B. L'ENJEU DE LA RATIFICATION DU TRAITÉ SUR LA HAUTE MER
Un enjeu important actuellement pour le pays est la ratification de l' « Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale », dit « BBNJ ». Bien que ce traité ait été signé par la présidente Boluarte à Nice en juin 2025, les parlementaires péruviens sont réticents à le ratifier car ils redoutent que cela ne soit considéré comme une ratification implicite de la Convention de Montego Bay, que le Pérou n'a pas signée, et ne conduise à des restrictions pour la pêche péruvienne. Pourtant, ce traité, dont la ratification est fortement soutenue par la France (il manque une dizaine de signatures sur 60 pour l'entrée en vigueur) permettrait de mieux lutter contre le pillage halieutique sans nuire à la pêche locale. Les autorités françaises doivent donc poursuivre le travail d'explication entrepris pour permettre une ratification prochaine par le Pérou.
C. UNE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE À LA CHINE MAIS DES OPPORTUNITÉS POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES
Grand pays riverain du Pacifique, membre de l'Alliance du Pacifique et de l'APEC, le Pérou a pour principaux partenaires les États-Unis et la Chine, cette dernière ayant pris l'ascendant au cours des dernières années. Elle y accroît sa présence, avec notamment l'inauguration du « méga-port » de Chancay par Xi Jinping, réalisation majeure de l'initiative « Belt and road » chinoise. La présence des entreprises chinoises a également conduit à une éviction des PME locales, en particulier dans le secteur de la construction. Soixante-quinze pour cent du cuivre péruvien part vers la Chine.
Le Pérou, conscient du risque de dépendance vis-à-vis d'une puissance dominante, attend de la part de ses autres partenaires, et notamment de la France, une diversification accrue de ses relations commerciales. La relation avec notre pays est d'autant plus appréciée que la France soutient le Pérou dans sa candidature à l'OCDE. Les bons fondamentaux macroéconomiques (dette faible, inflation basse et taux d'intérêts réduits) qui peuvent justifier cette ambition sont l'envers d'un déficit massif en infrastructures publiques (routes, ponts, écoles, hôpitaux, etc), que l'administration péruvienne n'est pas en mesure de construire avec les seules ressources de l'État. La France y répond par des contrats de gouvernement à gouvernement, permettant de contourner les blocages de l'investissement public, comme avec le marché gagné par Egis et Setec pour une route, un pont et quatre hôpitaux. L'État péruvien bénéficie ainsi d'une forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage (PMO), impliquant fortement l'ambassade et susceptible de faciliter l'accès à ces marchés à des entreprises françaises. D'autres contrats de ce type peuvent être envisagés pour les années à venir.
Pays minier majeur, le Pérou n'accueille pas d'exploitants français dans ce domaine, mais ceux-ci sont présents dans les services associés, ainsi Sodexho et Veritas. Le pays est confronté à la progression des mines et de l'orpaillage illégaux (cf. l'encadré ci-dessous). Les entreprises minières et celles qui fournissent des services associés à cette activité regrettent la lenteur de la délivrance des permis légaux. Le ministère des Mines assure cependant avoir approuvé sept milliards de dollars d'investissements en deux ans.
Les richesses minières du Pérou et leurs implications économiques et sociales
Une ressource essentielle pour le pays
Le Pérou est l'un des plus grands producteurs mondiaux de minerais. En 2022, il était :
- 2ème producteur mondial d'argent,
- 2ème producteur mondial de cuivre. En 2023, le pays a produit près de 2,7 millions de tonnes de cuivre, soit environ 10 % de la production mondiale.
- 4ème producteur d'or,
- 5ème producteur mondial de zinc.
Le secteur minier représente environ 60 % des exportations du pays et plus de 10 % du PIB national.
Le Pérou occupe ainsi une place majeure sur le marché mondial des métaux indispensables à la transition énergétique et est un acteur clé dans l'approvisionnement mondial en matières premières critiques. Ces métaux sont en effet essentiels à l'électrification des usages (cuivre), au développement du photovoltaïque (argent), à la fabrication de batteries (zinc) ou d'alliages complexes (molybdène, étain). Les grandes mines de Las Bambas, Cerro Verde, Quellaveco ou Antamina constituent des centres de production de rang mondial.
L'émergence d'un potentiel en lithium
La découverte en 2018 du gisement de Falchani (région de Puno) a placé le Pérou sur la carte des pays susceptibles de jouer un rôle clé sur le marché du lithium, utilisé dans les batteries pour véhicules électriques et le stockage stationnaire d'énergie. La société canadienne American Lithium Corp y a identifié des réserves estimées à 4,7 millions de tonnes de carbonate de lithium, ce qui pourrait positionner le Pérou dans les premiers producteurs mondiaux à l'horizon 2030.
Le Pérou est également un producteur notable de molybdène (30 000 t en 2023, 6ème producteur mondial), utilisé dans les alliages haute performance, et d'étain (25 000 t, 6ème mondial), nécessaire aux soudures et composants électroniques. Ces métaux jouent un rôle moins connu mais stratégique dans les technologies émergentes, notamment dans les systèmes électroniques embarqués ou les réseaux intelligents.
Le Pérou ne produit pas actuellement de terres rares mais des prospections récentes dans les régions d'Apurímac et de la cordillère orientale ont mis en évidence la présence de lanthanides (yttrium, cérium, néodyme). Le développement de cette filière nécessite toutefois des investissements lourds.
Cette richesse minérale s'accompagne cependant de fortes tensions sociales, sécuritaires et environnementales.
Les problèmes posés par l'activité minière illégale et informelle
En Amazonie péruvienne, notamment dans la région de Madre de Dios, des milliers de mineurs opèrent sans autorisation légale, dans des zones protégées ou sur des territoires autochtones. L'orpaillage illégal détruit les écosystèmes (déforestation massive, pollution au mercure avec des impacts lourds sur la santé des populations : des études ont documenté une contamination chronique chez les enfants et les femmes enceintes dans certaines communautés autochtones) et alimente les réseaux criminels impliqués dans le trafic d'armes, la traite des êtres humains et le blanchiment.
De très nombreux conflits sociaux locaux existent au Pérou, dont une grande partie est liée à des activités minières. Ces conflits opposent communautés locales, entreprises minières (publiques ou privées), et autorités, parfois de façon violente. Certaines zones échappent au contrôle de l'État, et les forces armées sont sollicitées pour sécuriser les installations ou maintenir l'ordre.
Le gouvernement a créé plusieurs unités dédiées à la lutte contre l'exploitation illégale En pratique, la faiblesse de l'État dans certaines régions, la corruption et le manque de coordination entre forces de sécurité et justice entravent l'efficacité de ces dispositifs.
L'armée péruvienne est également engagée ponctuellement dans la destruction de matériels illégaux et dans la sécurisation de zones minières sensibles. Cependant, ces interventions sont souvent critiquées pour leur manque de continuité et l'absence de stratégie civile complémentaire.
Le pays entend aussi développer les énergies renouvelables, sans renoncer aux énergies fossiles : gaz et pétrole dans une moindre mesure.
Au total, le potentiel d'investissement est important pour les entreprises françaises, qui bénéficient de la stabilité macroéconomique du pays, même si celle-ci commence à pâtir de la crise politique. En mars 2025, le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a relancé la relation par sa visite dans le pays. Mais le Pérou en attend davantage face à l'influence croissante de la Chine. La consolidation du service économique au sein de l'ambassade ainsi qu'une action résolue de Business France sont nécessaires pour pouvoir mieux aider les entreprises françaises à s'adapter aux opportunités, d'autant que les contrats de gouvernement à gouvernement supposent un investissement assez lourd.
Il convient enfin de souligner que l'AFD est pénalisée au Pérou par les taux d'intérêt bas, qui rendent ses prêts peu compétitifs. Elle intervient toutefois depuis 2015, avec comme secteurs prioritaires d'intervention la ville durable, l'eau et l'assainissement ainsi que les énergies renouvelables. Un prêt de 200 millions d'euros a été accordé à la fin de l'année 2023 pour la prévention des risques de catastrophes naturelles auxquels le Pérou est particulièrement exposé, mais il n'a pas encore obtenu l'autorisation du Congrès péruvien.