F. UNE COOPÉRATION CROISSANTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUES ET LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE

1. Des phénomènes criminels en forte progression

Le Pérou est le deuxième producteur mondial de coca et de cocaïne, après la Colombie. En 2024, plus de 900 tonnes de cocaïne ont ainsi été produites et 109 tonnes saisies dans le pays, en augmentation de 72 % par rapport à 2023. En outre, si les premières destinations européennes restent l'Espagne et les Pays-Bas, la France est aussi une cible majeure, et de manière croissante au cours de la période récente. À noter que la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine dispose de 300 employés dans le pays, mais que les États-Unis pourraient réduire cette implantation, car seulement 4 % de la cocaïne part vers leur territoire.

Dans ce pays sixième producteur mondial d'or, avec environ 140 tonnes par an, l'orpaillage illégal est devenu un fléau d'ampleur comparable au narcotrafic. Au cours des trente-cinq dernières années, le nombre de chantiers illégaux a été multiplié par sept.

Cliché de la station spatiale internationale montrant les « rivières d'or » et la déforestation massive au Pérou

Parallèlement, le Pérou est confronté à une offensive sans précédent de la criminalité organisée ainsi qu'à une hausse de l'insécurité. Celle-ci se traduit notamment par des attaques à main armée, des extorsions et des kidnappings, ainsi que par la hausse du taux d'homicides, ceux-ci ayant augmenté de 35 % en 2024. La quasi-totalité des groupes criminels et des mafias du monde se sont désormais installés au Pérou et profitent du narcotrafic, mais aussi de l'exploitation illégale de l'or, encore plus rentable désormais que la cocaïne en raison de son cours élevé, ou du bois. Les « sicarios » (tueurs à gage) sont de plus en plus nombreux. La police, la justice et le système pénitentiaire connaissent un haut niveau de corruption, ce qui entrave la coopération judiciaire.

Le Pérou a développé une politique multidimensionnelle de lutte contre la drogue à travers un organisme interministériel, la DEVIDA, dont la délégation sénatoriale a rencontré les responsables. La stratégie de la DEVIDA montre que seule une approche globale est pertinente face à la drogue : la cible n'est pas le groupe criminel en soi, mais le modèle économique et la chaîne de valeur. Il s'agit à la fois d'améliorer la situation économique et institutionnelle des paysans dans les zones de production, de réduire celle-ci, et enfin de diminuer la consommation des populations vulnérables. La DEVIDA met en avant une statistique prometteuse : alors que la superficie cultivée pour la coca avait augmenté de 70 % entre 2018 et 2022, elle a commencé à décroître depuis : la dynamique serait ainsi cassée.

2. Une coopération croissante

Dans le contexte de la progression du narcotrafic en France, l'Office anti-stupéfiants (OFAST) souligne que « Le Pérou est l'un des pays d'intérêt prioritaire dans la stratégie de coopération internationale pour entraver les trafics en amont du territoire national ».

Parmi les aspects positifs d'une coopération franco-péruvienne déjà avancée sur ce dossier, la France disposera très prochainement d'un officier de liaison du ministère de l'Intérieur. La direction de coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères a également détaché un officier de police auprès de la DEVIDA, et quatre chiens entraînés à la recherche de stupéfiants ont été offerts à la police péruvienne. La France a aussi donné des drones, des GPS et des kits de détection. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) fournit une assistance technique pour la certification bio et équitable du café dans les zones de production de coca.

Au total, il faut saluer une prise de conscience, de la part des pouvoirs publics français, de l'enjeu majeur que représente le Pérou en matière de trafic de drogue à destination de notre pays. Le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur et la MILDECA ont lancé des actions importantes, même si les moyens financiers restent limités. À cet égard, le retrait possible de la DEA américaine incite à envisager une substitution par l'Union européenne, raison pour laquelle la France doit impérativement mobiliser ses partenaires sur ce sujet.

Au niveau européen, Europol travaille d'ailleurs sur un accord de partage de données avec le Pérou. La Commission européenne souhaite créer une équipe réunissant des enquêteurs péruviens et des policiers de chaque pays européen. L'UE a également lancé en janvier 2024 une « Alliance portuaire européenne » afin de coopérer avec les ports sud-américains.

Il est impératif que les ports français concernés par le trafic de drogue se joignent aux activités de l' « Alliance portuaire européenne » à laquelle contribuent déjà les grands ports néerlandais et belges.

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