II. SANS AVOIR RETROUVÉ LE NIVEAU ATTEINT EN 2019, LE NOMBRE DE DEMANDES DE VISAS EST EN FORTE AUGMENTATION

A. APRÈS UN BRUTAL RALENTISSEMENT CAUSÉ PAR LA CRISE SANITAIRE, LE VOLUME DE DEMANDES DE VISAS A REPRIS SA PROGRESSION

Dans la période précédant la crise sanitaire, les demandes de visas connaissaient une progression continue et régulière chaque année. Entre 2015 et 2019, le nombre de demandes est passé de 3,6 millions de demandes à 4,3 millions de demandes, soit une augmentation de 19 % sur la période.

La crise sanitaire a toutefois porté un coup d'arrêt à cette évolution, la fermeture des frontières ayant entraîné une réduction drastique des déplacements internationaux et, par conséquent, des demandes de visas de court séjour.

L'adaptation de la délivrance des visas au contexte de crise sanitaire

S'agissant des visas de long séjour, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à prolonger leur validité par voie d'ordonnance. En miroir, et pour limiter les entrées sur le territoire, le Gouvernement a suspendu la délivrance de visas aux bénéficiaires de la réunification familiale et du regroupement familial admis au séjour en France9(*). Cette mesure, en vigueur plus de dix mois, a toutefois été suspendu par le juge des référés10(*).

Concernant l'organisation des services de visas, les postes ont mis en place, conjointement avec l'administration centrale, des plans de continuité de l'activité. Les agents chargés de l'instruction ont été redéployés sur d'autres missions, en particulier l'assistance aux Français de l'étranger. Si les nouvelles affectations d'agents instructeurs ont été gelées dans l'attente de la reprise de l'activité, le réseau consulaire n'a pas procédé à une réduction de ses effectifs et a notamment conservé l'ensemble de ses agents de droit local.

Des mesures de soutien aux prestataires de services extérieurs, dont l'activité économique a été largement affectée par la crise sanitaire, ont également été prises. Une augmentation exceptionnelle des frais de services a été autorisée pour leur permettre de préserver une part de leurs recettes. Dans le même temps, afin de leur assurer une plus grande visibilité économique, une partie des contrats en cours a fait l'objet d'une reconduction. La durée des contrats a, par ailleurs, été étendue de trois à cinq ans.

Source : commission des finances

Consécutivement à la réouverture des frontières et à la fin des restrictions liée à l'épidémie, la progression des demandes de visas a repris depuis 2021, avec une croissance de 289 % sur cinq ans. Toutefois, le nombre de demandes est encore sensiblement inférieur au niveau atteint en 2019. Avec 3,4 millions de demandes de visas, l'activité des services consulaires équivaut en 2024 au niveau de l'année 2014.

Évolution des demandes de visas sur la période 2015-2024

(en nombre de visas)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Pour autant, la brusque reprise des demandes de visas, au sortir de la crise sanitaire (+ 142 % entre 2021 et 2022 et + 32 % entre 2022 et 2023), a pris les services consulaires de court et les a placés dans une situation de grande difficulté. L'augmentation soudaine des demandes, concentrée dans plusieurs pays a rapidement saturé les capacités de traitement des services. Il en a résulté un allongement significatif des délais de traitement, suscitant des mécontentements au sein de ces pays, relayés au niveau bilatéral par leurs autorités.

Évolution du taux de refus des demandes de visas sur la période 2018-2025

(en points de pourcentage)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025
(au 30 avril)

Taux de refus

15,9 %

16,2 %

19,1 %

20,9 %

22,3 %

17,1 %

16,8 %

16,4 %

Source : commission des finances d'après les données transmises par la direction de l'immigration

Le taux de refus dans l'instruction des demandes de visas est stable depuis 2018, à l'exception de la période de crise sanitaire entre 2020 et 2022. Au cours de cet intermède, la diminution du nombre de demandes a mécaniquement conduit à une progression de la part des décisions de refus. Au-delà de cette moyenne, on constate une forte disparité selon les zones géographiques : la Somalie a connu un taux de refus de 66,9 % en 2024 tandis que la moyenne des pays d'Amérique du Nord s'élevait à seulement 4 % la même année. Au sein d'une même zone géographique, plusieurs pays peuvent avoir des taux de refus fortement hétérogènes, en dépit de la similarité des profils des demandeurs11(*).

Il importe cependant de souligner que les taux de refus de demandes de visas ne constituent pas un indicateur complètement fiable de la « sélectivité » de l'instruction des visas. Dans un contexte de forte hausse de la demande, la sélection s'opère en réalité au stade de la prise de rendez-vous. De fait, un dossier présentant peu de chances d'obtenir un visa - schématiquement une personne seule, sans qualification ni ressources et sans attaches garantissant le retour - se verra plus difficilement accorder un rendez-vous pour le dépôt de sa demande.

Au sein de l'espace Schengen, la France demeure le premier pays destinataire de demandes de visas, largement devant l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie.

Demandes de visas dans les pays de l'espace Schengen en 2024

(en nombre de demandes)

Source : commission des finances d'après la base de données Schengen


* 9 Circulaire du Premier ministre n° 6239/SG du 29 décembre 2020 relative à la fermeture des frontières extérieures.

* 10 Conseil d'État, juge des référés, 21 janvier 2021, n° 447878.

* 11 Pour les trois pays du Maghreb, les taux de refus sont de 34,8 % pour l'Algérie, de 21,2 % pour la Tunisie et de 12,5 % pour le Maroc.

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