2. Une institution en manque de pilotage
Les modalités de la tutelle exercée par le ministère sont perçues comme inadaptées par les universités. Si le récent renouvellement à la tête de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) a marqué une inflexion positive, ses rapports avec les établissements ont globalement été décrits comme pauvres, voire absents. Le faible poids de la Dgesip dans le jeu interministériel crée par ailleurs le doute quant à sa capacité à structurer et à mettre en oeuvre une véritable stratégie
universitaire. L'accompagnement assuré par les rectorats, enfin, apparaît excessivement centré sur des aspects administratifs.
3. Une institution en manque de (re)connaissance
Ces difficultés peuvent être mises en lien avec le déficit d'influence de l'université auprès des décideurs publics, qui sont principalement recrutés parmi les diplômés de grandes écoles, tandis que le doctorat reste peu valorisé.
En dépit de ses réussites objectives, l'université pâtit en outre d'une mauvaise image persistante. Alors que l'originalité du modèle universitaire est largement méconnue, son activité de formation est vue comme peu exigeante et professionnalisante.
Cette perception se double d'un « signal prix » négatif : la modicité des tarifs universitaires semble avoir, de manière paradoxale, un effet négatif sur l'attractivité de certaines filières - y compris pour certains étudiants étrangers, la modulation des tarifs pour les étudiants extracommunautaires n'étant que partiellement mise en oeuvre par les établissements.
Face à la concurrence accrue des formations privées, le positionnement de l'université dans l'offre d'enseignement supérieur tend au total à se dégrader.
B. LES UNIVERSITÉS, DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À LA TRANSFORMATION INACHEVÉE
Les transformations impulsées par la puissance publique au cours des deux dernières décennies, ont été opérées sans vision d'ensemble et avec de nombreux effets de bord. La fragmentation du paysage universitaire qui en découle appelle des ajustements stratégiques.
1. Un processus de différenciation aux multiples impensés
Le processus de différenciation mis en oeuvre depuis 2010, qui a atteint l'objectif de structurer des universités internationalement compétitives, a eu des effets mal régulés au-delà de ces établissements intensifs en recherche. La généralisation des financements sélectifs a favorisé la concentration des moyens sur un seul type d'universités, tout en créant une mise en concurrence généralisée des établissements. Associée à la diversification des cadres de fonctionnement dérogatoires, au travers notamment du statut d'établissement public expérimental, cette évolution conduit à une hétérogénéité croissante du paysage universitaire, qui complexifie son pilotage et fait courir le risque d'un éclatement de la notion même d'université.
Des établissements caractérisés par l'importance de leur activité de formation pluridisciplinaire, avec un fort poids du premier cycle et de filières de sciences humaines moins susceptibles de mobiliser des financements sélectifs, apparaissent comme les « perdants » de cette politique. Le rôle territorial des
établissements, notamment au travers de leurs antennes, apparaît par ailleurs comme un impensé stratégique. Dans ce contexte, le pilotage au cas par cas déployé par le ministère ne permet pas la régulation d'ensemble nécessaire au fonctionnement d'un service public de qualité sur l'ensemble du territoire.