Évolution du nombre de docteurs formés entre 2011 et 2020 en Chine, en Inde, aux États-Unis et en France

Source : Association nationale de la recherche et de la technologie (2023)

ï Cet état de fait est à mettre en lien avec le faible prestige du titre de docteur dans la société française. L'ANRT pointe à ce titre « la faible valeur perçue du doctorat par quasiment toute la société » : « si les familles rêvent encore que leurs enfants deviennent ingénieurs, peu les imaginent docteurs (on exclut évidemment ici le médecin). Immergés dans une technologie omniprésente, la grande majorité de nos concitoyens oublie qu'elle est le fruit d'une recherche patiente, de long terme ».

À ce défaut de reconnaissance répond la faible valorisation du doctorat dans la sphère professionnelle, l'excellence demeurant associée aux parcours en grandes écoles. Un rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) de 2021 a pointé la « persistance de représentations stéréotypées et parfois erronées » des entreprises sur le potentiel professionnel des doctorants, qui sont vus comme dépourvus de compétences opérationnelles. Le rapport Pommier-Lazarus a de la même façon souligné que, alors que 11% seulement des chercheurs en entreprise sont docteurs, « le doctorat souffre encore d'une trop faible valorisation sur le marché du travail, en particulier comparativement au diplôme d'ingénieur seul ».

(2) Le recrutement encore timide de docteurs dans la fonction publique

ï L'insertion des docteurs dans l'administration publique, et notamment dans la haute fonction publique, est quant à elle « peu visible et peu étudiée », selon les travaux du collectif Idea parus en octobre 2021 1 - qui indique par ailleurs qu'environ 15 % des jeunes docteurs rejoignent chaque année le secteur public hors académique, à la fois au sein de l'État, des collectivités et des hôpitaux, où exerceraient au total environ 18 000 titulaires du doctorat.

ï Plusieurs dispositifs ont cependant été mis en place, au cours de la période récente, pour favoriser l'emploi de personnes formées à la recherche dans l'administration, notamment :

- une voie d'accès spécifique à l'INSP pour les titulaires du doctorat. Créé en 2018 2, ce concours spécifique existe pour le moment à titre expérimental 3 jusqu'en 2026 ;

- les conventions de formation par la recherche en administration (Cofra). Pendant administratif des conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), elles ont été créées sous forme expérimentale par le MESR en 2022, dans le but de transformer l'action publique par la création de ponts entre la fonction publique et la recherche. Après qu'une trentaine de projets doctoraux portant sur des thématiques diverses 4 ont été lancés, leur pérennisation a été annoncée le 1er juillet 2025 par le ministre Philippe Baptiste ;

- la mise en place d'un parcours doctoral parmi les formations proposées par l'INSP, qui sera accessible aux élèves de la promotion 2025-2027, et vise notamment à accroître la « mobilisation de la science dans la conduite de l'action publique ».

Ces dispositifs présentent cependant de larges marges d'amélioration :

- les rapports du jury de l'INSP font état d'un défaut de calibrage du concours spécifique aux titulaires du doctorat, qui apparaît à la fois trop léger par le nombre de ses épreuves, et inadapté à la vérification de connaissances qui devront rapidement être mises en oeuvre par les lauréats dans le cadre de leurs stages. Plusieurs pistes d'évolution ont à cet égard été proposées par Alain Beretz, professeur de pharmacologie et président du jury des concours d'accès 2022 à l'INSP ;

1 Initiative docteurs et administrations, Recrutement et emploi des docteurs dans les administrations publiques, octobre 2021.

2 Décret n° 2018-793 du 14 septembre 2018 instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'Institut national du service public réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat.

3 Décret n° 2024-680 du 5 juillet 2024 reconduisant pour deux années le concours externe spécial d'entrée à l'Institut national du service public réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat.

4 Notamment la politique d'innovation agricole, la commande publique durable ou l'utilisation de l'IA pour le traitement de données sensibles.

- le rapport Pommier-Lazarus regrette que le déploiement des Cofra se trouve limité par les plafonds d'emploi des administrations, ou encore qu'il ne soit pas ouvert aux personnels titulaires qui souhaiteraient préparer un doctorat à temps partiel ;

- Le collectif Idea souligne que le recrutement de docteurs sur des postes de titulaires demeure extrêmement minoritaire du fait de la faiblesse du nombre de postes ouverts par les voies d'accès spécifique - les docteurs employés par l'État l'étant principalement sur des postes d'agents contractuels, sans bonification salariale adaptée.

ï De la faible présence des docteurs dans l'ensemble des sphères de décision, des conseils d'administration d'entreprise au gouvernement, en passant par la haute fonction publique, s'ensuit nécessairement une faible acculturation aux enjeux de ce qui fait la spécificité des établissements universitaires, c'est-à-dire leur activité de recherche.

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