II. LE PÉROU : UNE RELATION À APPROFONDIR
A. DES RELATIONS FRANCO-PÉRUVIENNES TRADITIONNELLEMENT CORDIALES
L'image de la France au Pérou est très positive, bien que les échanges politiques aient été freinés à partir de 2016 en raison de la longue crise politique.
La crise politique péruvienne
I. Une instabilité politique persistante depuis la chute de Fujimori (2000)
Depuis la fin de la présidence d'Alberto Fujimori en 2000, le Pérou est victime d'une instabilité politique chronique, marquée par une succession rapide de présidents, une défiance généralisée envers les institutions et une corruption endémique. Entre 2016 et 2023, six présidents se sont succédé : Pedro Pablo Kuczynski (2016-2018), contraint à la démission pour corruption (affaire Odebrecht) ; Martín Vizcarra (2018-2020), destitué pour « incapacité morale » par un Congrès hostile ; Manuel Merino, président intérimaire pendant 5 jours en novembre 2020, démissionnaire après des manifestations massives ; Francisco Sagasti (2020-2021), président de transition ; Pedro Castillo (2021-2022), destitué après avoir tenté de dissoudre le Congrès, enfin Dina Boluarte, actuelle présidente par intérim, dont la légitimité est fortement contestée.
Le système politique péruvien est déséquilibré, le Congrès pouvant facilement destituer un président pour « incapacité morale » (une notion floue non définie par la Constitution). Le Congrès monocaméral est extrêmement fragmenté : aux élections de 2021, 10 partis ont obtenu des sièges, aucun n'ayant atteint plus de 14 %. Ceci favorise les coalitions opportunistes et rend difficile le dialogue exécutif-législatif.
II. Le cas Pedro Castillo, révélateur des fractures sociales
Élu en 2021 avec le soutien des zones rurales et andines, Pedro Castillo symbolisait une réaction populaire contre Lima et les élites côtières. Son mandat a été marqué par l'instabilité (plus de 70 ministres en un an), des accusations de corruption, mais aussi par un harcèlement permanent du Congrès conservateur. En décembre 2022, après avoir tenté de dissoudre le Congrès par un décret illégal, il a été destitué et arrêté. Cette crise a déclenché de violentes manifestations, surtout dans le sud andin.
Par la suite, les protestations de 2022-2023 contre Dina Boluarte, la vice-présidente de Castillo qui lui a succédé à la présidence, ont provoqué plus de 60 morts. Plusieurs ONG et la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) ont dénoncé un usage disproportionné de la force par la police. Le sud du pays reste en état de grande tension, réclamant une Assemblée constituante et des élections anticipées.
III. Les facteurs structurels de la crise
Le Pérou souffre d'une délégitimation des partis traditionnels, coalitions électorales ad hoc sans idéologie claire ni ancrage territorial durable. Aucun parti péruvien n'a réussi à gouverner deux mandats consécutifs depuis 2000. L'affaire Odebrecht a touché quatre présidents successifs.
Par ailleurs, le PIB par habitant est environ 2 fois plus élevé à Lima que dans les régions andines. L'indice de pauvreté atteint plus de 35 % dans certaines régions rurales, contre 13 % à Lima. Cette fracture nourrit une radicalisation politique entre élites urbaines et électorats indigènes ou paysans.
La crise politique péruvienne est ainsi multidimensionnelle et profonde. Elle résulte d'un système institutionnel dysfonctionnel et d'une fracture territoriale et sociale toujours plus aiguë.
Malgré ses problèmes internes, le Pérou, attaché à la défense des valeurs démocratiques sur la scène internationale, est un allié de la France dans les enceintes multilatérales