D. LES MINEURS DÉLINQUANTS, DES CONDAMNÉS COMME LES AUTRES ?

Malgré un régime pénal spécifique, les mineurs condamnés se trouvent globalement confrontés aux mêmes difficultés que les majeurs en matière d'exécution des peines : à l'exception notable de la surpopulation carcérale, eux aussi pâtissent d'un déficit d'individualisation des peines et d'un manque de moyens en milieu ouvert comme en milieu fermé.

1. Un cadre pénal spécifique
a) Un corpus juridique pour partie autonome

Le droit pénal des mineurs fut longtemps régi par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui a établi les principes cardinaux de l'exécution des peines auxquels obéit désormais le code de la justice pénale des mineurs (CJPM).

La spécificité de l'exécution des peines prononcées contre les mineurs tient principalement à l'atténuation de la responsabilité pénale de ces derniers, qui est l'un des principes structurants de cette matière. Ce principe se traduit par une diminution des peines pouvant effectivement être prononcées à leur encontre. Ainsi, l'article L. 11-5 du CJPM prévoit que « les peines encourues par les mineurs sont diminuées », fondant légalement ce qui est communément désigné par l'expression « excuse de minorité ».

Ce principe constitue au surplus un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, qui a été dégagé par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 portant sur la loi d'orientation et de programmation pour la justice - et s'impose par conséquent au législateur.

Le tribunal pour enfants et la cour d'assises ne peuvent ainsi prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue ou de vingt ans de prison lorsque ladite peine encourue est la peine de réclusion ou de détention criminelle à perpétuité163(*). De la même manière, il « ne peut être prononcé à l'encontre d'un mineur une peine d'amende supérieure à la moitié de la peine encourue ni une peine d'amende excédant 7 500 euros »164(*).

Les peines infligées aux mineurs doivent en outre observer le primat de l'éducatif sur le répressif et, partant, le caractère exceptionnel de l'incarcération.

Le droit pénal applicable aux mineurs a fait l'objet de plusieurs révisions législatives ces dernières années. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a par exemple étayé la compétence du juge des enfants, qui peut assurer le suivi de l'exécution des peines appliquées à un mineur au-delà de sa majorité, jusqu'à ses vingt et un ans. Il lui est toutefois loisible de se dessaisir au bénéfice du juge de l'application des peines compte tenu de la nature de la mesure ou de la personnalité du condamné165(*).

Une réforme d'ampleur du droit pénal des mineurs a été engagée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Son article 93 habilitait le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi pour :

« a) Simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ;

« b) Accélérer leur jugement pour qu'il soit statué rapidement sur leur culpabilité ;

« c) Renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération ;

« d) Améliorer la prise en compte de leurs victimes. »

Il revint à cette occasion au Gouvernement de compiler les dispositions en question au sein d'un nouveau code de la justice pénale des mineurs, qui s'est donc substitué à l'ordonnance de 1945 précitée. La loi n° 2021-218 du 26 février 2021 ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs a ensuite ratifié le CPJM.

Entré en vigueur le 1er octobre 2021, le CJPM avait pour objectif de « remplacer l'ordonnance de 1945 par un ensemble cohérent de mesures susceptible de clarifier les procédures applicables et d'apporter une réponse plus efficace aux infractions commises par les mineurs »166(*), avec notamment une innovation de taille : la césure du procès pénal en deux phases, soit une audience sur la culpabilité et une seconde, six à neuf mois plus tard, sur la peine.

Dans le cadre de ses travaux sur le projet de loi de finances pour 2025, la commission des lois du Sénat a adopté l'avis budgétaire relatif au programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » de la rapporteure Laurence Harribey qui dresse un premier bilan de cette réforme.

Du point de vue des juridictions, les indicateurs disponibles dessinent un résultat globalement positif, marqué notamment par la baisse des délais moyens de jugement (17,2 mois entre la commission des faits et le jugement en 2023, contre plus de 21 mois en 2021) comme de la proportion de mineurs en détention provisoire dans l'ensemble des mineurs détenus (77 % au 1er octobre 2021, contre 64 % au mois d'août 2024), ainsi que par un recours fréquent à la nouvelle « mesure éducative judiciaire » créée par le CJPM.

L'AFMJF a estimé devant les rapporteures que cette réforme n'avait pas « [modifié] l'économie générale » de cette matière et qu'elle avait « permis de diviser par deux, voire trois les délais de jugement ». Cette appréciation est largement partagée par les syndicats représentatifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) que les rapporteures ont auditionnés.

b) Des acteurs spécialisés
(1) Le rôle particulier du juge des enfants, juge du fond et de l'application des peines

Le Conseil constitutionnel a consacré, à plusieurs reprises, un « principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs », duquel résulte « notamment la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées »167(*).

Ce principe de spécificité de la justice des mineurs s'attache également à l'exécution et à l'application des peines prononcées à leur encontre, dont certaines règles diffèrent de la justice applicable aux adultes.

La principale différence, bien que sa portée ait été réduite par la réforme de l'aménagement des peines ab initio évoquée précédemment, repose sur la compétence étendue du juge des enfants, qui exerce aussi bien la fonction de juge du fond que de juge de l'application des peines. Pour ce faire, il est assisté de greffiers, qui sont notamment chargés, comme pour les juridictions de droit commun, de finaliser les jugements et d'en assurer l'exécution.

Conformément au principe de continuité personnelle du juge des enfants, ce dernier suit l'application de la peine qu'il a prononcée, permettant - théoriquement168(*) - au mineur jugé de ne relever que d'un seul magistrat tout au long de son parcours judiciaire. Lors de la rédaction, en 2021, du code de la justice pénale des mineurs, ce principe, datant de 2004 et adopté à l'initiative du Sénat169(*), a été retranscrit aux articles L. 611-1 et L. 611-2 du même code, lesquels disposent respectivement que « lorsqu'une mesure éducative judiciaire est prononcée, son déroulement est placé sous le contrôle du juge des enfants [qui] peut, à tout moment, modifier les modalités et le contenu de la mesure ou en ordonner la mainlevée » et que « lorsqu'une condamnation a été prononcée à l'encontre d'un mineur, le juge des enfants exerce, à l'égard des mineurs condamnés, les fonctions dévolues au juge de l'application des peines [...] jusqu'à ce que la personne condamnée ait atteint l'âge de vingt et un ans ».

Deux exceptions peuvent toutefois être portées à ce principe de continuité personnelle du juge des enfants. En premier lieu, le juge des enfants peut se dessaisir au profit du juge de l'application des peines lorsque le condamné atteint l'âge de dix-huit ans, « en raison de la personnalité du mineur ou de la durée de la peine prononcée »170(*). En second lieu, lorsque le condamné a atteint l'âge de dix-huit ans au jour de son jugement, c'est le juge de l'application des peines qui est compétent pour le suivi de la condamnation, « sauf si la juridiction spécialisée décide par décision spéciale que le juge des enfants reste compétent »171(*).

Nonobstant ces deux exceptions, le juge des enfants exerce donc les fonctions de juge de l'application des peines pour la plupart des mineurs dont il est saisi, qu'il prononce une peine d'enfermement ou une mesure éducative. Suivant un mouvement relativement analogue à l'aménagement des peines ab initio qui a concerné le juge correctionnel pour les majeurs, un glissement de l'intervention du juge des enfants s'est donc opéré au cours des dernières années « du pré-sentenciel vers le post-sentenciel », comme le relève l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF). Ce glissement est considéré comme positif par les juges des enfants, l'AFMJF notant « [qu']il est important que [le juge des enfants] tienne son rôle tout au long du processus judiciaire, d'autant plus que beaucoup de mineurs suivis après le prononcé de la sanction font parallèlement l'objet de nouvelles procédures en cours ». Ce rôle au long cours du juge des enfants permet audit juge de disposer « d'une grande latitude pour aménager ou refuser d'aménager, notamment dans l'hypothèse d'un risque identifié de réitération », dans la mesure où « la situation du mineur est très connue des juges des enfants ».

Toutefois, comme les juges correctionnels pour adultes, la mise en oeuvre de la réforme des aménagements ab initio des peines par les tribunaux pour enfants a été source « de nombreux incidents » mais « les juridictions affinent progressivement leurs pratiques afin d'en faire des leviers supplémentaires sur le plan éducatif et la lutte contre la récidive ».

In fine, la double fonction des juges des enfants - juge correctionnel et juge de l'application des peines - n'est pas remise en question par les acteurs de terrain et paraît donc être une spécificité de la justice des mineurs qu'il convient de préserver.

Par ailleurs, la création, suivant le vote de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, de 56 postes de juges des enfants, soit plus de 10 % des effectifs de magistrats des tribunaux pour enfants, et d'approximativement autant d'agents du greffe, devrait faciliter le suivi de l'exécution des peines et des mesures éducatives prononcées par ces tribunaux.

(2) La protection judiciaire de la jeunesse, actrice de l'exécution des peines

À l'instar du prononcé des peines à l'encontre des mineurs, l'exécution de ces peines - prises au sens large et incluant les mesures éducatives - est spécialisée et repose donc sur des acteurs distincts de l'exécution des décisions de la justice pour les adultes.

L'exécution des décisions de justice prononcées à l'encontre de mineurs repose principalement sur la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), éventuellement assistée d'associations habilitées : peuvent lui être confiées « la mise en oeuvre des décisions [prises par le juge des enfants] aux services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse »172(*). Il s'agit des établissements de placement éducatif, des établissements de placement éducatif et d'insertion et des centres éducatifs renforcés ou fermés. À ces établissements de la protection judiciaire de la jeunesse s'ajoutent les quartiers et établissements pénitentiaires pour mineurs, destinés à ceux qui ont été condamnés à une peine de prison ferme et dans lesquels interviennent les éducateurs de la PJJ.

Les services de la PJJ exercent ainsi des missions plus larges que celles qui sont dévolues au SPIP pour les majeurs, puisqu'ils gèrent directement des établissements dédiés à l'exécution des décisions de justice. Leur rôle au stade pré-sentenciel est par ailleurs plus développé.

De façon synthétique, les services de la PJJ assurent cinq grandes missions liées à l'exécution des décisions de justice prononcées à l'encontre des mineurs173(*) :

- ils aident à la préparation des décisions de l'autorité judiciaire prises en application des législations relatives à l'enfance délinquante ou à l'assistance éducative par l'apport d'éléments d'information et d'analyse relatifs à la situation de mineurs susceptibles de faire l'objet desdites décisions et par la formulation de propositions éducatives. Ils peuvent, à ce titre, mettre en oeuvre des mesures d'investigation ordonnées par l'autorité judiciaire. Leur concours permet ainsi au juge du fond de prendre des décisions adaptées, et donc de faciliter leur exécution ;

ils mettent en oeuvre les décisions de l'autorité judiciaire civile et pénale, en particulier en assurant un suivi des mesures d'investigation, des mesures éducatives, des mesures de sûreté et des peines et des aménagements de peines prononcées à l'encontre du mineur, mais aussi des mesures d'assistance éducative prononcées à l'égard des parents ;

- ils assurent la formation continue des mineurs détenus ;

- ils mettent en oeuvre, à la demande de l'autorité judiciaire, des actions de préformation, de formation et de préparation à la vie professionnelle et organisent, sous la forme d'activités de jour, un ensemble structuré d'actions qui ont pour objectifs le développement personnel, la promotion de la santé, l'intégration sociale et l'insertion professionnelle du mineur ou du majeur âgé de moins de vingt et un ans ;

- enfin, ils accueillent et informent les mineurs et les familles dont les demandes sont susceptibles de relever de la justice des mineurs, y compris lorsque ces demandes concernent des décisions déjà prononcées.

Les éducateurs de la PJJ assurent donc à la fois un rôle de mise en oeuvre des décisions de justice et d'accompagnement du mineur et de sa famille, dans une optique autant de réinsertion et de prévention de la récidive que de soutien à l'autorité parentale.

Les services de la PJJ sont, dans l'ensemble, confrontés à des difficultés analogues à celles que peuvent connaître les SPIP. Ils rencontrent néanmoins des problèmes spécifiques : plusieurs organisations syndicales ont ainsi signalé aux rapporteures « l'insuffisante connaissance des missions de la PJJ par les différents interlocuteurs » de la justice des mineurs, certains magistrats étant accusés de ne jamais « visiter les lieux », de « ne pas prendre en compte les contraintes de la PJJ », notamment en termes de disponibilité en places dans ses établissements, et de « ne pas tenir compte des recommandations éducatives formulées par les éducateurs de la PJJ ».

Sans se prononcer sur la véracité de ce « fossé entre les tribunaux et les services de la PJJ », lequel, sans être inexistant, doit être relativisée compte tenu de la spécialisation des juges des enfants, les rapporteures notent que ces tensions semblent vraisemblablement liées à une charge de travail élevée, autant du côté des juges des enfants que des services de la PJJ.

À l'instar des SPIP, les personnels de la PJJ font en effet face à un phénomène de saturation. Malgré les créations de postes des dernières années - le ministère de la justice chiffre à 522 le nombre de postes d'éducateurs créés entre 2017 et le début de l'année 2025174(*), la loi de finances pour 2025 ayant fixé un plafond d'emplois de 5 611 éducateurs175(*) -, tous les ratios d'encadrement ne sont pas respectés, notamment en milieu ouvert, qui fixe un ratio glissant de 25 mineurs par éducateur mais dépasserait 30 dans certains services. En matière pénale, la protection judiciaire de la jeunesse a assuré le suivi de 193 945 mesures au cours de l'année 2025 - soit un ratio de 35 mesures par éducateur -, auxquelles s'ajoutent 37 731 mesures confiées au secteur associatif176(*).

c) Un droit commun de l'exécution des peines aux conséquences particulièrement néfastes sur les mineurs

Les réformes du droit général de l'exécution des peines ont eu des effets regrettables sur la justice pénale des mineurs. Ces conséquences néfastes sont identiques, à quelques nuances près, à celles évoquées précédemment pour les majeurs ; s'y ajoutent cependant deux éléments saillants.

Tout d'abord, la loi du 23 mars 2019 précitée a interdit le prononcé des peines d'emprisonnement de moins d'un mois. Or, frappées d'une large désaffection pour ce qui concerne les majeurs177(*), les peines très courtes demeuraient appréciées par les juges des enfants pour l'effet de « choc carcéral » qui pouvait s'avérer bénéfique auprès de certains profils d'adolescents commençant à s'ancrer dans la délinquance.

La suppression des peines de prison ferme de moins d'un mois aurait ainsi engendré un effet « cliquet » négatif pour les mineurs, selon l'AFMJF, dans la mesure où elle aurait « conduit à un doublement des peines minimales jusque-là prononcées : les peines d'un mois sont devenues des peines de deux mois de manière habituelle ».

Ensuite, les effets de la LSC-D sont particulièrement désastreux sur les mineurs. Adoptée sans qu'il soit suffisamment tenu compte de ses conséquences spécifiques sur les jeunes condamnés, la réforme tendant à rendre automatique la libération aux deux tiers de la peine génère, pour la justice des mineurs, d'importantes perturbations. L'AFMJF a ainsi indiqué aux rapporteures craindre « que la LSC n'ait entraîné, dans certains cas, un alourdissement des sanctions prononcées afin de garantir un maintien minimal du mineur en détention, le temps de construire un projet de sortie adapté »178(*). Plus largement, l'association a relevé que la LSC n'était pas forcément adaptée aux mineurs, notamment au regard de la durée limitée des peines prononcées à leur égard - celle-ci étant réduite de moitié sous l'effet de l'application du principe constitutionnel d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Par conséquent, de telles libérations n'ont que « peu de sens » pour les jeunes incarcérés et favorisent leur sortie de détention sans projet de réinsertion adapté.

2. Les mineurs en milieu ouvert : des outils insuffisamment mobilisables faute de moyens

La justice pénale des mineurs repose en théorie sur une philosophie éducative, dans laquelle l'incarcération doit constituer une réponse exceptionnelle. En milieu ouvert, une palette de mesures et de sanctions vise à favoriser la responsabilisation du jeune auteur d'infractions tout en évitant la rupture que constitue la détention.

Parmi ces dernières, les mesures éducatives judiciaires provisoires (MEJP) et les mesures éducatives judiciaires (MEJ) tendent à proposer un accompagnement éducatif, aussi bien en amont qu'à l'issue d'une éventuelle condamnation. Prévue par l'article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), cette catégorie de mesures se caractérise par sa souplesse et son adaptabilité aux besoins spécifiques du jeune concerné.

Elles peuvent en effet être assorties de différents modules, tels que l'insertion scolaire ou professionnelle, la réparation envers la victime, la prise en charge sanitaire ou encore le placement dans une structure éducative adaptée. Elles s'accompagnent également de contraintes juridiques visant à encadrer le comportement du mineur : interdictions, par exemple, de rencontrer la victime ou de se rendre sur les lieux de l'infraction, mais aussi obligations, comme la remise d'un objet utilisé lors des faits ou la participation à un stage de formation civique.

Lorsqu'une problématique de santé est identifiée, la mesure éducative peut prévoir une orientation spécifique vers un dispositif de soins, voire un placement en établissement de santé ou médico-social179(*).

En parallèle de ces dispositifs spécifiques, les mineurs peuvent être condamnés à des sanctions pénales « classiques » exécutées en milieu ouvert. La plus courante est le Tig, qui associe sanction et utilité sociale. L'amende peut également être prononcée, bien qu'elle soit rarement appliquée compte tenu de la situation financière des mineurs.

Les peines de jours-amende ne sont, en revanche et en vertu de l'article L. 121-1 du code de la justice pénale des mineurs, pas applicables aux mineurs. Enfin, depuis le 24 mars 2020, le tribunal pour enfants (TPE) peut prononcer une peine de stage à titre principal.

Peines et mesures prononcées à titre principal à l'encontre des mineurs en 2023

Source : commission des lois, d'après les données du ministère de la justice (Références statistiques Justice et Annuaires statistiques Justice 2011-2024)

Peines et mesures prononcées à titre principal à l'encontre des mineurs

Source : commission des lois, d'après les données du ministère de la justice
(Références statistiques Justice et Annuaires statistiques Justice 2011-2024)

Les sanctions alternatives à la détention revêtent une importance particulière lorsqu'elles concernent des mineurs, car elles offrent un cadre éducatif permettant non seulement d'encourager la réflexion personnelle, mais aussi de renforcer l'estime de soi et la responsabilisation. Elles créent un espace où les jeunes peuvent prendre la mesure des conséquences concrètes de leurs actes et comprendre les effets de leurs comportements sur autrui. Dans cette perspective, certains modules de réparation, en sollicitant l'expression du jeune délinquant et en instaurant un dialogue adapté avec la victime, rejoignent la logique de la justice restaurative. Ils favorisent un véritable travail de prise de conscience, à la fois sur le plan moral et relationnel, et contribuent à prévenir la récidive en donnant aux mineurs les moyens de se réinscrire dans un parcours plus constructif.

Les peines alternatives à destination des mineurs pâtissent toutefois, à l'instar de celles à destination des personnes majeures, de grandes difficultés d'exécution, notamment du fait d'un manque de moyens - en partie humains - alloués à cette dernière.

Outre les moyens insuffisants dont dispose la PJJ180(*), ce déficit s'explique par :

une « offre » insuffisante au sein des unités éducatives en milieu ouvert (UEMO), qui constituent pourtant des maillons essentiels de la justice des mineurs. Chargées d'assurer l'application concrète des mesures éducatives décidées par les juridictions compétentes - juges des enfants, juges d'instruction ou parquet -, elles ont vocation (contrairement aux établissements d'hébergement collectif, où les jeunes sont placés hors de leur domicile) à inscrire leur intervention dans le quotidien des adolescents, sans rupture du lien avec la cellule familiale et l'environnement social : elles sont donc en première ligne pour la mise en oeuvre des mesures de réparation ou de travaux d'intérêt général. Toutefois, l'offre reste très insuffisante au regard des besoins : le nombre de places disponibles ne permet pas de répondre à l'ensemble des décisions judiciaires, si bien que de nombreux mineurs doivent attendre de longs mois avant qu'une prise en charge puisse débuter. Comme l'ont souligné les représentants de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), il « existait des listes d'attente [...], certaines prises en charge attendant plus de six mois » ;

- un retrait progressif du secteur associatif habilité qui, là encore selon l'AFMJF, « ne demande quasiment plus d'habilitation dans le champ pénal, préférant accueillir des jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou des mineurs non accompagnés (MNA) ».

Cumulé avec l'accroissement du stock total de mesures en cours ces dernières années, ce déficit de moyens conduit, par un « effet ciseaux », à une augmentation du nombre de mesures en attente d'application181(*).

Les rapporteures ont en outre été alertées sur le manque d'adaptation de certaines peines alternatives à la situation spécifique des mineurs, ce qui en limite l'attrait pour les juges des enfants. Ainsi, la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE) relevait que « la mesure des Tig est insuffisamment centrée sur un contenu adapté aux enfants et trop sur le nombre d'heures à effectuer » : cette inadaptation contribue à limiter le poids des mesures de milieu ouvert pour les condamnés mineurs.

3. Les mineurs en milieu fermé : des affectations erratiques, un suivi lacunaire

Les mineurs condamnés à une peine de milieu fermé sont soumis à un régime distinct de celui des majeurs ; il ne se limite d'ailleurs pas à la prison, celle-ci ne devant de jure être qu'un choix de dernier recours faisant l'objet d'une motivation spéciale.

Les mineurs condamnés à une peine privative de liberté peuvent ainsi être placés :

- dans des structures carcérales spécifiques, les établissements pour mineurs (EPM) et les quartiers pour mineurs (QM), qui dépendent de l'administration pénitentiaire. On dénombre aujourd'hui six EMP et 40 QM dans l'hexagone, ainsi que huit QM (mais aucun EPM) outre-mer ;

- dans des centres éducatifs fermés (CEF), forme la plus « contenante » du placement et dernière étape avant l'incarcération : théoriquement réservés aux profils les plus durs (ayant commis des faits graves, présentant une dangerosité particulière, ayant un ancrage déjà marqué dans la délinquance...), ils sont au nombre de 52 dans l'hexagone et trois en outre-mer.

Si, sous l'effet notamment de l'entrée en vigueur à la fin de l'année 2023, des nouvelles procédures prévues par le code de la justice pénale des mineurs, les peines de milieu fermé prononcées à l'encontre des mineurs ne présentent pas de retards d'exécution particuliers182(*), le bilan de leur mise en oeuvre conduit à identifier des failles analogues à celles qui ont déjà été recensées pour les majeurs : diversité médiocre de l'« offre » spécialisée, affectation selon une logique de gestion des flux, mélange dans les mêmes structures de condamnés aux profils divergents et insuffisance des activités proposées aux jeunes.

a) Les mineurs en prison : des détenus comme les autres ?

Les QM et, a fortiori, les EPM (créés en 2002183(*) face aux carences de la prise en charge des mineurs en QM) accueillaient, au 1er décembre 2024, environ 850 mineurs prévenus ou détenus, en nette augmentation depuis 2022.

Nombre de mineurs détenus en 2022, 2023 et 2024

Source : ministère de la justice,
« Statistique des établissements et des personnes écrouées en France »

Les mineurs condamnés représentent toutefois une large minorité des mineurs placés en détention : ils étaient 327 au 1er décembre 2024, soit 39 % des mineurs détenus, les 61 % restants étant des prévenus.

Les structures pénitentiaires dédiées aux mineurs poursuivent un triple objectif :

- permettre la prise en charge, dans le régime pénal particulier qui s'applique à la matière et dont les spécificités relèvent pour une large partie du niveau constitutionnel, des mineurs les plus dangereux et/ou multi-réitérants. Cette catégorie pénale tend à s'étendre : sollicité par les rapporteures, le pédopsychiatre Maurice Berger rappelait ainsi que « le nombre de mineurs poursuivis pour assassinat, meurtre, coups mortels ou violence aggravée a presque doublé en six ans, passant de 1 207 par an en 2017 à 2 095 en 2023 », ce phénomène concernant en outre « des mineurs violents de plus en plus jeunes » et étant, selon lui, susceptible d'être sous-estimé en raison d'une requalification des faits les plus graves ;

séparer les mineurs des majeurs détenus, conformément aux engagements internationaux de la France (partie à la Convention internationale des droits de l'enfant, qui pose le principe de cette séparation) : par nature assurée en EPM, cette étanchéité ne paraît toujours pas totalement garantie en QM ;

- leur offrir dans ce cadre une prise en charge tournée autant vers la sanction que vers l'éducation : y est notamment assurée « la continuité de l'accès du mineur à l'enseignement ou à la formation est assurée », dans les conditions de droit commun fixées par le code de l'éducation184(*).

Or, ces trois objectifs ne sont qu'imparfaitement atteints.

En premier lieu, en QM comme en EPM, les conditions de détention des mineurs présentent de réelles carences.

Certes, les EPM et QM ne sont pas frappés par la surpopulation carcérale observée pour les majeurs : le taux d'occupation moyen y était de 62 % au 1er janvier 2024, pour un total de 788 mineurs détenus sous des statuts divers (prévenus ou condamnés)185(*).

Ce taux global marque toutefois de fortes disparités : en excluant le cas des structures n'accueillant aucun mineur, les taux d'occupation marquent ainsi un échelonnement important, compris entre 22,2 % à Épinal et 100 % à Pau. Le taux d'occupation des EPM est sensiblement plus haut que la moyenne (73,6 %), leur capacité opérationnelle étant de 327 places. En outre, la situation des structures pour mineurs s'est, comme pour les majeurs, progressivement dégradée, conduisant l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) à indiquer aux rapporteures qu'en Île-de-France, les QM et EPM sont désormais saturés, « conduisant à des éloignements de mineurs détenus, source de rupture de lien éducatif et de rupture avec la famille ».

La gestion des affectations est, au demeurant, particulièrement complexe pour au moins deux motifs : d'une part, les juges des enfants ne sont pas spécialisés en application des peines, ce qui est de nature à rendre plus difficile la mise en oeuvre d'un droit devenu singulièrement complexe ; d'autre part, faute de possibilité technique de disposer d'un suivi en temps réel de la situation des établissements, les magistrats n'ont qu'une connaissance imparfaite de la réalité des places disponibles pour les mineurs, structure par structure, dans leur ressort.

Les modalités d'exécution des peines sont, par ailleurs, restreintes. Les mineurs ne disposent pas de quartiers de semi-liberté, que ce soit en QM ou en EPM. Au vu du nombre limité de structures, l'affectation individualisée des mineurs selon leur profil est matériellement difficile, voire impossible ; or, la question d'une gestion différenciée des mineurs selon leur profil est devenue prégnante dans un contexte marqué par la montée de la mise en cause des plus jeunes dans les violences sexuelles et dans le narcotrafic.

S'agissant des mineurs auteurs d'infractions à caractère sexuel, qui devraient pourtant relever d'une prise en charge sanitaire adaptée pour éviter la récidive, le rapport précité de la mission commune de contrôle du Sénat sur la prévention de la récidive du viol avait indiqué que les mineurs incarcérés pour des violences sexuelles n'étaient pas prioritairement dirigés vers des EPM, alors même qu'ils pourraient y faire l'objet d'une prise en charge plus efficace. Plus généralement, ces travaux révélaient qu'aucun établissement spécifique n'avait été mis en place pour limiter la récidive des infractions sexuelles, à l'inverse de la pratique des établissements « fléchés » pour les majeurs. Ce constat a de quoi préoccuper dans un contexte où les mineurs représentaient 21 % de la population, mais 28 % des mis en cause pour des violences sexuelles - et même un tiers des mis en cause pour viol ou pour atteinte sexuelle - en 2023.

Le diagnostic n'est pas meilleur en matière de criminalité organisée. Selon une note de la directrice de la PJJ du 5 décembre 2024186(*), 8 160 mineurs avaient été mis en cause en 2023 pour une infraction relevant du trafic de stupéfiants, soit près de 20 % des mises en cause liées à ce trafic. En dépit de leur dangerosité réelle, ils ne relèvent pas, eux non plus, d'une affectation dans des établissements dédiés ; ils peuvent donc se trouver en contact avec une population de mineurs moins dangereux, mais plus fragiles, qui risquent de subir leur influence et de sombrer eux aussi dans la grande délinquance. 

En second lieu, la séparation entre les mineurs détenus en QM et les majeurs n'est toujours pas assurée : de manière révélatrice, la mission d'urgence sur l'exécution des peines recommandait d'« assurer l'étanchéité entre les quartiers mineurs et ceux accueillant des majeurs », témoignant du respect très imparfait des dispositions de l'article L. 124-2 du CJPM - aux termes desquelles les QM doivent « [garantir] une stricte séparation des détenus mineurs et majeurs ».

Ainsi, et alors que l'objectif de la loi de 2002, selon le rapport annexé, était « à terme [...] de favoriser au maximum la suppression des quartiers de mineurs au profit de ces nouveaux établissements spécialisés [i.e. les EPM] », la part des mineurs détenus en EPM reste minoritaire et n'a augmenté que de cinq points (de 35 à 40 %) entre 2014 et 2022187(*).

Sur le troisième volet, celui de la prise en charge, les difficultés sont nombreuses. Plus exigeante que pour les majeurs du fait - notamment - de la présence de la PJJ et d'une offre éducative obligatoire, cette prise en charge reste frappée par les mêmes imperfections que celles déjà relevées pour les majeurs (manque de personnel de soin, notamment), mais aussi par des lacunes spécifiques :

l'accès à l'éducation demeure insuffisant, alors même que les jeunes incarcérés présentent statistiquement davantage de difficultés - scolaires comme tierces (familiales, d'addiction, de santé, etc.) - que les autres mineurs. Fondé sur de nombreuses visites de « terrain », un avis de la CGLPL publié en janvier 2024188(*) atteste de grandes lacunes, plus saillantes encore dans les QM : enseignement rassemblant des mineurs aux profils hétérogènes en âge ou en niveau scolaire ; nombre d'heures d'éducation trop restreint, y compris par rapport à sa durée théorique (12 heures hebdomadaires en QM et 20 heures en EPM en théorie, et respectivement 6 heures et 15 heures en pratique) ; salles de classe trop exiguës - voire partagées avec des majeurs - dans les QM ; impossibilité de passer un examen ou d'obtenir un diplôme dans les EPM comme dans les QM, etc. ;

- comme on l'a vu, la préparation à la sortie reste complexe, en particulier en l'absence de solutions de semi-liberté accessibles aux mineurs. Le pédopsychiatre Maurice Berger indiquait plus largement aux rapporteures qu'il n'était pas rare de voir « des jeunes violents [...] terminer leur séjour en établissement sans qu'un projet de sortie ait été élaboré avec eux » ;

- l'affectation des surveillants pénitentiaires « par roulement » dans les QM et les EPM ne permet pas une gestion des mineurs adaptée aux particularités de leurs profils. De manière inquiétante, la mission d'urgence sur l'exécution des peines relève que le taux de formation préalable est extrêmement faible. Celle-ci écrit ainsi que, « concernant les EPM et pour cette même année 2024, les chiffres indiquent que sur les 25 surveillants convoqués pour une formation obligatoire d'adaptation à l'emploi, seuls 11 s'y sont rendus, soit 44 %. Ce chiffre est le plus bas depuis 2017. [...] Quant aux QM, la situation reste très hétérogène et tributaire des configurations propres aux ressources humaines » : cette situation va à l'encontre de l'objectif de stabilisation et de professionnalisation des équipes qui interviennent auprès des mineurs ;

- enfin et surtout, il apparaît - comme le confirment les travaux de la Cour des comptes - que l'affectation des mineurs en QM ou en EPM ne répond à aucune logique de « fléchage » en fonction des profils, mais traduit à l'inverse une stricte logique capacitaire, liée aux places disponibles au moment de l'incarcération. Si cette situation s'explique probablement par la répartition inégale des EPM sur le territoire hexagonal, illustrée par la carte ci-dessous, elle génère une inégalité forte entre les mineurs.

Source : agence pour l'immobilier de la justice

La prise en charge est, en effet, très différente entre EPM et QM. En témoigne la différence de coût, très nette, entre une journée en EPM et une journée en QM : le ministère de la justice estimait, en 2021, le premier à 601 euros contre 144 pour le second (qui, lui-même, excède légèrement le coût d'une journée de détention pour un majeur, ce qui fait écho à l'investissement spécifique de la protection judiciaire de la jeunesse - PJJ - au sein des QM)189(*). Or, comme l'écrit la Cour des comptes, cette différence du simple au quadruple interroge, car « rien n'indique que les profils des mineurs qui y sont incarcérés sont différents ».

Il paraît évident que les coûts de construction et de fonctionnement des EPM ont été un frein à leur développement après la première « vague » de mise en service de tels établissements en 2007-2008, empêchant la généralisation de ces établissements et la fermeture subséquente des QM. Cependant, tout comme la Cour dans son rapport précité, les rapporteures alertent quant aux disparités entre EPM et QM, qui se traduisent notamment par :

- la place marginale de la PJJ et de l'Éducation nationale dans les QM, là où ces acteurs sont au coeur de l'organisation et du fonctionnement des EPM (notamment grâce au « binômage » entre administration pénitentiaire et PJJ) ;

- la différence, déjà citée, de temps consacré à l'enseignement (dans les faits, 6 heures par semaine en QM et plus du double - 15 heures - en EPM) ;

- le taux de couverture en personnel très inégal (cinq mineurs détenus pour un éducateur en QM, contre 1,7 mineur détenu pour un éducateur en EPM ; un nombre de personnels de surveillance près de cinq fois supérieur par détenu en EPM par rapport à ce qu'on observe dans les « grands » QM, avec en outre une formation préalable plus longue pour les surveillants appelés à intervenir en EPM) ;

la gestion de la santé mentale est facilitée en EPM par la présence constante d'un psychologue de la PJJ, une telle présence n'étant assurée que dans un tiers des QM.

Ces divergences ont de quoi surprendre dans un contexte où les mineurs incarcérés en EPM ne présentent pas un profil différent de ceux qui sont détenus en QM - qu'il s'agisse de leur statut pénal (condamné ou prévenu), de la durée de la peine, de leur âge ou encore de la gravité des infractions commises.

Par ailleurs, malgré les moyens importants dont ils disposent, les EPM présentent un bilan contrasté : tous ne sont pas dotés des moyens matériels et humains idoines, et des atteintes graves aux droits des détenus ont pu y être relevés - comme en témoigne l'exemple de l'établissement de La Valentine, dans les Bouches-du-Rhône, qui a fait l'objet de recommandations en urgence de la CGLPL en août 2025190(*) pour remédier au « surenfermement » des mineurs, soumis à une pratique appelée « mise en grille »191(*) et, plus largement, incarcérés dans des conditions de prise en charge très dégradées à tous les niveaux.

b) Les centres éducatifs fermés : un placement qui favorise désormais la réitération ?

Mis en place pour offrir à la justice une solution intermédiaire entre le milieu ouvert et l'incarcération, en particulier en direction des jeunes multi-réitérants ou n'ayant pas respecté les mesures éducatives qui leur étaient imposées à la suite d'une infraction, les centres éducatifs fermés (CEF) sont soumis à deux modes de gestion différents : une majorité (37 sur 55) relève du secteur associatif habilité (SAH), les autres (soit 18 centres) relevant d'une gestion directe par la PJJ - dite « secteur public » (SP).

Les CEF accueillent des mineurs placés sous contrôle judiciaire ou soumis à un sursis probatoire, ainsi que ceux qui bénéficient d'un placement extérieur ou d'une libération conditionnelle. Y sont en l'état placés des mineurs mis en cause principalement pour vol (35 % en 2024), violences volontaires (37 %) ou pour une infraction à la législation sur les stupéfiants (29 %)192(*).

Les CEF ne sont pas confrontés à la surpopulation ; ils paraissent, au contraire, sous-exploités, leur taux d'occupation s'élevant à 63 % en septembre 2024193(*) contre une « cible » fixée à 85 % et permettant à la fois un accueil correct des mineurs placés et une gestion sereine des flux.

De même que pour les majeurs, ce taux global cache de lourdes disparités territoriales, les centres d'Île-de-France et d'outre-mer accueillant 22 % de la totalité des mineurs placés en CEF alors qu'ils ne concentrent que 13 % des capacités opérationnelles nationales.

Source : mission thématique sur les CEF, mars 2025

Or, parallèlement au « plan 15 000 », a été lancé en 2017 un plan de construction de 20 nouveaux CEF, dont cinq dans le SP et quinze dans le SAH. Deux CEF s'y sont été ajoutés sur demande du ministre de la justice : celui de Mayotte, promis à une gestion publique, et celui de Villeneuve-Loubet, en gestion associative.

Comme le « plan 15 000 », et globalement pour les mêmes motifs, le programme de construction de nouveaux CEF demeure aujourd'hui inabouti : fin 2024, seuls quatre CEF étaient déjà ouverts ; quatre doivent ouvrir en 2025 et cinq entre 2027 et 2028, le calendrier de mise en service des centres restants n'étant pas connu194(*).

La construction de ces nouveaux centres pose question dans la mesure où, d'une part, elle apparaît en décalage avec le taux d'occupation effectif des centres déjà en service et où, de l'autre, elle ne s'appuie pas sur un schéma rationnel tenant compte de l'« offre » existante de placement, comme ont eu l'occasion de le déplorer tant la Cour des comptes dans son rapport de 2023 que la rapporteure Laurence Harribey dans ses avis précités.

Les ressorts, le déroulement et les effets du placement en CEF charrient, en effet, plusieurs interrogations.

Les causes d'un tel placement ne sont, en premier lieu, pas définies avec netteté et semblent varier d'une direction interrégionale à l'autre. La mission thématique sur les CEF relève à cet égard que « La proportion de jeunes placés en CEF sur l'ensemble des jeunes placés au pénal varie considérablement d'une direction interrégionale à l'autre, entre 14 % dans le Grand Centre et 53 % dans le Sud-Ouest, pour un nombre de jeunes suivis au pénal sensiblement identique. Le rapport entre le lieu d'implantation des CEF et l'effectif de jeunes placés au pénal n'est pas clairement établi » : on peut, là encore, voir dans ce constat le reflet d'un placement devenu au fil du temps une simple « gestion des flux », les mineurs étant - comme les majeurs - affectés selon les places disponibles et la proximité des établissements plutôt qu'en fonction de leur profil ou de leurs besoins.

Plus largement, et de même que l'orientation du mineur condamné vers un EPM ou un QM ne semble pas répondre à un quelconque profilage des affectations, le placement en CEF ne paraît pas s'inscrire dans une logique clairement établie de gestion des mineurs condamnés. Ainsi que la commission le souligne depuis plusieurs années dans ses rapports pour avis sur les crédits budgétaires attribués à la PJJ, les CEF semblent être devenus une solution de placement par défaut, y compris pour des mineurs qui ne correspondent pas au profil théorique des placements dans de tels centres : le nombre de journées en CEF a ainsi explosé entre 2005 et 2022, passant de 32 000 à plus de 100 000 sans que la démographie ou la délinquance des mineurs aient évolué à due concurrence ; à l'inverse, l'hébergement dit « diversifié », c'est-à-dire hors CEF ou centres éducatifs renforcés, s'est effondré, passant de 300 000 à 138 000 journées195(*).

La rapporteure Laurence Harribey écrivait ainsi, dès 2023 :

« Le risque est ainsi que les créations de places en CEF ou en CER soient ``gagées'' par des suppressions dans les autres structures. Selon les représentants du SAH, cette évolution peut s'expliquer à la fois par la plus grande facilité de gestion de ces centres (qui, financés par un seul intervenant, sont d'un pilotage plus simple que les autres structures qui font l'objet d'une gestion conjointe) comme par la méconnaissance, de la part des éducateurs et des magistrats, de la richesse des autres possibilités existantes en matière de placement. »

La sortie de CEF se heurte, quant à elle, à l'insuffisance des liens entre milieu fermé et milieu ouvert : les outils disponibles pour bâtir un projet de sortie existent, mais sont sous-exploités, puisque seuls 15 % des projets s'accompagnent d'un programme de prise en charge conjointe en lien avec le milieu ouvert ; de même, les possibilités d'aménagement créées par la LOPJ du 23 mars 2019 ne sont mises en oeuvre que dans 16 % des cas, alors même qu'elles doivent permettre un accueil temporaire constituant un « sas » bienvenu entre l'environnement contraignant des CEF et le retour à des cadres extérieurs plus souples ; enfin, faute de moyens, le nombre de jeunes faisant l'objet d'une prise en charge renforcée en sortie de CEF est extrêmement restreint (moins de 10 %).

Le contenu du placement charrie, lui aussi, son lot de carences.

Tout d'abord - et, là encore, ce constat est abondamment documenté par les travaux du Sénat comme de la Cour des comptes -, les professionnels affectés dans les CEF sont insuffisamment nombreux et formés. Ces centres souffrent, en effet, d'un manque d'attractivité au sein de la PJJ. Ce phénomène, ancien, se maintient à un niveau préoccupant dans le secteur public : d'après la mission d'urgence sur l'exécution des peines, le taux de couverture des postes par le biais de mobilités internes reste particulièrement bas (10 postes sur 68 en 2024, soit un taux de seulement 15 %), obligeant à recourir à des sortants d'école ou à des contractuels peu formés - voire dépourvus de toute formation spécifique. Selon la même source, « cette problématique est encore plus importante dans les deux tiers des CEF gérés par le SAH »196(*).

Ces difficultés de recrutement et de « fidélisation » contribuent d'ailleurs, et de manière éminente, au faible taux d'occupation des CEF : il n'est ainsi pas rare que les places ne soient pas pourvues faute de personnel pour prendre en charge les mineurs placés.

Pour en revenir au contenu du placement, le récent rapport de la mission thématique sur les CEF lancée par le cabinet du ministre de la justice, dont les conclusions ont été rendues publiques en mars 2025, permet de dresser un bilan du fonctionnement de ces centres - étant rappelé que, en raison notamment de l'absence de statistiques globales et consolidées, les CEF n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation globale de leur efficacité.

Or, ce diagnostic a de quoi inquiéter. La mission met en évidence :

- des contenus de prise en charge « hétérogènes », avec des activités de jour « aléatoires », parfois des « incohérences » liées aux divergences entre les professionnels des centres et, surtout, un objectif de scolarisation non atteint : alors que les mineurs placés en CEF doivent suivre chaque semaine 15 heures d'enseignement, ce quota est loin d'être respecté car « les jeunes ont le plus souvent une séquence scolaire par jour, de 1h à 2h en moyenne, ce qui fait un total de 5h à 10h par semaine mais le plus souvent dans la fourchette basse ». La CGLPL, dans son avis précité, estime pour sa part à moins de 5 heures hebdomadaires la durée moyenne des enseignements dispensés en CEF ;

un pilotage national et interrégional perfectible, un pilotage territorial disparate et un nombre insuffisant de contrôles menés sur les CEF. Les rapporteures déplorent particulièrement cette situation, peu compréhensible dans un contexte où les risques de dysfonctionnements, attestés par des fermetures nombreuses de CEF en 2017 et 2018 à la suite de violences graves, sont élevés au vu de la sensibilité du public accueilli et des difficultés de ressources humaines déjà évoquées ;

- une durée de placement trop brève (4 mois en moyenne en 2024), nettement inférieure au délai « cible » de prise en charge, fixé à six mois, avec au surplus une différence sensible entre la durée moyenne de placement dans les centres du SAH (4,6 mois en 2024) et ceux gérés par la PJJ (3,1 mois). Cette différence se reflète dans le taux de mineurs ayant suivi un parcours de placement complet, donc d'au moins six mois, qui s'établit à 63 % dans le SAH et à seulement 39 % pour le SP. Les divergences entre SAH et SP, bien que majeures, n'ont pas pu être expliquées par la mission.

Ce décalage entre le délai « cible » et le délai effectif de placement en CEF, qui découle des conséquences - non anticipées - de l'entrée en vigueur du CJPM et du raccourcissement des délais entre les jugements sur la culpabilité et sur la peine, n'est pas une nouveauté. La commission des lois s'inquiétait ainsi, fin 2024, que la durée du placement en CEF soit inférieure à 6 mois dans 81 % des cas, et même à 3 mois dans 48 % des cas, à la fois du fait de mainlevées anticipées et de « fragilités des établissements en termes de ressources humaines »197(*) : cette contradiction entre le projet directeur des CEF et la réalité de leur fonctionnement depuis l'entrée en vigueur du CJPM témoigne d'une contradiction entre le « temps éducatif », dont la longueur permet des ruptures parfois salvatrices entre le mineur et son milieu d'origine, et le rythme accéléré des décisions pénales.

Toujours sur le plan qualitatif, est posée depuis plusieurs années la question de l'efficacité des CEF en matière de lutte contre la récidive, cette interrogation n'ayant jamais été soldée en dépit des demandes réitérées - voire insistantes - des deux chambres du Parlement.

Le rapport précité de la mission thématique apporte, pour la première fois, une réponse partielle à cette question, issue d'une étude menée par la PJJ en 2008 (et dont on peut s'étonner qu'elle n'ait jamais été transmise aux assemblées parlementaires, en dépit des sollicitations successives qu'elles ont adressé au ministère) ; elle n'est toutefois pas rassurante. Menée sur les mineurs placés dans 13 CEF entre 2003 et 2007, elle tend à montrer que les placements en CEF de moins de quatre mois augmentent le risque de réitération, tandis que ceux de plus de six mois tendent à l'inverse à le faire diminuer ; elle conclut également que les incidents survenus au cours du placement n'ont un effet aggravant sur la réitération que dans le cas où celui-ci est court. En somme, si les CEF assurent leur fonction de prévention de la récidive et de la réitération, ce n'est qu'à la condition que le placement dure au moins six mois ; ils ont à l'inverse un effet néfaste lorsque le placement dure moins de quatre mois.

On peut en déduire, au vu des statistiques déjà présentées, que les CEF sont actuellement sans effet dans la lutte contre la récidive dans plus de 80 % des cas, et qu'ils contribuent à la réitération dans au moins 50 % des cas.

II. RÉFORMER SANS SURSEOIR : CINQ AXES POUR UNE MEILLEURE EXÉCUTION DES PEINES

Les travaux menés par la mission ont mis au jour les multiples défaillances qui affectent l'exécution des peines, suscitant l'incompréhension des praticiens, des condamnés et des citoyens dans leur ensemble.

Les rapporteures estiment nécessaire d'engager, sans délai, une réforme ambitieuse procédant d'un véritable changement de philosophie et rapprochant, autant que faire se peut, la condamnation de la peine exécutée. Loin des injonctions paradoxales auxquelles le législateur - avec, certes, une relative opacité quant à l'effet prévisionnel de ses choix - a accepté par le passé de soumettre les acteurs de la peine, et en rupture avec des textes trop contraignants qui n'ont en pratique produit que des conséquences inverses à leur objectif, elles plaident pour redonner à chaque acteur la capacité d'agir en conscience, dans l'entier périmètre de ses responsabilités et en disposant d'un nombre suffisant de leviers de souplesse, mais aussi d'une véritable visibilité sur le déroulé de la peine.

Elles plaident pour traduire ce nouveau paradigme en cinq axes :

redonner du sens à la peine, non seulement en rétablissant la possibilité pour le juge du fond de prononcer de très courtes peines de prison ferme à l'encontre des profils pour lesquels une telle sanction paraît adéquate, mais aussi en promouvant une individualisation effective des peines ;

replacer la réinsertion au coeur de la peine, ce qui passera en particulier par une revalorisation des peines alternatives à la détention ;

juguler la surpopulation carcérale en bâtissant, enfin, une alternative crédible à la détention, en augmentant les capacités opérationnelles de nos prisons, mais aussi facilitant le prononcé de peines plus courtes en évitant l'actuelle « escalade » vers les longues peines ;

favoriser une exécution plus rapide des peines et permettre un véritable contrôle de cette exécution, y compris en permettant à l'autorité judiciaire de s'appuyer sur une véritable police de la probation ;

- garantir enfin un traitement adapté des condamnés mineurs en faisant de la sanction un levier efficace de lutte contre la récidive.

A. REDONNER DU SENS À LA PEINE : VERS DES SANCTIONS EFFECTIVES ET ADAPTÉES

La peine constitue le coeur de la réponse pénale. Elle incarne, à la fois, la réprobation sociale attachée à la violation de la loi et la volonté de l'État de prévenir la réitération des comportements délictueux. Or, les constats dressés dans la première partie de ce rapport ont mis en évidence une érosion progressive du sens de la peine, perceptible tant pour la société dans son ensemble que pour les justiciables eux-mêmes. L'écart croissant entre les peines théoriques encourues et celles effectivement prononcées, l'absence de lisibilité de certaines sanctions et les difficultés persistantes à assurer un accompagnement propice à la réinsertion contribuent à fragiliser la crédibilité de la justice pénale et à alimenter un sentiment d'ineffectivité de la sanction.

Dans ce contexte, la mission considère indispensable de redonner toute sa portée à la peine, afin qu'elle remplisse pleinement les fonctions qui lui ont été assignées par le législateur : sanctionner l'acte commis, protéger la société, prévenir la récidive et favoriser la réinsertion de la personne condamnée. Il s'agit, autrement dit, de rétablir l'équilibre entre la dimension symbolique et la dimension opérationnelle de la peine, en veillant à ce qu'elle soit à la fois compréhensible, proportionnée et exécutable dans des conditions garantissant son efficacité.

Aux yeux des rapporteures, cet impératif doit connaître une double traduction dans notre droit : en premier lieu, il s'agit d'assurer une cohérence entre la peine encourue, prononcée et exécutée, donc de renforcer l'effectivité et la lisibilité des sanctions pénales ; il est nécessaire, en second lieu, de garantir enfin l'adéquation entre l'auteur, la gravité de l'infraction et la peine, en promouvant une individualisation renforcée de la peine.

1. Garantir une meilleure adéquation entre les peines encourues, les peines prononcées et leur exécution effective

a) Rétablir la signification de la sanction prononcée

Les travaux menés par la mission ont conduit à mettre en évidence la multiplicité des dispositifs d'aménagement de peine offerts aux personnes condamnées. Cette pluralité de mécanismes, qui reflète la volonté du législateur de favoriser l'exécution des peines en milieu ouvert, soulève toutefois des interrogations quant à la lisibilité et à la cohérence du système pénal. Il convient à cet égard de rappeler qu'avant même toute incarcération effective, plus de 40 %198(*) des peines privatives de liberté prononcées sont soit aménagées, soit converties, traduisant une pratique largement répandue d'adaptation de la sanction.

Les aménagements et réductions de peine participent de l'individualisation de la sanction, et ne devraient pas être assimilés à une logique de clémence systématique. Les rapporteures observent toutefois que le principe, désormais inscrit dans la loi, du caractère obligatoire de l'aménagement de la peine ab initio a profondément modifié la philosophie de la sanction. En pratique, l'octroi d'un tel aménagement est devenu un droit pour le condamné, qui n'a plus à démontrer le moindre effort en matière de réinsertion, ni à manifester une prise de conscience quant au préjudice causé à la victime ou au risque de récidive, à travers une réflexion sur son passage à l'acte. Cette évolution suscite des critiques, notamment de la part de l'Union syndicale de la magistrature (USM), qui relève que « cette automaticité fait perdre l'individualisation nécessaire dans le suivi des personnes condamnées et le sens donné aux peines ». Les rapporteures partagent pleinement ce constat et estiment que la peine, en perdant sa dimension d'adaptation au profil et au parcours de l'auteur, tend à devenir une mécanique procédurale, au détriment de sa vocation à protéger la société et à favoriser une réintégration durable.

Parallèlement, les rapporteures ont été convaincues au cours de leurs travaux que les modifications fréquentes et parfois contradictoires apportées par le législateur au cadre juridique de l'exécution des peines ont altéré la lisibilité de ces dernières.

Cette perte de sens se trouve favorisée, voire accentuée, par le fait que les juridictions de jugement et les juges de l'application des peines sont fortement incités par le droit et par les contraintes matérielles qui s'imposent à eux à privilégier certaines modalités d'aménagement ou certaines mesures, qui sont généralement les moins individualisées.

Le législateur doit, dès lors, s'attacher à résorber le décalage significatif entre la peine telle qu'elle est prononcée par la juridiction de jugement et celle qui est effectivement exécutée par le condamné. Ce décalage alimente, en effet, un questionnement récurrent sur l'efficacité réelle de la sanction et sur sa capacité à remplir les différentes fonctions qui lui sont assignées, qu'il s'agisse de punir l'auteur, de protéger la société ou de prévenir la récidive. À cet égard, le syndicat Unité Magistrats FO rappelait opportunément que « la question du sens de la peine se pose lorsque celle-ci change de nature à plusieurs reprises, rendu possible par la législation actuelle autorisant divers aménagements successifs, ou encore lorsqu'un quantum d'emprisonnement est prononcé mais que le condamné est libéré bien avant le terme initialement fixé, situation parfois incompréhensible, voire illisible, pour nombre de nos concitoyens ».

Ce constat met en évidence la nécessité de repenser le paradigme même de la peine, en particulier des peines d'emprisonnement ferme. Cette réforme devrait viser à réduire l'écart existant entre la sanction prononcée par la juridiction et celle qui est effectivement exécutée par la personne condamnée, afin de renforcer la crédibilité de la décision judiciaire et de garantir une meilleure intelligibilité de la réponse pénale.

Les rapporteures partagent entièrement l'analyse dressée dans le rapport adopté par la commission des lois199(*) sur la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, qui insiste sur « la nécessité, d'une part, de redonner des marges de manoeuvre aux magistrats et, d'autre part, de mettre fin à la confusion des rôles entre la juridiction de jugement (donc le tribunal correctionnel) et le juge de l'application des peines, facteur d'illisibilité pour les condamnés et de moindre efficacité pour la réponse pénale ».

La mission d'information recommande donc de restaurer la cohérence des différents dispositifs d'aménagement des peines, tant pour rétablir la liberté d'appréciation du juge, que pour remédier aux effets pervers que les seuils actuels induisent.

L'essentiel des représentants de magistrats auditionnés par les rapporteures partage cette appréciation. L'USM, l'ANJAP, Unité magistrats exprimèrent chacun explicitement leur souhait que le caractère obligatoire des aménagements de peine ab initio soit levé.

La CNPP, qui rejoint cette considération générale, appelle toutefois le législateur à la mesure, en estimant que « si l'aménagement de principe de toutes les peines inférieures à un an est discutable, l'inverse le serait tout autant ».

Les rapporteures partagent ces analyses et estiment que les nombreuses et fastidieuses obligations de motivation spéciale auxquelles doivent se soumettre les juges du fond pour voir la peine appliquée telle qu'ils l'ont prononcée nuisent gravement à la lisibilité et à la crédibilité des sanctions pénales. Elles estiment, par voie de conséquence, nécessaire de supprimer la motivation spéciale qui s'impose aujourd'hui au juge du fond pour écarter l'aménagement de la peine200(*).

Proposition n° 1

Rapprocher le prononcé des peines de leur exécution effective en limitant les exigences de motivation spéciale qui s'imposent au juge correctionnel.

L'illisibilité du droit de l'exécution des peines tient également à ses trop fréquentes évolutions. Les rapporteures ont exposé les évolutions qui ont conduit, à deux reprises, à une modification du quantum d'aménagement ab initio des peines201(*) - par les lois n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Comme on s'en souvient, le législateur a établi en 2019 différents seuils contraignants pour le juge, lesquels limitent par définition la liberté d'appréciation de ce dernier et en conséquence les modalités d'individualisation des peines ; l'aménagement ab initio étant désormais obligatoire pour les peines d'emprisonnement inférieures à six mois et appliqué en principe pour celles de six mois à un an.

Or, il apparaît que cette réduction de la liberté d'appréciation du juge a eu pour effet pervers l'augmentation des peines prononcées par ce dernier, dans une stricte logique de contournement d'un seuil contraignant.

Le constat établi ci-dessus est implacable202(*) : le nombre de peines de six mois à un an prononcées a significativement augmenté entre 2019 et 2024 (de 27 786 à 41 947), tandis que celui des peines de moins de six mois diminuait sur la même période de plus de 20 % (de 86 564 en 2019 à 67 702 en 2024).

Plus, les contraintes établies au prononcé d'une incarcération de six mois à un an, qui exige désormais une motivation spéciale, ont vraisemblablement provoqué la hausse des condamnations d'un à deux ans ; le nombre des détenus incarcérés pour une telle peine, qui s'élevait à 10 640 en 2020, atteignit 14 000 au 1er janvier 2025.

Les rapporteures jugent ainsi crucial de rétablir la cohérence des dispositifs d'aménagement des peines, en revenant sur les dispositions issues de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en la matière. Ces dernières ont en effet abouti au résultat inverse à celui escompté par le législateur ; l'aménagement comme l'individualisation des peines n'en ont pas été améliorés, la lisibilité de la sanction en a été gravement altérée et la surpopulation carcérale s'est accentuée.

La mission préconise donc, en complément de la suppression déjà évoquée des dispositions imposant une motivation spéciale pour l'exécution des peines de prison ferme, de rétablir la faculté du juge d'aménager ab initio les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans.

Les rapporteures estiment, par ailleurs, qu'un aménagement ab initio ne devrait être décidé par le tribunal correctionnel que s'il dispose d'une enquête sociale suffisamment étayée ; en d'autres termes, la peine ne doit être aménagée que sur le fondement d'éléments permettant d'apprécier avec précision la situation personnelle, familiale et sociale du condamné. Dans tous les autres cas, il doit appartenir au JAP de se prononcer dans un second temps (donc après une courte période d'incarcération) sur l'opportunité comme sur la faisabilité d'un aménagement de la peine.

Ces révisions législatives, soutenues par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, permettraient d'après les rapporteures de restaurer ensemble la cohérence des dispositifs d'aménagement des peines, la liberté d'appréciation des juges et les modalités d'individualisation des peines. Elles contribueraient donc, de manière éminente, à redonner son sens à la peine, désormais clairement établie dès son prononcé. Elles évacueraient en outre les effets pervers engendrés par des contraintes législatives que les juridictions de jugement contournent actuellement au détriment tant de l'individualisation des peines que de la régulation de la population carcérale.

Proposition n° 2

Supprimer le caractère obligatoire des aménagements de peine ab initio et les rendre possibles pour le juge du fond, sur la base d'une enquête sociale étayée, pour toutes les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans.

b) Réajuster le quantum des peines prononcées au regard du quantum encouru

Les auditions menées par la mission ont par ailleurs révélé une distorsion croissante entre le quantum des peines encourues et celui des peines effectivement prononcées. Comme précisé en première partie du rapport, la loi prévoit des maxima toujours plus élevés, tandis que les juridictions correctionnelles n'appliquent en moyenne que 7 % du quantum théorique.

Les durées de peine d'emprisonnement ferme sont, à cet égard, globalement faibles par rapport aux peines encourues. Si, par exemple, la participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement est théoriquement « punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende »203(*), en pratique, plus de 50 % des personnes condamnées le sont à moins de 540 jours de prison ferme et seules 10 % d'entre elles le sont à une durée de trois ans ou plus d'après les chiffres communiqués à la mission d'information. La distorsion est encore plus marquante s'agissant de la détention non autorisée de stupéfiants, que le code pénal punit de dix ans d'emprisonnement204(*) : 90 % des personnes condamnées le sont, en pratique, à moins de deux ans d'incarcération.

Cette situation produit deux difficultés. Premièrement, et comme l'a rappelé le professeur Anne Ponseille lors de son audition par les rapporteures, « l'écart important entre le maximum encouru et le quantum qui est prononcé par le juge [peut] avoir une incidence négative sur le taux de récidive. »

Cette situation nourrit en outre dans l'opinion publique le sentiment d'une justice laxiste, alors même que les peines prononcées sont très largement exécutées. Il paraît donc essentiel que puissent être identifiés les cas dans lesquels l'écart entre peines encourues et peines prononcées est important, et analysées les causes de cet écart. Un tel écart est susceptible, par exemple, de procéder d'une insuffisante application ou d'une mauvaise rédaction des lois pénales en vigueur, notamment pour celles d'entre elles qui sont marquées par un nombre important de conditions légales restrictives ou de circonstances aggravantes.

Proposition n° 3

Évaluer les causes d'écart entre le quantum encouru et le quantum prononcé, afin de renforcer la crédibilité de la sanction.

2. Réintroduire les très courtes peines, leviers d'efficacité de la réponse pénale

Comme les rapporteures l'ont relevé ci-avant, la politique pénale française se caractérise par un allongement continu de la durée des incarcérations - pour mémoire, 11,3 mois en moyenne, contre 4,6 en Allemagne - sans que cette sévérité accrue ne contribue à résorber la surpopulation carcérale ou à lutter contre la récidive. Ce paradoxe fragilise la lisibilité et l'efficacité de la réponse pénale.

Dans ce contexte, la réintroduction de très courtes peines apparaît comme un levier permettant de rétablir la cohérence du système en apportant une réponse pénale plus rapide et adaptée, notamment face à la récidive. Cette réforme suppose naturellement que les aménagements de peine ab initio aient été rendus facultatifs pour le juge du fond, conformément à la proposition n° 2.

La question des très courtes peines d'emprisonnement, c'est-à-dire en l'espèce des peines inférieures à un mois de détention (interdites par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), soulève des enjeux spécifiques tant pour l'efficacité de la réponse pénale que pour le fonctionnement du service public pénitentiaire.

Depuis quelques années exclues de l'arsenal des sanctions privatives de liberté en raison de leur supposée inefficacité, ces peines connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt dans le débat public. Elles apparaissent en effet comme un outil susceptible de concilier deux objectifs a priori contradictoires : assurer une réponse rapide, visible et proportionnée face à certains comportements délictueux, tout en évitant l'encombrement durable des établissements pénitentiaires. Leur pertinence doit ainsi être appréciée au regard de leur faisabilité pratique, des conditions de leur exécution et des garanties qu'elles offrent en matière de prévention de la récidive.

Bien que de nombreux magistrats, qu'ils soient praticiens ou théoriciens du droit, revendiquent la possibilité de recourir à une gamme de sanctions la plus étendue possible afin de garantir une meilleure individualisation des peines, la question des « très courtes peines » continue de susciter des débats en France. Le rapport de la mission d'urgence sur l'exécution des peines205(*) relevait ainsi « une absence de consensus en dépit de l'ancienneté du débat ».

Il est en effet avéré que les peines de courte durée - en l'espèce, comprises entre un et six mois - présentent un caractère désocialisant et se révèlent inefficaces en matière de prévention de la récidive et de réinsertion. La conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (CNDPIP) a ainsi attiré la vigilance des rapporteures sur les risques que présente une incarcération de courte durée : « ces petits quantums de peine d'emprisonnement sont particulièrement néfastes en termes d'insertion : deux mois, c'est assurément perdre son emploi et son hébergement, c'est risquer une phase suicidaire au quartier arrivant, c'est risquer la rupture des liens familiaux et des droits sociaux, alors que la peine pourrait être effectuée en milieu libre ».

Conformément à l'article 707 du code de procédure pénale, « le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions ». Or, les courtes peines ne permettent pas aux services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) d'assurer un accompagnement efficace. C'est pourtant ce travail sur le passage à l'acte, les comportements délictueux et la réinsertion sociale et professionnelle qui confère sa pleine utilité à la peine d'emprisonnement.

Ce constat a de quoi inquiéter, étant rappelé que plus de 20 % des condamnés écroués sont aujourd'hui en détention en raison d'une peine comprise entre un et six mois206(*).

Les travaux scientifiques consacrés aux « très courtes peines », entendues comme des peines d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois - voire limitée à quelques jours seulement -, apparaissent en revanche plus encourageants. Si la question de la transposabilité de leurs conclusions demeure posée au regard des spécificités propres à chaque système national, plusieurs études internationales207(*) tendent toutefois à démontrer que des peines d'une dizaine de jours pourraient se révéler plus efficaces que certaines sanctions alternatives, telles que les travaux d'intérêt général.

Si la plus grande efficacité des très courtes peines sur certaines peines alternatives effectuées en milieu ouvert reste sujette à débat, il ressort néanmoins avec une certaine clarté que le prononcé d'une peine d'une durée très réduite constitue une option préférable aux courtes peines de quelques mois. En effet, dès lors qu'elles sont exécutées dans des conditions qui permettent leur anticipation - par le biais, par exemple, d'un mandat de dépôt à effet différé -, de telles sanctions n'entraînent pas de véritable effet désocialisant et ne compromettent pas la situation professionnelle de la personne condamnée, tout en produisant un « choc carcéral » bref mais suffisamment dissuasif pour contribuer à la prévention de la récidive.

Le débat sur la suppression des peines d'emprisonnement ferme de moins d'un mois

En l'état de sa rédaction, l'article 132-19 prévoit, en son premier alinéa, que le sursis est possible pour tout ou partie de la peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction ; parallèlement, il interdit le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. Insérée par la loi précitée du 23 mars 2019, cette interdiction était alors justifiée par la baisse tendancielle du prononcé de telles peines [10 000 en 2015 et 5 500 en 2020, selon les chiffres obtenus par Loïc Kervran, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale (rapport n° 1187, déposé le 26 mars 2025)] et, sur le fond, par le fait que « des peines fermes d'aussi courte durée [présentaient] un effet désocialisant majeur et prédispos[ai]ent à la récidive » (exposé des motifs de la loi n° 2019-222 précitée).

Le Sénat avait fait, lors de l'examen de LOPJ, fait preuve d'une certaine perplexité face à l'efficacité d'une telle mesure : les rapporteurs du texte, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, estimaient ainsi que la suppression des peines de moins d'un mois « n'aurait vraisemblablement qu'une incidence limitée dès lors que seulement 9 100 peines d'une durée inférieure ou égale à un mois ont été prononcées en 2017 et seulement un peu plus de 600 d'entre elles faisaient l'objet d'un mandat de dépôt. L'étude d'impact estime sa portée, sur une année, à une diminution de 300 détenus ». Ils émettaient, en outre, une crainte importante, jugeant qu'« une telle disposition pourrait surtout présenter des effets de seuil contre-productifs : afin de contourner cette interdiction, les juridictions de jugement qui souhaitent prononcer une peine courte d'emprisonnement devront fixer un quantum minimal de deux mois, au lieu d'un, au risque d'allonger la durée moyenne d'incarcération ».

Source : rapport n° 780 (2024-2025) fait par Stéphane Le Rudulier
au nom de la commission des lois

Les rapporteures se sont en outre rendues à La Haye, où elles ont rencontré les autorités néerlandaises afin d'échanger sur les modalités concrètes de mise en oeuvre et d'exécution du régime des très courtes peines institué aux Pays-Bas. Ce déplacement leur a permis d'observer directement un dispositif judiciaire dans lequel près de 70 % des peines prononcées chaque année par les juridictions sont des peines privatives de liberté d'une durée inférieure ou égale à trois mois.

Elles ont pu constater que ce modèle présente des résultats significatifs, tant en matière de lutte contre la surpopulation carcérale que dans la prévention de la petite et moyenne délinquance.

Toutefois, les autorités néerlandaises reviennent sur la politique des très courtes peines après l'avoir plébiscitée durant plusieurs années. Elles ont signalé à la mission que les très courtes peines d'emprisonnement ne favorisent pas réellement l'atteinte des objectifs classiquement assignés à une condamnation : d'une part, le niveau de récidive des condamnés soumis à de telles peines reste comparable, voire supérieur, à celui observé avec des peines non privatives de liberté ; d'autre part, l'effet dissuasif d'une condamnation certes faible mais plus systématique paraît relativement limité en comparaison d'autres sanctions.

L'abandon par les Pays-Bas de la politique des très courtes peines repose également sur une volonté de durcir la répression pénale, et donc de prononcer des peines plus longues à l'encontre des délinquants208(*).

Ce bilan mitigé incite à faire preuve de prudence quant à la généralisation des très courtes peines. Il ne résout cependant pas la question d'une réintroduction dans notre droit de telles sanctions, aujourd'hui purement et simplement prohibées par le code pénal.

Les rapporteures considèrent, comme la commission des lois l'a relevé à l'occasion de ses récents travaux sur la proposition de loi visant à faire exécuter les peines de prison ferme, que les peines d'une durée inférieure ou égale à quinze jours pourraient s'avérer utiles sous quatre conditions :

- la première tient à leur temporalité dans le parcours de délinquance de l'auteur d'une infraction : les très courtes peines doivent, à l'évidence, être proscrites pour les condamnés les plus endurcis et ne semblent efficaces que si elles interviennent en amont d'un ancrage durable dans la délinquance. Comme le rappelle la mission d'urgence sur l'exécution des peines209(*), « [la] réceptivité [des publics peu aguerris] aux vertus pédagogiques et dissuasives prêtées au choc carcéral est documentée dans des études anglo-saxonnes » : il s'agit donc d'un outil qui peut contribuer à prévenir la récidive et à éviter toute « escalade » dans la délinquance ;

- la deuxième concerne les caractéristiques du condamné, les courtes peines devant être destinées aux délinquants jeunes ou socialement bien insérés. Il convient à cet égard de rappeler que les juges des enfants210(*), qu'on ne saurait soupçonner de « sécuritarisme », déplorent eux-mêmes de ne plus pouvoir prononcer de très courtes peines à l'encontre des mineurs délinquants, alors même que celles-ci pouvaient être précieuses « en situation de crise pour mettre fin à un emballement »211(*) ;

- la troisième concerne leurs conditions d'exécution, qui ne doivent pas aggraver les éventuelles fragilités préexistantes ou, pire encore, en créer de nouvelles. Le mandat de dépôt à effet différé devra ainsi être utilisé dès que nécessaire pour limiter l'effet désocialisant de la détention et la déstabilisation de la situation personnelle du condamné, qui pourrait se trouver à exécuter sa peine dans une période de congés, pour ceux qui ont un emploi, ou de vacances, pour ceux qui suivent une formation ;

- enfin et surtout, les très courtes peines doivent se dérouler dans des établissements adaptés non seulement en termes de sécurité (puisqu'elles s'adresseront à des publics dont la dangerosité est faible), mais aussi en termes de suivi et de prise en charge : de telles peines n'auront en effet de sens que si elles s'accompagnent de mesures permettant au condamné de prendre conscience de la gravité de son geste et lui accordant, si nécessaire, le soutien social dont il a besoin pour engager sa réhabilitation. Plus encore qu'adaptés, ces établissements devront être dédiés pour prévenir tout « mélange » entre les détenus condamnés à une très courte peine et des profils plus ancrés dans la délinquance. La piste consistant à créer des quartiers spécifiques semble, en revanche, devoir être abordée avec réserve au vu de la situation des établissements existants, déjà saturés212(*).

À la lumière de ces constats, la mission recommande de rétablir en droit français la faculté, pour les magistrats, de prononcer des peines d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois.

Proposition n° 4

Rétablir la possibilité, pour le juge du fond, de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, ces très courtes peines étant destinées aux condamnés bien insérés et non encore ancrés dans la délinquance, mineurs comme majeurs, et exécutées dans des établissements spécialisés.

3. Promouvoir une individualisation des peines plus effective

L'individualisation des peines constitue l'un des ressorts fondamentaux du régime d'exécution de ces dernières, en ce qu'elle garantit la bonne articulation entre les deux fonctions que l'article 130-1 du code pénal attache à la sanction pénale ; l'individualisation permet en effet de « sanctionner l'auteur de l'infraction » autant qu'elle « [favorise] son amendement, son insertion ou sa réinsertion ». Parce qu'elle permet de tenir compte des circonstances de l'espèce et de la personnalité de l'auteur de l'infraction, elle est un facteur essentiel du sens de la peine non seulement pour le condamné, mais aussi pour les victimes et pour la société.

Les travaux de la mission ont toutefois abouti à l'accablant constat que l'individualisation des peines est actuellement soit dévoyée pour des raisons tant juridiques que pratiques, soit insuffisante compte tenu des conditions dans lesquelles les aménagements de peine sont accordés.

Il apparaît ainsi que notre système d'exécution des peines ne favorise pas suffisamment le prononcé de peines adaptées à la personnalité des condamnés. Cela résulte tant de causes directes, comme le manque d'informations dont dispose la juridiction de jugement sur la personnalité des condamnés, que de causes plus indirectes, comme l'impact de la surpopulation carcérale qui impose une affectation des détenus au seul regard des places disponibles et non de leur profil.

Les récentes évolutions du droit ont, en outre, entendu favoriser l'aménagement des peines de courte durée au moyen de contraintes juridiques qui reposent sur le quantum de la peine prononcée. Ces dispositions, qui oeuvrent en creux à réguler la population carcérale, nuisent cependant en pratique tant à l'individualisation des peines qu'à l'objectif qu'elles poursuivent.

La mission a donc formulé des recommandations susceptibles de réduire les écueils sur lesquels échoue aujourd'hui l'individualisation des peines, qu'il s'agisse de l'affectation des détenus aux différents types d'établissement d'incarcération, des modalités juridiques de l'aménagement des peines ou encore des ressorts des décisions prises quant à l'application de ces dernières.

a) Garantir les moyens matériels de l'individualisation des peines

L'une des conséquences les plus insidieuses de la surpopulation carcérale tient à ce qu'elle compromet, voire empêche l'individualisation des peines d'emprisonnement et, partant, favorise la récidive.

Cette dynamique trace le contour d'un cercle vicieux dans lequel l'essentiel des personnes entendues par les rapporteures juge que le système carcéral français est enfermé.

La mission recommande ainsi d'assurer l'affectation des détenus au sein d'établissements carcéraux dont les caractéristiques correspondent à leur personnalité. Les circonstances actuelles conduisent en effet à un gâchis de ressources périlleux en ce qu'il fragilise les équilibres du système carcéral français.

Proposition n° 5

Assurer l'adéquation entre l'établissement d'incarcération et la personnalité des personnes détenues pour favoriser leur réinsertion en sortie de peine.

L'atteinte de cet objectif sera indéniablement facilitée par le déploiement d'outils, par ailleurs réclamé par les rapporteures213(*), permettant aux magistrats de connaître le volume et la nature des places de détention disponibles dans leur ressort.

Les travaux de la mission d'information ont permis d'identifier plusieurs volets de mise en oeuvre de cette recommandation générale.

La recherche d'un meilleur appariement entre les établissements pénitentiaires et les condamnés a récemment conduit à l'institution d'un type nouveau d'incarcération. Il est en effet apparu au législateur que les modalités de détention en maison centrale ne correspondaient pas aux caractéristiques actuelles de la criminalité organisée.

La création récente, par l'article 61 de la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, de quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) répond ainsi pleinement à l'objectif d'une affectation individualisée des condamnés, dans la mesure où les spécificités de ces établissements carcéraux ont été pensées au regard du profil des détenus qui ont vocation à y purger leur peine. La mise en service des QLCO permet aussi - voire surtout - de limiter les contacts entre les criminels de haut vol et les petits délinquants et, partant, d'éviter l'expansion des réseaux de narcotrafic, habitués à recruter leurs « petites mains » en prison.

La réévaluation annuelle de la décision d'affectation au sein de tels quartiers, qui fut portée par le Sénat, garantit en outre l'appréciation fréquente de cette dernière - et, partant, sa proportionnalité.

D'une manière générale, il importe de respecter la destination des différents types d'établissements pour que les détenus soient affectés à ceux qui correspondent le mieux à leur profil. Or, les rapporteures ont constaté au cours de leurs travaux que la décision d'affectation d'un détenu dans un établissement répondait souvent davantage à des facteurs géographiques ou d'occupation carcérale, qu'à la logique d'adéquation entre le type d'établissement et la personnalité du condamné concerné.

Le rapport précité de la Cour des comptes sur la surpopulation carcérale mentionne notamment le centre de semi-liberté d'Écrouves, que des condamnés dont le reliquat de peine à purger était inférieur à neuf mois ont intégré sans autre objectif que de soulager la maison d'arrêt où ils étaient jusqu'alors affectés.

Or, pour aboutir à la réinsertion des détenus, le régime de semi-liberté suppose non seulement une incarcération longue, mais une adéquation entre ses principes structurants et la personnalité des condamnés qui y sont incarcérés.

De la même manière, comme l'a déjà évoqué le présent rapport214(*), lorsqu'un détenu éligible à la LSC-D ne dispose pas d'un hébergement, il est placé dans un établissement de semi-liberté, suivant une logique de régulation des flux carcéraux préjudiciable au bon fonctionnement de ce dispositif.

Il apparaît en outre que les centres de semi-liberté, qui présentent d'évidentes qualités pour la réinsertion, souffrent tant d'un nombre insuffisant de places que d'une localisation souvent éloignée des bassins d'emploi.

Le développement de centres de semi-liberté, spécialement au sein d'agglomérations pourvoyeuses d'emplois, pourrait ainsi favoriser ensemble l'individualisation des peines et la réinsertion des condamnés.

Les rapporteures partagent à ce titre l'appréciation de l'ANJAP, suivant laquelle il importe de concevoir un enfermement différent des établissements carcéraux traditionnels, « avec des structures plus petites et intégrées dans un environnement urbain et sociétal ».

La mission recommande à cet égard d'augmenter et de sanctuariser les places dans les structures qui oeuvrent à la réinsertion des détenus. Il serait ainsi précieux que les personnes condamnées à une peine en milieu fermé puissent - lorsque leur personnalité y est adaptée - bénéficier de projets porteurs ou innovants, à l'instar des actuelles structures d'accompagnement à la sortie (SAS) ou du futur programme InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi) lancé en 2020.

Les structures de réinsertion en milieu fermé

Le programme InSERRE vise à créer des établissements dans lesquels la totalité des détenus disposerait d'un emploi, d'une formation ou d'un parcours professionnalisant, en partenariat avec « des entreprises à forte valeur ajoutée en investissant en particulier les métiers du numérique, du développement durable et les services à distance porteurs de débouchés », et qui se distingueraient par une préparation à la sortie renforcée, notamment assise sur le développement des liens entre les personnes incarcérées et le monde extérieur. L'ambition affichée est celle de la responsabilisation des détenus et de leur réinsertion via l'emploi - et ce, dès le début de leur incarcération.

Les structures d'accompagnement à la sortie (SAS), créées en 2022 en remplacement de structures analogues préexistantes, ont quant à elles pour but d'éviter les « sorties sèches » et de « favorise[r] la préparation à la sortie de la personne détenue par la mise en oeuvre de programmes de prise en charge permettant un accompagnement global, renforcé et individualisé » (article D. 112-21 du code pénitentiaire).

Source : commission des lois

Elles accueillent des personnes condamnées à des peines inférieures à un an - y compris les détenus ayant purgé des peines de moyenne ou de longue durée et dont le reliquat de peine est inférieur à cette durée - ainsi que celles qui bénéficient d'une mesure de semi-liberté ou de placement extérieur.

Soutenant sans réserve le principe d'une meilleure réinsertion des détenus et le développement des SAS comme des établissements InSERRE, les rapporteures déplorent vivement l'ampleur limitée de ces initiatives.

On ne dénombre en effet aujourd'hui que 13 SAS pour l'ensemble du territoire national et le projet InSERRE connaît un important retard ; les trois établissements de 180 places chacun qui devaient être livrés en 2023 pour mettre en oeuvre ce nouveau programme n'accueillent pas encore de détenus.

La mission ne saurait se satisfaire de ce diagnostic : les rapporteures appellent le Gouvernement à prioriser, dans la mise en oeuvre du « plan 15 000 », la mise en service de nouvelles SAS et des structures dédiées au projet InSERRE.

b) Améliorer les décisions relatives à l'individualisation des peines

Outre les moyens matériels et les dispositifs juridiques nécessaires à la bonne individualisation des peines, il importe de veiller à la qualité même des décisions prises en la matière en instaurant des dispositifs susceptibles de parfaire l'adéquation entre la peine prononcée et la personnalité du condamné.

La mission a en effet constaté que le juge du fond se prononce souvent sur des aménagements de peine sans disposer d'éléments suffisants relatifs à la situation économique, sociale, familiale et personnelle du condamné, favorisant le recours à des aménagements génériques et peu individualisés.

Plusieurs des personnes et entités auditionnées par les rapporteures - à l'instar des représentants du réseau Permis de construire - ont ainsi suggéré de systématiser l'évaluation sociale ou l'entretien de positionnement avec les services d'insertion, qu'il s'agisse des SPIP ou d'associations partenaires, ce dès avant l'audience correctionnelle.

Les rapporteures considèrent que cette logique vertueuse devrait être promue, dans la mesure où elle faciliterait l'individualisation des peines prononcées - et par la suite, le respect des décisions prises lors du jugement tout au long de l'application de la sanction.

L'appréciation de la personnalité des prévenus pourrait ainsi reposer sur des enquêtes sociales préalables à l'audience correctionnelle.

À défaut d'éléments suffisants lors du prononcé de la peine, un renvoi au juge de l'application des peines pour définir les modalités d'exécution des peines prononcées devrait être systématique. De la même manière, et comme l'ont préconisé de nombreuses personnes entendues par la mission d'information, l'octroi d'un aménagement de peine ab initio devrait pouvoir être écarté lorsque le prévenu n'est pas comparant.

Cette évolution, que le Sénat a portée dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, gagnerait selon les rapporteures à être définitivement adoptée par le législateur.

Du point de vue institutionnel, la mission d'urgence relative à l'exécution des peines, qui a remis au garde des sceaux son rapport en mars 2025, préconise d'instaurer un « plateau technique pluridisciplinaire » à qui il reviendrait notamment d'évaluer les personnes mises en cause. Cet organe permettrait aux différents acteurs de l'exécution des peines d'exploiter l'ensemble des réponses qu'offre le droit pénal français.

Ladite mission d'urgence suggère ainsi de lui confier quatre missions structurantes :

- évaluer la situation des prévenus pour favoriser leur orientation dès avant l'audience ;

- individualiser la décision de justice ;

- faciliter l'exécution de la peine prononcée ;

- mettre à jour les situations pénales215(*).

La bonne réalisation des missions qui incomberaient à ce plateau technique reposerait sur la logique pluridisciplinaire à laquelle il obéirait. Le rapport précité souligne en effet que « l'évaluation [repose] essentiellement sur l'échange et la mutualisation d'informations ainsi que sur des regards et analyses croisés » - soit sur deux éléments qui font aujourd'hui largement défaut.

La composition de ce plateau technique en garantirait la pluridisciplinarité. La mission d'urgence envisage de réunir notamment :

- les personnels de greffe anciennement affectés au BEX, dans la mesure où ce dernier intégrerait le plateau technique. La CNPTJ a convaincu les rapporteures que le bureau d'exécution des peines apparaît « désormais parfaitement inscrit dans le mode de fonctionnement des juridictions [et] a montré sa pertinence et justifierait une extension ». Son intégration audit plateau serait susceptible d'améliorer la célérité et la qualité de la réponse pénale ;

- des représentants du SPIP, qui pourraient tant recueillir des informations relatives à la personnalité du condamné, que présenter l'éventail des réponses pénales dont dispose le magistrat au regard des mesures disponibles (détention à domicile sous surveillance électronique, Tig, etc.) ;

- un personnel de surveillance, qui serait par exemple susceptible de réaliser une enquête de faisabilité ou d'établir un DDSE ;

- l'avocat, qui aurait accès aux informations portant sur la personnalité du prévenu et pourrait favoriser le recueil de certains éléments relatifs à la situation de son client ;

- un assistant social, pour fluidifier les échanges avec les acteurs médicaux et sociaux ;

- un représentant de l'association d'aide aux victimes, pour procéder à l'analyse comparée des enquêtes sociales renforcées et des enquêtes réalisées par les victimes ;

- un agent de probation, dans l'hypothèse où cette fonction, évoquée infra, serait créée.

Comme le précise la mission d'urgence, suivant une approche que les rapporteures partagent, l'instauration du plateau technique pluridisciplinaire supposerait de repositionner le SPIP en pré-sentenciel, dans la mesure où son expertise est particulièrement précieuse dans cette séquence de la chaîne pénale.

Un tel plateau aurait une immense utilité pour garantir l'adéquation entre le profil du condamné et la peine retenue à la fois dans sa nature (peine alternative ou de prison ferme) et dans son exécution (aménagement ou non des peines de prison ferme). Il contribuerait à promouvoir un usage efficace autant que raisonné des aménagements de peine et des peines alternatives à la détention. La meilleure individualisation des peines, de leur prononcé à leur application, concourrait au surplus à la prévention de la récidive, dans la mesure où elle améliorerait la réinsertion, voire l'insertion des condamnés.

Proposition n° 6

Favoriser la meilleure individualisation de la peine et de son exécution en acquérant une meilleure connaissance de la situation du condamné dès l'audience correctionnelle, grâce au renforcement du rôle des SPIP en phase pré-sentencielle.

Le présent rapport a par ailleurs mis en évidence la fréquente méconnaissance du rôle des SPIP par les juridictions de jugement et l'existence de tensions locales sur certaines attributions entre les CPIP et les JAP216(*).

Plusieurs personnes auditionnées par les rapporteures ont ainsi préconisé de clarifier les rôles respectifs du JAP et du SPIP, pour améliorer les conditions de l'application des peines.

Les représentants de la DAP se sont ainsi dits « favorable[s] à une évolution des missions du juge de l'application des peines, permettant de repenser les attributions respectives des JAP et des SPIP et d'en clarifier la répartition, en renforçant les pouvoirs d'individualisation des premiers, sans remettre en cause l'autonomie des seconds, afin notamment de ne pas réduire l'office du JAP à la gestion des incidents ».

L'ANJAP souhaite par exemple à cette fin que soit écartée la double convocation devant le JAP et devant le SPIP que le bureau d'exécution des peines est tenu de remettre à un condamné non incarcéré217(*).

De la même manière, certaines personnes auditionnées par les rapporteures suggèrent de confier à l'administration pénitentiaire ou au SPIP certaines compétences du JAP. Cela rejoint l'une des préconisations d'un précédent rapport d'information du Sénat218(*) ; il était suggéré de déléguer aux directeurs des services pénitentiaires certaines prérogatives actuellement dévolues aux magistrats afin d'affiner l'adaptation de l'exécution des peines (renouvellement des permissions de sortie, habilitation de structures offrant des travaux d'intérêt général, etc.).

Le Sénat recommanda ainsi, dans un rapport d'information ultérieur sur l'évaluation des services pénitentiaires d'insertion et de probation219(*), que le nouvel équilibre trouvé en matière de Tig220(*) puisse, le cas échéant, inspirer de nouveaux transferts de compétences, qui allègeraient quelque peu la lourde charge de travail des JAP tout en donnant de nouvelles responsabilités aux DPIP. L'ANJAP proposait par exemple à ce titre de confier de nouvelles compétences au SPIP en matière d'aménagement de peine ab initio : une fois le principe de l'aménagement de peine décidé, le SPIP pourrait « utilement déterminer les horaires, date d'écrou et le lieu d'assignation. De la même manière, en cas de changement de lieu d'assignation durant la mesure de détention à domicile sous surveillance électronique, le SPIP pourrait avoir compétence pour faire lui-même la modification ».

Le même rapport suggérait d'expérimenter en outre une permanence des SPIP au sein des tribunaux correctionnels pour favoriser la connaissance mutuelle entre ces différents acteurs. Cette expérimentation, portée dans le cadre des États généraux de la justice, faciliterait l'information rapide du condamné sur les suites concrètes de sa condamnation - et serait de surcroît nécessaire à l'établissement du plateau technique pluridisciplinaire évoqué supra.

Les rapporteures préconisent ainsi d'entreprendre une démarche de clarification des fonctions respectives du JAP et du SPIP, assise tant sur la meilleure ventilation des compétences entre ces derniers, que sur la meilleure compréhension de la répartition de leurs rôles respectifs auprès de l'ensemble des acteurs de l'exécution des peines, au premier rang desquels les magistrats du tribunal correctionnel.

Enfin, et comme l'a souligné la mission d'urgence relative à l'exécution des peines précitée, une telle démarche permettra de restaurer la mission de garant de la continuité du parcours de réinsertion et de prévention de la récidive qui incombe au JAP - et, partant, de remédier aux effets pervers des récentes réformes, qui ont réduit sa liberté d'appréciation et l'ont mobilisé sur la gestion des incidents.

Proposition n° 7

Clarifier les rôles respectifs du juge de l'application des peines et du service pénitentiaire d'insertion et de probation.

B. REPLACER LA RÉINSERTION AU CoeUR DE LA PEINE

La peine, quelle que soit sa nature, ne saurait être pleinement efficace, et donc effectivement exécutée, que dans la mesure où elle satisfait aux fonctions qui lui sont assignées par le législateur. Celles-ci sont énoncées à l'article 130-1 du code pénal, lequel dispose qu'« afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions [...] de sanctionner l'auteur de l'infraction ; [...] de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. » Or, les rapporteures ont observé, au cours de leurs travaux, un certain nombre de dysfonctionnements structurels et matériels qui compromettent le respect de cette seconde fonction, essentielle à la portée de la peine, à savoir l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée.

1. Donner à l'incarcération une finalité constructive

a) Renforcer la présence et la formation des personnels pénitentiaires

La réinsertion des personnes confiées à l'administration pénitentiaire fait partie de ses missions depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, dont le premier article disposait que : « Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire ».

La mission relève toutefois que la réinsertion demeure l'un des maillons les plus fragiles de l'exécution des peines, en raison d'une prise en charge en détention notoirement insuffisante. Qu'il s'agisse du suivi social, de l'accès à la formation professionnelle ou de l'accompagnement sanitaire, les moyens alloués restent en deçà des besoins constatés. Les SPIP, acteurs centraux de la réinsertion, souffrent d'un déficit structurel d'effectifs qui ne permet pas de garantir un suivi individualisé conforme aux standards européens. Le ratio de personnes suivies par conseiller excède largement les recommandations internationales, ce qui limite la capacité d'intervention en détention, en dépit de la hausse d'effectif considérable de leurs effectifs au cours de la dernière décennie.

La hausse des effectifs des SPIP au cours de la dernière décennie

Les effectifs des SPIP ont connu une hausse significative depuis une dizaine d'années. Cette augmentation a eu pour point de départ l'engagement pris, le 9 octobre 2013, par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault de créer 1 000 postes sur trois ans, qui s'est effectivement traduit par la création de ces postes dans la loi de finances pour 2014.

Dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2015, le sénateur Jean-René Lecerf prenait acte « de la promesse tenue du Gouvernement de renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) de milieu ouvert avec la création de 1 000 emplois en 2014 dont 650 postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ». Il regrettait, toutefois, le caractère encore insuffisant de cette augmentation au regard de la charge de travail des SPIP. Cette hausse des moyens s'est inscrite dans un contexte marqué par un renforcement de l'ensemble des moyens du ministère de la justice, destiné notamment à lutter plus efficacement contre le terrorisme et la radicalisation.

La seconde augmentation significative des moyens humains des SPIP a été consécutive à la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ). Ambitionnant de redonner du sens à la peine, les concepteurs de la LPJ ont jugé indispensable de renforcer les moyens des SPIP afin de permettre un meilleur accompagnement des PPSMJ. À partir de 2020, l'accroissement des moyens est également venu conforter la démarche voulue par le Gouvernement de Jean Castex de construction d'une « justice de proximité ».

Ainsi, pris dans leur globalité, les effectifs des SPIP ont connu une augmentation de 21 % depuis 2018, passant de 5 576 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2018 à 6 736 en 2022. Comme le souligne la direction de l'administration pénitentiaire, si cette hausse a bénéficié à l'ensemble des corps affectés dans les SPIP, elle a principalement concerné le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CLIP), qui est le plus nombreux, et les agents non titulaires. Le nombre de CPIP est ainsi passé de 3 102 ETP en 2018 à 3 702 en 2022. Celui des « non-titulaires social, médico-social et culture » a crû de 406 à 540 ETP sur la même période. L'accent mis sur le recrutement des CPIP est logique au regard de leur rôle central dans le fonctionnement des services.

Source : rapport d'information n° 353 (2022-2023)
fait par Marie Mercier et Laurence Harribey au nom de la commission des lois

Cette fragilité est accentuée par l'insuffisance de personnels spécialisés, tels que psychologues ou assistants de service social, dont la présence apparaît pourtant indispensable pour appréhender la complexité des situations rencontrées. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de renforcer significativement les moyens humains des SPIP, condition préalable à une meilleure effectivité des missions de réinsertion.

Proposition n° 8

Accroître les moyens humains des services pénitentiaires d'insertion et de probation, afin de réduire le nombre de personnes suivies par conseiller et d'assurer un accompagnement social et professionnel adapté.

Par ailleurs, la mission souligne que les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) intervenant en milieu fermé ne disposent pas d'une doctrine professionnelle adaptée aux réalités de la détention. Le référentiel actuel, inspiré du milieu ouvert, repose principalement sur des entretiens réguliers et prolongés, difficilement conciliables avec les contraintes de l'univers carcéral, marquées par des flux d'arrivants importants et des durées de peines très variables.

Faute de méthodologie spécifique, l'accompagnement proposé perd en pertinence et en efficacité, alors même que la population carcérale se caractérise par une forte précarité sociale : absence de qualification professionnelle pour plus de la moitié des détenus, pauvreté ou absence de ressources pour un quart d'entre eux, et, pour certains, absence de solution d'hébergement à l'entrée comme à la sortie de détention.

Cette situation appelle l'élaboration d'une doctrine professionnelle claire et adaptée pour les CPIP intervenant en milieu fermé, afin de garantir la cohérence et l'efficacité de leur action.

En milieu carcéral, les SPIP peuvent en outre s'appuyer sur le concours des associations d'accompagnement social. Les rapporteures constatent toutefois que l'implication du secteur associatif demeure très variable selon les territoires. Cette hétérogénéité, qui traduit parfois une reconnaissance institutionnelle insuffisante de leur rôle, fragilise un partenariat pourtant déterminant pour préparer efficacement la sortie de détention, notamment en matière d'accès au logement. Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer et de faciliter l'intervention de ces structures au sein des établissements pénitentiaires.

Les pratiques étant disparates d'un territoire à l'autre, il est également indispensable que les modalités d'intervention des associations fassent l'objet de directives au niveau national, ce qui permettra tout à la fois d'inciter le SPIP à solliciter les acteurs associatifs et de rassurer, grâce à une définition claire des rôles respectifs de chacun, les services qui perçoivent l'intervention des associations comme une ingérence dans leurs missions.

Proposition n° 9

Unifier la doctrine d'intervention des associations d'accompagnement social en détention, afin de réduire les disparités territoriales constatées par la mission.

b) Garantir une prise en charge sanitaire digne et effective

La question des soins en détention constitue aujourd'hui l'un des points les plus préoccupants de l'exécution des peines. La prévalence des troubles psychiatriques et des addictions y atteint des niveaux particulièrement élevés, affectant une majorité de personnes détenues.

Pourtant, l'accès effectif aux soins demeure largement défaillant. Les unités sanitaires souffrent d'un sous-dimensionnement chronique, leurs effectifs étant calculés sur la capacité théorique des établissements et non sur leur population réelle. Elles ne disposent pas non plus de l'ensemble des compétences spécialisées nécessaires, ce qui contraint à recourir massivement à des consultations extérieures, souvent annulées faute de personnels disponibles pour assurer les escortes.

Ces dysfonctionnements entraînent des retards importants dans la prise en charge et se traduisent, pour de nombreux détenus, par une perte de chance en matière de santé, y compris pour des besoins médicaux élémentaires. Cette situation, qualifiée d'« indignité » par le garde des sceaux lui-même, fragilise non seulement les personnes concernées, mais aussi les personnels pénitentiaires et, plus largement, la société.

Dès lors, il apparaît indispensable de repenser en profondeur l'organisation de la prise en charge sanitaire en détention, afin de mieux adapter les moyens aux besoins réels et d'assurer une réponse effective aux pathologies somatiques, psychiatriques et addictives.

Proposition n° 10

Assurer un accès effectif à la santé en détention en :

développant les partenariats avec les hôpitaux pour des interventions, dans la mesure du possible, au sein des établissements pénitentiaires pour la médecine spécialisée ;

- fixant les effectifs des unités sanitaires non pas selon le nombre théorique de places, mais selon la moyenne d'occupation des cinq dernières années ;

- garantissant la prise en charge de la santé mentale et des troubles addictifs, avec la présence permanente de professionnels dédiés auprès des détenus et de l'administration pénitentiaire.

2. Donner un véritable contenu aux peines alternatives

Les peines alternatives à l'incarcération constituent un instrument utile de réinsertion et de lutte contre la récidive. Pour les condamnés bien insérés et n'ayant pas commis d'infractions graves ou réitérées, elles favorisent le maintien des repères familiaux, sociaux et professionnels, tout en imposant un cadre d'obligations qui participe à leur responsabilisation.

Encore faut-il que ces mesures soient véritablement individualisées, dotées d'un contenu effectif et accompagnées d'un contrôle rigoureux. À défaut, elles perdent non seulement en efficacité mais aussi en crédibilité, fragilisant l'adhésion des justiciables comme de la société à la sanction pénale.

Les rapporteures ont rappelé, en première partie du présent rapport, que les aménagements ab initio destinés à éviter l'incarcération pour les courtes peines reposent aujourd'hui de manière quasi-exclusive sur la détention à domicile sous surveillance électronique.

Or, le recours massif au bracelet électronique, devenu une réponse par défaut, s'est accompagné d'un appauvrissement de son contenu et d'un suivi moins qualitatif, réduisant sensiblement son efficacité en matière de prévention de la récidive. Cette tendance illustre plus largement les limites des aménagements de peine génériques, dont l'expansion n'a pas été soutenue par les moyens humains nécessaires pour en assurer la pertinence et la valeur « réinsérante ».

Partant de ce constat, les rapporteures appellent à une plus grande prudence dans le recours à la DDSE, afin d'en renforcer le caractère individualisé et d'assurer un suivi plus exigeant des personnes placées sous ce régime. Elles estiment qu'il pourrait même être envisagé de réserver à terme le prononcé de cette mesure au juge de l'application des peines, en cessant de l'utiliser comme aménagement ab initio, afin d'éviter tout usage de la DDSE comme solution « de facilité », sans gain ni pour le condamné ni pour la société.

Proposition n° 11

Redonner une véritable consistance à la détention à domicile sous surveillance électronique et, à défaut, ne plus la privilégier comme aménagement ab initio.

Au-delà de la difficulté à adapter la peine au profil du condamné, se pose également la question de l'effectivité de son exécution. Le suivi et le contrôle des peines alternatives demeurent insuffisants alors même que leur crédibilité dépend de la certitude que les obligations imposées sont effectivement respectées et que tout manquement entraîne une réaction judiciaire rapide et proportionnée. Dans la pratique, les SPIP, confrontés à une charge particulièrement lourde, ne peuvent assurer une surveillance systématique, ce qui conduit à des détections tardives et inégales selon les territoires. Pour la surveillance électronique notamment, les incidents liés au non-respect des horaires sont souvent traités après plusieurs répétitions, amoindrissant l'effet dissuasif de la mesure. Les rapporteures appellent en ce sens à renforcer le suivi et le contrôle des peines alternatives à l'incarcération221(*).

C. JUGULER LA SURPOPULATION CARCÉRALE

La surpopulation carcérale atteint des niveaux tragiques ; elle ne saurait être plus longtemps tolérée et appelle des solutions déterminées, mais aussi innovantes, de la part des pouvoirs publics.

La mission propose, à cet égard, un véritable changement de philosophie de la peine de prison ferme.

Les rapporteures n'ont pu que constater que les expériences de régulation carcérale « par les flux » n'étaient efficaces qu'à court termevoire à très court terme -, et qu'elles ne constituaient en rien une réponse structurelle permettant, à long terme, de retrouver un taux d'occupation normal dans les prisons. En effet, les alternatives existantes à la prison se heurtent désormais, pour reprendre une expression employée par la Cour des comptes, à un « plafond de verre »222(*) : si les magistrats, pourtant bien placés pour mesurer les conséquences dramatiques de la surpopulation carcérale, continuent à prononcer autant de peines d'incarcération, c'est bien parce que les faits ou les prévenus concernés ne peuvent pas donner lieu - en l'état de la répression pénale - à une peine de milieu ouvert.

Au-delà de la régulation carcérale assumée qui s'exerce dans certaines directions interrégionales, les initiatives du législateur pour limiter le recours à l'incarcération ou pour en limiter la durée effective sont, de toute évidence, des échecs. Non seulement les réformes successives n'ont pas permis de mettre fin à la surpopulation, mais elles ont même aggravé le phénomène, dégradant les conditions de vie des détenus - et les conditions de travail des personnels -, nuisant à l'efficacité de leur prise en charge et renforçant le risque de récidive.

Ce diagnostic invite à une réflexion ambitieuse ; il doit pousser le législateur à ne plus se limiter à une gestion quantitative de la détention, mais à proposer une évolution qualitative prenant en compte les besoins de tous les acteurs de la chaîne pénale.

La surpopulation carcérale est, en effet, un élément clé de la réflexion menée par la mission d'information. Sa résorption est, à l'évidence, la principale condition de faisabilité de nombreuses mesures proposées par les rapporteures, notamment en ce qui concerne l'individualisation de l'exécution des peines, la revalorisation de la réinsertion ou encore la mise en place de très courtes peines de prison ferme.

La lutte contre la surpopulation carcérale est ainsi la mère de toutes les batailles : à défaut pour nos prisons de retrouver un taux d'occupation acceptable, le législateur ne pourra garantir ni la dignité des détenus ni leur suivi effectif - ni in fine l'efficacité de la peine ; plus largement, tant que la surpopulation carcérale n'est pas enfin jugulée, la loi restera impuissante à améliorer l'exécution des sanctions pénales. C'est dans cette optique que les rapporteures ont forgé leurs recommandations, en gardant à l'esprit trois objectifs :

- le nécessaire rétablissement d'une cohérence entre la peine prononcée et la peine réellement exécutée, à la fois pour contribuer à renforcer le sens de la peine (voir supra) et pour limiter les stratégies de contournement de la loi qui ont, en pratique, été observées lors de la mise en oeuvre de chaque modification législative récente en matière d'exécution des peines ;

- corrélativement, l'indispensable affirmation d'une pleine confiance envers les magistrats, premiers responsables du choix de la peine et de ses modalités d'exécution, qu'il convient cependant de doter des outils requis pour assumer pleinement ce rôle ;

- enfin et surtout, la remise en cause de la centralité de la peine de prison ferme grâce à un renforcement de la crédibilité des mesures de milieu ouvert, qui passe en priorité par la revalorisation de la probation sous la forme d'une peine autonome.

La mission n'ignore pas que ces choix auront un coût, en particulier en personnel. Elle souhaite que les moyens prévus par la dernière loi d'orientation et de programmation pour la justice du 20 novembre 2023223(*) soient pleinement mobilisés au service de la réforme proposée, et elle rappelle que l'investissement ainsi consenti sera une source d'économies pour l'avenir, tant est grand le coût de la délinquance pour notre pays et tant l'intérêt bien compris de la société dans son ensemble est de mener une lutte résolue contre la récidive et pour la sécurité.

1. Créer une véritable peine de probation

Le recours, encore fréquent, aux peines de prison ferme a une origine simple : en l'état du droit, l'incarcération est le seul levier dont disposent les magistrats pour réprimer des infractions graves ou pour garantir la mise à l'écart de profils susceptibles de commettre un nouveau délit.

Ce constat explique les pratiques observées par la mission s'agissant tant de l'aménagement des peines (avec une augmentation sensible, depuis 2020, des peines dont la durée est immédiatement supérieure au seuil en deçà duquel l'aménagement est obligatoire) que des libérations anticipées (avec un taux de mise en oeuvre de la LSC-D qui reste en net décalage avec son caractère théoriquement automatique).

Outre les recommandations spécifiquement relatives à ces deux enjeux, qui feront l'objet de développements ci-après, il convient de tirer toutes les conséquences de cette réalité en offrant aux acteurs de la peine de nouveaux leviers pour traiter le cas des condamnés qui sont aujourd'hui envoyés en prison non pas en raison de leur fort ancrage dans la délinquance ou du risque avéré de récidive, mais parce qu'ils présentent des fragilités sociales ou sanitaires qui pourraient, avec des moyens adaptés, être pris en charge à l'extérieur des établissements pénitentiaires. Il s'agit, en d'autres termes, de mettre en place une mesure plus sévère - mais aussi plus crédible dans ses effets sur le condamné - de milieu ouvert pour, en retour, favoriser son prononcé par les magistrats en lieu et place de la prison ferme, ce en quoi les peines alternatives existantes ont échoué.

Tel est le sens de la peine autonome de probation dont la mission propose la création en remplacement de l'actuel sursis probatoire.

Proposition n° 12

Créer une peine autonome de probation.

Une telle orientation avait déjà été envisagée par la commission des lois du Sénat en 2018. Dans un rapport intitulé « Nature, efficacité et mise en oeuvre des peines : en finir avec les illusions ! », Jacques Bigot et le président François-Noël Buffet plaidaient ainsi pour la mise en place d'une peine de probation permettant le prononcé d'une large palette de mesures (injonction de soins, travail d'intérêt général, accompagnement socio-éducatif renforcé, etc.) et pouvant être assortie d'une peine de prison ferme ; ils proposaient que sa durée soit fixée par le juge du fond, et que les obligations auxquelles le condamné est soumis puissent évoluer au cours de l'exécution de la peine grâce à un suivi étroit et rigoureux permettant de mesurer toute modification dans la situation personnelle, familiale, sociale ou économique du condamné. Ils soulignaient que, pour être efficace, une telle peine devait pouvoir être aisément révoquée (c'est-à-dire donner lieu au placement en détention du condamné), faute de quoi elle se heurterait - comme l'ancienne contrainte pénale, abrogée par la loi d'orientation et de programmation du 23 mars 2019 - à un déficit d'appropriation par les magistrats.

La commission avait maintenu sa position lors de l'examen de la LOPJ précitée : son attachement à la peine de probation l'avait conduite à accepter que ce désaccord - conjugué à d'autres - se traduise par une adoption finale du texte selon la procédure du « dernier mot » donné à l'Assemblée nationale.

Cette peine de probation présenterait des connexités avec le placement à l'épreuve auprès des services sociaux italien, distinct du sursis et qui, déjà ancien, semble faire l'objet d'un « retour d'expérience » positif.

Le placement à l'épreuve auprès des services sociaux (Italie)

L'article 47 [de la loi du 26 juillet 1975] prévoit la mesure alternative de placement à l'épreuve auprès des services sociaux (affidamento in prova al servizio sociale), qui permet à certains condamnés d'exécuter leur peine hors de prison, sous supervision et contrôle. Elle est ouverte lorsque la peine à purger ne dépasse pas trois ans (ou quatre ans dans certains cas), selon une appréciation individualisée visant à favoriser la réinsertion du condamné et à prévenir la récidive. Cette durée s'entend de la peine résiduelle effectivement à exécuter, comme l'a confirmé la Cour constitutionnelle224(*).

La mesure est accordée sur la base d'un rapport d'observation de la personnalité, effectué en détention ou, pour les personnes libres, par le bureau d'exécution pénale externe (ufficio di esecuzione penale esterna - UEPE). Le placement peut aussi être accordé aux personnes ayant déjà exécuté une partie de leur peine en détention ou sous contrôle judiciaire (§3-bis), ainsi qu'aux condamnés à des peines substitutives de semi-liberté ou de détention à domicile (§3-ter).

La demande est présentée au juge de surveillance (magistrato di sorveglianza) - équivalent du juge d'application des peines français. En cas d'urgence, celui-ci peut accorder l'application provisoire. Si la mesure est acceptée, un protocole est établi, définissant les obligations : lieu de résidence, emploi, interdictions de fréquentation, engagement envers la victime et obligations familiales. Ces prescriptions peuvent être adaptées en cours d'exécution.

Les services sociaux assurent le suivi du condamné, rendent compte de son comportement, et l'accompagnent dans sa réinsertion. En cas de manquement grave, la mesure est révoquée. À l'inverse, son bon déroulement entraîne l'extinction de la peine et des effets pénaux (hors peines accessoires perpétuelles), avec une possible remise complémentaire de peine en cas de réinsertion effective.

Source : étude de législation comparée ( voir annexe 1)

Parce qu'elle suppose la mise en place d'une véritable « police de la probation », dotée tant d'une culture de la réinsertion que d'une composante répressive en cas de manquement et s'appuyant sur des moyens matériels et humains correctement dimensionnés (voir infra), la peine autonome de probation suppose un effort financier que les rapporteures ne sauraient sous-estimer. Elles considèrent néanmoins que cet effort est justifié par les multiples avantages que présente une telle évolution.

Tout d'abord, la peine de probation permettra, lorsqu'elle est prononcée en assortiment d'une peine de prison ferme, de penser la fin de peine dès le début de la détention. Les obligations auxquelles le condamné sera soumis à l'issue de son incarcération seront, en effet, fixées dès le prononcé du jugement par le tribunal correctionnel, ce qui donnera enfin une visibilité au juge du fond sur l'ensemble du parcours d'exécution de la peine : cette continuité ne pourra que rassurer les magistrats sur la crédibilité de la mesure.

Pour aller encore plus loin, les rapporteures estiment que le juge du fond devrait également être en charge de la définition des modalités de mise en oeuvre des obligations qu'il impose au condamné, y compris lorsque la peine de probation n'est pas conjuguée avec une peine de prison ferme : le tribunal correctionnel pourrait ainsi avoir la responsabilité, s'il dispose des éléments requis, de fixer le rythme du suivi exercé par le service de probation et de prévoir, s'il le souhaite, un accompagnement complémentaire du condamné par des structures associatives habilitées225(*).

Crédible pour les magistrats, la peine de probation doit également l'être pour les condamnés grâce à une procédure souple de révocation et à des dispositions légales assumant les pleines conséquences des manquements constatés. Ainsi, alors que le droit en vigueur prévoit une simple faculté de révocation du sursis probatoire en cas de commission d'une nouvelle infraction ou de non-respect des obligations imposées au condamné, la loi pourrait faciliter l'incarcération de ceux des condamnés qui manquent à leurs devoirs et, surtout, qui ne témoignent pas d'une volonté réelle de sortir de la délinquance et commettent au cours de la probation un nouveau délit. Cette modification crédibilisera le milieu ouvert en tant que forme effective de répression, étant rappelé qu'aujourd'hui, les manquements ne donnent que rarement lieu à des sanctions sérieuses : à titre d'illustration, selon les études conduites par les services du Sénat, les condamnations à une peine de prison ferme prononcées pour une « évasion » dans le cadre d'un placement sous surveillance électronique présentaient à la fois un volume limité (on en dénombre 40 entre 2012 et 2024 sur plus de 1 500 infractions enregistrées - soit seulement 2,6 % d'infractions ayant effectivement mené à une peine de prison ferme) et une faible durée (la moitié d'entre elles étaient inférieures à trois mois, ce qui suggère un faible taux de placement effectif en détention).

La création d'une peine de probation conduira, en outre, à une réévaluation de l'échelle des peines. Sanction d'une nature nouvelle, à la croisée de la prison et du milieu ouvert, elle permettra :

d'atténuer la place centrale de l'emprisonnement comme peine de référence du droit pénal français ;

- de limiter le prononcé des peines de prison ferme - et notamment celles qui sont aujourd'hui promises à l'aménagement du fait de leur courte durée, attestant que le juge du fond souhaite à la fois donner une chance au milieu ouvert mais se doter d'une « corde de rappel » en milieu fermé en cas d'échec - et, partant, de lutter contre la surpopulation carcérale ;

- de promouvoir une individualisation renforcée des peines, le juge disposant dans ce cadre d'une palette particulièrement large d'obligations susceptibles d'être imposées au condamné : le Sénat avait ainsi souhaité, dès 2019, que la peine de probation puisse obliger le condamné à répondre aux convocations du JAP et à recevoir les visites des CPIP, mais aussi à se soigner, à exercer un emploi, à établir sa résidence en un lieu déterminer, à justifier qu'il contribue aux charges familiales, à réparer les dommages causés par l'infraction, à s'abstenir d'exercer certaines activités ou de paraître en certains lieux, ou encore à accomplir un stage pénal ou un travail d'intérêt général ;- de favoriser la plus grande intégration, par ailleurs souhaitée par la mission, des SPIP au stade pré-sentenciel, puisque leur concours sera indispensable à l'identification des prévenus susceptibles d'être soumis à la probation comme à la définition des obligations associées (voir infra) ;

- de mieux traiter le cas de condamnés actuellement soumis à des peines de prison ferme pour des motifs qui ne tiennent pas à leur dangerosité objective, mais à leur situation personnelle fragile et qui rendent aujourd'hui leur suivi à l'extérieur difficile, voire impossible : absence de garanties de représentation (logement, attaches sociales ou familiales, etc.), troubles addictifs ou psychologiques, grande précarité, etc

2. Faire enfin de la peine de prison ferme une sanction efficace et dissuasive

Rendue à sa juste place sous l'effet de la création d'une peine de probation, la peine de prison ferme restera essentielle pour les condamnés fortement ancrés dans la délinquance comme pour les infractions les plus graves et les moins tolérables pour la société - violences contre les personnes, infractions sexuelles, trafics... Il faut donc la rétablir comme une sanction efficace et réellement dissuasive.

L'accomplissement de cet objectif passe par la mise à niveau des capacités opérationnelles du parc pénitentiaire française, dont l'insuffisance est attestée par le caractère à la fois pérenne et ancien de la surpopulation carcérale. La mission souhaite, dans ce contexte, que le « plan 15 000 » soit mené à bien dans les plus brefs délais, donc sans nouveau retard d'ici à 2031.

Au-delà du calendrier, le coût de l'opération est un enjeu d'importance dans une période de raréfaction des deniers publics. Pour ne pas obérer le bon achèvement du programme, il appartiendra au Gouvernement, en lien avec les propositions de la mission sur la nécessaire orientation des condamnés au sein des établissements selon leurs besoins et leurs profils, d'évaluer l'étendue des économies budgétaires qui pourraient être permises par la construction de prisons « à sécurité allégée » destinées aux détenus qui présentent un risque sécuritaire modéré au cours de leur incarcération : auteurs de violences intrafamiliales, d'atteintes simples aux biens, etc.

Proposition n° 13

Mener à bien le « plan 15 000 », en s'interdisant tout nouveau retard et en tenant compte de la nécessaire diversification des établissements en fonction des profils des détenus.

Dans le même ordre d'idées, les rapporteures n'ont pu que constater que les quartiers destinés aux profils les plus « durs » (radicalisés, condamnés pour terrorisme, membres de réseau de délinquance ou de criminalité organisée...) pouvaient être un facteur d'aggravation de la surpopulation carcérale, car ils sont en général largement sous-occupés. La recherche d'une juste modularité, mais aussi l'impératif consistant à garantir des conditions dignes de détention aux condamnés incarcérés en maison d'arrêt ou en QMA ne peuvent que conduire à réclamer l'évaluation régulière du nombre de détenus susceptibles de relever de ces quartiers « sécuritaires », afin de libérer des places pour les autres détenus et de réduire la pression qui pèse aujourd'hui sur les quartiers « classiques ».

Toujours dans la même optique, les auditions conduites par les rapporteures ont permis de montrer qu'une partie non négligeable de la surpopulation carcérale découlait du phénomène de « purge des situations pénales », c'est-à-dire découle de sursis dont le juge du fond n'avait pas connaissance au moment du prononcé de la peine et qui « tombent », sans anticipation, au début de la mise à exécution. Sollicité par la mission, le ministère de la justice fait savoir qu'il n'était pas en mesure de quantifier - même approximativement - la prégnance statistique de ce phénomène, ni même de définir avec précision la proportion des emprisonnements résultant d'une révocation de sursis au prononcé d'une nouvelle peine.

Quelle que soit l'ampleur effective de ces situations, il n'est ni cohérent, ni justifiable que le tribunal correctionnel ne dispose pas d'outils lui permettant de peser, avec autant de précision que de certitude, les conséquences de ses jugements. Pour mettre fin à cette anomalie, la mission d'urgence sur l'exécution des peines a recommandé la mise en place d'un « plateau technique pluridisciplinaire » plus largement chargé de l'évaluation du condamné au stade pré-sentenciel, et qui serait notamment compétent pour reconstituer l'intégralité de sa situation pénale à jour (voir supra). La mission d'urgence souligne ainsi que la purge des situations
pénales, « partie intégrante » de l'évaluation du condamné, est au coeur de « la cohérence du parcours d'exécution de peine et doit être réalisée à tous les stades de la procédure », donc dès le début de celle-ci.

Les rapporteures s'associent à cette suggestion pertinente, déjà évoquée à l'occasion des développements relatifs au sens de la peine. À défaut de voir un tel plateau mis en place à court terme, elles estiment indispensable qu'un outil technique, même limité au suivi en temps réel des situations pénales, soit rapidement déployé et mis à la disposition de tous les acteurs du prononcé et de l'exécution de la peine.

Non moins essentielle est la nécessité de doter les magistrats d'un instrument de suivi des places de détention disponibles dans leur ressort par nature de quartier ou d'établissement, afin d'affermir l'anticipation du déroulé de la peine dès son prononcé et d'orienter au mieux les condamnés dès le début de l'exécution de leur peine. Couplée à la sanctuarisation des places de réinsertion, que les rapporteures appellent par ailleurs de leurs voeux, cette amélioration permettrait au surplus de limiter la pratique des transfèrements de détenus à des fins de régulation carcérale, déstabilisatrice pour les intéressés226(*) et particulièrement consommatrice en effectifs pour l'administration pénitentiaire.

3. Ne plus utiliser la fin de peine comme un levier de régulation carcérale

Les travaux menés par la mission ont montré que l'utilisation des dispositifs de fin de peine comme un levier de régulation carcérale s'étaient avérés non seulement inefficaces, mais aussi néfastes à la lisibilité de l'exécution - et, partant, défavorables à la prévention de la récidive.

Dans ce contexte, les rapporteures jugent indispensable d'opter pour un bouleversement de la philosophie qui guide notre droit et de redonner aux magistrats les marges de manoeuvre requises pour maîtriser, de manière effective, le parcours de détention des condamnés.

Pour ce faire, elles proposent tout d'abord de supprimer la LSC de plein droit, dont elles ont déjà décrit la portée contre-productive et déstabilisatrice. Rare mesure à avoir été recommandée à la quasi-unanimité des personnes auditionnées, cette suppression permettra d'éviter l'érosion des peines de prison ferme, source d'incompréhension pour les condamnés comme pour les citoyens. Elle permettra, de plus, de revenir sur une mesure source de difficultés insurmontables dans le suivi des détenus et dans la gestion de la fin de peine.

La mission ne souhaite pas, pour autant, un retour au droit ex ante, c'est-à-dire aux réductions automatiques de peine qui, bien que moins décriées par les praticiens, posent comme la LSC-D le problème de l'érosion mécanique de la peine. Elle prône à l'inverse un système de réductions de peine exclusivement fondé sur des critères individuels, tenant compte à la fois du comportement du condamné et de ses efforts de réinsertion.

Sans autre changement législatif, la probabilité serait élevée de voir cette recommandation se traduire par un surcroît de surpopulation carcérale. Pour éviter un tel effet de bord, la mission propose de faciliter l'octroi des réductions de peine, mais aussi des aménagements, conversions et placements en semi-liberté en fin de peine.

L'objectif est, comme en matière de probation, de faire confiance aux magistrats et de leur permettre d'investir pleinement leur office en faisant en sorte que, sauf exception, la durée réellement exécutée corresponde à la durée prononcée. Il s'agit là d'une révolution copernicienne qui, loin de répondre à une logique strictement répressive, doit inciter les juges du fond à prononcer des peines moins artificiellement sévères, car reposant sur l'assurance qu'elles seront exécutées dans les formes et conditions qu'ils ont prescrites.

Pour que soit respectée la philosophie des rapporteures, il conviendra que le bénéfice de telles mesures soit accordé par le juge de l'application des peines au cas par cas, sur une base individuelle. Il semble toutefois possible de modifier les conditions d'octroi des réductions de peine dans un double sens.

Premièrement, le Sénat avait légitimement plaidé, lors de l'examen de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire du 22 décembre 2021, pour qu'il soit tenu compte du risque de récidive dans toute décision d'octroi ou de refus d'une libération anticipée. Ce principe, aujourd'hui absent du code de procédure pénale s'agissant des réductions de peine227(*), gagnerait à être affirmé.

Deuxièmement, il semble possible d'envisager une libéralisation des conditions dans lesquelles les réductions de peine sont octroyées, selon une double orientation.

Sur le fond, ces réductions reposent en l'état du droit sur deux critères cumulatifs : les efforts d'insertion du condamné et son bon comportement. Il serait judicieux que ces critères soient rendus alternatifs, notamment parce qu'ils sont en partie redondants.

Sur la forme, les réductions sont octroyées selon des procédures strictes, voire lourdes qui, en particulier, prévoient l'intervention de la commission d'application des peines (saisie pour avis) et obligent à ce que les réductions soient octroyées en une seule fois pour les peines de moins d'un an. Il paraît pertinent d'envisager que les réductions de peine puissent être octroyées par le seul juge de l'application des peines, sans avis collégial, lorsque leur quantum est limité ; on peut, de même, raisonnablement envisager que les réductions de peine puissent faire l'objet de plusieurs examens successifs, y compris pour les peines courtes, permettant au JAP de tenir compte de l'évolution de la situation des condamnés.

Proposition n° 14

Mettre fin à la libération sous contrainte de plein droit pour privilégier des mécanismes individuels, tenant compte des efforts accomplis par le condamné pendant sa détention.

En contrepartie, faciliter les aménagements, conversions, placements en semi-liberté en fin de peine par les JAP, ainsi que l'octroi des réductions de peine, sur une base individuelle.

Les rapporteures considèrent que cette mesure ne supposera pas mécaniquement la création de nouveaux postes de JAP. Elles rappellent à ce titre que la LSC-D, loin de permettre des gains de temps, est un facteur d'alourdissement de leur office228(*) et que son cumul avec le nouveau régime des réductions de peine complexifié la préparation et l'enrôlement des commissions d'application des peines : la suppression de la LSC-D permettra donc de dégager des marges pour une plus forte personnalisation des réductions de peine. Contribuera aussi à rééquilibrer la charge de travail des JAP, l'évolution de la répartition des missions entre ces magistrats et les SPIP par ailleurs proposée par la mission d'information229(*).

Il convient, au surplus, que l'évolution du droit redonne au JAP, à l'administration pénitentiaire et aux SPIP une visibilité sur la date effective de remise en liberté des personnes incarcérées, sans quoi aucune politique crédible de suivi des détenus ne pourra être mise en oeuvre.

Pour ce faire, les rapporteures estiment nécessaire :

- d'une part, d'assurer un examen plus régulier des réductions et aménagements de peine dont les condamnés sont susceptibles de bénéficier, selon un rythme qui ne peut qu'avoir vocation à varier en fonction de la durée de la peine prononcée ;

- d'autre part, de permettre au JAP d'anticiper au mieux les modalités de mise en oeuvre des aménagements de fin de peine en mettant à sa disposition des outils de suivi des moyens disponibles dans son ressort en semi-liberté, en DDSE, en placement extérieur, etc.

4. Se donner les moyens d'un diagnostic objectif de l'état du milieu fermé et de l'efficacité des peines qui s'y accomplissent

Selon une tradition dont le caractère à la fois ubuesque et frustrant n'empêche pas qu'elle soit désormais bien établie, la mission a eu les plus grandes difficultés à obtenir des statistiques de nature à éclairer ses réflexions. La faute n'en revient pas aux services du ministère, pleinement investis et eux-mêmes victimes de cette insuffisance, mais à des applicatifs vieillissants, incomplets, peu exploitables, voire vétustes pour nombre d'entre eux, qui interdisent toute vision globale et dynamique de l'exécution des peines de prison ferme230(*).

Les rapporteures veulent croire que l'ambitieux projet « procédure pénale numérique » (PPN) viendra, à terme, combler cette immense lacune. D'ici là, elles souhaitent vivement que la pleine information du Parlement et, au-delà, des citoyens, soit mieux assurée.

Deux leviers pourraient être mobilisés à cette fin.

Il est, en premier lieu, indispensable que les assemblées parlementaires soient dûment informées du taux d'occupation des prisons et, surtout, des causes supposées de son évolution.

En second lieu, le ministère de la justice doit établir, puis rendre publiques, des statistiques permettant de mesurer les effets des modes d'exécution des peines de prison ferme (ou de milieu fermé, pour les mineurs) sur le parcours pénal des condamnés dans le temps long. La définition étroite des notions de « récidive » et de « réitération » limite, en effet, la pertinence analytique des chiffres disponibles, et seules des études thématiques ponctuelles s'intéressent à l'impact de la peine sur la commission d'une nouvelle infraction : il doit être mis fin à cette carence, qui contribue à l'opacité de la matière et, plus encore, au manque de rationalité qui marque trop régulièrement les débats sur la prison et sur le sort que la France entend réserver à ses détenus.

Proposition n° 15

Garantir la pleine information du Parlement et du grand public sur l'occupation des prisons, les causes de son évolution et l'effet de l'emprisonnement sur le parcours pénal des condamnés.

D. ACCÉLÉRER L'EXÉCUTION DE LA PEINE ET RENFORCER SON CONTRÔLE

L'ambitieuse réforme que les rapporteures souhaitent impulser passe, enfin, par une amélioration des délais d'exécution des peines et des contrôles exercés en milieu ouvert, gages de la crédibilité de l'arsenal pénal pour les citoyens comme de la robustesse des alternatives à la détention pour les condamnés et les professionnels du droit.

La mission d'information appelle ainsi à une revalorisation du rôle des forces de sécurité intérieure en matière d'exécution des peines, à une réduction des délais de mise en oeuvre des sanctions et, surtout, à la création d'une véritable police de la probation.

1. Développer une culture de l'exécution des peines au sein des forces de sécurité intérieure

Comme décrit précédemment, les missions relatives à l'exécution des peines concernent une multitude d'acteurs, au premier chef desquels l'administration pénitentiaire, dont relèvent les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les magistrats et les agents du greffe.

S'il est normal et même souhaitable que cette répartition des tâches ne donne pas aux forces de sécurité intérieure le premier rôle en matière d'exécution des peines, en particulier en milieu fermé, le décalage observé lors des auditions de la mission d'information entre les nombreuses missions que confie le code de procédure pénale aux forces de sécurité intérieure et la conscience que ces dernières ont de leur rôle en matière d'exécution des peines est pour le moins déconcertant. Il doit en outre être remédié à la trop grande négligence dont ils font preuve, et qu'ils admettent, dans la mise en oeuvre de ces dispositions légales.

Tout en saluant les initiatives louables déjà mises en oeuvre, à l'image de la création - désormais ancienne - de la brigade de l'exécution des décisions de justice et la brigade nationale de recherche des fugitifs, il ne peut être satisfaisant de constater qu'il n'existe pas de véritable ligne directrice au sein des forces de sécurité intérieure quant au contrôle de l'exécution des peines, notamment des peines alternatives à l'emprisonnement, qui s'opère concrètement par le biais de contrôles fortuits.

Sans qu'une réforme législative ne soit nécessaire, et tout en ayant conscience que les missions des forces de sécurité intérieure sont nombreuses, la mission d'information appelle ainsi à un changement de culture en leur sein, a minima pour que ces dernières assimilent que les missions liées à l'exécution des peines font partie intégrante de leur coeur de métier, qui n'est pas limité aux missions de voie publique et de police judiciaire. Au demeurant, la notification et l'exécution des peines ne devraient pas être vues comme une charge indue ou non prioritaire mais, au contraire, être pleinement investies par les officiers de police judiciaire s'ils considèrent que celle-ci donne du sens à leur travail d'enquêteur préalable aux condamnations.

Des améliorations pratiques pourraient en outre être mises en oeuvre afin de faciliter le travail des forces de sécurité intérieure.

Ainsi, bien que l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées prévoie que « les données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier sont conservées jusqu'à l'aboutissement de la recherche ou l'extinction du motif de l'inscription », la brigade de l'exécution des décisions de justice et la DGGN ont signalé aux rapporteures que cela n'était pas toujours le cas lorsque la personne recherchée est incarcérée ou lorsque le motif d'inscription est caduc (par exemple si la peine a déjà été effectuée). Cette remarque est loin d'être négligeable, alors que plus de 110 000 personnes étaient inscrites au FPR au début de l'année 2025. À titre d'exemple, la DGGN a indiqué aux rapporteures que, sur un échantillon de 211 personnes inscrites au FPR dont la recherche était jugée « prioritaire » par les unités de gendarmerie de l'Oise, « 85 fiches étaient caduques » - soit un ratio spectaculaire de 40 %. La « radiation systématique » par l'autorité judiciaire des fiches contenues dans le FPR à chaque fois qu'une personne recherchée est incarcérée constituerait ainsi, selon la BEDJ, « un vrai gain de temps pour les services de police », qui se conçoit aisément. Une alerte à destination de tous les enquêteurs pourrait alors être émise lors de la radiation de la fiche.

De même, le travail des forces de sécurité intérieure serait facilité si les inscriptions des personnes condamnées au FPR gagnaient en célérité. À ce titre, le recours accru aux fonctionnalités du bureau pénal numérique, déployé depuis peu, qui permet aux magistrats, greffiers et agents de justice habilités d'accéder à un formulaire d'inscription proposant une saisie guidée des données nécessaires, serait opportun.

2. Accélérer l'exécution de la peine en favorisant la présence du prévenu aux audiences et en modernisant les voies de signification des jugements

Il a été exposé précédemment que les jugements sont proportionnellement davantage exécutés lorsque le prévenu se présente aux audiences. La présence du prévenu aux audiences permet - notamment - de respecter les exigences liées au principe du contradictoire et ainsi de rendre exécutoire la décision de l'autorité judiciaire. Outre qu'elle facilite la signification du jugement et évite la mobilisation des forces de sécurité intérieure, la présence du prévenu aux audiences permet aussi sa prise en charge rapide une fois sa condamnation acquise, puisqu'il peut être reçu physiquement par le bureau de l'exécution des peines afin que lui soit présenté son parcours judiciaire.

L'un des moyens pour accélérer l'exécution des peines est donc d'améliorer l'information des prévenus, aussi bien en amont pour qu'il soit présent lors des audiences, qu'en aval pour que les jugements contradictoires à signifier soient transmis avec célérité.

L'objectif est ainsi d'éviter que le prévenu ait intérêt à ne pas se présenter à l'audience, d'une part, ou à développer une stratégie d'évitement de la signification du jugement, d'autre part.

Sur le premier point, la mission d'information fait sienne la suggestion émise par la direction des affaires criminelles et des grâces lors de son audition et par la mission d'urgence sur l'exécution des peines, consistant à généraliser et étendre le rappel automatique et dématérialisé des dates d'audiences et des convocations, qui est actuellement expérimenté dans un peu moins d'une centaine de tribunaux judiciaires et services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ce mécanisme permet l'envoi de SMS et de notifications via la plateforme Mon suivi justice et concerne principalement les convocations émises par les juges de l'application des peines et les CPIP. La généralisation de cette pratique serait plus qu'opportune. De même, l'extension de cet outil ou, à défaut, la création d'un nouvel outil similaire, pour procéder à un rappel automatique des convocations émises au stade pré-sentenciel paraît prioritaire, bien que le ministère de la justice estime que cela nécessiterait des développements informatiques lourds.

Proposition n° 16

Généraliser le mécanisme de rappel des convocations devant le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation, et l'étendre dès que possible au stade pré-sentenciel.

Sur le second point, les rapporteures partagent le constat assez unanime quant à l'inadaptation du cadre juridique régissant les voies de signification des jugements, notamment aux fins de les rendre exécutoires.

Une révision de la doctrine d'emploi des forces de sécurité intérieure pour l'exercice de ces fonctions paraît à ce titre souhaitable. Comme mentionné supra, la participation des forces de sécurité intérieure aux missions liées à l'exécution des peines correspond, dans une écrasante majorité en termes de nombre d'heures dédiées, à la signification de jugements, une situation qui ne peut perdurer en l'état. Les forces de sécurité intérieures sont ainsi assimilées trop systématiquement et parfois sans réelle plus-value aux commissaires de justice, les tâches associées étant certes essentielles au service public de la justice mais chronophages et relevant du coeur de métier de ces officiers publics ministériels.

Des progrès, au moins théoriques, ont été réalisés ces derniers temps, notamment grâce au vote de l'article 14 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire231(*) et à la publication du décret n° 2023-332 du 3 mai 2023 relatif à la signification par voie électronique en matière pénale, évoqués précédemment. Toutefois, l'ensemble de la chaîne pénale reste en attente de l'arrêté technique qui permettra la pleine utilisation de l'applicatif dédié à cette signification électronique, appelé Notidoc, une situation pour le moins inadmissible et incompréhensible, quatre ans après le vote de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et deux ans et demi après la publication du décret d'application précité.

Malgré ces progrès d'ensemble - encore incomplets -, la mission d'information appelle, à l'instar des constats et recommandations dressés en mars 2025 par la mission d'urgence relative à l'exécution des peines menée par l'inspection générale de la justice, à ce que la réflexion sur la modernisation des voies de signification des jugements soit poursuivie, voire accélérée.

La participation des forces de sécurité intérieure à la signification des jugements ne doit ainsi pas être écartée, mais rendue mieux ciblée et plus rapide.

Pour ce faire, pourrait être renforcée l'incitation du prévenu à se rendre aux audiences, afin qu'il n'y ait pas de stratégie délibérée de ralentissement de l'obtention du caractère exécutoire d'une décision de justice. En pleine cohérence avec l'idée, déjà exprimée, selon laquelle les aménagements de peine ab initio doivent pouvoir être écartés lorsque le prévenu n'est pas comparant, cet objectif pourrait être partiellement atteint en donnant à la décision d'emprisonnement ferme inférieur à un an non aménagé la valeur d'un ordre de recherche et d'arrestation à destination des officiers de police judiciaire.

Enfin, alors que l'article 803-1 du code de procédure pénale prévoit que les convocations et documents judiciaires ne puissent être adressés de façon numérique qu'à « la condition que la personne y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure », ce principe pourrait être renversé afin, sous réserve des garanties renforcées de sécurité inhérentes à toute communication dématérialisée des documents judiciaires, de considérer que, sauf mention contraire, le consentement à la transmission dématérialisée des documents est réputé acquis232(*). Cette évolution faciliterait la signification des jugements, et donc l'acquisition de son caractère exécutoire ; elle diminuerait, en outre, la mobilisation des forces de sécurité intérieure.

Pour donner corps à cette proposition, il pourrait également être envisagé de rendre obligatoire la communication des coordonnées numériques, lorsque le justiciable en dispose.

3. Donner confiance dans les peines alternatives à l'emprisonnement par l'accroissement des contrôles de la probation

Lors des auditions conduites par les rapporteures, de nombreux intervenants ont dénoncé un « réflexe » qu'auraient développé les magistrats français, consistant à privilégier les peines d'emprisonnement, et donc à délaisser les peines alternatives à l'emprisonnement, notamment les peines probatoires. Sans se prononcer sur la véracité et l'ampleur de cette assertion qui irrigue, au demeurant, un débat ancien, il semble fondé de considérer qu'une part non négligeable des magistrats exprime une « méfiance »233(*) quant à l'effectivité du contrôle de ces peines et s'en saisit par conséquent moins.

Diverses réformes234(*) ont été menées au cours des dernières décennies pour développer ces peines alternatives à la prison, notamment dans une optique de réduction de la population carcérale. Malgré le développement incontestable des peines en milieu ouvert, force est de constater qu'au regard du nombre actuel de détenus qu'accueillent les établissements pénitentiaires français, cet objectif n'a pas été atteint.

L'une des solutions pouvant contribuer, si elle n'est pas prise isolément, à l'atteinte de cet objectif consiste à veiller à ce que les magistrats aient davantage confiance dans la bonne exécution des peines alternatives à l'emprisonnement qu'ils prononcent. Il en va également d'un souci de crédibilité de la justice pénale.

Cette confiance pourrait se construire, d'une part, par un investissement accru des forces de sécurité intérieure dans les missions que leur confie déjà le code de procédure pénale, comme évoqué supra.

D'autre part, sous réserve des conclusions des États généraux de l'insertion et de la probation qui se tiennent au cours du second semestre de l'année 2025, une mesure a reçu un soutien quasi-unanime : il s'agit du renforcement des contrôles des mesures de probation et autres peines alternatives à l'emprisonnement, notamment à travers la création d'une police de la probation ou par la spécialisation d'agents du SPIP sur les fonctions de probation.

Cette police ou ces agents ne seraient pas dédiés à un accompagnement des personnes condamnées, mais au contrôle du respect de leurs obligations.

Concrètement, ces agents ou cette police de probation pourraient effectuer des contrôles physiques sur le lieu de travail ou le domicile, comme les y autorise déjà l'article D. 530-5 du code pénitentiaire, qui dispose que « les visites que les personnes condamnées sont tenues de recevoir du personnel du service pénitentiaire d'insertion et de probation [...] peuvent être faites au domicile ou à la résidence de la personne condamnée, ainsi que, le cas échéant, sur son lieu de travail ». Ces contrôles sur place, qui semblent être peu effectués en l'état des pratiques des SPIP, faute de temps, permettraient de veiller au respect des obligations et interdictions prononcées par le juge - par exemple la réalité d'une recherche d'emploi ou l'application d'une interdiction de contact.

Ces agents dédiés au contrôle des mesures de probation pourraient en outre assurer une articulation entre les services pénitentiaires et les services de police et de gendarmerie pour ce qui concerne le contrôle des peines en milieu ouvert.

La mise en oeuvre de cette mesure permettrait par ailleurs de rappeler que les deux missions principales confiées au SPIP, décrites supra et relevant du contrôle de l'exécution de la peine et de l'accompagnement socio éducatif, doivent être assurées avec la même attention, les SPIP ne devant pas s'apparenter seulement à un service d'assistance sociale. Ce rappel pourrait a minima être effectué lors des États généraux de l'insertion et de la probation.

Proposition n° 17

Créer une police de la probation ou spécialiser certains agents du service pénitentiaire d'insertion et de probation sur le contrôle des mesures de probation.

Naturellement, l'instauration d'une telle police ou de cette spécialisation ne pourrait s'effectuer à effectifs constants des agents du SPIP, alors que ceux-ci ont déjà un nombre moyen de dossiers au-dessus des normes européennes (voir supra), a fortiori si la création de cette police de la probation a pour effet - escompté - une hausse du nombre de peines probatoires prononcées. Des embauches ou la réaffectation d'agents au sein de la fonction publique serait donc nécessaire. La mission d'urgence relative à l'exécution des peines précitée, qui préconise elle aussi la création d'une fonction d'agent de probation, a en outre proposé que soient mobilisés la réserve pénitentiaire ou les retraités des forces de gendarmerie ou de police, une piste intéressante dans un contexte de tension sur les finances publiques, mais qui ne saurait être souhaitable sur le long terme si l'objectif est une professionnalisation de cette police de la probation.


* 163 Article L. 121-5 du code de la justice pénale des mineurs.

* 164 Article L. 121-6 du code de la justice pénale des mineurs.

* 165 La spécificité de l'office du juge des enfants en matière d'exécution des peines est présentée avec précision dans la partie du rapport qui lui est dédiée (I, B, a).

* 166  Rapport n° 291 (2020-2021) d'Agnès Canayer sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

* 167 Voir par exemple la décision n° 2025-886 DC du 19 juin 2025 sur la loi visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents.

* 168 Le mineur peut toutefois être suivi par un autre juge des enfants se prononçant sur l'application de sa peine, notamment lorsqu'il ne s'agit pas du même ressort territorial. À titre d'exemple, l'article L. 611-9 du code de la justice pénale prévoit que « le juge des enfants chargé de l'application des peines initialement saisi peut se dessaisir au profit du juge des enfants qui connaît habituellement la situation du mineur, après avoir obtenu l'accord préalable de ce magistrat ».

* 169 La commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs avait préconisé, dans son  rapport n° 340 (2001 - 2002) du 27 juin 2002, de « faire du juge des enfants le juge de l'application des peines », ce dernier étant jusqu'alors compétent lorsque le mineur était incarcéré. Cette préconisation a été intégrée à la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, par l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission d'enquête, M. Jean-Claude Carle.

* 170 Article L. 611-5 du code de la justice pénale des mineurs.

* 171 Article L. 611-6 du code de la justice pénale des mineurs.

* 172 Article L. 241-1 du code de la justice pénale des mineurs.

* 173 Toutes ces missions sont mentionnées à l'article D. 241-10 du code de la justice pénale des mineurs.

* 174 Réponse du ministère de la justice à la question écrite n° 1760 (XVIIe législature) déposée par la députée Anaïs Belouassa-Cherifi.

* 175 Projet annuel de performances du programme 182, dédié à la protection judiciaire de la jeunesse.

* 176 Source : ministère de la justice, Les chiffres clés de la justice, édition 2024. Voir également l' avis n° 150 (2024 - 2025) de Laurence Harribey sur les crédits du programme « protection judiciaire de la jeunesse » du projet de loi de finances pour 2025, déposé le 21 novembre 2024.

* 177 Selon le rapport établi par François-Noël Buffet et Yves Détraigne sur la LOPJ du 23 mars 2019 ( rapport n° 11 (2018-2019), tome I, déposé le 3 octobre 2018), 9 100 peines d'une durée inférieure ou égale à un mois avaient été prononcées en 2017, dont seules 600 avaient fait l'objet d'un mandat de dépôt.

* 178 Une crainte analogue a été exprimée par l'association s'agissant de la suppression, par la LOPJ du 23 mars 2019, des peines de moins d'un mois (voir supra).

* 179 Article L. 112-1 du code de la justice pénale des mineurs.

* 180 Voir supra, partie I, A, 2.

* 181  Avis n° 150 (2024 - 2025) de Laurence Harribey sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » du projet de loi de finances pour 2025, déposé le 21 novembre 2024.

* 182 Rapport précité de la mission d'urgence sur l'exécution des peines (annexe 2) ; avis n° 150 (2024 - 2025) de Laurence Harribey sur les crédits du programme « protection judiciaire de la jeunesse » du projet de loi de finances pour 2025, déposé le 21 novembre 2024.

* 183 Loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.

* 184 Article R. 124-13 du code de la justice pénale des mineurs

* 185 Les chiffres qui suivent sont, sauf mention contraire, issus des statistiques rendues publiques par le ministère de la justice.

* 186 Note citée par le rapport, précité, de la mission d'urgence sur l'exécution des peines (annexe 2).

* 187 Rapport précité de la Cour des comptes.

* 188 CGLPL, avis du 17 novembre 2023 relatif à l'accès des mineurs enfermés à l'enseignement, Journal officiel du 31 janvier 2024.

* 189  Rapport de la Cour des comptes sur les établissements pour mineurs et les centres éducatifs fermés, octobre 2023.

* 190 CGLPL, recommandations en urgence publiées le 29 août 2025.

* 191 Cette appellation désigne le fait « d'enfermer un adolescent, dans un des trois locaux barreaudés, dépourvus d'assise, de point d'eau potable et de WC, situés dans le bâtiment disciplinaire, où aucune surveillance continue n'est assurée. Deux adolescents s'y trouvaient le 7 juillet après-midi, dont un depuis plusieurs heures et l'un d'eux avait uriné sur le sol. La durée de cette mesure varierait d'une demi-heure à cinq heures ».

* 192 D'après la récente mission thématique de l'IGJ sur les centres éducatifs fermés.

* 193 Idem.

* 194 Idem.

* 195 Avis n° 134 (2023-2024), tome VIII, de Laurence Harribey, déposé le 23 novembre 2023.

* 196 La mission thématique de l'IGJ soulignait que 46 % des personnes affectés en CEF étaient des contractuels, dont 86 % étaient en CDD, ce qui ne saurait aller sans poser des problèmes plus larges de stabilité des équipes.

* 197 Avis budgétaire précité sur les crédits de la PJJ au PLF pour 2024.

* 198 Infos rapides Justice n° 17, 2024 (précité).

* 199  Rapport n° 780 (2024 - 2025) sur la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, fait par Stéphane le Rudulier au nom de la commission des lois.

* 200 Il importe, pour les mêmes raisons, d'éviter à l'avenir d'introduire une exigence particulière de motivation en cas d'aménagement, les motivations spéciales étant en pratique très dissuasives pour les magistrats.

* 201 Voir la partie B du titre Ier du rapport d'information.

* 202 Voir la partie B du titre Ier du rapport d'information.

* 203 Article 450-1 du code pénal.

* 204 Article 222-37 du même code.

* 205 Inspection générale de la justice, Mission d'urgence relative à l'exécution des peines, mars 2025.

* 206 Voir supra, partie 1, A, 1.

* 207 Villettaz et al., The Effects of Custodial vs. Non-Custodial Sentences on Re-Offending: A Systematic Review of the State of Knowledge, Campbell systematic reviews, 2006

Killias et al., How damaging is imprisonment in the long-term? A controlled experiment comparing long-term effects of community service and short custodial sentences on re-offending and social integration, Journal of Experimental Criminology, 2010

Hauswirth-Cazzaro, L'impact de la peine sur la récidive : Une expérimentation naturelle à partir des réformes du Code pénal suisse, Université de Lausanne, 2023

* 208 La France affiche à l'inverse une durée moyenne d'emprisonnement élevée, comme les rapporteures l'ont déjà souligné.

* 209 Celle-ci, toutefois, ne préconise pas la réintroduction dans notre droit des peines de prison ferme de moins d'un mois.

* 210 Cités par la mission d'urgence sur l'exécution des peines.

* 211 Rapport précité de la mission d'urgence sur l'exécution des peines. Cette analyse est corroborée par le pédopsychiatre Maurice Berger : celui-ci faisait valoir auprès des rapporteures « l'importance des peines imposées rapidement, sans césure, incluant 15 jours de prison ferme et le reste sous la forme d'un sursis probatoire important » jouant le rôle d'une « épée de Damoclès ».

* 212 L'inadaptation de l'actuel « processus arrivant » aux très courtes peines, pointé par la DAP, milite de même pour que celles-ci soient exécutées dans des établissements dédiés plutôt que dans les quartiers d'établissements accueillant d'autres profils de condamnés.

* 213 Voir infra, proposition n° 20.

* 214 Voir la partie B du titre Ier du rapport d'information.

* 215 L'enjeu de la « purge » des situations pénales fait l'objet de développements spécifiques en sous-partie C de la présente partie.

* 216 Voir la partie A du titre Ier du rapport d'information.

* 217 Article D. 48-2 du code de procédure pénale.

* 218  Rapport d'information n° 713 (2017 - 2018) sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre, fait par Jacques Bigot et François-Noël Buffet au nom de la commission des lois.

* 219  Rapport d'information n° 353 (2022 - 2023) sur l'évaluation des services pénitentiaires d'insertion et de probation, fait par Marie Mercier et Laurence Harribey au nom de la commission des lois.

* 220 La loi n° 2021-401 du 8 avril 2021 améliorant l'efficacité de la justice et de proximité et de la réponse pénale a ainsi transféré des JAP aux DPIP le soin de décider des modalités d'exécution de l'obligation d'accomplir un Tig, sauf dans l'hypothèse où le JAP aurait décidé de les déterminer lui-même.

* 221 Voir infra, proposition n° 30.

* 222 Rapport précité sur la surpopulation carcérale et l'exécution des peines.

* 223 Loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 20 novembre 2023.

* 224 Corte costituzionale, sent. n. 386/1989 ; n. 22/1992.

* 225 Dans cette hypothèse, le suivi ne pourrait être modulé par le JAP qu'à la hausse, en réponse à une évolution négative de la situation du condamné, les modulations à la baisse ne pouvant intervenir qu'à l'expiration d'un délai initial minimal.

* 226 En termes de suivi, d'accès à l'emploi, de liens personnels et familiaux, etc.

* 227 Article 721 du code de procédure pénale.

* 228 Le taux d'octroi de la LSC-D, qui s'établit à 63 % en dépit de son caractère théoriquement automatique, atteste d'un réexamen au cas par cas par les JAP et du caractère chronophage de cet exercice.

* 229 Proposition n° 7.

* 230 Voir supra, partie 1, A, d.

* 231 Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

* 232 Bien qu'il fût saisi de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, qui a modifié l'article 803-1 du code de procédure pénale pour intégrer les dispositions précitées, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur une éventuelle obligation de recueillir un consentement écrit du justiciable pour recevoir des documents judiciaires. Voir la décision n° 2015-710 DC du 12 février 2015.

* 233 Le terme a notamment été employé par Anne Ponseille, maître de conférences en droit privé à la Faculté de droit et de sciences politique de l'université de Montpellier.

* 234 À titre d'exemple, peut être citée la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a remplacé le sursis avec mise à l'épreuve par le sursis probatoire.

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