéraux965(*). Les procédures de passation simplifiées sont certes des procédures de passation concurrentielle, mais leur déroulé est moins formalisé. Ainsi, il est toléré que certaines étapes de la procédure, notamment la présentation des devis, s'effectuent oralement et l'administration est habilitée à sélectionner son cocontractant et signer le contrat en son nom propre sans recourir à des équipes d'experts.
Actuellement, le seuil en dessous duquel la procédure de passation simplifiée est possible s'élève à 250 000 dollars966(*) (220 000 euros)967(*). Des seuils dérogatoires plus élevés s'appliquent en cas d'opérations d'urgence ou de réponses à une attaque ou d'opération humanitaire et de maintien de la paix.
Les agences fédérales doivent utiliser les procédures de passation simplifiées dans la mesure du possible, pour tous les achats de fournitures ou de services ne dépassant pas le seuil de passation simplifiée.
Il existe en outre un seuil supplémentaire en dessous duquel aucune mise en concurrence n'est exigée et l'attribution du contrat s'effectue de gré à gré : ce seuil, dit de « micro-achat » (micro-purchase threshold), est fixé à 10 000 dollars (8 800 euros)968(*).
Les seuils de procédures de passation
simplifiées et de micro-achat
au niveau
fédéral
Montant |
|
Seuil général |
250 000 dollars |
Opérations d'urgence ou de réponse à une attaque |
800 000 dollars (704 000 euros) pour
un achat aux États-Unis |
Opération humanitaire ou de maintien de la paix en dehors des États-Unis |
500 000 dollars |
Procédure de micro-achat |
10 000 dollars |
Source : Code of federal regulations, Title 48, Chapter 1, Part 13
2. Les régimes de préférence nationale prévus par le droit fédéral de la commande publique
a) Le Buy American Act et autres dispositions
Au fil des ans, en vertu de son large pouvoir sur les dépenses fédérales, le Congrès a promulgué un certain nombre de restrictions concernant l'achat de produits « étrangers » à partir de financements fédéraux. Ces restrictions exigent que les agences fédérales achètent des articles produits ou fabriqués aux États-Unis, sous réserve de diverses exceptions et exemptions969(*).
Les trois principaux régimes de préférence nationale, qui s'appliquent dans des contextes différents, sont les suivants : loi sur la préférence nationale dans la commande publique (Buy American Act) de 1933, la loi sur les accords commerciaux (Trade Agreement Acts) de 1979 et les restrictions spécifiques au ministère de la défense (notamment introduites par l'amendement « Berry »).
En outre, il existe un certain nombre d'autres restrictions relatives au contenu national qui s'appliquent dans des contextes spécifiques et qui, dans de nombreux cas, sont destinées à combler les lacunes identifiées dans les trois régimes précédemment970(*).
Les restrictions prévues par ces régimes de préférence nationale s'appliquent au lieu de production ou de fabrication des fournitures. Elles ne concernent généralement ni le lieu d'exécution des services ni, à l'exception de certains cas, la nationalité de l'entreprise971(*).
(1) Le Buy American Act (1933)
(a) Le principe de préférence nationale
Aux États-Unis, la commande publique est irriguée par le principe de préférence nationale (domestic content), restreignant la possibilité pour les agences fédérales de se fournir à l'étranger. Ce principe découle initialement de la loi sur la préférence nationale dans la commande publique (Buy American Act) de 1933972(*) qui ajoute, au sein du titre 41 sur les contrats publics du Code des États-Unis les articles 8301 à 8305 précisant le champ d'application du principe de préférence nationale.
Selon l'article 8302 du code des États-Unis, seuls les produits finaux, matériaux et fournitures extraits, produits ou manufacturés973(*) aux États-Unis peuvent être acquis pour un usage public, sauf si l'autorité adjudicatrice estime que l'achat est incompatible avec l'intérêt public, que son coût est déraisonnable (cf. développement infra) ou que les produits, matériaux ou fournitures ne sont pas extraits, produits ou fabriqués aux États-Unis en quantités suffisantes et raisonnablement disponibles et d'une qualité satisfaisante.
À titre dérogatoire, le principe de préférence nationale ne s'applique pas non plus :
- aux biens destinés à être consommés à l'étranger ;
- aux biens faisant l'objet d'un accord commercial avec un autre pays ou issus d'un pays moins avancé ;
- et enfin aux contrats dont le montant est inférieur au seuil de micro-achat (mini-purchase threshold), fixé à 10 000 dollars974(*).
À l'exception des produits ou matériaux en acier ou en fer, les produits finaux non manufacturés doivent être extraits ou produits aux États-Unis pour être considérés comme des produits nationaux aux fins du Buy American Act. S'agissant des produits finaux manufacturés, ils sont considérés comme nationaux s'ils sont manufacturés aux États-Unis et s'ils remplissent l'une des deux conditions suivantes : le coût des composants extraits, produits ou fabriqués aux États-Unis dépasse 60 % du coût de l'ensemble des composants, ou le produit final est fabriqué aux États-Unis, ou s'il s'agit d'un article disponible dans le commerce (commercially available off-the-shelf (COTS) item).
(b) La clause de préférence nationale dans les marchés publics de travaux
Plus spécifiquement, le Buy American Act encadre les marchés publics de travaux et dispose, en son article 8303, que tous les contrats publics relatifs à la construction, la modification ou la réparation d'un bâtiment public ou de tout édifice public situé aux États-Unis doivent en principe être assortis d'une clause stipulant le recours obligatoire à des produits, matériaux et fournitures extraits, produits ou manufacturés aux États-Unis.
(c) Une limite au principe de préférence nationale : le critère du prix raisonnable de l'offre
Le principe de préférence nationale introduit par le Buy American Act n'est pas absolu et comporte certaines exceptions, en particulier en cas de prix déraisonnable de l'offre (cost to be unreasonable).
Cette dérogation communément appelée préférence fondée sur le prix (price preference) est précisée dans le règlement sur la commande publique fédérale (FAR)975(*), qui met en oeuvre le Buy American Act.
Les articles 25.105976(*) et 25.204977(*) du FAR déterminent le mode de calcul du caractère raisonnable de l'offre domestique : dans l'hypothèse où une offre étrangère présente un meilleur rapport qualité-prix par rapport à une offre domestique, il convient d'augmenter fictivement le prix de l'offre la moins chère d'un certain pourcentage afin de la comparer avec l'offre domestique. Ce pourcentage varie de 20 % dans les cas où l'offre nationale la moins chère provient d'une grande entreprise, à 30 % lorsque l'offre nationale la moins chère provient d'une petite entreprise et 50 % pour les marchés publics du ministère de la défense978(*). Les ministères et agences fédérales peuvent aussi adopter leurs propres règlements fixant des pourcentages plus élevés979(*).
En cas d'égalité entre l'offre nationale la moins chère et l'offre étrangère réévaluée, l'autorité adjudicatrice doit privilégier l'offre nationale. Toutefois, si l'offre étrangère reste la moins chère, l'autorité peut attribuer le marché à l'entreprise étrangère au prix initialement proposé.
(2) Le Trade Agreements Act (1979)
(a) L'articulation entre préférence nationale et accords commerciaux
En 1979, le Congrès américain a adopté la loi sur les accords commerciaux (Trade Agreements Act)980(*), dans la lignée de l'ancien accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade - GATT), remplacé ultérieurement par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a pour objectif de promouvoir le commerce international et limiter le protectionnisme.
Le Trade Agreements Act permet aux pouvoirs publics de déroger à toute règle du droit de la commande publique qui caractériserait une discrimination à l'égard des biens issus de certains pays désignés, afin que les États-Unis puissent honorer leurs obligations découlant des différents accords de commerce multilatéraux. Pour ce faire, les dispositions réglementaires appliquant le Trade Agreements Act déterminent les produits éligibles (eligible products) de certains pays désignés (designated countries) qui sont légalement autorisés à être considérés de façon équivalente aux biens domestiques. En vertu de l'article 25.400 du code des règlements fédéraux981(*), les pays concernés sont notamment :
- les États parties à l'accord sur les marchés publics (AMP) de l'OMC ;
- les États signataires d'un accord de libre-échange avec les États-Unis982(*) ;
- les pays les moins avancés.
(b) Les seuils d'application de la loi sur les accords commerciaux
Le montant du marché public est déterminant pour savoir si le Trade Agreements Act s'applique : l'article 25.402 du règlement sur la commande publique fédérale (FAR) détermine les seuils, révisés tous les deux ans par le Bureau du représentant américain au commerce, à partir desquels les dispositions du Trade Agreements Act s'appliquent. Si ces seuils varient selon les pays983(*), il y a une convergence autour des seuils suivants : 174 000 dollars pour les marchés publics de fournitures et de services et 6 708 000 dollars pour les marchés publics de travaux.
(3) Les restrictions supplémentaires propres au ministère fédéral de la défense (Department of Defense)
(a) L'obligation d'acheter certains produits auprès de fournisseurs américains (Berry Amendment)
L'amendement Berry (Berry Amendment) fait référence à un texte législatif codifié en 1993, à l'article 4862 du titre 10 sur les forces armées du Code des États-Unis984(*). Il prévoit un cadre juridique plus restrictif pour les marchés publics du ministère fédéral de la défense : ainsi, tous les achats de nourriture, vêtements, tentes et matériels connexes, coton et tout autre produit à fibres naturelles, ainsi que les outils manuels ou de mesure, doivent obligatoirement provenir des États-Unis.
Les alinéas suivants de l'article 4862 prévoient une série d'exceptions au principe, notamment en cas de difficultés qualitatives ou quantitatives ou si le montant de l'opération est inférieur à un seuil de 150 000 dollars, auquel cas il convient de mettre en oeuvre une procédure de passation simplifiée.
(b) Les autres restrictions relatives aux métaux spéciaux
L'article 4863 du titre 10 sur les forces armées du Code des États-Unis985(*) prévoit des restrictions concernant la fourniture en métaux spéciaux. Ainsi, ces dispositions législatives proscrivent au ministère fédéral de la défense toute acquisition d'aéronefs, de systèmes de missiles, de navires, de chars, d'armes en général ou de munition, et de matériaux composant l'ensemble de ces biens, dès lors qu'ils contiennent des métaux spéciaux n'ayant pas été fondus ou produits aux États-Unis. Les métaux spéciaux concernés sont déterminés par l'article 4863 alinéa l : il s'agit de l'acier986(*), des alliages contenant du nickel, du titane et du zirconium.
De la même manière que l'amendement Berry, l'article 4863 prévoit certaines exceptions à ce principe : ainsi est-il possible d'y déroger lorsque les circonstances de qualité et de quantité y obligent et lorsque le montant de l'opération est inférieur à un seuil de 150 000 dollars, auquel cas il convient de mettre en oeuvre une procédure de passation simplifiée.
b) L'élargissement du principe de préférence nationale par le Build America, Buy America Act
Le Build America, Buy America Act987(*) (BABA) est un ensemble de dispositions législatives adopté par le Congrès américain en novembre 2021 au sein de la loi sur l'investissement dans les infrastructures et l'emploi (Infrastructure Investments and Jobs Act, IIJA - articles 70901 à 70927). Il vise à renforcer les chaines d'approvisionnement et la production nationales afin d'assurer l'indépendance stratégique des États-Unis.
Pour ce faire, il établit une préférence nationale en matière d'approvisionnement (domestic content procurement preference) pour toutes les aides financières fédérales (Federal financial assistance) affectées à des projets d'infrastructure après le 14 mai 2022. Cette préférence exige que tout le fer, l'acier, les produits manufacturés et les matériaux de construction utilisés dans les projets d'infrastructure couverts par la loi soient produits aux États-Unis. Dans le cas inverse, l'octroi d'une subvention par un programme fédéral n'est pas possible.
Selon l'article 70911, ce principe de la préférence nationale en matière d'approvisionnement se justifie par les impératifs liés à la sécurité nationale, la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la main-d'oeuvre américaine, d'honorer les engagements en matière de protection de l'environnement et de garantir de hauts standards de conditions de travail au long des chaines d'approvisionnement.
Les infrastructures concernées sont déterminées à l'article 70912 : il s'agit des structures, installations et équipements relatifs aux routes, autoroutes, ponts, transports publics, barrages, ports et autres installations maritimes, au transport ferroviaire interurbain de passagers et de marchandises, aux installations de fret et intermodales, aéroports, réseaux d'eau, y compris les réseaux d'eau potable et les eaux usées, installations et systèmes de transmission électrique, services publics, infrastructures à haut débit, bâtiments et biens immobiliers. Certaines infrastructures, telles que les autoroutes, le transport ferroviaire interurbain de passagers, les aéroports et la construction de réseaux d'eau et d'égouts étaient déjà couverts par le Buy American Act mais le BABA étend le principe de préférence nationale essentiellement aux installations énergétiques et à haut débit988(*).
La loi a également élargi la couverture des produits Buy America aux « matériaux de construction » y compris les métaux non ferreux (par exemple, le cuivre utilisé dans le câblage électrique), les produits à base de plastique et de polymère, le verre (y compris la fibre optique) et d'autres matériaux (bois d'oeuvre, cloisons sèches, etc.). Selon les lignes directrices publiées par le bureau de gestion et du budget (Office of Management and Budget, OMB), pour être considérés comme « produit aux États-Unis » au sens de l'IIJA, les produits manufacturés autres que le fer et l'acier doivent contenir plus de 55 % de contenu national989(*).
Tous les actes octroyant une aide financière fédérale doivent contenir dans les conditions générales une clause relative à la préférence nationale en matière d'approvisionnement, qui s'applique en outre à toutes les éventuelles opérations de sous-traitance. D'un point de vue procédural, chaque agence fédérale doit soumettre au Bureau de la gestion et du budget (US Office of Management and Budget) et au Congrès un rapport qui identifie chaque cas d'octroi d'une subvention par l'agence fédérale (article 70913).
Le Build America Buy America Act prévoit enfin certaines dérogations (waivers). Le principe de préférence nationale peut être écarté dans trois cas de figure : en cas d'incompatibilité avec l'intérêt public, lorsque les quantités produites ne sont pas suffisantes ou que la qualité n'est pas satisfaisante, ou lorsque l'inclusion de ces produits augmenterait le coût du projet de plus de 25 % (article 70914).
Le manque de transparence de la commande publique aux États-Unis
Selon la Commission européenne, un autre obstacle à l'ouverture du marché américain est le manque de transparence du système de commande publique.
« Les États-Unis ne disposent pas d'un portail électronique unique présentant les avis de marchés publics. En outre, dans de nombreux États américains, les entreprises doivent d'abord s'enregistrer auprès de l'État pour recevoir des informations sur les appels d'offres et pour soumissionner. Pour ce faire, chaque État applique ses propres exigences. Certains États exigent un paiement pour s'enregistrer en tant que soumissionnaire. Les exigences en matière d'enregistrement constituent des obstacles supplémentaires à l'accès au marché.
« Le manque d'accès à l'information sur les possibilités de marchés publics dans les États américains est un facteur dissuasif important pour la participation aux marchés publics américains. Les entreprises de l'UE ne peuvent soumissionner que si elles sont en mesure de trouver des informations sur les marchés. Les entreprises de l'UE doivent naviguer sur des centaines de portails de marchés publics différents et se heurter à de nombreux obstacles pour s'inscrire en tant que soumissionnaires.
« En outre, en ce qui concerne l'IIJA, le système d'exemptions et de dérogations, qui peuvent être accordées de manière ad hoc ou en tant que dérogations d'application générale, représente un autre élément de complexité dans le système de passation des marchés publics des États-Unis. En particulier, il n'y a pas d'orientation claire concernant l'octroi de dérogations pour le respect d'obligations internationales et, en ce qui concerne les dérogations d'application générale, les agences fédérales peuvent définir des exigences supplémentaires pour des programmes de financement spécifiques, ce qui ajoute à la mosaïque de règles applicables ».
Source : https://trade.ec.europa.eu/access-to-markets/en/barriers/details?isSps=false&barrier_id=11190 (consulté le 26 mai 2025)
3. L'accès des petites entreprises à la commande publique fédérale
a) Le statut de petite entreprise aux États-Unis
Une première loi contenant des dispositions en faveur de l'inclusion des petites entreprises (small businesses) dans le système économique américain fut adoptée par le Congrès américain le 30 juillet 1953990(*). Par un amendement voté en 1958, ces dispositions ont été dissociées de la loi de 1953 et constituent désormais une loi autonome désignée sous le nom de Small Business Act991(*). Celles-ci ont été codifiées dans le titre 15 du Code des États-Unis992(*).
Afin de mettre en oeuvre sa politique de promotion de la place des petites entreprises dans l'économie américaine, le Small Business Act a créé, dès son entrée en vigueur, une agence placée sous la direction et la supervision directe du Président des États-Unis mais indépendante du gouvernement fédéral : la Small Business Administration993(*) (SBA). L'un des objectifs de la SBA est de créer des dispositifs d'assistance et de promotion des petites entreprises : ces dispositifs prennent notamment la forme de financements (en fonds propres ou en prêts), de conseils et de formations ou encore de programmes d'aide à l'obtention des contrats publics.
L'article 632, titre 15, du Code des États-Unis définit le terme « petite entreprise » comme une entreprise opérant principalement aux États-Unis, détenue et exploitée de manière indépendante et qui n'occupe pas une position dominante dans son domaine d'activité (art. 632, al. a, 1). En fonction du domaine d'activité, des critères additionnels de reconnaissance du statut de petite entreprise peuvent être définis par la SBA, notamment quant au nombre d'employés, de volume d'affaires en dollars, de valeur nette, de revenu net, une combinaison de ces facteurs, ou d'autres facteurs appropriés (art. 632, al. a, 2, B).
En règle générale, la plupart des petites entreprises manufacturières employant jusqu'à 500 personnes et les entreprises non-manufacturières ayant un chiffre d'affaires annuel de 7,5 millions de dollars (6,5 millions d'euros) maximum sont considérées comme des petites entreprises994(*). La réglementation prévoit toutefois des critères spécifiques de taille pour chaque secteur et sous-secteur d'activité995(*). Le concept de petite entreprise est donc à la fois très large et relativement souple, puisqu'il peut être adapté à la réalité économique de chaque type d'activité. À titre d'exemple, entrent dans la catégorie des petites entreprises aux États-Unis notamment les entreprises de production de pommes de terre jusqu'à un chiffre d'affaires de 4,25 millions de dollars (3,71 millions d'euros), les entreprises de construction d'habitations en deçà de 45 millions de dollars (39 millions d'euros) ou encore les compagnies aériennes de transport de fret ou de passagers employant jusqu'à 1 500 salariés996(*).
Le nombre total de petites entreprises répondant aux critères fixés par la réglementation était estimé à 34,8 millions par la SBA en 2024997(*). Les petites entreprises certifient généralement elles-mêmes leur statut de petite entreprise lorsqu'elles s'enregistrent sur la base de données du gouvernement fédéral permettant d'accéder à la commande publique998(*) (System for Award Management, SAM)999(*).
La reconnaissance du statut de petite entreprise offre l'accès à des marchés réservés à cette catégorie d'entreprise et à des programmes d'aide. Certaines petites entreprises encore plus défavorisées d'un point de vue socio-économique bénéficient de programmes spéciaux supplémentaires (cf. infra).
b) Les objectifs annuels d'attribution de contrats publics fédéraux aux petites entreprises
Depuis 1988, des objectifs annuels d'attribution d'une part des contrats publics à des petites entreprises sont inscrits dans la loi1000(*). Selon l'article 644, titre 15, du Code des États-Unis, au moins 23 % du montant total des contrats publics passés au niveau fédéral doivent être attribués à des petites entreprises, 5 % à des petites entreprises désavantagées (Small Disadvantaged Businesses, SDB), 5 % à des petites entreprises détenues par des femmes (Women-Owned Small Businesses, WOSB), 5 % à des entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (Service-Disabled Veteran-Owned Small Businesses, SDVOSB) et 3 % à des petites entreprises situées dans certaines zones défavorisées (Historically Underutilized Business Zone Small Businesses, HUB Zone Small Businesses).
Ces objectifs globaux au niveau de l'administration fédérale sont ensuite déclinés pour chaque ministère et agence fédérale et font l'objet de négociations avec la SBA. À titre d'exemple, l'objectif d'attribution de contrats à des petites entreprises est fixé à 33 % du montant total de la commande publique du ministère de la Justice contre 17 % pour le ministère de l'éducation1001(*). Pour les marchés d'un montant important, des objectifs minimaux de sous-traitance à des petites entreprises ont également été fixés.
Objectifs fédéraux annuels de commande publique en faveur des petites entreprises
(en % de la valeur monétaire des contrats attribués directement - hors sous-traitance)
Type d'entreprise |
Objectifs |
Résultats (année fiscale 2023) |
Petite entreprise (Small business) |
23 % |
28,35 % |
Petites entreprises désavantagées (SDB)1002(*) |
5 % |
12,1 % |
Petites entreprises détenues par des femmes (WOSB) |
5 % |
4,91 % |
Petites entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (SDVOSB) |
5 % |
5,07 % |
Petites entreprises situées dans des zones d'activité sous-utilisées (HUB Zone Small Businesses) |
3 % |
2,78 % |
Source : article 644, Titre 15, Code des États-Unis et CRS, R45576, An Overview of Small Business Contracting, 2024
À la fin de chaque année fiscale, les ministères fédéraux sont tenus de rendre compte de leurs résultats vis-à-vis des objectifs1003(*). En 2023, en moyenne, l'administration fédérale a rempli ses objectifs à 109 %, dépassant ainsi les objectifs d'attribution de contrats publics à des petites entreprises.
c) Les marchés réservés et les attributions directes aux petites entreprises
La loi sur la concurrence dans les marchés publics de 19841004(*) , codifiée aux articles 3301 et suivants du code des États-Unis, exige en principe une « concurrence pleine et ouverte » dans l'attribution des marchés publics. Cependant, diverses dispositions du Small Business Act autorisent ou, dans certains cas, obligent les agences et ministères fédéraux à accorder une préférence aux petites entreprises lors de l'attribution d'un contrat1005(*).
Les préférences accordées aux petites entreprises peuvent prendre la forme de marchés réservés (contract set-asides) ou de « marchés à fournisseur unique » (sole-source awards), c'est-à-dire de marché de gré à gré.
Selon l'article 19.501 du Code des règlements fédéraux1006(*), l'objectif des marchés réservés est de limiter la concurrence en ouvrant la participation à certains appels d'offres uniquement à des petites entreprises. Cette attribution exclusivement à des petites entreprises peut être totale ou partielle (total or partial set-asides).
Il est obligatoire de réserver un appel d'offres de fournitures ou de services en totalité aux petites entreprises si le montant du contrat se situe entre le seuil de micro-achat (fixé à 10 000 dollars, soit 8 800 euros) et le seuil de procédure simplifiée (fixé à 250 000 dollars, environ 220 000 euros), conformément à l'article 19.502-2 du Code des règlements fédéraux. Cette obligation ne s'applique pas dans l'hypothèse où il serait vraisemblablement impossible d'obtenir au moins deux offres provenant de petites entreprises. Par ailleurs, si le montant du contrat excède le seuil de procédure simplifiée mais que le pouvoir adjudicateur estime probable d'obtenir au moins deux offres de la part de petites entreprises au prix du marché, alors l'appel d'offres doit tout de même être réservé en totalité aux petites entreprises. Si, à l'issue d'un appel d'offres réservé aux petites entreprises, le pouvoir adjudicateur n'obtient qu'une seule offre raisonnable, il est tenu de l'accepter. À l'inverse, si aucune offre acceptable n'est déposée, une nouvelle procédure d'appel d'offres - cette fois ouverte à des entreprises de plus grande taille - est réalisée.
Selon l'article 19.502-4 du code précité, les appels d'offres remplissant les conditions suivantes doivent être réservés en partie aux petites entreprises : le marché ne remplit pas les conditions pour être réservé en totalité aux petites entreprises ; les différentes tâches que le marché entend attribuer sont divisibles et peuvent faire l'objet d'un allotissement (can be divided in distinct portions) ; la procédure de passation n'est pas une procédure simplifiée et il est vraisemblable qu'au moins deux petites entreprises soumettent une offre. Si ces conditions sont remplies, un ou plusieurs lots du marché sont réservés aux petites entreprises.
Les marchés réservés aux
petites entreprises
dans le cadre de la commande publique
fédérale
Montant du contrat |
Nombre de petites entreprises répondantes |
Exigence de marchés réservés |
En-deçà de seuil de micro-achat de 10 000 dollars |
- |
- |
Entre 10 000 dollars et 250 000 dollars (seuil de procédure simplifiée) |
Au moins 2 |
Marchés réservés en totalité ou attribution directe |
Au-dessus de 250 000 dollars |
Au moins 2 |
Marchés réservés en totalité ou partiellement ou programmes socio-économiques |
Source : Congressional Research Service, R45576
En outre, la réglementation fédérale fixe des seuils spécifiques d'attribution de gré à gré - sans mise en concurrence - (sole-source awards) lorsque les contrats sont attribués à des petites entreprises. Cette faculté offerte à l'administration fédérale s'applique jusqu'à 250 000 dollars pour l'ensemble des petites entreprises, tandis que des plafonds d'un montant plus élevé s'appliquent pour les petites entreprises participant à des programmes socio-économiques (cf. infra).
Plafonds d'attribution directe de contrats publics aux petites entreprises
Type de petite entreprise |
Plafond d'attribution directe |
Petites entreprises |
250 000 |
Participants au programme 8(a) |
4,5 millions |
Entreprises autochtones d'Alaska ou détenues par une tribu indienne |
Pas de plafond |
Entreprises autochtones hawaïennes |
Pas de plafond |
Petites entreprises détenues par des femmes (WOSB) |
4,5 millions |
Petites entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (SDVOSB) |
4 millions |
Petites entreprises situées dans des zones d'activité sous-utilisées (HUB Zone Small Businesses) |
4,5 millions |
Source : Congressional Research Service, R45576
Enfin, pour les marchés dont le montant est plus élevé, le programme de contrats de sous-traitance au profit des petites entreprises (Small Business Development Program), prévu à la sous-partie 19.7 du Code des règlements fédéraux, vise à promouvoir la sous-traitance au profit des petites entreprises. En vertu de ce programme, tout contrat de la commande publique dont le montant est supérieur au seuil de procédure simplifiée (fixé à 250 000 dollars) doit contenir une clause selon laquelle les petites entreprises auront la possibilité de participer à l'exécution du contrat par l'intermédiaire de contrats de sous-traitance. Afin de suivre l'exécution de ce programme, la SBA exige des ministères fédéraux qu'ils produisent chaque année un plan de sous-traitance (subcontracting plan).
d) Les programmes socio-économiques en faveur de certaines catégories de petites entreprises
Outre les règles de préférence en faveur des petites entreprises, la SBA met en oeuvre différents programmes de soutien à l'accès à la commande publique, en fonction de la nature des difficultés auxquelles sont confrontées les petites entreprises. Ces programmes dits « socio-économiques » doivent être considérés en priorité pour les marchés réservés et les attributions directes dépassant le seuil de 250 000 dollars1007(*).
(1) Le programme en faveur des petites entreprises défavorisées (8(a) Business Development Program)
Le programme 8(a) de développement des petites entreprises (8(a) Business Development Program) - qui tire son nom de l'article 8(a)1008(*) du Small Business Act - fournit une aide au développement commercial des entreprises détenues et contrôlées par des personnes socialement et économiquement défavorisées, ayant une « bonne moralité » et démontrant un potentiel de réussite.
Le programme crée des préférences en matière de contrats fédéraux, telles que des contrats réservés et des contrats attribués directement jusqu'à un montant plafond plus élevé (4,5 millions de dollars), en plus du soutien apporté par la SBA à travers des actions de mentorat, de formation et de conseils aux entreprises éligibles1009(*). En pratique, l'article 19.800 permet à la Small Business Administration de devenir elle-même attributaire de contrats publics avec d'autres agences fédérales afin de procéder, in fine, à de la sous-traitance : elle confie dès lors les contrats à des petites entreprises éligibles au programme1010(*).
La participation au programme 8(a) peut durer jusqu'à neuf ans ; à l'issue de cette période, l'objectif est que les entreprises puissent remporter des contrats fédéraux sans l'aide du programme1011(*). Bien que le programme 8(a) ait été initialement créé au profit des personnes défavorisées, dans les années 1980, le Congrès l'a élargi aux petites entreprises appartenant aux quatre groupes suivants : les petites entreprises appartenant à des sociétés autochtones d'Alaska (ANC), des sociétés de développement communautaire, des tribus indiennes et des organisations autochtones hawaïennes (NHO)1012(*).
(2) Le programme pour les petites entreprises dans des zones d'activité historiquement sous-utilisées (HUBZone Program)
La sous-partie 19.13 du Code des règlements fédéraux1013(*) consacre un programme spécial d'assistance aux petites entreprises situées dans des territoires à faible niveau de développement économique : le programme HUBZone (Historically Underutilitized Business Zone Program). Le but de ce programme est de soutenir les petites entreprises tout en accroissant le taux d'emploi, l'investissement et le développement économique sur ces territoires historiquement défavorisés1014(*).
Pour être éligibles au programme HUBZone, les petites entreprises doivent remplir les conditions fixées par l'article 126.200 du Code des règlements fédéraux ayant trait à : la citoyenneté des personnes dirigeant l'entreprise ; la taille de l'entreprise ; la localisation du siège de l'entreprise sur le territoire classifié comme une HUBZone et le lieu de résidence des employés. Les participants à ce programme peuvent bénéficier de marchés réservés et d'attributions directes de contrats publics.
(3) Le programme pour les petites entreprises dirigées par des anciens combattants handicapés (Service-Disabled Veteran-Owned Small Business Program)
Il s'agit d'un programme spécifique d'assistance aux petites entreprises lorsque celles-ci appartiennent à des militaires souffrant de handicaps les rendant incapables de servir. Ce programme (Service-Disabled Veteran-Owned Small Business Program) est consacré dans la sous-partie 19.14 du Code des règlements fédéraux1015(*). L'éligibilité à ce programme est conditionnée à : la reconnaissance du statut d'ancien combattant ; la reconnaissance du handicap et la domiciliation des employés sur le territoire américain - lorsque ces critères sont réunis, une certification est octroyée. Le programme pour les anciens combattants handicapés permet au pouvoir adjudicateur de réserver (totalement ou partiellement) des contrats publics aux petites entreprises dirigées par cette catégorie de personne1016(*).
(4) Le programme pour les petites entreprises dirigées par des femmes (Women-Owned Small Business Program)
La sous-partie 19.15 du Code des règlements fédéraux1017(*) établit le cadre d'un programme spécial d'assistance aux petites entreprises dirigées par des femmes dans des situations économiques défavorables : il s'agit du programme pour les cheffes de petites entreprises (Women-Owned Small Business Program).
Pour participer à ce programme, l'entreprise doit être considérée comme une petite entreprise, être exclusivement dirigée par une ou plusieurs femmes résidant aux États-Unis et se trouver dans une situation économique défavorable1018(*). Ce programme permet d'accéder à des marchés réservés et des attributions directes jusqu'à des montants plafonds plus élevés.
* 950 https://www.gao.gov/blog/snapshot-government-wide-contracting-fy-2023-interactive-dashboard (consulté le 25 mai 2025).
* 951 Ibid.
* 952 https://fedalliance.org/understanding-the-state-local-and-education-sled-market/ (consulté le 25 mai 2025).
* 953 https://www.americanbar.org/products/inv/book/425654904/ (consulté le 25 mai 2025).
* 954 United States Code, Title 41 - Public contracts
* 955 United States Code, Title 10 - Armed forces
* 956 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1
* 957 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter A, art. 1.102 - Statement of guiding principles for the Federal Acquisition System: https://www.ecfr.gov/current/title-48/chapter-1/subchapter-A/part-1
* 958 Le site internet https://www.acquisition.gov/content/regulations rassemble l'ensemble des règlements des agences fédérales applicables, ainsi qu'un comparateur et des liens vers les prévisions d'appels d'offres de l'ensemble des agences.
* 959 https://www.acquisition.gov/sites/default/files/current/far/pdf/FAR.pdf (consulté le 23 mai 2025).
* 960 United States Code, Title 41, Subtitle I, Chapter 33, section 3301 - Full and open competition.
* 961 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 6 - Competition requirements, art. 6.102.
* 962 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter C, Part 14 - Sealed Bidding.
* 963 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 Subchapter C, art. 15.002
* 964 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 13 - Simplified acquisition procedures, art. 13.0002.
* 965 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 13
* 966 Montant hors taxes. Pour mémoire, il n'existe pas de TVA au niveau fédéral aux États-Unis.
* 967 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 2 - Definitions of terms, art. 2.101 Definitions
* 968 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 2 - Definitions of terms, art. 2.101 Definitions
* 969 Congressional Research Service, R46748, The Buy American Act and Other Federal Procurement Domestic Content Restrictions, 2022, p. 1
* 970 Ibid.
* 971 Ibid. p. 2.
* 972 United States Code, Title 41, Subtitle IV
* 973 Ainsi que le note le Congressional Research Service, il n'existe pas de définition du terme « manufacturé » au sein du Buy American Act, ce qui a donné lieu à une jurisprudence importante. Aujourd'hui, pour savoir si un produit est manufacturé aux États-Unis, les questions suivantes sont prises en considération : le produit a-t-il subi des modifications substantielles de ses caractéristiques physiques aux États-Unis ; les ingrédients du produit [ont-ils été] mesurés, pesés, mélangés et composés aux États-Unis ; et le produit a-t-il été préparé sous la forme requise pour être utilisé par le gouvernement aux États-Unis ? Les opérations effectuées après l'achèvement de l'article (par exemple, l'emballage, le test) ne sont généralement pas considérées comme des opérations de manufacture.
* 974 United States Code, Title 41, Subtitle I, Chapter 19 - Simplified acquisition procedures, art. 1902
* 975 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System
* 976 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.105
* 977 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.204
* 978 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 2 - Defense Acquisition Regulations System, art. 225.106
* 979 Congressional Research Service, R46748, op. cit. p. 6.
* 980 United States Code, Title 19, Chapter 13 - Trade Agreements Act of 1979 (art. 2501-2582)
* 981 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.400
* 982 Jusqu'au 1er janvier 2025, les pays de l'accord USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement), le Chili, Singapour, l'Australie, le Maroc, les pays de l'accord CAFTA-DR (The Dominican Republic-Central America-United States Free Trade agreement), Bahreïn, Oman, le Pérou, la Corée du Sud, la Colombie, le Panama.
* 983 Pour un tableau détaillé et exhaustif des seuils en fonction des pays et de la nature du marché public, voir Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.402
* 984 United States Code, Title 10 - Armed Forces, art. 4862 - Requirement to buy certain articles from American sources; exceptions
* 985 United States Code, Title 10 - Armed Forces, art. 4863 - Requirement to buy strategic materials critical to national security from American sources; exceptions
* 986 À propos de l'acier, l'article 4863 alinéa (l) précise que ce métal spécial est concerné dès lors que 1) sa teneur en alliage dépasse une ou plusieurs des limites suivantes : manganèse, 1,65 pour cent ; silicium, 0,60 pour cent ; ou cuivre, 0,60 pour cent ; ou 2) qu'il contient plus de 0,25 % de l'un des éléments suivants : aluminium, chrome, cobalt, columbium, molybdène, nickel, titane, tungstène ou vanadium.
* 987 Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA), Public Law 117-58, Division G, Title IX - Build America, Buy America, Subtitle A - Build America, Buy America Act (art. 70901-70927)
* 988 Congressional Research Service, OMB Issues Final Guidance on “Buy America” Domestic Preference Requirements, 2023
* 989 Ibid.
* 990 Sénat, Rapport d'information n° 374 - 1996/1997 de M. Francis GRIGNON, « Aider les PME : l'exemple américain »
* 991 Small Business Act, Public Law 85-536, 18 juillet 1958, (consulté le 3 juin 2025)
* 992 United States Code, Title 15 - Commerce and Trade, chapter 14A - Aid to small businesses (art. 631-657u)
* 993 La Small Business Administration dispose d'un site institutionnel sur lequel sont accessibles des informations concernant ses missions ainsi que des rapports d'activité : https://www.sba.gov/ (consulté le 3 juin 2025)
* 994 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-guide/basic-requirements (consulté le 3 juin 2025).
* 995 Code of Federal Regulations, Title 13 - Business Credit and Assistance, § 121.201 (consulté le 3 juin 2025)
* 996 Voir la liste complète listant plus de 1 000 cas de figure : https://www.sba.gov/sites/default/files/2023-06/Table%20of%20Size%20Standards_Effective%20March%2017%2C%202023%20%282%29.pdf (consulté le 3 juin 2025).
* 997 https://advocacy.sba.gov/wp-content/uploads/2024/11/United_States.pdf (consulté le 3 juin 2025).
* 998 Congressional Research Service, R45576, An Overview of Small Business Contracting, 2024, p. 12.
* 999 https://sam.gov/ (consulté le 5 juin 2025).
* 1000 CRS, R45576, op. cit., p. 3.
* 1001 https://www.sba.gov/sites/default/files/2025-02/Small%20Business%20Procurement%20-%20F25%20SB%20Goals%20-%20One%20Page_2.24.2025.pdf (consulté le 4 juin 2025).
* 1002 Une petite entreprise désavantagée est définie comme une entreprise remplissant les critères de taille des petites entreprises, détenue ou contrôlée à au moins 51 % par une personne socialement ou économiquement désavantagée.
* 1003 Le site institutionnel de la SBA a élaboré une page web interactive analysant les résultats annuels d'attribution des contrats publics aux petites entreprises, détaillés par ministère fédéral : https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-data/small-business-procurement-scorecard/scorecard-details?agency=DOJ&year=2023 (consulté le 3 juin 2025)
* 1004 Competition in Contracting Act 1984, 41 USC article 3301 - Full and open competition.
* 1005 CRS, R45576, op. cit. p. 7.
* 1006 Code of Federal Regulations, 48 CFR Part 19 Subpart 19.5
* 1007 https://www.sba.gov/partners/contracting-officials/small-business-procurement/set-aside-procurement (consulté le 6 juin 2025).
* 1008 Il s'agit de l'article 8(a) dans la version « autonome » de la loi ; dans sa version telle que codifiée dans le Code des États-Unis, il s'agit de l'article 637(a) du titre 15.
* 1009 CRS, R45576, op. cit. p. 13.
* 1010 Les critères d'éligibilité au programme 8(a) sont définis à l'article 124.101 du titre 13 du Code des règlements fédéraux. Ces critères ont trait à la taille de l'entreprise, la situation socio-économique de la personne dirigeant l'entreprise, les chances de succès et le fait de détenir la citoyenne américaine. Les articles suivants (124.102 à 124.108) apportent des précisions concrètes quant à ces critères.
* 1011 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-assistance-programs/8a-business-development-program (consulté le 6 juin 2025)
* 1012 CRS, R45576, op. cit. p. 13.
* 1013 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subpart 19.13 - Historically Underutilitized Business Zone (HUBZone) program : https://www.ecfr.gov/current/title-48/chapter-1/subchapter-D/part-19/subpart-19.13
* 1014 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-assistance-programs/hubzone-program (consulté le 6 juin 2025).
* 1015 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter 19.14 - Service-Disabled Veteran-Owned Small Business Program
* 1016 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-assistance-programs/veteran-contracting-assistance-programs#id-service-disabled-veteran-owned-small-business-program (consulté le 6 juin 2025).
* 1017 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter 19.15 - Women-Owned Small Business Program
* 1018 Une femme est considérée comme économiquement défavorisée si elle parvient à démontrer que ses capacités de contracter sur un marché concurrentiel sont limitées du fait d'un capital et de capacité de crédit moindres par rapport à d'autres entreprises dans le même domaine (art. 127.203 du Code des règlements fédéraux : https://www.ecfr.gov/current/title-13/chapter-I/part-127).