B. RÉINTRODUIRE LES TRÈS COURTES PEINES, LEVIERS D'EFFICACITÉ DE LA RÉPONSE PÉNALE

La politique pénale française se caractérise par un allongement continu de la durée moyenne des incarcérations - 11,3 mois en moyenne, contre 4,6 en Allemagne -, sans effet tangible sur la récidive ni sur la surpopulation carcérale. Ce paradoxe fragilise la lisibilité et l'efficacité de la réponse pénale.

Les courtes peines, c'est-à-dire les peines d'un à six mois, posent, quant à elle, de sérieuses difficultés : alors qu'elles entraînent bien souvent un effet désocialisant majeur (perte d'emploi, rupture familiale), elles restent trop brèves pour permettre un véritable accompagnement par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et sont en conséquence inefficaces en matière de réinsertion.

Dans ce contexte, la réintroduction de très courtes peines d'emprisonnement, c'est-à-dire les peines inférieures ou égales à un mois, qui avaient été supprimées en 2019, offre une véritable alternative. Leur exécution rapide et brève permettrait de produire un « choc carcéral » dissuasif sans rompre les attaches sociales ni compromettre l'insertion professionnelle. Les travaux de la mission et les comparaisons internationales montrent que ces peines, si elles sont exécutées dans des établissements spécialisés et réservées à des publics spécifiques - jeunes délinquants ou personnes insérées socialement, mineurs en situation de crise -, peuvent prévenir l'ancrage dans la délinquance et éviter l'« escalade » vers des peines plus longues.

C. PROMOUVOIR UNE INDIVIDUALISATION DES PEINES PLUS EFFECTIVE

L'individualisation des peines, qui constitue l'un des ressorts fondamentaux du régime d'exécution de ces dernières, est actuellement dévoyée pour des raisons tant juridiques que pratiques.

Il apparaît tout d'abord que les acteurs de l'exécution des peines ne disposent pas d'un renseignement suffisant sur la personnalité des condamnés, ce qui altère par définition les capacités d'individualisation des peines du système pénal français. La mission recommande donc de veiller à la qualité de la décision d'individualisation, grâce à une plateforme pluridisciplinaire garantissant une meilleure connaissance par le juge de la situation du condamné dès l'audience correctionnelle.

Fait également obstacle à la juste individualisation des peines l'insuffisante connaissance que les différents acteurs ont de leurs fonctions respectives. Ce phénomène est flagrant pour les SPIP, dont les juridictions de jugement connaissent insuffisamment les compétences, alors qu'ils sont un maillon crucial du dispositif pénal. La mission préconise ainsi de clarifier les rôles respectifs des différents acteurs de la chaîne pénale.

Enfin, compte tenu de l'insuffisante connaissance de la personnalité des condamnés et de la surpopulation carcérale, les détenus sont rarement incarcérés dans un établissement qui correspond à leur situation ou à leur profil. Les affectations en quartier de semi-liberté servent par exemple souvent à contenir la surpopulation d'une maison d'arrêt, à rebours de la vocation de préparation à la sortie de ces structures. La mission insiste donc sur la nécessité de garantir une adéquation entre la nature des établissements d'incarcération et la personnalité des détenus ; elle encourage le développement des quartiers ou établissements spécialisés qui obéissent à cette logique - quartiers de lutte contre la criminalité organisée, programme InSERRE, etc.

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