Extrait des résultats de l'enquête Ipsos-CGE

sur le regard porté par le grand public sur les grandes écoles (2023)

Dans certaines filières, l'université peine en conséquence à attirer les meilleurs profils, ce qui contribue à figer les écarts entre universités et grandes écoles. Dans son rapport précité, l'ANRT relève ainsi que « de nombreux jeunes hauts potentiels préfèrent ainsi sécuriser leur parcours en choisissant de s'en tenir à une grande école qui leur garantit une bonne reconnaissance salariale et sociale et de plus un solide réseau ».

Les « trois visages » de l'enseignement supérieur public selon l'Observatoire des inégalités

« L'enseignement supérieur français présente trois visages :

- un enseignement court, technique et doté de moyens (les BTS et les IUT), pour partie accessible aux milieux populaires et qui constitue une voie de promotion sociale ;

- ensuite, un enseignement universitaire généraliste, faiblement doté, où les enfants de milieux modestes sont présents, mais au premier cycle principalement et dans certaines filières souvent dévalorisées. Les enfants d'ouvriers et d'employés sont beaucoup moins représentés dans les filières sélectives, comme la médecine, ou aux niveaux supérieurs, en master et en doctorat ;

- enfin, des classes préparatoires et des grandes écoles hyper sélectives, très richement dotées, mais qui n'intègrent les jeunes de milieux modestes qu'au compte-gouttes. »

Source : extrait de la note « Les milieux populaires largement sous-représentés dans

l'enseignement supérieur », publiée le 24 septembre 2021

(2) Une formation faiblement valorisée par les entreprises

ï La formation universitaire pâtit par ailleurs de son identification à la recherche fondamentale, dont résulte une image moins professionnalisante que celle associée, notamment, aux grandes écoles ou aux formations plus techniques des BTS et écoles d'ingénieur.

Dans l'enquête CGE-Ipsos précitée, c'est du point de vue de l'insertion professionnelle que l'image des universités apparaît la plus dégradée : 6 % seulement des personnes interrogées font confiance aux universités dans la perspective de l'obtention d'un emploi, tandis que les IUT, les BTS et les grandes écoles suscitent la confiance de respectivement 9 %, 28 % et 28 % de l'échantillon.

Ces résultats sont confirmés, du point de vue des professionnels, par une enquête réalisée par CCI France auprès de 409 dirigeants d'entreprises privées, à la demande de la Cour des comptes 1. Selon la Cour, ses résultats font apparaître « un contraste marqué entre les efforts déployés par les universités pour mieux s'ancrer dans le monde économique et la perception encore mitigée qu'en ont les dirigeants d'entreprises », « les critiques [portant], en particulier, sur la capacité des universités à rendre lisible leur offre de formation ».

Au total, plus de la moitié des dirigeants interrogés (51 %) jugent que les parcours universitaires préparent mal les étudiants à intégrer le marché du travail, et 10 % estiment qu'ils ne les y préparent pas du tout. Cette appréciation touche l'ensemble de l'offre universitaire généralistes. Aux niveaux bac +2 et bac +3, les universités sont ainsi moins bien perçues que les BTS, de même que les licences professionnelles sont préférées aux licences générales - qui recueillent moins d'un quart (22 %) d'appréciations positives. Au niveau master, les écoles d'ingénieur sont nettement mieux perçues (avec 47 % d'avis positifs) que les masters universitaires (qui en recueillent 31 %).

Les salaires respectivement perçus par les diplômés de master universitaires et les diplômés d'écoles de commerce et d'ingénieur, tels que retracés par l'enquête Génération précitée, traduisent en pratique cette perception. Le revenu mensuel médian des diplômés de master est ainsi de 2 080 euros trois ans après la sortie de formation initiale, contre 2 520 euros pour les diplômés d'écoles.

ï Un lien a par ailleurs été établi, au cours des auditions de la mission, entre la perception négative de l'université et celle des débouchés offerts par certains parcours universitaires, qui se situent principalement dans l'enseignement et la sphère académique. À l'image dégradée de la profession d'enseignant répondrait ainsi celle des formations qui y mènent.

1 Dans le cadre de son rapport « Universités et territoires » rendu public le 7 février 2023.

c) Des réussites peu mises en avant

Tout au long des travaux de la mission, les responsables universitaires ont exprimé un sentiment de décalage entre les discours de dénigrement de l'université qui se diffusent dans l'opinion publique et les réussites objectives de l'institution, qui sont en effet multiples.

L'université constitue d'abord un acteur majeur de l'excellence de la recherche française. Si les performances de l'université française dans le classement de Shanghai, qui compte quatre établissements français parmi les 100 premiers établissements mondiaux (l'université Paris-Saclay à la 13e place mondiale et la 3e place européenne, Paris Sciences Lettres à la 34e place, Sorbonne Université au 43e rang et Paris Cité à la 60e place), font l'objet d'une large publicité, le rôle décisif des laboratoires de recherche universitaire dans le développement d'innovations de rupture est plus méconnu. Lors de son déplacement à l'université Paris Cité, la mission a ainsi pris connaissance des conditions de la valorisation par l'établissement des innovations issues de ses laboratoires, qui ont donné lieu à la création de plusieurs start-ups de biotechnologies. L'influence de premier plan des chercheurs issus des universités françaises a enfin été une nouvelle fois mise en lumière par l'attribution du Prix Nobel de physique 2025 aux recherches conduites notamment par Michel Devoret, docteur de l'Université Paris-Saclay.

L'université forme ensuite la très grande majorité des professionnels de la santé et du droit, en apportant une contribution de premier plan au déploiement des innovations de prise en charge ; en témoigne par exemple la structuration de la formation des professions paramédicales aux pratiques avancées.

Les filières d'arts et de sciences humaines, qui concentrent l'essentiel des préjugés et opinions négatives, affichent également d'éclatantes réussites. La mission a ainsi pris connaissance, lors de son déplacement à l'université, du succès de la filière image de Paris 8, souligné par la Cour des comptes 1. En particulier, le master Création numérique, qui s'inscrit dans l'école universitaire de recherche « ArTeC » mise en place dans le cadre du troisième programme d'investissements d'avenir, présente une insertion professionnelle proche de 100 % six mois après l'obtention du master ; ses diplômés bénéficient en outre d'une forte reconnaissance de leurs pairs, qui se traduit notamment par des récompenses prestigieuses 2.

D'une manière plus générale, l'efficience des universités dans l'accomplissement de leurs missions a été relevée par Stéphane Calviac, au regard de la comparaison entre le taux de financement par la France de son

1 L'enseignement supérieur en arts plastiques, communication à la commission des finances du Sénat, décembre 2020.

2 Le rapport de la Cour cite à ce propos quatre oscars pour les meilleurs effets spéciaux (Gravity, Benjamin Button, Matrix 2, Logorama), un prix du jury au festival du film d'animation (Duku space Marine), un grand prix Siggraph Asia (Chase Me), un césar technique (Les Fées spéciales) ainsi que le césar du meilleur film d'animation (Dilili à Paris).

enseignement supérieur et la proportion de diplômés du supérieur dans sa population - lesquels restent à ce jour principalement formés par les universités. Alors que la France consacrait 1,6 % de son PIB à l'enseignement supérieur en 2021, contre 1,5 % en moyenne dans les pays de l'OCDE, 50 % des Français âgés de 25 à 34 ans sont diplômés du supérieur, contre 47 % en moyenne dans l'OCDE.

Il a toutefois été souligné, tout au long des travaux de la mission, que l'image de l'institution universitaire est si dégradée que la réussite de certaines de ses filières jouissant d'une bonne réputation ne lui est pas même attribuée. Les écoles d'ingénieurs du réseau Polytech 1 ainsi que les IUT ne sont ainsi pas spontanément associés à l'université.

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