2. Une image dégradée auprès des étudiants, des familles et des entreprises

À ce déficit d'influence auprès des décideurs publics répond la perception globalement dégradée de l'institution universitaire par les familles, et plus généralement son image altérée dans l'opinion publique.

Dans un contexte de concurrence accrue entre les formations du supérieur, cette faible reconnaissance résulte de la comparaison avec d'autres établissements, dont les universités se distinguent, de manière réelle ou fantasmée, du point de vue du coût et de l'exigence des formations proposées.

a) Un coût modique assimilé à une moindre valeur

(1) Des frais d'inscription sans lien avec le coût des formations

ï L'exigence de gratuité de l'enseignement supérieur public est de valeur constitutionnelle. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 1 dispose en effet que « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ».

Cette exigence ne fait pas obstacle à la perception de droits d'inscription par les établissements :

- selon la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 2019 2, « l'exigence constitutionnelle de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur public. Cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d'enseignement, à ce que des droits

1 Intégré au bloc de constitutionnalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 71-44 DC du 16 juillet 1971.

2 Décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019.

d'inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants » ;

- le Conseil d'État, compétent pour contrôler le montant des frais d'inscription, estime que le caractère modique des frais d'inscription est apprécié au regard du coût des formations, mais également des exonérations et des aides dont peuvent bénéficier les étudiants, « de telle sorte que ces frais ne fassent pas obstacle, par eux-mêmes, à l'égal accès à l'instruction » 1.

ï La mise en oeuvre de cette exigence se traduit aujourd'hui par un financement des établissements provenant essentiellement de fonds publics, tandis que le montant des droits facturés aux étudiants est très faible en valeur absolue. Fixé chaque année par référence au tableau 1 de l'arrêté du 19 avril 2019 2 et déterminé, depuis l'année universitaire 2024-2025, en fonction de l'indice national des prix à la consommation hors tabac 3, il s'élève, pour l'année universitaire 2025-2026, à 178 euros pour une année en cycle de licence, 254 euros en master et 397 euros en doctorat 4. Les étudiants boursiers sont exonérés de droits d'inscription.

Les établissements se saisissent peu, par ailleurs, des possibilités de modulation à leur disposition. Ils ont en effet la possibilité 5 de fixer des frais d'inscription plus élevés pour les diplômes universitaires et les diplômes d'établissement 6 qui leur sont propres ; selon un rapport conjoint de l'IGF et de l'IGESR de janvier 2025 sur le modèle économique des EPSCP 7, les établissements ayant mis en place ce type de dispositifs sont en nombre restreint. Il en va de même pour les droits d'inscription différenciés pour les étudiants extracommunautaires (voir infra).

1 Conseil d'État, 1er juillet 2020, n° 430121. Par cette décision, le Conseil d'État a considéré que le montant maximum des frais applicables aux étudiants extracommunautaires, fixé à 2 770 € en licence et 3 770 € en master, représentant respectivement 30% et 40 % du coût annuel moyen par étudiant, satisfaisait à l'exigence constitutionnelle de gratuité.

2 Arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d'inscription dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, prévu par l'article 48 de la loi de finances n° 51-598 du 24 mai 1951.

3 Mesuré par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au mois de janvier précédant l'année universitaire en question.

4 S'y ajoute le montant acquitté au titre de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui s'élève à 105 euros pour l'année 2025-2026.

5 Le Conseil d'État ayant précisé dans la décision précitée que « le principe d'égal accès à l'instruction et l'exigence constitutionnelle de gratuité s'appliquent à l'enseignement supérieur public en ce qu'il a pour objet la préparation et la délivrance de diplômes nationaux et non celle des diplômes propres délivrés en application de l'article L. 613-2 du code de l'éducation »

6 Les diplômes d'établissement se distinguent des diplômes nationaux qui, en application de l'article

L. 613-1 du code de l'éducation, confèrent les grades et les titres universitaires et donnent les mêmes droits à tous leurs titulaires. Les diplômes d'université (DU), en particulier, ont souvent vocation à apporter une spécialisation dans le parcours des étudiants. Certains diplômes d'établissement reconnus par le MESR confèrent à leurs titulaires le grade de licence ou de master.

7 Transmis aux rapporteurs et non publié à ce jour.

Les frais ainsi mis à la charge des étudiants français sont sans lien avec le coût réel des formations. Selon le 18ème état de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en France (Eesri), publié le 11 juin 2025, la dépense annuelle moyenne de la collectivité nationale pour un étudiant à l'université était de 12 250 euros en 2023 1. Selon le rapport conjoint de l'IGF et de l'IGESR précité, les recettes perçues à ce titre par les établissements représentaient au total 500 millions d'euros en 2023, soit 2,7 % de leurs ressources.

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