Dépense moyenne annuelle par étudiant en fonction des modes formation
Source : EESRI 2025
ï Cette quasi-gratuité de l'enseignement supérieur public n'est pas une spécificité française, plusieurs de nos voisins européens étant dotés d'un système public d'enseignement supérieur peu coûteux pour les étudiants. Selon le rapport précité, les modèles d'enseignement supérieur finlandais, danois et allemand et espagnol se caractérisent ainsi par des droits d'inscription gratuits ou très peu élevés. Les droits perçus par les établissements sont un peu plus importants en Espagne (1 000 euros) et en Italie (1 600 euros), sans représenter une part déterminante de leurs ressources (18 % en Espagne).
1 Contre 16 730 euros pour un étudiant en STS et 18 560 euros pour un étudiant en CPGE.
Ce modèle diffère du système anglo-saxon, dans lequel les droits d'inscription représentent une part plus importante des recettes des établissements. En Irlande et au Royaume-Uni (hors Écosse), les frais d'inscription sont en moyenne de 2 000 euros et 9 250 livres, soit respectivement 32 % et 57 % de ces recettes.
(2) Un « signal prix » négatif pour l'attractivité des filières universitaires
ï La modicité des tarifs universitaires semble avoir, de manière paradoxale, un effet négatif sur l'attractivité des filières universitaires.
Dans le contexte de l'essor rapide et de la concurrence accrue de l'enseignement supérieur privé, la modicité des tarifs de l'université publique agit en effet comme un « signal prix » négatif 1. Leur faiblesse est en effet interprétée non comme la marque de l'engagement de la collectivité publique de prendre à sa charge le coût de la formation de sa jeunesse, mais comme un indicateur négatif de qualité de la formation proposée. L'université est dès lors perçue par les étudiants et les familles comme une formation « au rabais ». Ce problème d'image a été largement souligné au cours des auditions ; un intervenant a ainsi déclaré que l'on devenait étudiant en France
« pour le prix de deux paires de chaussures ».
ï L'écart est en effet significatif avec les autres formations supérieures, y compris par comparaison avec d'autres types d'établissements publics :
- les écoles de management accessibles après une classe préparatoire affichent ainsi des tarifs annuels compris entre 10 000 et près de 25 000 euros ; le coût complet d'une scolarité de trois ans à l'école des hautes études commerciales (HEC) s'échelonne entre 9 350 et 72 350 euros, selon les situations sociales des étudiants ;
- le rapport des députées Béatrice Descamps et Estelle Folest précité estime que les frais de scolarité annuels des établissements du secteur privé lucratif se situent globalement dans une fourchette comprise entre 5 000 et 10 000 euros ;
- les écoles d'ingénieurs ayant le statut d'Eespig 2 affichaient en 2023 des tarifs s'échelonnant de 5 950 à 9 800 euros, tandis que les écoles d'ingénieur publiques ont fortement augmenté leurs tarifs depuis 2014-2015, pour
1 Le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'enseignement supérieur privé à but lucratif a ainsi relevé que « l'idée selon laquelle le prix constitue un indice de la qualité peut être intégrée par un certain nombre de familles », alors que l'enseignement supérieur est considéré comme un « investissement » (rapport d'information n° 2458 du 10 avril 2024, présenté par Béatrice Descamps et Estelle Folest, députées).
2 Établissement d'enseignement supérieur d'intérêt général.
atteindre 4 150 euros annuels en 2025-2026 à l'école des Mines de Paris et 3 660 euros à Centrale Supélec 1.
(3) Le cas particulier des étudiants extracommunautaires
Ce « signal prix » joue de manière particulièrement forte pour les étudiants étrangers, notamment lorsqu'ils sont issus de pays dans lesquels les études supérieures sont très coûteuses.
ï La France se distingue en effet par la faiblesse des droits d'inscription mis à la charge des étudiants extracommunautaires. Si le programme « Bienvenue en France » prévoit, depuis la rentrée 2019, des droits d'inscription différenciés pour les étudiants extra-communautaires (Dideec), d'un montant de 2 895 euros en licence et 3 941 euros en master, les établissements utilisent largement à leur profit la possibilité qui leur est donnée par l'article R. 719-50 du code de l'éducation de décider une exonération totale ou partielle de frais d'inscription pour 10 % de leurs étudiants non boursiers au maximum 2.
Selon le rapport conjoint de l'IGF et de l'IGESR précité, la majorité des établissements font usage de cette faculté d'exonération. Au total, 8 % seulement des étudiants extra-communautaires se sont acquittés du tarif plein en 2022-2023, soit environ 8 000 étudiants sur les 103 200 éligibles ; 57 % se sont vu appliquer une exonération partielle visant à aligner leurs frais d'inscriptions sur les tarifs des étudiants nationaux.
Tout en affirmant que ce choix de l'exonération fait par un grand nombre d'universités constitue « sans doute une erreur », la Dgesip considère cependant que « la dynamique des Dideec est réelle », relevant que le nombre d'établissements ayant décidé leur mise en place progresse continûment sur les trois dernières années. Pour l'ensemble des EPSCP, cette ressource a ainsi plus que doublé entre l'année 2022-2023, où les 32 établissements les ayant déployés ont ainsi capté 14,5 millions d'euros de recettes, et l'année 2024-2025, où 36,5 millions d'euros de recettes ont été générés dans 62 établissements 3. Le ministère regrette toutefois que « peu d'universités [aient] mis en place une stratégie de recrutement d'étudiants internationaux avec des objectifs scientifiques clairement établis », ce qui pèse indirectement sur le développement potentiel des ressources associées.
1 Ces tarifs sont à mettre en lien avec le coût moyen de la formation d'ingénieur, évalué à 58 909 euros annuels par une note du Conseil d'analyse économique (CAE) de décembre 2021 (« Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace »).
2 Soit parce qu'ils en font la demande en raison de leur situation personnelle (cette situation concerne notamment les réfugiés et les travailleurs privés d'emploi), soit parce que leur inscription « répond aux orientations stratégiques de l'établissement ».
3 Données provisoires.
Les exceptions prévues au principe de la majoration des droits d'inscription pour les étudiants extracommunautaires
Ne sont pas assujettis aux droits d'inscription différenciés les étudiants ressortissants d'un État membre de l'Union européenne (UE), de l'espace économique européen (EEE), de Suisse, de Monaco ou d'Andorre.
Des exceptions sont en outre prévues pour les étudiants québécois, les membres de la famille d'un citoyen de l'UE, de l'EEE ou de Suisse, les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ainsi que leurs enfants, les résidents de longue durée sur le territoire français, les personnes ayant leur domiciliation fiscale sur le territoire français depuis plus de deux ans ainsi que les étudiants inscrits en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).
Sont par ailleurs exonérés de droits d'inscription différenciés les bénéficiaires d'une bourse du gouvernement français.
ï Au cours des auditions, plusieurs établissements accueillant, pour des raisons historiques ou tenant aux spécificités de leurs enseignements, une forte proportion d'étudiants étrangers, se sont dits attachés à cette exonération. C'est notamment le cas de l'université Paris 8, qui se définit comme une « université monde » et développe des programmes de recherche portant notamment sur le plurilinguisme.
D'autres ont pointé la perception négative de ces tarifs modiques par des étudiants issus de pays dans lesquels la dépense consacrée à la formation supérieure est plus élevée. Cette perception les conduirait à se tourner vers d'autres pays ou d'autres types d'établissements ; elle favoriserait par ailleurs le développement d'intermédiaires facturant des tarifs plus proches des standards de leur pays d'origine, sans bénéfice pour l'université d'accueil.
Le niveau de tarification de l'université française vis-à-vis des étudiants étrangers, associé aux conditions de formation parfois dégradées de certaines filières du premier cycle, la conduit au total à se positionner, au sein de l'offre d'enseignement supérieur des pays comparables, comme une solution d'accueil à bas coût et de qualité moyenne. Selon plusieurs personnes entendues par les rapporteurs, certaines filières non sélectives du premier cycle joueraient ainsi le rôle de point d'entrée dans le système français d'enseignement supérieur.
b) Une formation perçue comme peu exigeante et non professionnalisante
(1) La faible qualité perçue de la formation ne permet pas aux filières non sélectives de l'université d'attirer les meilleurs profils
S'y ajoute une perception globalement négative par les étudiants, les familles et les entreprises de la qualité de la formation dispensée par les universités.
ï Selon les éléments recueillis au cours des auditions, cette mauvaise perception serait particulièrement prégnante pour les cursus de SHS et résulterait largement de l'association des universités avec l'enseignement de masse, illustrée médiatiquement, à chaque rentrée universitaire, par des images d'amphithéâtres bondés. Plusieurs présidents d'université ont ainsi estimé que l'absence de sélection en licence contaminait l'image globale de l'université, identifiée comme une institution peu exigeante et aux conditions d'études dégradées, au contraire des grandes écoles recrutant sur concours.
À l'inverse, une image de qualité est attachée aux formations universitaires sélectives, au point que celles-ci ne sont pas toujours associées à l'université ; c'est notamment le cas des instituts universitaires de technologie (IUT), des écoles d'ingénieur universitaires du réseau Polytech, ou encore du modèle de la grande école universitaire représenté par le Celsa 1.
En témoigne également le succès des cursus de licence sélectifs : il s'agit des doubles licences ainsi que des cycles pluridisciplinaires d'études supérieures (CPES), dont la sélectivité est justifiée par l'exigence et le caractère pluridisciplinaire des enseignements dispensés. En 2024, la double licence Science politique-Économie de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a ainsi reçu 3 353 voeux pour 30 places, soit un taux de sélection inférieur à 1 % des demandes reçues.
ï Les résultats d'une enquête commandée par la conférence des grandes écoles (CGE) à l'institut Ipsos sur le regard porté par le grand public sur les grandes écoles, publiés en novembre 2023, fournissent par ailleurs un éclairage sur la perception des formations universitaires, qui se placent derrière les grandes écoles, les BTS et les IUT sur la plupart des items testés.
12 % seulement des personnes interrogées identifient ainsi l'université comme la formation présentant la meilleure qualité, tandis que cette image est attachée aux IUT, aux BTS et aux grandes écoles par respectivement 13 %, 15 % et 31 % de l'échantillon.
1 Il s'agit de l'école des hautes études en sciences de l'information et de la communication, rattachée à Sorbonne Université et membre de la conférence des grandes écoles (CGE).

